15 octobre 2012

Une aussi longue absence (1961) de Henri Colpi

Une aussi longue absenceThérèse tient seule un bistrot de banlieue avec une jeune employée. Observant un vagabond qui passe tous les jours devant sa devanture, Thérèse croit reconnaître son mari, disparu quinze ans plus tôt pendant la guerre. L’homme est amnésique… Une aussi longue absence est le premier long métrage d’Henri Colpi, monteur réputé(1). Le scénario est cosigné par Marguerite Duras qui a écrit les dialogues. C’est un film sur la mémoire, sur l’incertitude, sur l’amour aussi, celui qui défie le temps. Colpi met cette histoire en images avec une certaine délicatesse et, à l’instar de Thérèse, il nous faut capter des bribes, nous avançons à petit pas, sans certitude. Le début du film exprime même une certaine vacuité et le film prend petit à petit de l’intensité pour devenir au final très émouvant. Loin de toute débauche de dialogues, Une aussi longue absence est un film très sobre.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Alida Valli, Georges Wilson, Charles Blavette
Voir la fiche du film et la filmographie de Henri Colpi sur le site IMDB.

Remarques :
* Palme d’or à Cannes en 1961 (ex-aequo avec Viridiana de Bunuel).
* La chanson « Trois petites notes de musique », écrite par Henri Colpi et Georges Delerue, est chantée par Cora Vaucaire. Elle a été reprise par Juliette Gréco et Yves Montand.

(1) Henri Colpi a été le monteur d’Alain Resnais notamment.

15 octobre 2012

La grande bourgeoise (1974) de Mauro Bolognini

Titre original : « Fatti di gente perbene »

La grande BourgeoiseA la fin du XIXe siècle à Bologne, la fille de l’éminent professeur Murri, laïque aux idées progressistes, a épousé un aristocrate arriviste et réactionnaire. Leur mariage est vite devenu un enfer au grand désespoir du frère qui décide d’empoisonner le mari… La grande Bourgeoise retrace l’Affaire Murri qui déchaina les passions en Italie en 1902, un crime dans la haute société que les journaux montèrent en épingle et qui eut de fortes consonances politiques. Comme toujours, Mauro Bolognini soigne la reconstitution et sa photographie : une très belle image, veloutée et aux tons pastels, même si l’on peut trouver qu’il abuse du grain et du flou laiteux qui embrume le film du début à la fin. Bolognini renforce hélas le côté mélodramatique de l’affaire et ne développe guère ses dimensions politiques. Du fait de la distribution internationale, la moitié des acteurs sont doublés, ce qui est toujours désagréable. Au final, La grande Bourgeoise peine à nous intéresser, ses qualités esthétiques sont certaines mais le film souffre d’un certain statisme.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Catherine Deneuve, Giancarlo Giannini, Fernando Rey, Marcel Bozzuffi, Tina Aumont, Paolo Bonacelli
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13 octobre 2012

Ève (1950) de Joseph L. Mankiewicz

Titre original : « All about Eve »

ÈveAlors que l’actrice de théâtre Eve Harrington reçoit une récompense lors d’une soirée, plusieurs personnes se remémore sa rapide ascension… L’un des plus célèbres films de Joseph Mankiewicz, All about Eve fait partie de ces films qui semblent approcher une certaine perfection. Tout est brillant, à commencer par le scénario très intelligemment écrit par Mankiewicz sur la base d’une nouvelle de Mary Orr. La construction repose sur un flashback raconté par plusieurs personnages, une construction élégante que le réalisateur reprendra encore plus brillamment pour La comtesse aux pieds nus. Les dialogues sont d’une grande richesse avec de nombreuses répliques mémorables. La mise en scène est très maitrisée et l’interprétation admirable : c’est bien entendu Bette Davis qui est la plus remarquable dans son rôle d’actrice hantée par son âge avec ses accès d’humeur et son penchant pour l’alcool mais tous les rôles de premier et second plans sont parfaitement tenus. Cette peinture du monde du spectacle n’est pas dénuée d’acidité, c’est un monde où le mensonge côtoie l’arrivisme et le cynisme, même quand le talent est là. Film presque parfait, All about Eve connut un très grand succès et reçut de nombreux prix.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Bette Davis, Anne Baxter, George Sanders, Celeste Holm, Gary Merrill, Hugh Marlowe, Gregory Ratoff, Thelma Ritter, Marilyn Monroe
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Remarques :
* Mankiewicz a dit s’être inspiré de son ami Elian Kazan pour le personnage de Bill, le metteur en scène.
* La Sarah Siddons Society n’existait pas encore au moment du tournage de Eve. C’est une pure création de Mankiewicz. Du fait du succès du film, des amateurs de théâtre créèrent la vraie Sarah Siddons Society en 1952 et commencèrent à décerner un prix à une actrice particulièrement remarquée au cours de la saison passée. C’est maintenant l’un des prix les plus importants dans le monde du théâtre. Et la statuette remise est identique à celle du film!

