30 octobre 2022

Oedipe Roi (1967) de Pier Paolo Pasolini

Titre original : « Edipo Re »

Oedipe Roi (Edipo Re)Oedipe Roi est un film ambitieux et complexe que Pier Paolo Pasolini décrit ainsi : « Ce film est autobiographique. Je raconte l’histoire de mon propre complexe d’Oedipe. Je raconte ma vie mystifiée, rendue épique par la légende d’Oedipe ». Le prologue, situé dans l’Italie des années 1920, « présente un nouveau-né cristallisant ce qui est communément appelé le complexe d’Oedipe (…) Son père, pour le punir, le prend par les pieds, accomplissant à travers le « symbole » du sexe (les pieds) une sorte de castration. Après quoi, dans la deuxième partie, commence la projection du mythe de ce fait psychanalytique. Oedipe roi se présente donc, dans cette deuxième partie, comme un énorme rêve du mythe qui se termine par un réveil, avec le retour à la réalité » (1).
Le film de Pier Paolo Pasolini est donc plus une interprétation qu’une adaptation de la tragédie de Sophocle. La représentation de la Grèce antique n’est d’ailleurs pas rigoureuse aux niveaux des costumes, ni des personnages, ni des lieux. Elle n’en a pas besoin. L’un des thèmes centraux est qu’il est difficile d’affronter l’énigme qui est en nous. Le grand malheur d’Oedipe est de savoir qu’il ne veut pas savoir ce qui est en lui. On retrouve cette contradiction entre ignorance et savoir dans tout le film et plus généralement dans toute l’œuvre de Pasolini. On peut reprocher au film une certaine austérité et un manque d’accessibilité mais il est indéniablement doté d’une belle force.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Silvana Mangano, Franco Citti, Alida Valli, Ninetto Davoli
Voir la fiche du film et la filmographie de Pier Paolo Pasolini sur le site IMDB.

Voir les autres films de Pier Paolo Pasolini chroniqués sur ce blog…
Voir les livres sur Pier Paolo Pasolini

Remarque :
* Pasolini tient lui-même le rôle du grand prêtre qui vient sommer le roi de délivre la ville de la peste. A noter que, bien que située en milieu de film, la phrase qu’il récite est la première du texte de Sophocle.

(1) Pasolini, « Entretien avec Jean Narboni », Cahiers du cinéma, no 192,‎ juillet-août 1967

Oedipe Roi (Edipo Re)Silvana Mangano et Franco Citti dans Oedipe Roi (Edipo Re) de Pier Paolo Pasolini.

23 septembre 2015

Le Cri (1957) de Michelangelo Antonioni

Titre original : « Il grido »

Le CriAldo, un simple ouvrier, est dévasté lorsque la femme avec laquelle il vit depuis sept ans lui annonce qu’elle va le quitter pour un autre homme. Désemparé, il part sans but précis avec la petite fille qu’ils ont eu ensemble… Le Cri est un film charnière dans la filmographie d’Antonioni, entre quatre premiers films plus conventionnels et L’Avventura qui marque vraiment l’éclosion d’un style nouveau. On trouve en effet les prémices de ce style dans cette histoire d’errance où Antonioni s’attache plus à décrire un environnement peuplé de petites choses qu’à dérouler une histoire de façon classique. Son but est nous faire ainsi mieux entrer dans l’âme du personnage principal. Antonioni prend comme décor les rives du Pô (qu’il connait bien pour y avoir passé son enfance), fleuve que suit son personnage pour échouer dans le no man’s land du delta dont les brumes et la désolation prennent une valeur symbolique. C’est l’un des rares films d’Antonioni où le personnage principal est un homme. Cet homme a une certaine incapacité d’adaptation qui lui sera fatale : il devra finalement accepter la vérité qu’il a tenté de fuir. Les héroïnes antonioniennes n’ont généralement pas cette rigidité. Le Cri fut remarqué à sa sortie par la critique mais c’est avec son film suivant que le réalisateur confirmera sa rupture avec le cinéma traditionnel et sera vraiment vu comme le créateur d’un nouveau style.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Steve Cochran, Alida Valli, Betsy Blair, Dorian Gray
Voir la fiche du film et la filmographie de Michelangelo Antonioni sur le site IMDB.

