7 août 2017

La Belle Équipe (1936) de Julien Duvivier

La Belle équipeCinq amis, ouvriers au chômage et ayant bien du mal à joindre les deux bouts, gagnent à la loterie. Pour rester ensemble, ils décident d’acheter un lavoir délabré sur les bords de Marne pour en faire une guinguette… Dans l’histoire du cinéma, peu de films sont plus dans l’esprit de leur temps que La Belle Équipe. Le film est presque devenu le symbole du Front Populaire. Il n’a pourtant aucun contenu politique et les intentions de cette belle équipe sont plutôt de « se la couler pépère » mais il met en avant l’idée que l’entraide et l’union peuvent permettre de se bâtir un avenir joyeux. Plus que tout autre, c’est le film qui a mis en place le mythe Gabin avec cette image de prolétaire au grand cœur et doté d’une certaine noblesse. Sans appuyer son jeu, d’une manière naturelle, il a une présence inouïe à l’écran, tous les autres acteurs paraissant plus fades à côté de lui. Le film fut aussi un tremplin pour Viviane Romance dans son rôle de femme vénale (comme souvent chez Duvivier, les femmes apportent le malheur : involontairement pour l’une, volontairement pour l’autre…) La Belle Équipe est indéniablement l’un des plus beaux représentants de ce « réalisme poétique » des années trente en France.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Jean Gabin, Charles Vanel, Raymond Aimos, Viviane Romance, Fernand Charpin
Voir la fiche du film et la filmographie de Julien Duvivier sur le site IMDB.

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Remarques :
* La légende veut que Renoir ait proposé à Duvivier d’échanger les projets de La Grande Illusion (également écrit par Spaak) et de La Belle Équipe.
* La fin ne plût guère aux producteurs qui forcèrent Duvivier à tourner une fin heureuse. Les projections-tests montrèrent que le public préférait largement cette fin heureuse. Ce n’est qu’en 1966 que la fin pessimiste fut montrée à la télévision mais les Editions René Château continuèrent à exploiter une version avec la fin heureuse en vidéo. Il faudra attendre 2016 pour que, sur l’insistance du fils de Duvivier et de l’épouse de Charles Spaak, un DVD sorte enfin avec la fin voulue par le réalisateur.
* L’affiche du film a posé problème car Charles Vanel voulait la mention « Jean Gabin et Charles Vanel dans… ». N’ayant pas réussi à avoir gain de cause, il ne reparlera plus jamais à Duvivier.
* En francs constants, 100 000 francs de 1936 sont équivalents à 60 000 euros d’aujourd’hui.

La belle équipe
Raymond Aimos, Jean Gabin, Charles Vanel et Charles Dorat dans La Belle Équipe de Julien Duvivier.

La belle équipe
Jean Gabin et Viviane Romance dans La Belle Équipe de Julien Duvivier.

La belle équipe

11 octobre 2015

Chotard et Cie (1933) de Jean Renoir

Chotard et CieMonsieur Chotard (Fernand Charpin) est à la tête d’un commerce prospère d’alimentation et de nombreux employés. Sa fille a deux prétendants qui ne lui plaisent guère : un adjudant de gendarmerie et un poète sans le sou. Ce dernier ayant été vu seul avec sa fille lors d’un bal costumé, il est contraint de l’accepter comme gendre… Film assez rare de Jean Renoir, Chotard et Cie est tiré d’une pièce de Roger Ferdinand, qui en a écrit lui-même l’adaptation. Il s’agit d’une satire d’une certaine bourgeoisie étriquée qui rejette les artistes mais change totalement d’attitude s’ils parviennent à la célébrité. C’est assez maladroit et platement écrit. Sans surprise, Charpin fait un beau numéro dans son personnage de bourgeois ignare et tyrannique, engoncé dans ses principes, il nous gratifie de répliques savoureuses. Hélas, face à lui, Georges Pomiès est bien terne en poète lunaire, il ne fait que mettre en évidence l’aspect caricatural du propos, et Jeanne Boitel n’a aucune consistance. Chotard et Cie est semble t-il un film de commande, ce qui expliquerait que Renoir se soit finalement peu investi.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Jeanne Boitel, Fernand Charpin, Georges Pomiès
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Chotard et Cie
Fernand Charpin et Jeanne Boitel dans Chotard et Cie de Jean Renoir

 