11 octobre 2012

Verdi (1953) de Raffaello Matarazzo

Titre original : « Giuseppe Verdi »

VerdiSur son lit de mort, Guiseppe Verdi se remémore sa carrière et ses amours… Raffaello Matarazzo amplifie les aspects mélodramatiques de la vie amoureuse de Verdi. Le scénario, finalement peu développé, ne fait pas vraiment preuve de subtilité et ne parvient que difficilement à éveiller l’intérêt. Il nous reste les extraits d’opéra qui permettent notamment de voir deux monstres sacrés, le ténor Mario Del Monaco et le baryton Tito Gobbi. C’est donc finalement l’œuvre de Verdi qui engendre les seuls moments forts du film.
Lui : 1 étoile

Acteurs: Pierre Cressoy, Anna Maria Ferrero, Gaby André
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Remarque :
Le film Verdi de Raffaello Matarazzo a été tourné en couleurs avec le procédé Ferraniacolor. Les couleurs ayant mal vieilli, Patrick Brion a présenté le film dans une version en noir et blanc au Cinéma de minuit (juillet 2012). La version couleur est visible sur un DVD (zone 1) de VIEW video.

Autre version de la vie de Verdi :
Le roman d’un génie (Guiseppe Verdi) de l’italien Carmine Gallone (1938) avec Fosco Giachetti et Gaby Morlay (film perdu).

10 octobre 2012

Un flic (1972) de Jean-Pierre Melville

Un flicDans une station balnéaire désertée en plein hiver, quatre malfaiteurs attaquent une banque. A Paris, le commissaire Coleman enquête sur un futur convoyage de drogue en train… Un flic est le dernier film de Jean-Pierre Melville. Il n’a pas la perfection de ses plus grands films mais on y retrouve les thèmes forts de son univers de flics et de truands. Le flic, incarné une fois de plus par Delon, est atypique, capable même d’éprouver de la compassion pour ceux qu’il traque. La scène d’ouverture est très réussie mais on ne peut en dire autant hélas du second braquage, celui du train, montré en temps réel. Pourtant bien imaginée, cette scène est vraiment très longue, manque plutôt d’intensité et on se demande pourquoi Melville a choisi d’utiliser des maquettes si grossières pour les plans généraux. Toutes les petites touches, ces marques brillantes de l’univers Melvillien, ne parviennent à élever le film qui va probablement trop loin dans l’épure. Melville fut très affecté par son manque de succès. Le réalisateur succombera à une crise cardiaque l’année suivante. Il n’avait que 55 ans.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Alain Delon, Richard Crenna, Catherine Deneuve, Paul Crauchet
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Homonyme :
Un flic de Maurice de Canonge (1947) avec Lucien Coëdel et Suzy Carrier.

9 octobre 2012

Un amour de jeunesse (2011) de Mia Hansen-Løve

Un amour de jeunesseCamille, 15 ans, vit intensément son premier amour avec Sullivan, un peu plus âgé qu’elle. Lorsque ce dernier décide de partir un an en Amérique du Sud, Camille est totalement désemparée, elle sent sa vie se vider… Ecrit et réalisé par Mia Hansen-Løve, Un amour de jeunesse est un film sentimental qui parvient à retranscrire l’émoi et l’émotion sans chercher la dramatisation. Traitant à la fois de l’amour adolescent, de la fragilité engendrée par l’absence puis de l’émancipation, la réalisatrice se place très près de son personnage, interprété avec beaucoup de sensibilité par la jeune Lola Créton. On ne peut hélas en dire autant de Sebastian Urzendowsky dont le jeu maladroit peut sans doute être considéré comme étant en phase avec son personnage mais qui ne parvient pas à faire passer quelque chose. C’est dommage car le regard de Mia Hansen-Løve est à la fois délicat et très juste.
Elle: 3 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Lola Créton, Sebastian Urzendowsky, Magne-Håvard Brekke, Valérie Bonneton
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4 octobre 2012