Voir les autres films de Michelangelo Antonioni chroniqués sur ce blog…

Voir les livres sur Michelangelo Antonioni

Remarques :
* On remarquera l’hommage à Chaplin : lors de la petite bagarre dans la rue, une affiche de The Kid est visible en arrière-plan, Antonioni soulignant ainsi le parallèle entre les deux situations (homme seul + enfant).

* Le Cri étant une production en partie américaine, l’acteur principal Steve Cochran est américain, c’est un acteur de films de série B dont la participation précédente la plus prestigieuse est un second rôle dans White Heat de Raoul Walsh.

Le Cri
Alida Valli et Steve Cochran dans Le Cri de Michelangelo Antonioni

2 juillet 2015

Les yeux sans visage (1960) de Georges Franju

Les yeux sans visagePour reconstruire le visage de sa fille défigurée par un accident de voiture, le docteur Genessier kidnappe des jeunes femmes afin de pratiquer une greffe de visage… Les yeux sans visage est le deuxième long métrage de Georges Franju, après plus d’une douzaine de courts métrages réalisés sur dix ans. Il est considéré aujourd’hui comme l’un des classiques du film d’épouvante, un genre quasiment absent du cinéma français de l’époque. Tout l’art de Georges Franju est d’avoir mêlé un réalisme assez terrifiant (la scène de l’opération est particulièrement difficile à regarder) avec une certaine poésie apportée principalement par le personnage de la fille du chirurgien, au visage de cire, aérienne, d’une fragilité fantomatique. Cette alliance de contraires crée une étrange attirance, un envoutement qui contribue à faire des Yeux sans visage un film assez unique bien que perturbant. Il a été très mal reçu par la critique au moment de sa sortie.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Pierre Brasseur, Alida Valli, Edith Scob, Claude Brasseur
Voir la fiche du film et la filmographie de Georges Franju sur le site IMDB.

Voir les autres films de Georges Franju chroniqués sur ce blog…

Voir les livres sur Georges Franju

Les Yeux sans visage
Edith Scob dans Les yeux sans visage de Georges Franju

Remarques :
* Les yeux sans visage est basé sur un roman de Jean Redon, adapté par lui-même, Boileau-Narcejac et Claude Sautet (qui est également assistant-réalisateur).
* Georges Franju est, rappelons-le, le cofondateur de la Cinémathèque Française.

15 octobre 2012

Une aussi longue absence (1961) de Henri Colpi

Une aussi longue absenceThérèse tient seule un bistrot de banlieue avec une jeune employée. Observant un vagabond qui passe tous les jours devant sa devanture, Thérèse croit reconnaître son mari, disparu quinze ans plus tôt pendant la guerre. L’homme est amnésique… Une aussi longue absence est le premier long métrage d’Henri Colpi, monteur réputé(1). Le scénario est cosigné par Marguerite Duras qui a écrit les dialogues. C’est un film sur la mémoire, sur l’incertitude, sur l’amour aussi, celui qui défie le temps. Colpi met cette histoire en images avec une certaine délicatesse et, à l’instar de Thérèse, il nous faut capter des bribes, nous avançons à petit pas, sans certitude. Le début du film exprime même une certaine vacuité et le film prend petit à petit de l’intensité pour devenir au final très émouvant. Loin de toute débauche de dialogues, Une aussi longue absence est un film très sobre.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Alida Valli, Georges Wilson, Charles Blavette
Voir la fiche du film et la filmographie de Henri Colpi sur le site IMDB.

Remarques :
* Palme d’or à Cannes en 1961 (ex-aequo avec Viridiana de Bunuel).
* La chanson « Trois petites notes de musique », écrite par Henri Colpi et Georges Delerue, est chantée par Cora Vaucaire. Elle a été reprise par Juliette Gréco et Yves Montand.

(1) Henri Colpi a été le monteur d’Alain Resnais notamment.