4 avril 2015

La Cible humaine (1950) de Henry King

Titre original : « The Gunfighter »

La cible humaineJimmy Ringo est connu pour être le tireur le plus rapide de l’Ouest mais cette réputation lui pèse. Constamment défié par de jeunes cowboys à la recherche de notoriété, il aspire maintenant à une vie plus calme et se rend dans la petite ville où se trouve la femme qu’il a aimée. Mais, comme partout où il se rend, son arrivée est loin de passer inaperçue et les ennuis arrivent vite… Basé sur une histoire d’André de Toth, The Gunfighter est un western assez peu traditionnel. Il n’y a que peu d’action dans ce portrait de héro fatigué. Du mythe, il nous montre le revers de la médaille. Le film se déroule quasiment en temps réel, presqu’en huis clos, deux points qui le rapprochent de High Noon (Le train sifflera trois fois) que Fred Zimmerman tournera deux ans plus tard. Henry King a tourné The Gunfighter avec une certaine simplicité et même une économie de moyens, sans musique. Gregory Peck y est affublé d’une moustache qui a, semble t-il, beaucoup dérouté à l’époque. Elle n’est pas très heureuse, il est vrai, mais lui attribuer l’échec commercial du film est certainement excessif. Celui-ci est certainement dû au manque d’action. The Gunfighter méritait mieux car c’est un film intéressant par son approche originale d’un des plus grands mythes de l’Ouest, celui du roi de la gâchette. Il est également, avec High Noon précédemment cité, l’un des premiers westerns à donner une grande place à la psychologie de ses personnages.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Gregory Peck, Helen Westcott, Millard Mitchell, Jean Parker, Karl Malden
Voir la fiche du film et la filmographie de Henry King sur le site IMDB.

The Gunfighter
Gregory Peck (et sa moustache) dans La Cible humaine d’Henry King

The Gunfighter
Gregory Peck, Karl Malden (à l’arrière plan) et Skip Homeier dans La Cible humaine d’Henry King

Remarques :
* Le film a été distribué sous plusieurs titres français : La cible humaine à sa sortie en France en 1952 puis L’Homme aux abois à sa ressortie en 1962. En Belgique, le titre fut L’Homme au revolver.

* Le personnage a bien existé, Johnny Ringo (1850-1882), un tueur hors-la-loi mort dans des conditions mystérieuses.

16 mars 2015

L’Adieu aux armes (1932) de Frank Borzage

Titre original : « A Farewell to Arms »

L'adieu aux armesPendant la Première Guerre mondiale, en Italie, un lieutenant-ambulancier rencontre une infirmière dans un hôpital. Ils tombent amoureux l’un de l’autre mais la guerre les sépare à nouveau… Dans sa version de 1932, L’Adieu aux armes est la première adaptation d’un roman d’Ernest Hemingway au cinéma (1). Pour Frank Borzage, c’est avant tout une histoire d’amour et Hemingway sera dépité face à tout le romanesque déployé. La guerre ne devient en effet qu’une simple toile de fond sur laquelle Borzage exprime les thèmes qui lui sont chers, à savoir que l’Amour est plus fort que tout, il est plus fort que la guerre, il est plus fort que le mort. Hemingway avait toutefois un peu tort car au-delà du romanesque, L’Adieu aux armes reste un grand film pacifique où la cruauté de la guerre est bien démontrée. Le film eut quelques soucis avec la censure mais l’homosexualité latente de l’ami chirurgien (merveilleusement interprété par Adolphe Menjou) et aussi celle de l’amie infirmière est bizarrement passée au travers. Le principal handicap du film se situe certainement au niveau du couple formé par Helen Hayes et Gary Cooper : il manque une certaine alchimie qui nous ferait vraiment croire à l’amour-passion…
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Helen Hayes, Gary Cooper, Adolphe Menjou
Voir la fiche du film et la filmographie de Frank Borzage sur le site IMDB.
A lire aussi : une présentation plus enthousiaste d’Olivier Bitoun sur DVDClassiks

Voir les autres films de Frank Borzage chroniqués sur ce blog…
Voir les livres sur Frank Borzage

