24 octobre 2023

Vaincre ou mourir (2022) de Paul Mignot et Vincent Mottez

Vaincre ou mourirDans la France révolutionnaire, en 1793, François Athanase Charette de La Contrie se voit rappeler par des paysans en colère pour prendre le commandement de l’insurrection vendéenne. Sous le nom de Charrette, il devient alors un chef de guerre charismatique, défiant la République avec son armée de paysans…
Vaincre ou mourir est un film historique français produit par le parc Le Puy du Fou de Philippe de Villiers. Inévitablement, il est donc fortement teinté de propagande, ce qui lui enlève une bonne partie de sa pertinence historique. Mais ce n’est pas son idéologie sous-jacente qui dérange le plus, ce qui frappe dès les premières minutes est plutôt du côté de la forme : tout sonne faux dans cette copie maladroite de films hollywoodiens. Le jeu des acteurs est épouvantable, la musique prête à sourire, les dialogues sont très pauvres avec une voix-off explicative insistante, le montage sert surtout à masquer les faiblesses des scènes d’action. J’avoue avoir sauté de nombreux passages.
Elle:
Lui : 1 étoile

Acteurs : Hugo Becker, Francis Renaud, Grégory Fitoussi, Jean-Hugues Anglade
Voir la fiche du film et la filmographie de Paul Mignot & Vincent Mottez sur le site imdb.com.

Remarque :
Sur le site Allociné, la note des spectateurs est très suspecte : beaucoup trop de notes maximales par des comptes qui n’ont publié aucune autre critique. Wikipédia rapporte que « le jour de la sortie du film, dès sept heures du matin, la page du film sur Allociné était déjà inondée de plusieurs centaines d’avis favorables. » Visiblement, le site Allociné n’a pas mis en place de garde-fous contre ce type de manipulation.

Vaincre ou mourir de Paul Mignot & Vincent Mottez.

25 avril 2023

Jin-Roh: La Brigade des loups (1999) de Hiroyuki Okiura

Titre original : « Jin-Rô »

Jin-Roh: La Brigade des loups (Jin-Rô)Japon, fin des années 1950. Pour répondre à des émeutes de plus en plus violentes, le gouvernement a créé une police paramilitaire composée d’hommes en armure ; lourdement armés et dotés de lunettes spéciales, ils n’ont presque rien d’humain. Une nuit, lors d’une opération dans les égouts, le brigadier Kazuki Fuse, hésite à tuer une jeune fille porteuse d’une bombe qu’elle fait exploser devant lui…
Jin-Roh, la brigade des loups est un film d’animation japonais de science-fiction réalisé par Hiroyuki Okiura, scénarisé par Mamoru Oshii (le réalisateur de Ghost in the Shell). Il s’appuie sur l’univers de son Kerberos Panzer Cop, une série de mangas publiés entre 1988 et 2006 illustrés par plusieurs artistes. Mamoru Oshii l’avait déjà porté à l’écran par deux fois en personnages réels (1). Il s’agit d’un univers uchronique où le Japon vient d’être occupé par une armée dont les uniformes rappellent fortement ceux des soldats de l’Allemagne nazie. L’atmosphère est très noire. L’histoire est plutôt compliquée avec une symbolique un peu lourde, inspirée du Petit Chaperon rouge. Le réalisateur Okiura étant allergique aux ordinateurs, le film a entièrement été fait à la main de façon traditionnelle. L’animation est saccadée et imprécise. Mon avis, plutôt mitigé, n’est pas majoritaire : le film est généralement bien considéré.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs:
Voir la fiche du film et la filmographie de Hiroyuki Okiura sur le site IMDB.
Voir la fiche du film sur AlloCiné.

Voir les livres sur Mamoru Oshii

(1) The Red Spectacles de Mamoru Oshii (1987) et Stray Dogs de Mamoru Oshii (1991).

Jin-Roh: La Brigade des loups (Jin-Rô)Jin-Roh: La Brigade des loups (Jin-Rô) de Hiroyuki Okiura.

Jin-Roh: La Brigade des loups (Jin-Rô)Jin-Roh: La Brigade des loups (Jin-Rô) de Hiroyuki Okiura.

