13 mars 2024

Don Camillo en Russie (1965) de Luigi Comencini

Titre original : « Il compagno Don Camillo »

Don Camillo en Russie (Il compagno Don Camillo)Rien ne va plus entre Don Camillo et Peppone qui a décidé de jumeler le petit village avec une commune soviétique. Don Camillo réussit à trouver une solution à ce problème en obligeant Peppone à l’emmener avec lui en Russie, déguisé en camarade communiste…
Don Camillo en Russie est un film italien réalisé par Luigi Comencini. Il s’agit du cinquième film de la série des Don Camillo et le dernier tourné avec Fernandel (1). Ce n’est pas vraiment une suite du précédent opus puisque Don Camillo et Peppone sont redevenus respectivement simple curé et maire (alors qu’ils avaient été précédemment promus monseigneur et sénateur). Assez curieusement, si l’idée de les envoyer tous deux en Russie semble prometteuse, elle n’est que très peu exploitée. Il faut attendre la moitié du film pour les voir enfin partir en Russie et il ne s’y passe finalement pas grand-chose : pas de pittoresque anticommunisme primaire à l’horizon, assez peu d’humour. Un seul bon gag (très court) sur les portraits qui disparaissent en une nuit (le remplacement de Khrouchtchev par Brejnev a eu lieu fin 1964). De toute évidence, le filon semble bien épuisé…
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Fernandel, Gino Cervi, Gianni Garko, Graziella Granata, Paul Muller
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(1) En 1970, Fernandel ne pourra achever Don Camillo et ses contestataires sous la direction de Christian-Jaque en raison de sa maladie. L’acteur décédera en février 1971. Le personnage sera repris par Gastone Moschin et le film sortira sous le titre Don Camillo et les contestataires (Don Camillo e i giovani d’oggi) en 1972, réalisé par Mario Camerini.

Fernandel, Gino Cervi et Aldo Vasco
dans Don Camillo en Russie (Il compagno Don Camillo) de Luigi Comencini.

29 octobre 2022

The Spacewalker (2017) de Dmitriy Kiselev

Titre original : « Vremya pervykh »

The Spacewalker (Vremya pervykh)Dans les années 1960, durant la guerre froide et la course à l’espace, l’URSS a déjà envoyé un homme dans l’espace et prévoit cette fois de franchir une nouvelle étape : effectuer la première sortie de l’Homme dans l’espace…
The Spacewalker (le titre original russe peut se traduire par « Le temps des premiers ») est un film russe réalisé par Dmitri Kisseliov. Il s’agit du portrait d’Alexeï Leonov, le premier homme à avoir effectué une sortie dans l’espace. C’est la dernière victoire du programme spatial russe qui sera ensuite toujours en retard sur les américains. The Spacewalker est un film à gros budget qui comporte des scènes vraiment spectaculaires (sortie dans l’espace, rentrée dans l’atmosphère, …) Sur ce point, il est très comparable aux grosses productions occidentales. Hélas, le scénario est pauvre, étiré en longueur. Lourdeur et répétition des messages de propagande (exaltation de l’homme russe, de sa capacité à résister à tout) sont évidentes, bien moins subtiles que dans les blockbusters hollywoodiens. Le film connut un grand succès en Russie.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Evgeniy Mironov, Konstantin Khabenskiy, Vladimir Ilin
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The Spacewalker (Vremya pervykh)Evgeniy Mironov dans The Spacewalker (Vremya pervykh) de Dmitriy Kiselev.

Remarque :
Dans la réalité, le problème principal de la mission était différent de celui montré : La combinaison spatiale de Leonov s’était dilatée lors de sa sortie, au point qu’elle l’empêchait de pouvoir passer par l’écoutille pour rentrer.

4 septembre 2021

Salyut-7 (2017) de Klim Shipenko

Salyut-7En février 1985, la station spatiale soviétique Saliout 7, inoccupée depuis six mois, cesse brutalement de répondre aux signaux. Elle est hors de contrôle. Les autorités redoutent la chute de l’installation sur la Terre qui pourrait causer de nombreuses victimes et jeter un discrédit sur l’URSS. Il est décidé de lancer deux cosmonautes à bord de Soyouz T-13 pour une mission périlleuse : s’arrimer à la station, identifier le problème et réparer…
Salyut-7 est un téléfilm coécrit et réalisé par Klim Chipenko pour la chaîne de télévision russe Rossiya 1. Le scénario s’inspire de l’accident réel de la station Saliout 7 en 1985 et les auteurs se sont basés sur les journaux personnels de Viktor Savinykh, le second cosmonaute de la mission Soyouz T-13. Le réalisateur s’est adjoint les conseils techniques de cosmonautes et de responsables de Roscosmos (la NASA russe). De fait, la simulation est parfaite et les scènes en apesanteur sont très crédibles. Les sorties dans l’espace n’ont que peu à envier à celles de surproductions américaines (Gravity par exemple), la réalisation est de grande qualité. Le suspense est intense et l’on se surprend plusieurs fois à se cramponner à son siège. Seule la partie propagande (qui insinue que l’intention des américains était de s’emparer de la station) fait sourire et le rendez-vous final avec la navette américaine est assez ridicule. Cela n’empêche pas ce téléfilm d’être particulièrement remarquable.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs : Vladimir Vdovichenkov, Pavel Derevyanko, Aleksandr Samoylenko, Mariya Mironova
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 Salyut-7Salyut-7 de Klim Shipenko.