L'Adieu aux armes (1932) de Frank Borzage
Gary Cooper, Adolphe Menjou, Mary Philips et Helen Hayes dans L’Adieu aux armes de Frank Borzage

Remarques :
* Le film a été distribué aux Etats-Unis avec deux fins différentes, laissées au choix des directeurs de salles : l’une triste conforme au roman, l’autre plus heureuse.
* Lors de la ressortie du film en 1938, pour se conformer au Code Hays alors en place, 12 minutes furent enlevées. Certaines sources parlent également d’une scène ajoutée afin de bien valider le mariage : un gros plan pour montrer l’échange des anneaux. Heureusement, la version originale fut conservée par David O. Selznick.
* A noter : plusieurs plans en caméra subjective lorsque Gary Cooper est emmené à l’hôpital.

* Remakes :
L’adieu aux armes (A Farewell to Arms) de Charles Vidor (1957) avec Rock Hudson et Jennifer Jones
et aussi :
Les Amants de l’enfer (Force of Arms) de Michael Curtiz (1951) avec William Holden et Nancy Olson, une transposition de l’histoire dans la Seconde Guerre mondiale (Hemingway n’étant pas crédité).

L'Adieu aux armes (1932) de Frank Borzage
Gary Cooper et Helen Hayes dans L’Adieu aux armes de Frank Borzage.

(1) Il faudra attendre 11 ans pour voir la seconde adaptation d’un roman d’Ernest Hemingway à l’écran : Pour qui sonne le glas (1943) de Sam Wood avec… Gary Cooper.

26 février 2015

La Vengeance du docteur Joyce (1947) de Lawrence Huntington

Titre original : « The Upturned Glass »

La vengeance du docteur JoycePour illustrer son cours de psychologie criminelle, un professeur d’université raconte le cas d’un meurtre commis par vengeance, par une personne qu’il dit parfaitement lucide et sain d’esprit, un neurochirurgien de talent … The Upturned Glass est le premier des quelques films britanniques produits par James Mason. Il en a écrit l’histoire avec sa femme Pamela qui joue l’un des rôles principaux (la belle-soeur Kate), une histoire qui s’inscrit dans cette veine psychanalytique de la seconde moitié des années quarante. Elle évoque notamment certains films d’Hitchcock comme Spellbound. La direction de Lawrence Huntington n’est pas spécialement remarquable. S’il n’est un pas un grand film, The Upturned Glass comporte plusieurs originalités qui le rende séduisant : la construction est assez particulière et c’est alors que l’on est persuadé de sa composition qu’elle se révèle tout autre ; le déroulement du scénario est parfait, avec une distanciation élégante ; la fin est inattendue, elle est du genre que l’on ne peut trouver dans les films hollywoodiens. Et, bien entendu, il y a la présence de James Mason dans un rôle qui lui va (on s’en doute puisqu’il l’a écrit) comme un gant. Peu répandu, The Upturned Glass est un film qui ne manque pas de charme.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: James Mason, Rosamund John, Pamela Mason
Voir la fiche du film et la filmographie de Lawrence Huntington sur le site IMDB.

Remarque :
* James Mason a signé le scénario sous le John Monaghan. Pamela Mason apparaît quant à elle sous le nom Pamela Kellino (le nom de son premier mari) qui était alors son nom de scène.

The Upturned Glass
James Mason dans The Upturned Glass (1947)

