10 juillet 2012

La fiancée des ténèbres (1945) de Serge de Poligny

La fiancée des ténèbresA Carcassonne, un ancien instituteur octogénaire recherche dans de vieux manuscrits le moyen d’accéder au lieu secret des Cathares. Il espère ainsi faire renaître leur religion. Il a pour assistante une jeune fille qu’il a recueillie. Elle se croit victime d’une malédiction qui l’empêche d’aimer. Roland, un jeune compositeur en mal d’inspiration, est attirée par elle… Adaptation d’une nouvelle de Gaston Bonheur « La mort ne reçoit que sur rendez-vous » publiée en 1943, La fiancée des ténèbres illustre bien cette vogue du cinéma français sous l’Occupation pour les films fantastiques, sujets que l’on pouvait tourner sans crainte de sanctions. Il s’agit ici de faire revivre la légende cathare des Albigeois. Le tournage fut rendu difficile par le manque de moyens et la surveillance constante d’un officier allemand. On ne peut s’empêcher d’avoir l’impression que le résultat aurait pu être bien supérieur. Néanmoins, le film reste assez fort ; il parvient à distiller une certaine atmosphère qui nous rappelle celle des Visiteurs du Soir ou des films de Cocteau (1). Sorti après la Libération, La fiancée des ténèbres fut mal compris, toute la partie idyllique se déroulant à Tournebelle fut, semble t-il, plutôt mal perçue. Le film reste, assez injustement, aujourd’hui méconnu.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Pierre Richard-Willm, Jany Holt, Édouard Delmont, Fernand Charpin, Palau, Robert Dhéry, Simone Valère
Voir la fiche du film et la filmographie de Serge de Poligny sur le site IMDB.

Remarque :
Jean Anouilh aurait participé à l’écriture de La fiancée des ténèbres pour une scène d’amour entre Sylvie et Roland.

(1) Jean Cocteau a d’ailleurs collaboré avec Serge de Poligny à l’écriture de son film précédent Le baron fantôme (1943) qui avec La fiancée des ténèbres constituent les deux films notables de ce réalisateur.

8 juillet 2012

Soul Kitchen (2009) de Fatih Akin

Soul KitchenAllemand d’origine grecque, Zinos Kazantsakis est propriétaire d’un petit restaurant appelé Soul Kitchen, dans une zone industrielle à Hambourg. C’est un ancien hangar qu’il a reconverti de ses propres mains. Le départ de sa petite amie pour la Chine et sa rencontre avec un cuisinier brillant mais un peu fantasque vont changer beaucoup de choses… Soul Kitchen n’est pas le troisième film de la trilogie commencée avec Head-on et De l’autre côté. C’est un film que Fatih Akin qualifie lui-même de « plus léger ». Il en a écrit le scénario avec son ami Adam Bousdoukos qui tient le rôle principal. Nous sommes dans l’univers de la débrouille mais aussi de l’amitié, de la complicité et des aventures qui peuvent se transformer en réussite humaine. Fatih Akin crée l’humour en jouant avec les obstacles et les revers. Même si le film pêche par quelques longueurs en son milieu, il se dégage de Soul Kitchen une chaleur qui rend le film attachant.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Adam Bousdoukos, Moritz Bleibtreu, Birol Ünel, Anna Bederke
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7 juillet 2012

Biutiful (2010) de Alejandro González Iñárritu

BiutifulPour permettre à ses enfants de survivre, Uxbal se livre à tout un tas de trafics dans les quartiers polyethniques de Barcelone, aidant des immigrés clandestins à travailler au noir, monnayant de prétendus talents de medium pour communiquer les dernières paroles de défunts. Il découvre qu’il est atteint d’une maladie grave… Contrairement aux précédents films d’Alejandro González Iñárritu, Biutiful est centré sur un seul personnage. Il l’a écrit pour Javier Bardem qui signe ici une belle performance qui ne parvient que partiellement à contrebalancer les excès de style du réalisateur. Très (trop) long, Biutiful est un film très noir dont le personnage semble devoir porter toutes dérives du monde. A vouloir trop en faire, Iñárritu nous détache et nous éloigne.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Javier Bardem, Maricel Álvarez, Hanaa Bouchaib, Eduard Fernández
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6 juillet 2012