9 juin 2020

Le Train mongol (1929) de Ilya Trauberg

Titre original : « Goluboy ekspress »
Autre titre français : « L’Express bleu »

L'express bleu (Goluboy ekspress)En Chine, au milieu des années 1920, un train rapide emporte des voyageurs de conditions différentes : les occidentaux et militaires chinois sont en première classe alors que des chinois très pauvres, enrôlés pour servir de main d’œuvre servile dans les industries textiles lointaines, sont entassés en troisième classe dans de simples wagons sans siège. Les deux repris de justice qui les gardent tuent une jeune paysanne en tentant d’abuser d’elle. Les hommes vont se révolter et prendre le contrôle du train…
Le Train Mongol, ou L’Express bleu, est un film muet soviétique de 1929 qui a connu un certain succès dans sa version sonorisée sortie en 1931. C’est le premier film d’Ilya Trauberg, frère de Leonid Trauberg (1). Il a été deux ans plus tôt l’assistant d’Eisenstein sur Octobre. Le propos est assez classique du cinéma soviétique qui portait alors très haut les valeurs du socialisme triomphant (2), avec ce manichéisme que l’on retrouve si souvent dans les films de propagande. Les profiteurs sont clairement montrés du doigt : des occidentaux, notamment anglais, et des dignitaires chinois s’enrichissent alors que le peuple travaille dur pour ne gagner qu’une poignée de riz pour subsister. Mais l’unité de lieu le rend très particulier : tout se passe sur le quai de la gare puis dans le train lancé à grande vitesse que les insurgés vont remonter (le film est donc un lointain ancêtre du Snowpiercer de Bong Joon-ho). Mais le plus remarquable est dans sa forme. Le montage est virtuose, très travaillé, d’une grande vivacité ; à la manière d’Eisenstein dans Octobre, Ilya Trauberg insère de multiples plans très courts sur un objet qui fait office de métaphore (par exemple, les butoirs des wagons qui s’entrechoquent renforcent les images de combat) ou une image explicative pour remplacer un intertitre. Cette rapidité dans les ruptures de plans accroit la tension qui monte sans cesse, le film se terminant par de l’action pure, à l’instar des films d’action occidentaux. Un film étonnant à découvrir.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Sergei Minin, Yakov Gudkin, Ivan Savelyev
Voir la fiche du film et la filmographie de Ilya Trauberg sur le site IMDB.

Lire la présentation du film sur le site Perestroikino

Remarques :
* L’Express bleu (c’est le nom du train) est la traduction du titre original. Le titre Le Train mongol semble être apparu un peu plus tard.
* Ilya Trauberg a réalisé huit longs métrages entre 1929 et 1941. Le plus cité en dehors de celui-ci semble être Fils de Mongolie (1936).
* Le Train Mongol a été diffusé récemment sur Arte dans sa version restaurée par Lobster (intertitres refaits), mais il n’est pas pour l’instant sorti en DVD.

(1) Ilya Trauberg est le frère de Leonid Trauberg, réalisateur soviétique et co-fondateur du collectif d’avant-garde théâtral FEKS, La Fabrique de l’acteur excentrique, en 1921 alors qu’il avait 19 ans. Ce collectif s’étendit rapidement au cinéma où il tint un rôle important.
(2) Pour mieux situer le contexte : entre 1926 et 1930, Staline prend la succession de Lénine et s’installe au pouvoir après avoir supprimé toutes les oppositions.

L'express bleu (Goluboy ekspress)Chu Chai Wan dans L’Express bleu (Goluboy ekspress) de Ilya Trauberg.

17 avril 2019

Notre-Dame de Paris (1923) de Wallace Worsley

Titre original : « The Hunchback of Notre Dame »

Notre-Dame de ParisSous le règne de Louis XI, au XVe siècle, le parvis de Notre-Dame est une fois l’an le lieu principal de la Fête des Fous. Tous les regards sont tournés vers la danseuse Esméralda, y compris ceux de Quasimodo, être difforme et bossu qui vit dans les tours de Notre-Dame…
Avant le merveilleux Quasimodo (1939) de William Dieterle et le fade Notre-Dame de Paris (1956) de Jean Delannoy, ce film de l’américain Wallace Worsley fut la première grande adaptation du roman de Victor Hugo. Cette production initiée par Irvin Thalberg fut l’une des plus coûteuses de toute la décennie pour Universal. La cathédrale fut reproduite grandeur nature avec quelques rues adjacentes sur le terrain du studio et les vues du parvis grouillant de centaines de figurants prises depuis les tours sont impressionnantes. Mais le plus spectaculaire du film, on le doit à la personnification de Quasimodo par Lon Chaney. Le perfectionnisme quasi masochiste de l’acteur le poussa à concevoir un harnachement pesant plus de 35 kilos qu’il ne pouvait porter plus de quinze minutes d’affilée. Ses grimaces et expressions de souffrance ne sont donc pas toutes feintes (précisons que l’acteur créait lui-même ses maquillages et costumes). L’histoire est simplifiée et modifiée : le personnage de l’ecclésiastique Frollo en proie aux désirs de la chair posant toujours problème aux américains, c’est donc son frère qui hérite ici du mauvais rôle, ce qui facilite le placement d’un happy end. Le succès fut immédiat et Notre-Dame de Paris propulsa Lon Chaney au rang de superstar. (film muet)
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Lon Chaney, Patsy Ruth Miller, Norman Kerry, Ernest Torrence
Voir la fiche du film et la filmographie de Wallace Worsley sur le site IMDB.