10 février 2015

Fanny (1932) de Marc Allégret

FannyParti au loin sur un grand voilier marchand, Marius a laissé désemparés son père César et surtout Fanny, toujours amoureuse de lui. Tous deux attendent avec impatience une lettre qui donnerait de ses nouvelles… Pressé de tous bords de donner une suite à Marius, Marcel Pagnol écrit Fanny, le monte au théâtre et le porte rapidement à l’écran. Paramount refuse de produire, arguant que « les suites au cinéma, cela ne marche jamais ». Pagnol s’associe donc avec Roger Richebé. Outre d’avoir Raimu sous contrat, le producteur marseillais était ami de Marc Allégret, réalisateur qui a la qualité précieuse de bien supporter les colères de Raimu. L’histoire de Fanny commence à la seconde-même où s’est terminé Marius et se poursuit sur presque trois années. Le texte de Pagnol est assez remarquable, donnant à Raimu un vrai grand rôle qu’il interprète sans effets inutiles, émouvant, toujours très juste même quand il donne l’impression de se laisser emporter. Du grand Raimu. Orane Demazis, injustement critiquée pour son jeu ou son accent approximatif, est bouleversante par son mélange de tendresse et de désespoir. Dans les quinze dernières minutes, ces deux acteurs font passer une émotion extrêmement forte, ils nous retournent le coeur. Tout comme Marius, Fanny se présente essentiellement comme du théâtre filmé mais cela ne gêne en rien sa force. Ce deuxième volet est bizarrement jugé par certains critiques comme étant le plus faible de la trilogie. Personnellement, je pencherais plutôt pour le contraire.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Raimu, Orane Demazis, Fernand Charpin, Pierre Fresnay
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Fanny (1932) de Marc Allégret
(de g. à dr.) Charpin, Alida Rouffe, Orane Demazis et Raimu dans Fanny de Marcel Pagnol.

Remarques :
* Deux autres versions, italienne et allemande, furent tournées ultérieurement :
Fanny de l’italien Mario Almirante (1933)
Der schwarze Walfisch de l’allemand Fritz Wendhausen (1934)

* La trilogie de Pagnol :
Marius d’Alexander Korda (1931)
Fanny de Marc Allégret (1932)
César de Marcel Pagnol (1936)

* Remakes :
Port of Seven Seas de James Whale (1938) avec Wallace Beery, Frank Morgan et Maureen O’Sullivan (inclut Marius et Fanny)
Fanny de Joshua Logan (1961) avec Leslie Caron, Maurice Chevalier et Charles Boyer, remake des trois films de la trilogie en un seul.
Fanny de Daniel Auteuil (2013) avec Daniel Auteuil et Victoire Bélézy.

23 janvier 2015

September (1987) de Woody Allen

SeptemberDans une maison de la Nouvelle Angleterre, Lane reçoit sa mère, ex-star de cinéma plutôt frivole, pour quelques jours de même que son amie Stephanie. Le voisin de Lane l’aime secrètement alors que Lane est amoureuse de Peter, un écrivain venu habiter quelques semaines dans sa maison pour parvenir à écrire au calme, mais Peter est attiré par Stephanie qui est mariée… Pour écrire September, Woody Allen dit avoir été inspiré par la maison de campagne de Mia Farrow, maison qu’il a reconstituée en studio. Il y place un drame aux accents tchékhoviens basé sur six personnages. Si September a souvent été rapproché d’Interiors (1978) pour son atmosphère bergmanienne, il n’a pas tout à fait la même profondeur. Le sujet principal est ici l’inaccessibilité de l’être aimé, les rares tentatives par Woody Allen d’élargir le propos restent limitées dans leur portée. Woody Allen marque certains contrastes : face à l’abnégation tourmentée de Lane, dont l’interprétation par Mia Farrow a parfois des inflexions christiques, la mère paraît particulièrement égoïste et superficielle (mais c’est leur seul personnage qui ressortira indemne). Il n’y a aucun plan d’extérieurs : tout le film se déroule dans la maison pour laquelle Carlo Di Palma a créé de beaux éclairages, parfois à la bougie (lors de la panne). September fut un très gros échec commercial pour Woody Allen.
Elle: 4 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Dianne Wiest, Mia Farrow, Elaine Stritch, Sam Waterston, Denholm Elliott, Jack Warden
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Remarques :
* Woody Allen avait tourné et monté une première version de September avec Maureen O’Sullivan dans le rôle de la mère, Charles Durning dans le rôle du voisin, et Christopher Walken, rapidement remplacé par Sam Shepard, dans le rôle de Peter. Peu satisfait du résultat (surtout de la prestation de Maureen O’Sullivan), Woody Allen a décidé de tout refaire. La première version a été détruite.