 Salyut-7Vladimir Vdovichenkov et Pavel Derevyanko dans Salyut-7 de Klim Shipenko.

Remarques :
* En réalité, les deux cosmonautes ont mis douze jours pour remettre la station en état et ils y sont ensuite restés trois mois. La station Saliout 7 est, quant à elle, restée active jusqu’en 1991.

* En réalité, il n’y a pas eu de feu à bord de Soyouz 13 et, bien entendu, toute la partie concernant la navette spatiale américaine relève de l’invention scénaristique (ou de la désinformation). Une navette a bien été lancée onze jours après Soyouz T-13 mais elle était pleine et sur une trajectoire qui n’aurait pas permis un rendez-vous. Le cosmonaute français à son bord n’était pas Jean-Loup Chrétien (qui avait précédemment séjourné dans Saliout 7) mais Patrick Baudry.

* L’idée du projet de kidnapping de la station par les américains avait été longuement développée par un documentaire russe de style conspirationniste produit par Roscosmos en 2011. On peut lire un exposé des théories développées et leur réfutation sur le site Space Review : Kidnapping a Soviet space station (en anglais).

* A plusieurs reprises, les personnages parlent de la mise en place d’un système de prohibition. En effet, l’une des premières mesures prises par Makhaïl Gorbatchev qui, en 1985, venait d’arriver au pouvoir, a été de limiter la consommation d’alcool : interdiction dans les lieux publics et augmentation des prix de l’alcool de 30%. Toutefois, la consommation d’alcool n’a jamais été interdite.

23 septembre 2020

Faute d’amour (2017) de Andrei Zvyagintsev

Titre original : « Nelyubov »

Faute d'amour (Nelyubov)Boris et Genia vont bientôt divorcer. Chacun a déjà commencé un nouveau chapitre amoureux et ils ont hâte d’en finir avec les formalités. Aucun des deux ne désire avoir la garde d’Aliocha, leur fils de 12 ans. Un jour, l’enfant part à l’école et disparait sans laisser de traces…
Faute d’amour est le cinquième long métrage du réalisateur russe Andreï Zviaguintsev. Il en a coécrit le scénario avec son scénariste habituel Oleg Neguine. Pour dresser le portrait d’une famille russe moderne, son intention première était de faire un remake de Scènes de la vie conjugale de Bergman mais l’impossibilité d’en avoir les droits et la découverte de l’existence du mouvement « Liza Alert » créé en 2010 l’a orienté sur une autre voie. Cette association très efficace est composée de volontaires bénévoles qui cherchent les personnes disparues, enfants ou adultes car la police, en pratique, ne fait rien. Son film est au final une critique autant sociale que politique. A l’individualisme des deux protagonistes répond l’incurie de la police. Comme dans ses films précédents, Andreï Zviaguintsev sait donner de l’intensité à son récit, il nous offre une image esthétique et ses mouvements de camera sont remarquablement sobres.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Maryana Spivak, Aleksey Rozin, Matvey Novikov
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Faute d'amour (Nelyubov)Maryana Spivak dans Faute d’amour (Nelyubov) de Andrey Zvyagintsev.

Faute d'amour (Nelyubov)Aleksey Rozin dans Faute d’amour (Nelyubov) de Andrey Zvyagintsev.

28 février 2020

La Tragédie impériale (1938) de Marcel L’Herbier

Autres titres français : « Le Diable de Sibérie » / « La Fin des Romanoff » / « Raspoutine »

La Tragédie impérialeRussie, début du XXe siècle. Raspoutine, paysan illettré mais doué d’un charisme et d’un magnétisme hors du commun, a acquis une réputation de faiseur de miracles. Certains le voient comme un envoyé de Dieu. Le couple impérial de Russie décide de faire appel à lui pour tenter de soulager les souffrances de leur fils hémophile…
La Tragédie impériale est basé sur un roman de l’allemand Alfred Neumann. Tout sonne très juste dans l’évocation de cette figure historique sur laquelle subsistent de grandes zones d’ombre. L’approche retenue est de présenter Raspoutine comme un grand connaisseur de l’âme humaine tout en soulignant certaines contradictions du personnage. Que ce soit dans les décors ou l’éclairage, tout semble parfaitement dosé, sans recherche du spectaculaire. Ce personnage complexe est parfait pour Harry Baur, qui fait une prestation puissante mais mesurée. Les seconds rôles sont parfaitement tenus. L’histoire est prenante. Trop peu connu, le film ressort aujourd’hui en DVD dans une version restaurée. Il le mérite largement.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Harry Baur, Marcelle Chantal, Pierre Richard-Willm, Jean Worms, Jany Holt
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Remarque :
* La Tragédie impériale (1938), Adrienne Lecouvreur (1938) et Entente cordiale (1939) sont trois films historiques que Marcel L’Herbier appelle des « chroniques filmées ». Il les considère comme « une leçon d’histoire, très proche de la réalité. Il y a une ligne romanesque mais qui ne me semble nullement plaquée. » (Entretien avec Jacques Siclier, Marcel L’Herbier par Noël Burch, Seghers, 1973)

