25 décembre 2023

Inu-Oh (2021) de Masaaki Yuasa

Inu-OhDans le Japon du XIVe siècle, Tomona, fils de pêcheur, est frappé de cécité à la suite d’une malédiction. Il devient joueur itinérant de biwa au sein d’une confrérie religieuse. À Kyoto, il rencontre Inu-Oh qui erre dans les rues et cache son visage derrière un masque. Ils décident de fonder un duo aux pratiques musicales et scéniques audacieuses…
Inu-Oh est un film d’animation japonais réalisé par Masaaki Yuasa. Il est adapté du roman Le Roi Chien d’Hideo Furukawa, dont l’intrigue repose sur Le Dit des Heike (chronique poétique qui relate la lutte de clans rivaux aux XIIe siècle). Le film est issu des studios Science SARU, co-fondés par le réalisateur. C’est un film d’animation très novateur, expérimental même. Dès les premières minutes, Masaaki Yuasa mêle différentes techniques, allant de l’animation classique jusqu’à l’épure totale de quelques traits bondissants. Il a un sens du mouvement assez remarquable, c’est un ballet continuel et la difformité de son héro éponyme contribue à la forte personnalité de l’ensemble.
(Arrêtez de lire ici si vous voulez être vraiment surpris par le film comme je l’ai été).
Mais la vraie surprise vient à mi-parcours quand il fait de ses personnages de véritables rockstars. Le film devient alors un opéra-rock et le plus remarquable est que la musique (plutôt hard-rock, très électrique en tous cas) s’accorde très bien aux images qui les montrent jouant sur de simples biwa (luth). Là encore, c’est le mouvement qui crée la symbiose : son personnage principal joue de son biwa derrière la tête comme Jimi Hendrix, danse comme Michael Jackson, arpente la « scène » comme Mick Jagger, ou prend des poses provoquantes. Et c’est un festival de couleurs. La musique est excellente. Leurs « concerts » deviennent des grands shows visuels toujours plus époustouflants. Un film d’animation novateur, extravagant, inattendu.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Avu-chan, Mirai Moriyama
Voir la fiche du film et la filmographie de Masaaki Yuasa sur le site IMDB.

Inu-Oh de Masaaki Yuasa.
Inu-Oh de Masaaki Yuasa.
Inu-Oh de Masaaki Yuasa.

10 février 2021

La Couleur de la grenade (1969) de Sergei Parajanov

Titre original : « Sayat Nova »

La Couleur de la grenade (Sayat Nova)La vie de Sayat-Nova (= roi des chansons), poète arménien du XVIIIe siècle, en huit chapitres…
Sayat Nova est un film soviétique réalisé par Sergueï Paradjanov. En ouverture du film, le réalisateur précise qu’il n’a pas cherché à raconter la vie de Sayat-Nova mais plutôt de recréer l’univers imagé de sa poésie. Son film prend la forme expérimentale d’une suite de tableaux vivants inspirés de miniatures arméniennes et persanes, remplis de symboles et de métaphores. Hélas, la signification de ces tableaux échappe totalement au spectateur non initié à cette civilisation, spectateur qui ne peut alors que se laisser glisser dans cet univers visuel sans en trouver le sens. Certains tableaux sont très beaux. Paradjanov a adopté une représentation sans profondeur à la façon des miniatures de l’époque. Le film est presque muet. Un film qu’il faut certainement étudier bien plus profondément pour pouvoir l’apprécier vraiment.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Sofiko Chiaureli
Voir la fiche du film et la filmographie de Sergei Parajanov sur le site IMDB.
Voir la fiche du film sur AlloCiné.

Voir les autres films de Sergei Parajanov chroniqués sur ce blog…

Remarques :
* Dans la démarche et les intentions, le film peut être rapproché de l’Andreï Roublev (1966) de Tarkovski mais la forme est bien plus expérimentale et l’ensemble plus difficile d’accès pour le profane.
* Distribué une première fois en 1969, le film Sayat Nova est rapidement retiré des écrans puis, à nouveau, diffusé dans une version remontée et abrégée par le réalisateur Serguei Youtkevitch, sous le titre La Couleur de la grenade en 1971.

* Les huit chapitres :
I : L’enfance du poète.
II : La jeunesse du poète.
III : Le poète à la cour du prince/Prière avant la chasse.
IV : Le poète se retire au monastère/Le sacrifice/La mort du katholikos.
V : Le songe du poète/Le poète retourne à son enfance et pleure la mort de ses parents.
VI : La vieillesse du poète/Il quitte le monastère.
VII : Rencontre avec l’Ange de la Résurrection/Le poète enterre son amour.
VIII : La mort du poète/Il meurt mais sa poésie est immortelle.

La Couleur de la grenade (Sayat Nova)La Couleur de la grenade (Sayat Nova) de Sergei Parajanov.

15 juillet 2013

L’Homme à la caméra (1929) de Dziga Vertov

Titre original : « Chelovek s kino-apparatom »