* Fait unique dans sa filmographie : 1987 est une année où Woody Allen a sorti deux longs métrages cinéma, September et Radio Days.

September de Woody Allen
Mia Farrow et Sam Waterston dans September de Woody Allen.

12 janvier 2015

Tabou (2012) de Miguel Gomes

Titre original : « Tabu »

TabouA Lisbonne, Aurora est une octogénaire excentrique que la raison semble quitter par moment. Elle vit là avec une bonne capverdienne un peu rude. Leur voisine est prise de compassion… Le portugais Miguel Gomes a coécrit et réalisé Tabou. Il est structuré en deux parties « Le Paradis perdu » et « Le Paradis ». La première partie déroute plutôt, austère et triste, un peu ennuyeuse il faut bien l’avouer… mais la seconde est bien plus enthousiasmante. Par sa forme tout d’abord : un beau noir et blanc 16 mm et le faux-muet (la seule voix est off, c’est celle du narrateur mais certains bruits ambiants peuvent être présents) qui donnent un caractère imaginaire, presque onirique, au récit. Par son histoire aussi, qui nous ramène en arrière en Afrique à une période juste antérieure aux guerres coloniales portugaises (soit la fin des années cinquante), la fin d’un monde où prend place le récit dramatique et épuré d’un amour impossible, d’un beau romantisme désuet. Cette seconde partie se situe en dehors des normes et n’en est que plus fascinante.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Teresa Madruga, Laura Soveral, Ana Moreira, Carloto Cotta
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Remarques :
* En débutant par « Autrefois, Aurora tenait une ferme en Afrique », le récit de la seconde partie nous fait inévitablement penser à Karen Blixen et Out of Africa.
* Miguel Gomes revendique l’influence de F.W. Murnau, notamment pour le titre du film (Tabou est le titre du dernier film de Murnau).
* Le (court) prologue semble un peu délicat à interpréter : nostalgie d’un imaginaire devenu suranné ? Il se situe en tous cas à une période encore antérieure, donnant l’impression d’être le premier volet d’un triptyque.

Tabou (2012) de Miguel Gomes

10 janvier 2015

Le vent (1982) de Souleymane Cissé

Titre original : « Finyè »

Le ventBah et Batrou sont camarades d’école secondaire. Ils ont des origines très différentes : lui est le fils d’un ancien chef traditionnel alors qu’elle est la fille du gouverneur militaire de la ville… Le vent est le troisième long métrage du réalisateur malien Souleymane Cissé, l’un des cinéastes africains majeurs. S’il s’agit du récit d’une révolte d’étudiants face au pouvoir militaire, la portée du film est plus large puisqu’il propose une vision sur la mutation des sociétés africaines, sur la rencontre entre une culture ancestrale et des valeurs de la société moderne (il s’agit plus d’une rencontre que d’une confrontation car l’une ne chasse pas l’autre). Cette rencontre est présente non seulement sur la question du pouvoir mais aussi dans le fonctionnement social :  la polygamie côtoie ainsi un début d’émancipation des femmes. La vision que Souleymane Cissé nous propose est globalement optimiste, montrant une grande confiance en l’avenir.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Fousseyni Sissoko, Goundo Guissé, Balla Moussa Keita, Ismaila Sarr
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Remarques :
* Le film a fait partie de la sélection Un certain regard à Cannes en 1982.
* « J’ai fait ce film quand les Maliens avaient cessé de croire en leur avenir pendant une période de tension politique et militaire. J’étais tellement confiant en l’avenir que j’ai fait Finyè et il a créé un grand engouement populaire car le film disait ce que les gens n’osaient dire. » (Souleymane Cissé à propos de Finyè)

Homonyme :
Le vent (The Wind) de Victor Sjöström (1928) avec Lillian Gish.