Andreï Roublev (1966) de Andreï Tarkovski

Titre original : « Andrey Rublyov »

Andreï RoublevPour évoquer la vie du peintre Andreï Roublev, Tarkovski ne pouvait se baser sur des faits historiques puisque nous ne savons rien de la vie de ce moine russe du XVe siècle. Il s’est donc attaché à retranscrire l’âme du peintre. Il le fait en huit tableaux plus un prologue (1) et un épilogue où le film passe en couleurs pour nous montrer son œuvre (2). Il nous dépeint un Andreï Roublev tourmenté par l’idée de la vengeance du Jugement dernier, refusant ainsi l’image d’un Dieu implacable et même cruel, une idée qui aidait les seigneurs de cette époque à garder les paysans en semi-esclavage. En filigrane, Tarkovski nous fait partager ses propres interrogations sur le rôle de l’artiste sous un régime totalitaire, une lecture qui n’a pas échappé aux autorités et lui valu blocages et interdictions. Pour Andreï Roublev, Dieu ne peut qu’insuffler l’amour et ne peut que s’opposer à la cruauté omniprésente dans cette société du XVe siècle. Le film est superbe aussi dans sa forme, assez proche du cinéma d’Eisenstein. Certaines scènes sont d’une rare ampleur ; de nombreux plans sont superbes. Empreint d’un grand mysticisme, Andreï Roublev est un très beau film, puissant, profond et doté d’une grande énergie. (Film de 3h03)
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Anatoliy Solonitsyn, Ivan Lapikov, Nikolay Grinko, Nikolai Sergeyev
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Remarque :
Andreï Roublev Le scénario a été cosigné par Andreï Tarkovski et Andreï Konchalovsky.

(1) Le prologue reprend l’idée que le ballon à air chaud aurait été inventé en Russie bien avant les frères Montgolfier. Sauf que cette théorie attribue l’invention à Furvin Kryakutnoi en l’an 1731. Tarkovski va donc encore plus loin en créant une invention encore antérieure, au XVe siècle.
(2) Les icones montrées dans l’épilogue ne sont pas toutes d’Andreï Roublev mais datent toutes de son époque.

5 juillet 2012

Copacabana (2010) de Marc Fitoussi

CopacabanaLa cinquantaine pimpante, Babou est une femme un peu fantasque qui ne se conforme à aucune norme. Lorsque sa fille refuse de l’inviter à son mariage parce qu’elle lui fait honte, elle décide de travailler pour regagner l’estime de sa fille… Marc Fitoussi nous dresse un portrait de cette femme plutôt inconséquente, en apparence extravertie voire tapageuse avec son maquillage souvent outrancier, qui révèle une personnalité assez complexe en dehors de tous stéréotypes. C’est un rôle assez délicat que ce soit à l’écriture ou à l’interprétation, car il serait facile de forcer le trait et de jouer la surenchère. Il est admirablement tenu par Isabelle Huppert qui montre toute la sensibilité du personnage avec une aisance et un naturel époustouflant (on peut se demander s’il y a un type de rôle qu’Isabelle Huppert ne pourrait tenir!) Face à elle, sa fille est interprétée par… sa fille dans la vraie vie, Lolita Chammah. Même si on peut lui reprocher un petit excès d’optimisme voire d’angélisme, Copacabana est un beau portrait d’une « originale », réalisé avec justesse et sensibilité.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Isabelle Huppert, Aure Atika, Lolita Chammah, Noémie Lvovsky, Luis Rego
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4 juillet 2012