Voir les autres films de Wallace Worsley chroniqués sur ce blog…

Remarques :
* La version initiale était sur 12 bobines (soit environ 120mn). La durée fut réduite peu après sa sortie à moins de 100 mn.
* La version 35mm étant perdue, les versions visibles aujourd’hui sont issues de copies 16mm. En outre, le film étant tombé dans le domaine public, les versions visibles aujourd’hui sont donc de qualités très variables. Une belle version est visible sur Youtube  (je ne suis pas certain toutefois que cette version, visiblement restaurée, soit dans le domaine public comme l’affirme celui qui l’a postée). Pour une version avec intertitres traduits en français, il faut mieux opter pour le DVD Arte.

Notre Dame de Paris
Lon Chaney et Patsy Ruth Miller dans Notre-Dame de Paris de Wallace Worsley.

Notre Dame de Paris

Adaptations du roman de Victor Hugo au cinéma :
1905 : La Esmeralda d’Alice Guy et Victorin Jasset (10 minutes)
1911 : Notre-Dame de Paris d’Albert Capellani (36 minutes)
1917 : The Darling of Paris de J. Gordon Edwards (60 min. env., film perdu)
1923 : Notre-Dame de Paris (The Hunchback of Notre Dame) de Wallace Worsley
1939 : Quasimodo (The Hunchback of Notre-Dame) de William Dieterle
1956 : Notre-Dame de Paris de Jean Delannoy
1996 : Le Bossu de Notre-Dame (The Hunchback of Notre Dame) de Walt Disney Company
1999 : Quasimodo d’El Paris de Patrick Timsit (comédie)

10 décembre 2016

La Conquête de la planète des singes (1972) de J. Lee Thompson

Titre original : « Conquest of the Planet of the Apes »

La Conquête de la planète des singesDans un avenir proche (1990), les singes ont remplacé les animaux domestiques décimés par un virus. Les hommes les éduquent de manière violente à accomplir diverses tâches. Elevé en secret, le fils de Zira et Cornélius est bouleversé du traitement infligé à ses semblables… Pas question de changer la recette : la Fox confie à nouveau l’écriture de ce quatrième opus à Paul Dehn qui, une fois de plus, ne cherche pas le vraisemblable. Il s’agit avant tout de faire de la révolte des singes (annoncée dans le film précédent) un spectacle. La nuance n’est pas non plus de mise : la société décrite est une dictature très caricaturale avec des policiers qui ressemblent à des nazis et un abominable gouverneur, fanatique de l’ordre. Roddy McDowall a pris goût à la série puisqu’il interprète maintenant César, le fils, après avoir interprété Cornelius, le père. Et c’est Natalie Trundy (qui interprétait déjà une mutante dans le 2e volet et le Docteur Branton dans le 3e) qui incarne sa compagne. Le budget a encore baissé et cela se sent dans la réalisation qui est assez sommaire.
Elle:
Lui : 1 étoile

Acteurs: Roddy McDowall, Don Murray, Natalie Trundy, Ricardo Montalban
Voir la fiche du film et la filmographie de J. Lee Thompson sur le site IMDB.

Remarque :
* Initialement, le gouverneur se faisait (assez logiquement) sauvagement massacrer par les singes. Après une projection-test où le public a mal réagi, la scène a été modifiée : le studio a fait réenregistrer un dialogue pacifique (un peu vaseux) à Roddy McDowall et un plan des gorilles frappant le gouverneur avec la crosse de leurs fusils a été inversé pour montrer qu’ils relevaient leur fusil, afin de l’épargner…

La Conquête de la planète des singes
Hari Rhodes (à gauche), Don Murray (au sol) et Roddy McDowall (à droite) dans La Conquête de la planète des singes de J. Lee Thompson.