L'homme à la caméra« Le film que vous allez voir est un essai de diffusion cinématographique de scènes visuelles. Sans recours aux intertitres (le film n’a pas d’intertitres), sans recours à un scénario (le film n’a pas de scénario), sans recours au théâtre (le film n’a pas de décor, pas d’acteurs, etc.) Cette oeuvre expérimentale a pour but de créer un langage cinématographique absolu et universel complètement libéré du langage théâtral ou littéraire. »
Film expérimental muet, L’Homme à la caméra est un film-manifeste destiné à montrer et mettre en pratique les principes énoncés par les Kinoks, ce petit collectif de réalisateurs soviétiques dont Dziga Vertov est la pièce angulaire. C’est un film sans scénario, sans acteur et aussi sans décor puisque, et c’est là l’un des grands principes, il s’agit de capter « la vie à l’improviste », la vraie vie, quel que soit l’endroit, dans les rues, dans une chambre à coucher, sur une plage, etc. Le « ciné-oeil » permet de restituer la vie, créant une simple connexion entre le réel et le spectateur. Dziga Vertov révèle les procédés cinématographiques : le caméraman apparaît très souvent à l’image, montré alors qu’il filme (souvent dans des positions passablement périlleuses d’ailleurs). Le media est ainsi démystifié.
L'homme à la caméraUn autre grand principe des Kinoks est la « théorie des intervalles » : le montage va permettre de prolonger un mouvement par autre plan qui peut n’avoir aucun lien avec le précédent. Il en résulte la création d’échos, d’analogies et de rimes qui forment un rythme presque musical qu’aucun intertitre ne vient interrompre.
L’Homme à la caméra est un film extrêmement dense, très riche de signifiant, dont il est impossible de tout percevoir en une seule vision. Notre oeil est constamment stimulé par un montage rapide, des superpositions, Vertov crée des rapprochements qui surprennent. Pour mieux le comprendre et l’analyser, il faut donc plusieurs visions et prendre le temps de lire certaines analyses. Chacun de ses plans a un sens, une signification. Regarder L’Homme à la caméra est une expérience sensorielle hors du commun.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs:
Voir la fiche du film et la filmographie de Dziga Vertov sur le site imdb.com.

Remarques :
* Le caméraman est Mikhaïl Kaufman, le frère de Dziga Vertov (dont le vrai nom est Denis Kaufman). Lorsqu’il est visible à l’écran, c’est Dziga Vertov qui le filme. La monteuse est Elizaveta Svilova qui est devenue la femme de Vertov après avoir rejoint les Kinoks au début des années 20.
* L’Homme à la caméra est le deuxième film-manifeste des Kinoks après Kinoglaz (Ciné oeil – La vie à l’improviste, 1924) du même Dziga Vertov.

Lectures possibles pour en savoir plus :
Le manifeste Ciné-Oeil de Dziga Vertov
Dossier du CNDP par Bamchade Pourvali
Dossier CNC/Cahiers du Cinéma
– Vidéo : conférence de Bamchade Pourvali au Forum des Images
Présentation et analyse par le Ciné-Club de Caen
Présentation du film sur DVDClassik

22 janvier 2013

La Jetée (1962) de Chris Marker

La jetée(Court métrage de 29 min) Sur La jetée d’Orly, un jeune garçon est frappé par une image qui va le marquer durablement, celle d’une femme qui voit mourir un homme. De nombreuses années plus tard, alors que la Troisième Guerre mondiale a éclaté et dévasté la Terre, le garçon devenu homme est utilisé comme cobaye par un savant qui cherche à l’envoyer dans le temps afin que le passé et l’avenir viennent au secours du présent… La jetée est un film expérimental réalisé à partir de photos fixes, un peu à la manière d’un roman-photo. Il s’agit d’une véritable œuvre d’auteur. Ce qui est assez remarquable, c’est de voir comment l’absence d’images animées n’altère en rien la puissance évocatrice du « film » qui est porté par un très beau texte (dit en voix-off par Jean Négroni). Chris Marker ayant gardé le silence sur ses intentions (1), le film reste assez énigmatique, ou plutôt très ouvert car il permet toutes sortes d’interprétations et c’est cette large puissance évocatrice qui a fait la réputation du film.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Jean Négroni, Hélène Chatelain, Davos Hanich, Jacques Ledoux
Voir la fiche du film et la filmographie de Chris Marker sur le site IMDB.

Remarque :
Le film de Terry Gilliam, L’armée des 12 singes (1995), est directement inspiré de La Jetée.

(1) Le seul point dont Chris Marker a parlé à propos de La jetée, c’est sa filiation avec Vertigo d’Hitchcock. Il y a effectivement une scène qui lui rend directement hommage : face à une coupe de tronc d’arbre, l’homme à la femme désigne un point en dehors du tronc pour lui dire « Je viens de là » (sous-entendu du futur). Pour le reste, c’est bien moins évident mais on peut s’amuser à trouver d’autres similitudes.

Pour lire une analyse plus poussée de Paul Flèchère

1 octobre 2012

Double suicide à Amijima (1969) de Masahiro Shinoda

Titre original : « Shinjû: Ten no amijima »

Shinjû: Ten no amijimaLe marchand Jihei entretient une relation avec une courtisane à qui il promet de la racheter sans pouvoir tenir sa promesse… Après avoir fondé sa propre maison de production, Masahiro Shinoda, libre de toute contrainte, met en scène un film qui bouscule les codes du cinéma. Double suicide à Amijima est l’adaptation d’une pièce de Monzaemon Chikamatsu écrite pour le bunraku (théâtre de marionnettes traditionnel) et c’est dans la forme que son film est expérimental : Shinoda va au-delà du théâtre filmé puisqu’il conserve les kurokos (manipulateurs au visage voilé de noir) qui évoluent silencieusement autour des acteurs comme pour les guider ou pour veiller à l’accomplissement de leur destin. Shinoda est l’un deux puisqu’il se met en scène en début de film où, après avoir discuté au téléphone avec un scénariste de la scène finale, il enfile son voile noir. Il conserve aussi le noyau de l’intrigue, sans chercher à l’adapter au cinéma, une trame très classique. Double suicide à Amijima est un film en dehors des normes, assez déstabilisant pour un spectateur occidental peu coutumier du bunraku.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Kichiemon Nakamura, Shima Iwashita
Voir la fiche du film et la filmographie de Masahiro Shinoda sur le site IMDB.

Voir les autres films de Masahiro Shinoda chroniqués sur ce blog…