Le nom des gens (2010) de Michel Leclerc

Le nom des gensFille d’une militante radicale et d’un immigré algérien, la jeune et volubile Bahia a décidé de convaincre les « gens de droite » à ses idées en couchant avec eux. Elle rencontre Arthur qui a un tempérament tout à fait opposé, très mesuré dans tout ce qu’il fait… Qualifier Le nom des gens de comédie politique est certainement un peu exagéré ; disons qu’il s’agit d’un divertissement assez racoleur, doté de bonnes intentions et qui joue sur la surenchère et l’outrance pour créer l’humour. Michel Leclerc a typé ses personnages à l’extrême, à commencer par son héroïne jouée par Sara Forestier dont le jeu tonitruant peut lasser assez rapidement. Il y a bien quelques traits d’humour bien trouvés, souvent sur des petits détails, mais l’ensemble apparaît très inégal avec, pour seule cohérence, une ostensible légèreté plutôt forcée. Le plus inattendu est la participation de Lionel Jospin dans une scène qui apporte une surprenante bulle de civilité.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Jacques Gamblin, Sara Forestier, Zinedine Soualem, Carole Franck, Jacques Boudet, Michèle Moretti
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3 juillet 2012

Lola (2009) de Brillante Mendoza

Titre original : « Lola »

LolaA Manille, aux Philippines, une « grand-mère » (« lola » en philippin) vient de perdre son petit-fils poignardé par un vendeur de téléphones portables. Avec son arrière-petit-fils, elle arpente les rues pour faire les démarches et trouver l’argent nécessaire pour l’inhumation. Pendant ce temps, une autre lola fait tout pour sauver son petit-fils de la prison et lui donner une seconde chance ; c’est lui qui a tué… Le réalisateur philippin Brillante Mendoza nous plonge au cœur d’un des quartiers les plus pauvres de Manille. Il nous fait suivre le parcours de ces deux grands-mères qui se démènent avec obstination dans des conditions très difficiles. Son film nous montre l’importance sociale des personnes âgées qui sont très respectées (le « grand-mère » utilisé par toutes les personnes qui s’adressent à elles est une marque de respect) et aussi l’omniprésence de l’argent qui régit tous les rapports sociaux : même la justice doit s’effacer devant lui. Le film a été tourné à Manille, pendant la saison des pluies, plus précisément à Malabon, un quartier qui est inondé toute l’année. Les intempéries (pluies massives et forts vents) malmènent les humains. Caméra à l’épaule, Brillante Mendoza a ici un style très authentique qui donne aussi à son film un rôle documentaire.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Anita Linda, Rustica Carpio, Tanya Gomez, Ketchup Eusebio
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2 juillet 2012

L’homme qui voulut être roi (1975) de John Huston

Titre original : « The man who would be king »

L'homme qui voulut être roiAux alentours de 1880, en Inde, deux ex-soldats de l’armée britannique décident de se rendre au Kafiristan, petit pays voisin mais isolé par de hautes montagnes où aucun européen n’a mis les pieds depuis Alexandre le Grand. Leur but est de prendre possession du pays et de s’y faire sacrer roi… Grand lecteur de Kipling depuis l’enfance, John Huston avait déjà en projet dans les années cinquante d’adapter la courte nouvelle L’homme qui voulut être roi ; les deux rôles principaux allaient être tenus par Clark Gable et Humphrey Bogart. Le décès de ce dernier mis fin au projet et ce n’est que vingt ans plus tard qu’il pourra le concrétiser. John Huston enrichit la nouvelle qui, tout en étant un grand film d’aventures, garde toute sa dimension philosophique sur l’attrait du pouvoir et de la richesse opposé à des sentiments plus nobles d’honneur, d’idéalisme et de loyauté dans l’amitié. Les images sont superbes (le film a été tourné entièrement au Maroc) et Michael Caine et Sean Connery forment un duo parfait, très britannique, les deux acteurs s’étant parfaitement entendus sur le tournage. L’homme qui voulut être roi est un film d’une belle ampleur.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Sean Connery, Michael Caine, Christopher Plummer
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Remarques :
* Le Kafiristan est aujourd’hui le Nouristan, une province au nord-ouest de l’Afghanistan.
* L’actrice qui interprète Roxanne est la propre femme de Michael Caine, d’origine indienne.