Tous les films :
A) Cinq films de 1968 à 1973 :
La Planète des singes (Planet of the Apes) (1968) de Franklin J. Schaffner
Le Secret de la planète des singes (Beneath the Planet of the Apes) (1970) de Ted Post
Les Évadés de la planète des singes (Escape From the Planet of the Apes) (1971) de Don Taylor
La Conquête de la planète des singes (Conquest of the Planet of the Apes) (1972) de J. Lee Thompson
La Bataille de la planète des singes (Battle for the Planet of the Apes) (1973) de J. Lee Thompson.

B) Nouvelle adaptation du roman :
La Planète des singes (Planet of the Apes) (2001) de Tim Burton.

C) Série « Reboot » :
La Planète des singes : Les Origines (Rise of the Planet of the Apes) (2011) de Rupert Wyatt
La Planète des singes : L’Affrontement (Dawn of the Planet of the Apes) (2014) de Matt Reeves
La Planète des singes : Suprématie (War for the Planet of the Apes) (2017) de Matt Reeves.

3 novembre 2015

Volga en flammes (1934) de Viktor Tourjansky

Volga en flammesDans la Russie tzariste du XIXe siècle, le jeune lieutenant Orloff est nommé dans une lointaine garnison sur les bords de la Volga. En route, il sauve la vie d’un homme lors d’une tempête de neige. Arrivé à destination, il tombe instantanément amoureux de la fille du colonel, ce qui lui vaut l’inimitié durable du lieutenant Schalin, son ancien prétendant. Mais une menace bien plus importante pèse sur la garnison… Avec la vogue de l’exotisme dans le cinéma des années trente, il était logique que Victor Tourjansky, l’un des pionniers du cinéma russe venu se réfugier en France à la Révolution, réalise quelques films nous plongeant au coeur de la Russie. Il a effectivement tous les atouts pour bien en restituer toute l’atmosphère. Il adapte en premier la célèbre nouvelle de Pouchkine, La Fille du Capitaine, assez fidèlement même si le déroulement du scénario paraît quelque peu perfectible. De belles scènes d’extérieurs dans la neige, les chants mélancoliques donnent effectivement une belle atmosphère très russe (du moins à nos yeux d’occidentaux). Les acteurs principaux français sont nettement moins crédibles mais font une adéquate prestation. Danielle Darrieux (à 17 ans, déjà dans son septième film) est encore assez insignifiante ; elle n’a pas cette présence à l’écran qu’elle saura développer ensuite. Volga en flammes était un film assez rare mais a été récemment brillamment restauré.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Albert Préjean, Valéry Inkijinoff, Danielle Darrieux, Raymond Rouleau, Henri Marchand
Voir la fiche du film et la filmographie de Viktor Tourjansky sur le site IMDB.

Volga en flammes
La scène d’ouverture de Volga en flammes de Viktor Tourjansky.

Volga en flammes
Danielle Darrieux et Albert Préjean dans Volga en flammes de Viktor Tourjansky.

1 octobre 2015

Snowpiercer – le Transperceneige (2013) de Bong Joon-ho

Titre original : « Snowpiercer »

Snowpiercer - le transperceneigeEn répandant un gaz pour stopper le réchauffement climatique, l’homme a provoqué un nouvel âge glaciaire qui a éradiqué toute vie sur Terre. Seuls subsistent un petit millier de personnes dans un train gigantesque condamné à tourner autour de la Terre sans s’arrêter, et dans lequel une hiérarchie de classes s’est formée : alors qu’à l’avant, une minorité vit dans l’aisance, des centaines de gens sont entassés à l’arrière dans une misère extrême… Snowpiercer est l’adaptation de la bande dessinée française Le Transperceneige de Jean-Marc Rochette, Benjamin Legrand et Jacques Lob, parue en 1984. Il ne faut surtout pas chercher de vraisemblance dans cette histoire post-apocalyptique, les incohérences sont légion. Il faut plutôt la prendre comme une fable : le lieu restreint permet de créer un microcosme où les différences entre classes sociales sont poussées à l’extrême et où une révolte offre de nombreuses possibilités de scènes d’action (car le film regorge d’action et le sang coule abondamment). La métaphore reste assez grossière, le meilleur se situe certainement dans les décors : les extérieurs avec les villes saisis par le froid sont hélas trop rares mais à l’intérieur, chaque wagon traversé révèle un décor totalement différent et certains (l’aquarium par exemple) sont féériques. Le réalisateur coréen Joon-ho Bong n’a pas cherché à rendre les décors vraisemblables, il a gardé un esprit « bande dessinée ». Ce parti-pris lui permet également d’avoir une entière liberté dans les scènes : si la plupart des wagons sont simplement traversés et que d’autres ne sont que le théâtre d’interminables scènes d’action, quelques-uns offrent une scène inattendue : celle de l’école est une petite merveille. Malgré une diffusion plutôt limitée, Snowpiercer a été généralement très bien accueilli par la critique et le public. Il a le mérite d’être particulièrement original.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Chris Evans, Song Kang-ho, Ed Harris, John Hurt, Tilda Swinton, Jamie Bell
Voir la fiche du film et la filmographie de Bong Joon-ho sur le site IMDB.
Voir la fiche du film sur AlloCiné.