12 février 2015

César (1936) de Marcel Pagnol

CésarVingt ans ont passé. Panisse est sur le point de mourir. César est parti chercher le curé pour le confesser. Fanny et son fils Césariot, qui suit de brillantes études, arrivent de la gare. Panisse refuse de dire la vérité à son fils, c’est Fanny qui devra le faire… Troisième volet de la trilogie débutée avec Marius et Fanny, César est le seul à avoir été écrit directement pour le cinéma. Et, cette fois, Marcel Pagnol le dirige lui-même mais, hélas, sans montrer toutes les qualités que l’on pouvait attendre de lui. Certaines scènes, qui devraient être fortes (comme par exemple celle ou Fanny révèle à son fils la vérité), se révèlent finalement bien plates et la grande explication finale de la famille reconstituée apparaît bien maladroite. Le jeu des acteurs est plus retenu et André Fouché a bien du mal à donner une dimension à Césariot qui constitue le point faible du film au lieu d’en être le pivot. Mais le film a l’avantage de clore toute l’histoire, de refermer les plaies laissées ouvertes, de satisfaire l’envie des spectateurs de voir une fin heureuse.
Elle: 3 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Raimu, Pierre Fresnay, Fernand Charpin, Orane Demazis, André Fouché
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César de Marcel Pagnol
André Fouché, Orane Demazis et Charpin dans César de Marcel Pagnol (1936).

Remarques :
* Il existe deux versions de César : une version de 165 minutes exploitée à sa sortie et une de 135 minutes exploitée à partir de 1946. C’est cette dernière que l’on connait aujourd’hui (une copie de la première existe à la Cinémathèque de Toulouse). La seconde version est non seulement écourtée mais contient en outre 20 minutes de séquences qui ne figuraient pas dans la première (essentiellement des scènes se situant avant la mort de Panisse). Les quelque 50 minutes non reprises concernent des scènes qui approfondissent le personnage de Césariot.

* La trilogie de Pagnol :
Marius d’Alexander Korda (1931)
Fanny de Marc Allégret (1932)
César de Marcel Pagnol (1936)

* Remakes :
Fanny de Joshua Logan (1961) avec Leslie Caron, Maurice Chevalier et Charles Boyer, remake des trois films de la trilogie en un seul.
César de Daniel Auteuil (2016 ?), film annoncé.

10 février 2015

Fanny (1932) de Marc Allégret

FannyParti au loin sur un grand voilier marchand, Marius a laissé désemparés son père César et surtout Fanny, toujours amoureuse de lui. Tous deux attendent avec impatience une lettre qui donnerait de ses nouvelles… Pressé de tous bords de donner une suite à Marius, Marcel Pagnol écrit Fanny, le monte au théâtre et le porte rapidement à l’écran. Paramount refuse de produire, arguant que « les suites au cinéma, cela ne marche jamais ». Pagnol s’associe donc avec Roger Richebé. Outre d’avoir Raimu sous contrat, le producteur marseillais était ami de Marc Allégret, réalisateur qui a la qualité précieuse de bien supporter les colères de Raimu. L’histoire de Fanny commence à la seconde-même où s’est terminé Marius et se poursuit sur presque trois années. Le texte de Pagnol est assez remarquable, donnant à Raimu un vrai grand rôle qu’il interprète sans effets inutiles, émouvant, toujours très juste même quand il donne l’impression de se laisser emporter. Du grand Raimu. Orane Demazis, injustement critiquée pour son jeu ou son accent approximatif, est bouleversante par son mélange de tendresse et de désespoir. Dans les quinze dernières minutes, ces deux acteurs font passer une émotion extrêmement forte, ils nous retournent le coeur. Tout comme Marius, Fanny se présente essentiellement comme du théâtre filmé mais cela ne gêne en rien sa force. Ce deuxième volet est bizarrement jugé par certains critiques comme étant le plus faible de la trilogie. Personnellement, je pencherais plutôt pour le contraire.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Raimu, Orane Demazis, Fernand Charpin, Pierre Fresnay
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Fanny (1932) de Marc Allégret
(de g. à dr.) Charpin, Alida Rouffe, Orane Demazis et Raimu dans Fanny de Marcel Pagnol.

Remarques :
* Deux autres versions, italienne et allemande, furent tournées ultérieurement :
Fanny de l’italien Mario Almirante (1933)
Der schwarze Walfisch de l’allemand Fritz Wendhausen (1934)

* La trilogie de Pagnol :
Marius d’Alexander Korda (1931)
Fanny de Marc Allégret (1932)
César de Marcel Pagnol (1936)

* Remakes :
Port of Seven Seas de James Whale (1938) avec Wallace Beery, Frank Morgan et Maureen O’Sullivan (inclut Marius et Fanny)
Fanny de Joshua Logan (1961) avec Leslie Caron, Maurice Chevalier et Charles Boyer, remake des trois films de la trilogie en un seul.
Fanny de Daniel Auteuil (2013) avec Daniel Auteuil et Victoire Bélézy.