Les chaussons rouges (1948) de Michael Powell et Emeric Pressburger

Titre original : « The red shoes »

Les chaussons rougesLe célèbre impresario Lermontov engage un jeune compositeur talentueux et la jeune Victoria Page pour en faire une danseuse étoile. Il crée un ballet inspiré du conte d’Andersen Les chaussons rouges… Auréolés du succès de leurs films précédents, Michael Powell et Emeric Pressburger avaient alors une certaine liberté de choix de leur sujet, heureusement car faire un film sur le ballet et sans acteur connu était une entreprise plutôt osée. De manière plus générale, Les chaussons rouges est un film sur l’Art : le processus de création, on assiste ainsi à la genèse artistique d’un ballet, et aussi ses exigences, son caractère exclusif. Le talent de Powell et Pressburger est d’en avoir fait un grand spectacle en utilisant une vraie danseuse à l’avenir prometteur, Moira Shearer, et en donnant une large place au ballet avec une scène centrale très travaillée qui dure près de vingt minutes. La judicieuse utilisation du Technicolor et de vastes mouvements de caméra ajoutent à la féerie et au caractère fantastique de l’histoire. L’autre point fort du film réside dans le personnage de Lermontov, ce metteur en scène entièrement dévoué à son art, un personnage charismatique, fort et marquant. A sa sortie, Les chaussons rouges connut un immense succès (sauf en Angleterre toutefois) ; au lendemain de la guerre et de ses laideurs, le film apportait une réconfortante vague de beauté.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Anton Walbrook, Moira Shearer, Marius Goring, Léonide Massine
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Remarques :
* Le scénario avait été écrit dès 1937 par Emeric Pressburger qui travaillait alors pour Alexander Korda. L’idée de Michael Powell fut de tourner le film avec de vrais danseurs et d’avoir une longue scène centrale de ballet.
* Michael Powell eut toutes les peines du monde pour convaincre Moira Shearer d’accepter le rôle. La jeune danseuse craignait d’oblitérer ses chances de devenir une grande danseuse (ces craintes se révélèrent être justifiées mais elle fut plutôt victime du succès du film).
* Michael Powell raconte très longuement la production et la réalisation du film Les chaussons rouges dans la première partie de son autobiographie A life in Movies.
* On peut considérer que Les chaussons rouges préfigure ce que seront An American in Paris de Minnelli (1951) et Singing’ in the rain de Stanley Donen (1952).

3 octobre 2012

Porco Rosso (1992) de Hayao Miyazaki

Titre original : « Kurenai no buta »

Porco RossoAncien pilote de la guerre 14-18, Porco est devenu chasseur de primes et combat les pirates dans l’Adriatique à bord de son hydravion entièrement peint de rouge. Noble au grand cœur, il a le visage d’un cochon, à la suite, pense-t-on d’un sort qui lui a été jeté. Pendant ce temps, le fascisme s’installe… C’est avec Porco Rosso que l’on a découvert Hayao Miyazaki en Europe et ce fut un véritable choc. Ce film présentait en effet un niveau de qualité que l’on n’avait jamais vu dans un dessin animé. La beauté des images, la simplicité et la pureté du graphisme, le soin apporté dans les décors jusque dans les petits détails, le naturel des personnages, le découpage très cinématographique, la profondeur de l’histoire, sa dimension romantique, tous ces éléments concourent à donner cette impression de perfection et d’être en présence d’un véritable créateur. Passionné d’aviation et de Saint-Exupéry, Hayao Miyazaki a écrit lui-même cette histoire empreinte d’une grande noblesse de caractère où pointent une certaine nostalgie et une indéniable poésie. Même si Miyazaki nous a depuis offert de grands films, Porco Rosso reste parmi ses tous meilleurs.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Shûichirô Moriyama, Tokiko Katô, Sanshi Katsura
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Remarques :
* Porco Rosso était au départ un projet de moyen métrage (45 minutes) prévu pour être diffusé dans les avions de la Japan Airlines qui a produit le film.
* Un comic-book en 4 volumes reprenant le découpage exact du film a été publié au Japon (Tokuma Shoten Publishing, 1992) ; il a été traduit et édité en France (Glénat, 1995).
* Présenté et primé au Festival d’Annecy en 1993, le film n’est sorti en France qu’en juin 1995. C’est Jean Reno qui prête sa voix à Porco Rosso dans la version française. Le film n’a pas connu immédiatement le succès en France, les critiques restant souvent méfiants.