Voir les autres films de Bong Joon-ho chroniqués sur ce blog…

Snowpiercer
Chris Evans et Song Kang-ho dans Snowpiercer – le Transperceneige de Bong Joon Ho.

10 janvier 2015

Le vent (1982) de Souleymane Cissé

Titre original : « Finyè »

Le ventBah et Batrou sont camarades d’école secondaire. Ils ont des origines très différentes : lui est le fils d’un ancien chef traditionnel alors qu’elle est la fille du gouverneur militaire de la ville… Le vent est le troisième long métrage du réalisateur malien Souleymane Cissé, l’un des cinéastes africains majeurs. S’il s’agit du récit d’une révolte d’étudiants face au pouvoir militaire, la portée du film est plus large puisqu’il propose une vision sur la mutation des sociétés africaines, sur la rencontre entre une culture ancestrale et des valeurs de la société moderne (il s’agit plus d’une rencontre que d’une confrontation car l’une ne chasse pas l’autre). Cette rencontre est présente non seulement sur la question du pouvoir mais aussi dans le fonctionnement social :  la polygamie côtoie ainsi un début d’émancipation des femmes. La vision que Souleymane Cissé nous propose est globalement optimiste, montrant une grande confiance en l’avenir.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Fousseyni Sissoko, Goundo Guissé, Balla Moussa Keita, Ismaila Sarr
Voir la fiche du film et la filmographie de Souleymane Cissé sur le site IMDB.
Voir les autres films de Souleymane Cissé chroniqués sur ce blog…

Voir les livres sur le cinéma africain

Remarques :
* Le film a fait partie de la sélection Un certain regard à Cannes en 1982.
* « J’ai fait ce film quand les Maliens avaient cessé de croire en leur avenir pendant une période de tension politique et militaire. J’étais tellement confiant en l’avenir que j’ai fait Finyè et il a créé un grand engouement populaire car le film disait ce que les gens n’osaient dire. » (Souleymane Cissé à propos de Finyè)

Homonyme :
Le vent (The Wind) de Victor Sjöström (1928) avec Lillian Gish.

Le Vent de Souleymane Cissé

23 mai 2013

Promenade avec l’amour et la mort (1969) de John Huston

Titre original : « A Walk with Love and Death »

Promenade avec l'amour et la mortDans la France du XIVe siècle, pendant la guerre de Cent Ans, un jeune étudiant épris de liberté et de poésie quitte Paris pour aller voir la mer. En chemin, il rencontre la mort, omniprésente, mais aussi une jeune fille noble dont il s’éprend… Dans ses mémoires, John Huston affirme n’avoir tourné Promenade avec l’amour et la mort que pour donner à sa fille de 16 ans, Anjelica, un premier rôle et en faire une actrice. C’est un autre jeune débutant qui lui fait face, Assi Dayan, qui n’est autre que le fils de Moshe Dayan (1). Loin du modèle hollywoodien des films historiques, le film de Huston est une réflexion sur l’amour et la liberté. Il est finalement assez marqué par l’époque de son tournage, c’est-à-dire le mouvement hippie et Mai 68 : ces deux êtres purs cherchent à combattre la désolation de la guerre par l’amour, ils aspirent à une vie où ils pourront choisir leur destin sans entrave ni règle de caste. C’est une vision assez originale de cette partie de l’Histoire, plus souvent utilisée pour son côté épique. Assez dépouillé, le film utilise largement les décors naturels. Promenade avec l’amour et la mort n’eut que peu de succès. Pourtant, il ne manque pas d’attrait.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Anjelica Huston, Assi Dayan, Anthony Higgins
Voir la fiche du film et la filmographie de John Huston sur le site IMDB.