Le Vent de Souleymane Cissé

6 janvier 2015

Love (1969) de Ken Russell

Titre original : « Women in Love »

LoveDans une petite ville minière anglaise de 1920, deux soeurs nouent une relation avec deux amis, l’un est un inspecteur d’école à l’esprit libertaire, l’autre est le propriétaire d’une mine à l’esprit conservateur… Women in Love est le troisième film de Ken Russell. Le cinéaste anglais réalise une belle adaptation du roman de D.H. Lawrence en nous offrant ce subtil entrelacs d’esthétisme, de sexualité et de philosophie. C’est principalement une réflexion sur l’amour ; les quatre personnages principaux en ont une conception très différente : coté hommes, l’un ne désire aimer que par convention sociale, constatant l’absence d’alternative, l’autre ne veut se conformer à un modèle et se limiter à une simple relation (l’homosexualité, plus que latente, culmine dans une célèbre scène de combat des deux hommes nus, superbement éclairée et photographiée) ; côté femmes, si l’une n’aspire qu’à une relation amoureuse très traditionnelle et exclusive, l’autre recherche une relation plus riche et intellectuellement stimulante. Cette palette de caractères permet d’explorer les différentes formes de l’amour, ses limitations, son caractère souvent exclusif, avec en toile de fond le monde en pleine évolution des années folles, évolution présente autant sur le plan social que sur le plan des idées. Le propos est finalement très riche et Ken Russell le met en scène avec verve et flamboyance, avec un parti-pris esthétique bien inspiré, même si certaines scènes peuvent paraître un peu étirées.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Alan Bates, Oliver Reed, Glenda Jackson, Jennie Linden, Eleanor Bron
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Remarques :
* D.H. Lawrence a écrit Women in Love en 1920.
* Glenda Jackson a reçu un Oscar en 1971 pour son interprétation.

Women in Love (1969) de Ken Russell
Glenda Jackson et Oliver Reed dans Women in Love (1969) de Ken Russell

3 janvier 2015

Ville conquise (1940) de Anatole Litvak

Titre original : « City for Conquest »

Ville conquiseIssu du quartier populaire du Lower East Side à New York, Kenny est conducteur de camions de chantier mais aussi un brillant boxeur amateur. Depuis toujours, il est amoureux de Peggy qui rêve de devenir danseuse… Adapté d’un roman d’Aben Kandel, City for Conquest (improprement traduit par Ville conquise, le sens étant plutôt « ville de conquête ») est un mélodrame plutôt conventionnel sur la réussite et l’amour. Il n’y rien de vraiment remarquable si ce n’est l’interprétation pleine de sensibilité de James Cagney. Le film fut un grand succès à l’époque, aux Etats-Unis du moins où la critique fut unanime pour louer le talent de son acteur principal.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: James Cagney, Ann Sheridan, Frank Craven, Donald Crisp, Arthur Kennedy, Anthony Quinn
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Remarques :
* Elia Kazan apparait dans un petit rôle de gangster. Le futur réalisateur aura également un rôle l’année suivante dans un autre film de Litvak, Blues in the night (1941).
* Jean Negulesco a remplacé brièvement Anatole Litvak lorsque ce dernier dû être soigné pour une blessure à l’oeil.
* Dans son autobiographie Cagney by Cagney (Doubleday 1976), James Cagney dit avoir beaucoup donné pour le tournage de certaines scènes assez poétiques qui devaient donner au film toute sa personnalité. Quand il a vu le film fini, sa surprise fut grande de voir que toutes ces scènes avaient été coupées au montage, « ne laissant qu’un mélodrame banal ». Dépité, il a ressenti le besoin d’écrire une lettre d’excuse à l’auteur du roman.

 

City for Conquest
James Cagney (2e à d.) et Anthony Quinn (à d.) sont des rivaux dans la conquête du coeur d’Ann Sheridan (à g.) dans City for Conquest d’Anatole Litvak.

Elia Kazan dans City for Conquest d'Anatole Litvak
Elia Kazan interprète un gangster dans City for Conquest d’Anatole Litvak.

