3 février 2023

Vous ne désirez que moi (2021) de Claire Simon

Vous ne désirez que moiÀ Neauphle-le-Château au tout début des années 80, Yann Andréa, qui vit depuis deux ans avec l’écrivaine Marguerite Duras, raconte à une journaliste, voisine et amie, comment leur relation s’est établie et se poursuit…
Vous ne désirez que moi est un film français réalisé par Claire Simon. Il s’agit de l’adaptation de Je voudrais parler de Duras (Pauvert, 2016), un entretien inédit de Yann Andréa (décédé en 2014). Ce long monologue est très intéressant en soi, même s’il nous fait découvrir une facette peu reluisante de l’écrivaine. La relation qu’elle eut avec le jeune Yann Andréa (alors âgé d’à peine 30 ans, elle en avait presque 70) paraît en effet totalement déséquilibrée, reposant sur l’effacement de la personnalité du plus jeune. Marguerite Duras nous semble même monstrueuse (mais il faut tempérer ce jugement en se rappelant que le jeune homme est tout de même resté avec l’écrivaine pendant presque 15 ans après cet entretien, jusqu’à sa mort en 1996). Swann Arlaud fait une performance absolument remarquable, d’autant plus extraordinaire que Claire Simon a filmé les entretiens en longs plans-séquence. Emmanuelle Devos est en revanche bien plus fade, elle n’a cependant qu’une dizaine de lignes de texte. Les cadrages ne sont pas toujours bien adaptés et la réalisatrice a inséré quelques plans externes à l’entretien : si certains, ceux où l’on voit Duras par exemple, sont appropriés, de nombreux plans sont ce qu’il faut bien appeler du remplissage. Le film est donc bien plus intéressant par son contenu que par sa forme.
Elle: 3 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Swann Arlaud, Emmanuelle Devos, Christophe Paou, Philippe Minyana
Voir la fiche du film et la filmographie de Claire Simon sur le site IMDB.
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Vous ne désirez que moiSwann Arlaud dans Vous ne désirez que moi de Claire Simon.

19 juillet 2022

Suzanna Andler (2021) de Benoît Jacquot

Suzanna AndlerSuzanna Andler, une femme élégante d’une quarantaine d’années, est venue sur la Côte d’Azur pour louer une villa dans la perspective d’y passer l’été avec son amant, Michel Cayre…
Suzanna Andler est un film français de Benoît Jacquot, adapté de la pièce du même nom écrite par Marguerite Duras en 1968. Cette dernière l’avait librement adaptée en 1977 avec Baxter, Vera Baxter (1). Benoît Jacquot a été l’assistant de Marguerite Duras sur trois de ses films au début des années soixante dix (2),  et l’écrivaine lui avait proposé d’adapter Suzanna Andler au détour d’une conversation en 1994, peu de temps avant sa mort. Il lui avait promis de le faire. Il s’agit d’un portrait de femme avec peu de personnages (elle, son amant, une amie), où les dialogues ont toute leur importance. Il est certainement nécessaire de se remémorer le contexte de la fin des années soixante pour l’apprécier. Après des années où elle est restée dans l’ombre de son mari, Suzanna ressent soudain un grand souffle de liberté : elle n’a aucune contrainte matérielle, elle n’a que peu d’attaches, son mari la trompe constamment avec son consentement (forcé), elle a pris un amant. Mais elle ne sait quoi faire de cette liberté, quelle orientation donner à sa vie, et elle se retranche dans des mensonges : elle ment à son amant, elle ment à son amie. En revanche, la conversation au téléphone avec son mari est assez troublante car ils semblent tous les deux sincères et on mesure alors l’équilibre délicat qui s’est établi entre eux. Le personnage de Suzanna est insaisissable et toute la situation reste complexe, dans un état d’indécision. Il n’y a pas de réponse franche ni d’issue claire. Le texte est très beau et Benoît Jacquot réussit à créer une ambiance qui nous enveloppe avec des lents et longs mouvements de caméra et une utilisation parfaite des gros plans. Un envoutement. Si le film a été assez bien accueilli par la critique, on ne pourra en dire autant du public ! Certes, la forme peut rebuter (théâtre filmé, longs dialogues) mais Benoît Jacquot a réalisé une superbe adaptation et Charlotte Gainsbourg est remarquable.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Charlotte Gainsbourg, Niels Schneider, Julia Roy
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(1) Baxter, Vera Baxter de Marguerite Duras (1977), avec Delphine Seyrig et Gérard Depardieu
(2) Nathalie Granger (1972), La Femme du Gange (1973) et India Song (1974).

Suzanna AndlerNiels Schneider et Charlotte Gainsbourg dans Suzanna Andler de Benoît Jacquot.

4 septembre 2019

Moderato cantabile (1960) de Peter Brook

Moderato cantabileDans une ville portuaire des bords de la Gironde, Anne Desbaresdes a l’habitude d’assister aux cours de piano de son jeune fils. Pendant l’une d’elle, une femme est assassinée dans un café proche. C’est un crime passionnel. Cherchant à en savoir plus, elle fait la rencontre d’un ancien employé de l’usine de son mari…
Moderato cantabile est adapté du roman du même nom de Marguerite Duras paru en 1958, ouvrage parfois considéré comme faisant partie des œuvres les plus réussies du Nouveau Roman. L’auteure en a coécrit l’adaptation avec Gérard Jarlot. L’anglais Peter Brook reste ainsi très fidèle à l’œuvre et ne suit pas une trame narrative forte mais plutôt s’attache à créer une atmosphère. Les deux personnages cherchent l’amour mais en ont chacun une vision personnelle. Leurs rencontres sont en apparence banales mais elles sont marquées par un désir trouble. Très belle interprétation de Jeanne Moreau et du jeune Belmondo. Un film très sobre.
Elle: 3 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Jeanne Moreau, Jean-Paul Belmondo
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Remarques :
* Prix d’interprétation féminine au Festival de Cannes 1960 pour Jeanne Moreau (ex-aequo avec Mélina Mercouri pour Jamais le dimanche de Jules Dassin).
* Le film est souvent assimilé à la Nouvelle Vague.

Moderato cantabileJean-Paul Belmondo et Jeanne Moreau dans Moderato cantabile de Peter Brook.

15 octobre 2012

Une aussi longue absence (1961) de Henri Colpi

Une aussi longue absenceThérèse tient seule un bistrot de banlieue avec une jeune employée. Observant un vagabond qui passe tous les jours devant sa devanture, Thérèse croit reconnaître son mari, disparu quinze ans plus tôt pendant la guerre. L’homme est amnésique… Une aussi longue absence est le premier long métrage d’Henri Colpi, monteur réputé(1). Le scénario est cosigné par Marguerite Duras qui a écrit les dialogues. C’est un film sur la mémoire, sur l’incertitude, sur l’amour aussi, celui qui défie le temps. Colpi met cette histoire en images avec une certaine délicatesse et, à l’instar de Thérèse, il nous faut capter des bribes, nous avançons à petit pas, sans certitude. Le début du film exprime même une certaine vacuité et le film prend petit à petit de l’intensité pour devenir au final très émouvant. Loin de toute débauche de dialogues, Une aussi longue absence est un film très sobre.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Alida Valli, Georges Wilson, Charles Blavette
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Remarques :
* Palme d’or à Cannes en 1961 (ex-aequo avec Viridiana de Bunuel).
* La chanson « Trois petites notes de musique », écrite par Henri Colpi et Georges Delerue, est chantée par Cora Vaucaire. Elle a été reprise par Juliette Gréco et Yves Montand.

(1) Henri Colpi a été le monteur d’Alain Resnais notamment.