Voir les autres films de John Huston chroniqués sur ce blog…

Remarques :
* Ecrit par Dale Wasserman, le scénario de Promenade avec l’amour et la mort est l’adaptation d’un roman de Hans Koningsberger.
Burg Lichtenstein * Le tournage ne put se dérouler en France comme prévu du fait de Mai 68 et de ses revendications salariales, incompatibles avec le budget du film. Le choix se porta alors sur la Tchécoslovaquie mais l’invasion soviétique (fin du Printemps de Prague) empêcha le projet d’aboutir. Le tournage se déroulera finalement en Autriche. Le château à la superbe silhouette élancée est le Burg Lichtenstein (qui, malgré son nom, n’est pas au Liechtenstein, mais dans la ville Maria Enzersdorf, non loin de Vienne).
* Certains costumes, notamment la robe d’Angelica Huston, ont été dessinés par Leonor Fini, la célèbre artiste peintre surréaliste. La musique médiévale a été composée par Georges Delerue.

(1) Moshe Dayan est alors le Ministre de la Défense israélien, bien connu du monde entier pour son rôle prépondérant pendant la guerre des Six Jours. Assi Dayan était alors en rupture avec sa famille et son milieu. Il reviendra ensuite en Israël pour y faire une carrière d’acteur, réalisateur et producteur.

19 février 2013

Eijanaika (1981) de Shôhei Imamura

EijanaikaEn 1866 au Japon, le paysan Genji revient dans son village après une longue absence et découvre que sa femme a été vendue. Il part à sa recherche dans le quartier des plaisirs d’Edo (aujourd’hui Tokyo). Le Japon est alors dans une période troublée, à la veille d’un changement d’ère ; les fiefs de Satsuma et de Choshu complotent tous deux pour renverser le shogunat et agissent pour que le peuple des quartiers populaires et les paysans se révoltent… C’est grâce au grand succès de La vengeance est à moi que Shôhei Imamura a pu réaliser Eijanaika, une grande et coûteuse fresque historique qui se penche sur la fin de l’époque d’Edo, la fin des shoguns et des samouraïs (1). Imamura s’intéresse plus aux groupes qu’à des individus en particulier : le personnage principal n’est ni Genji, ni sa femme, mais plutôt le peuple de ce quartier populaire. Ainsi le film est un entrelacs de plusieurs petites histoires personnelles sur fond de grande histoire (le soulèvement populaire), ce qui le rend assez touffu dans ses apparences. Il y a beaucoup de complots, de manipulations, d’agissements par personne interposée et la situation est rendue encore plus complexe par le fait que certains agissent simultanément pour des parties opposées. Il est probablement impossible, surtout pour un spectateur occidental, de tout saisir avec une seule vision mais il suffit de se laisser porter la très grande vitalité du film. Eijanaika est en effet un film porteur d’une grande ardeur de vivre, de vigueur et de mouvement. Imamura réussit même à placer de bonnes doses d’humour ce qui est assez remarquable. Le fond de son propos est de montrer comment les couches les plus populaires de la société sont utilisées par les classes dirigeantes dans leurs luttes de pouvoir, organisant des soulèvements pour mieux les réprimer dès que la situation risque de devenir incontrôlable. La mise en scène est parfaitement maitrisée et les quelque 2h30 de film passent rapidement. Handicapé par la richesse de son scénario, Eijanaika n’a pas eu le succès qu’il mérite, ni au Japon, ni en Europe où il fut très peu distribué. C’est pourtant un film superbe.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Kaori Momoi, Shigeru Izumiya, Ken Ogata, Shigeru Tsuyuguchi, Masao Kusakari
Voir la fiche du film et la filmographie de Shôhei Imamura sur le site IMDB.

Voir les autres films de Shôhei Imamura chroniqués sur ce blog…

Remarque :
« Eijanaika » signifie « pourquoi pas », c’est le mot scandé lors de cette révolte.

(1) En 1867 débutera l’ère Meiji qui verra le Japon s’ouvrir vers le monde extérieur et se moderniser. Meiji sera l’empereur du Japon de 1867 jusqu’à sa mort en 1912.