20 octobre 2014

L’Opinion publique (1923) de Charles Chaplin

Titre original : « A Woman of Paris: A Drama of Fate »

L'opinion publiqueDans un petit village de France, Marie Saint-Clair désire fuir un père tyrannique pour se rendre à Paris avec Jean, son fiancé. Ce dernier lui ayant fait faux bond, c’est seule qu’elle doit se chercher une nouvelle vie. Un an plus tard, elle mène une vie de courtisane mondaine…
Aspirant à plus de liberté créative que ne lui offrait son personnage de vagabond, Charles Chaplin écrit et réalise L’Opinion publique, son deuxième long métrage, un film assez atypique dans sa filmographie. C’est un film dramatique, dans lequel il n’apparait pas (1)(2), sans ressort comique (3). Il a tourné cette histoire de triangle amoureux quasi tchékhovien sans scénario formel et sa mise en scène est à la fois sobre, d’une simplicité limpide et assez moderne dans son approche. Le film est remarquable d’équilibre, l’intensité dramatique est forte, sans effet trop appuyé et surtout bien contrebalancée par la folle insouciance des personnages. Premier film de Chaplin pour les Artistes Associés dont il est l’un des quatre fondateurs, L’opinion publique fut un échec commercial, le public n’acceptant ce changement de registre et son absence à l’écran. Chaplin était en quelque sorte prisonnier de son personnage. Il ne renouvellera pas l’expérience. (film muet)
Elle: 3 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Edna Purviance, Carl Miller, Adolphe Menjou
Voir la fiche du film et la filmographie de Charles Chaplin sur le site IMDB.

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Remarques :
* Le premier titre prévu pour le film était Destiny, puis Public Opinion ce qui explique le titre français.

* Le film avait une préface qui éclaire bien la vision de Chaplin :
« L’humanité est composée, non de héros et de traitres, mais simplement d’hommes et de femmes. Et les passions qui les agitent, bonnes ou mauvaises, c’est la nature qui les leur a données. Ils errent dans l’aveuglement. L’ignorant condamne leurs fautes, le sage les prend en pitié. »
A propos de cette dernière phrase, on pourra remarquer que tout jugement moral est effectivement absent du film.

* La scène qui fut la plus remarquée est celle de l’arrivée du train en gare : le train n’apparait pas à l’image, nous ne voyons que les lumières des wagons (c’est un train de nuit) qui se déplacent sur le mur de la gare alors que la caméra reste centrée sur Edna Purviance qui s’apprête à monter dans le train. Cette façon de placer l’action hors champ était inhabituelle dans le cinéma de l’époque (et rappelons qu’il n’y a pas de bruitages de train non plus puisqu’il s’agit d’un film muet).

* Deux fins ont été tournées : celle que l’on connait (le croisement anonyme) destinée au public américain et une autre, moins morale, pour le public européen : Marie revient vers Pierre après le suicide de Jean.

* Dans l’esprit de Chaplin, A Woman of Paris devait donner un nouvel élan à la carrière d’Edna Purviance en lui ouvrant la possibilité de rôles dramatiques car lui-même ne désirait plus la faire apparaitre dans ses films. Ce ne fut pas le cas mais Chaplin ne l’abandonna pas pour autant car il continua à donner un salaire à l’actrice jusqu’à la fin de ses jours.

* En revanche, le film fut un tremplin pour la carrière d’Adolphe Menjou (américain de naissance, français par son père et irlandais par sa mère) et il continuera à exceller dans ces rôles de playboy mondain, hédoniste et jouisseur.

(1) En réalité, Chaplin apparaît à l’écran quelques secondes en porteur à la gare mais il est impossible de le reconnaitre.
(2) Il faudra attendre 1967 et La Comtesse de Hong Kong, son dernier film, pour voir un autre film de Chaplin dans lequel il ne joue pas.
(3) Au registre de l’humour, il faut quand même citer la scène où la femme jette son collier par la fenêtre pour montrer son détachement des choses matérielles à son amant… avant de se précipiter dans la rue pour l’arracher des mains d’un vagabond qui venait de le ramasser. Et, touche sublime, après quelques pas, elle fait demi-tour et revient donner une pièce au vagabond.

L'Opinion publique (A Woman of Paris: A Drama of Fate)Carl Miller et Edna Purviance dans L’Opinion publique (A Woman of Paris: A Drama of Fate) de Charles Chaplin.