2 octobre 2012

L’aigle de la neuvième légion (2011) de Kevin Macdonald

Titre original : « The Eagle »

L'aigle de la neuvième légionEn 140 après Jésus-Christ, un jeune centurion désire restaurer l’honneur de son père qui a disparu mystérieusement en Ecosse avec la Neuvième Légion vingt ans auparavant. Il se fait nommer en Bretagne (actuelle Angleterre) qui est alors séparée de l’actuelle Ecosse par le Mur d’Hadrien… Adaptation d’un roman publié dans les années cinquante de Rosemary Sutcliff, L’aigle de la neuvième légion de l’écossais Kevin Macdonald est un film d’action, variante péplum. Le film a été comparé à un western par certains observateurs et il est vrai qu’il en reprend largement les codes : longues chevauchées et traque solitaire, des écossais qui rappellent étrangement les indiens par leur village et leurs rites. Le scénario est étonnamment peu développé, les scènes de batailles sont confuses. Ancien mannequin, Channing Tatum a certes un physique avenant mais un jeu plutôt inexpressif. Une partie du film ayant été tournée dans les Highlands, il nous reste à profiter de quelques très beaux plans larges.
Elle:
Lui : 1 étoile

Acteurs: Channing Tatum, Jamie Bell, Donald Sutherland, Mark Strong, Tahar Rahim
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Remarques :
* Les historiens perdent effectivement la trace de la Neuvième Légion romaine en 120 après J.-C. mais aucun élément ne permet de corroborer l’hypothèse qu’elle se soit fait massacrer en Ecosse. Elle peut-être été simplement dissoute ou déplacée dans une autre région de l’empire.
* Le Mur d’Hadrien est une fortification en pierre et en tourbe construite à partir de 122 ap.  J.-C. par les Romains sur toute la largeur de l’actuelle Grande-Bretagne. ce mur était destiné à protéger le sud de l’île des attaques des tribus calédoniennes du nord. Il s’étendait sur 117 kms au niveau du sud de l’Ecosse actuelle. Vers l’an 140, il fut doublé plus au nord par le Mur d’Antonin (le fils adoptif d’Hadrien) long de 60 kms légèrement au nord de l’actuelle Glasgow.

1 octobre 2012

Double suicide à Amijima (1969) de Masahiro Shinoda

Titre original : « Shinjû: Ten no amijima »

Shinjû: Ten no amijimaLe marchand Jihei entretient une relation avec une courtisane à qui il promet de la racheter sans pouvoir tenir sa promesse… Après avoir fondé sa propre maison de production, Masahiro Shinoda, libre de toute contrainte, met en scène un film qui bouscule les codes du cinéma. Double suicide à Amijima est l’adaptation d’une pièce de Monzaemon Chikamatsu écrite pour le bunraku (théâtre de marionnettes traditionnel) et c’est dans la forme que son film est expérimental : Shinoda va au-delà du théâtre filmé puisqu’il conserve les kurokos (manipulateurs au visage voilé de noir) qui évoluent silencieusement autour des acteurs comme pour les guider ou pour veiller à l’accomplissement de leur destin. Shinoda est l’un deux puisqu’il se met en scène en début de film où, après avoir discuté au téléphone avec un scénariste de la scène finale, il enfile son voile noir. Il conserve aussi le noyau de l’intrigue, sans chercher à l’adapter au cinéma, une trame très classique. Double suicide à Amijima est un film en dehors des normes, assez déstabilisant pour un spectateur occidental peu coutumier du bunraku.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Kichiemon Nakamura, Shima Iwashita
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