9 février 2015

Marius (1931) de Alexander Korda

MariusCésar tient le Bar de la Marine sur le Vieux-Port de Marseille. Il est aidé par son fils Marius qui rêve de partir sur l’un de ces grands voiliers qu’il voit partir pour des destinations lointaines aux noms exotiques. Son amie d’enfance Fanny, la fille de la poissonnière, est depuis toujours amoureuse de lui. Elle tente de provoquer sa jalousie en feignant d’accepter les avances du riche Panisse… Marius est le premier volet de la célèbre « trilogie de Pagnol » qui fait presque partie de notre patrimoine national. C’est à l’origine une pièce qui connut un très grand succès sur les planches dès 1929 et Marcel Pagnol, après avoir vu un film parlant à Londres, voulut le porter à l’écran voyant dans le parlant un vecteur idéal pour ses pièces. Tout le monde n’eut pas sa clairvoyance et il se heurta tout d’abord à l’hostilité générale. Le réalisateur hongrois (récemment émigré à Londres) Alexander Korda le tournera sous son contrôle total avec les mêmes acteurs que ceux de la pièce. Les envolées verbales avec force gestes de Raimu et Charpin sont inoubliables et c’est toujours un plaisir de revoir ce film même si, sur le plan cinématographique pur, c’est essentiellement du théâtre filmé.
Elle: 5 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Raimu, Pierre Fresnay, Fernand Charpin, Orane Demazis
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Marius de Marcel Pagnol
Raimu et Pierre Fresnay dans Marius de Marcel Pagnol.

Remarques :
* La célébrissime partie de cartes avait été enlevée de la pièce par Pagnol qui la jugeait finalement trop vulgaire. Ce sont les acteurs eux-mêmes qui l’ont convaincu de la garder.
* Le choix de Pierre Fresnay pour interpréter un fils de la Canebière n’était pas évident : l’acteur est alsacien…
* Deux autres versions, allemande et suédoise, furent tournées en même temps que la française (avec d’autres acteurs et sans intervention de Pagnol) mais n’eurent aucun succès :
Zum goldenen Anker d’Alexander Korda (1931)
Längtan till havet d’Alexandre Korda et John W. Brunius (1931)

* La trilogie de Pagnol :
Marius d’Alexander Korda (1931)
Fanny de Marc Allégret (1932)
César de Marcel Pagnol (1936)

* Remakes :
Port of Seven Seas de James Whale (1938) avec Wallace Beery, Frank Morgan et Maureen O’Sullivan.
Fanny de Joshua Logan (1961) avec Leslie Caron, Maurice Chevalier et Charles Boyer, remake des trois films de la trilogie en un seul.
Marius de Daniel Auteuil (2013) avec Daniel Auteuil et Raphaël Personnaz

19 novembre 2013

Pépé le Moko (1937) de Julien Duvivier

Pépé le MokoLe gangster Pépé le Moko s’est réfugié dans la casbah d’Alger. Séducteur, il a su mettre la population de son côté et la police ne peut aller le dénicher dans ce dédale de maisons et de ruelles étroites. Mais l’inspecteur Slimane s’est juré d’avoir sa peau… Adaptation d’un roman d’Henri La Barthe avec des dialogues d’Henri Jeanson, Pépé le Moko fait partie des perles du cinéma français d’avant-guerre. Non sans un certain exotisme, il nous plonge littéralement dans la casbah, le film débutant par une habile description presque documentaire des lieux. L’histoire en elle-même a cette simplicité que l’on retrouve si souvent dans les récits les plus puissants. Ce sont ses personnages qui lui donnent cette force, avec en tout premier celui de ce gangster au coeur tendre, Pépé le Moko admirablement interprété par Jean Gabin qui sait donner vie à ce subtil mélange de dureté et de fragilité. Face à lui, Mireille Balin est superbement belle et tous les seconds rôles sont remarquablement bien tenus, des personnages certes typés mais magnifiés par les dialogues d’Henri Jeanson. Pépé le Moko fait partie des mythes du cinéma français. Il le mérite.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Jean Gabin, Mireille Balin, Lucas Gridoux, Line Noro, Gabriel Gabrio, Saturnin Fabre, Fernand Charpin, Marcel Dalio
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Remarques :
* Henri La Barthe est un ancien fonctionnaire de police qui a écrit sous les pseudonymes Roger d’Ashelbé, Détective Ashelbé ou Ashelbé tout court, variation phonétique autour de ses initiales HLB. Un autre de ses romans a été porté l’écran : Dédée d’Anvers d’Yves Allégret (1948).
* Marcel Dalio raconte dans ses mémoires que le rôle de l’Inspecteur Slimane lui été réservé, Henri Jeanson ayant écrit les dialogues dans cet esprit. N’ayant pu se libérer d’un autre tournage, il dut laisser la place à Lucas Gridoux. Il raconte aussi à quel point il était, en tant que jeune acteur, très impressionné de tourner face à Gabin qui l’aida à se détendre.

2 remakes américains :
Casbah (Algiers) de John Cromwell (1938) avec Charles Boyer et Hedy Lamarr
Casbah de John Berry (1948) avec Tony Martin, Yvonne De Carlo et Peter Lorre
1 satire italienne :
Totò le Moko de Carlo Bragaglia (1949) avec Totò