La Tragédie impérialeHarry Baur et Carine Nelson dans La Tragédie impériale de Marcel L’Herbier.

10 décembre 2019

L’idiot ! (2014) de Yuriy Bykov

Titre original : « Durak »

L'idiot ! (Durak)Dans une ville de Russie, le jeune plombier Dima Nikitin est appelé pour intervenir dans un immeuble d’un quartier populaire. Il découvre une énorme fissure sur toute la hauteur de l’édifice qui penche dangereusement. Il tente de convaincre les édiles de la ville d’évacuer immédiatement les huit cents locataires…
Cet Idiot n’est pas celui de Dostoïevski mais celui du trentenaire Yuriy Bykov. Son film dénonce la corruption, touchant tous les services et administrations qui se protègent mutuellement. Sa vision est rendue encore plus noire avec la peinture des rapports entre les personnes, y compris au sein d’une même famille, dominés par l’amertume due aux désillusions et espoirs déçus. Les personnes comme Dima « on les traite de romantiques, d’altruistes, d’idéalistes ou simplement d' »idiots » pour bien marquer qu’ils ne se comportent pas normalement à une époque où le cynisme, la peur et l’indifférence sont devenus la norme » explique le réalisateur. C’est une vision assez épouvantable de la Russie d’aujourd’hui qu’il nous propose. Tout cela est très noir et exprimé avec une force qui nous secoue.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Artyom Bystrov, Natalya Surkova, Yuriy Tsurilo, Boris Nevzorov
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 L'idiot ! (Durak)Darya Moroz et Artyom Bystrov dans L’idiot ! (Durak) de Yuriy Bykov.

7 mars 2019

Tesnota, une vie à l’étroit (2017) de Kantemir Balagov

Titre original : « Tesnota »

Tesnota, une vie à l'étroitEn 1998, dans une ville du Caucase, Ilana travaille dans le garage de son père pour l’aider à joindre les deux bouts. Un soir, la famille juive et les amis se réunissent pour célébrer les fiançailles de son jeune frère David. Dans la nuit, David et sa fiancée sont kidnappés. Bien que la famille soit très pauvre, une grosse rançon est réclamée…
Basé sur une histoire réelle, ce premier long métrage de Kantemir Balagov, jeune réalisateur russe de 27 ans, a été très remarqué au Festival de Cannes 2017. Comme l’indique le titre (Тесноtа, littéralement Étroitesse), le fond du propos est cette sensation d’être à l’étroit dans un carcan familial et ethnique. Ce carcan étouffe la jeune Ilana qui aspire à plus de liberté dans ses choix. L’antisémitisme pèse également très lourd. Kantemir Balagov fait preuve d’un indéniable talent pour trouver des solutions originales pour exprimer cette Тесноtа : des plans serrés, un cadre dans le cadre parfois réduit à moins d’un 1/10e de l’image, des cadrages étonnants parfois en très gros plan. On ressent avec force cette oppression, cet enfermement. De ce fait, on ne peut dire que la vision du film soit une partie de plaisir ; et les scènes de beuveries et la musique techno, un peu dures à supporter, n’arrangent rien… Mais à côté de cela, il a des moments de fulgurance comme on en voit rarement (1). C’est en tous cas un film qui ne laisse pas indifférent.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Darya Zhovnar, Atrem Cipin, Olga Dragunova
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Remarques :
* L’histoire se déroule à Naltchik, ville du Caucase de plus de 200 000 habitants, proche de la Tchétchénie. La population est pour la moitié kabarde (musulmans sunnites pour la plupart). La communauté juive y est très peu nombreuse, moins de 1%. Kantemir Balagov précise en début de film qu’il est kabarde. Les Kabardes forment avec les Balkars (d’origine turque) la population titulaire de la Kabardino-Balkarie, république autonome de la Fédération de Russie.
* La vidéo d’exécution d’un soldat russe regardée par les jeunes kabardes alcoolisés est réelle (elle date de 1998 dans le proche Daghestan). Le réalisateur dit l’avoir récupérée lorsqu’il avait douze ou treize ans.

Tesnota
Darya Zhovnar (à l’arrière-plan : Olga Dragunova) dans Tesnota, une vie à l’étroit de Kantemir Balagov.

Tesnota

(1) Exemple de fulgurance de génie : à un moment de forte tension familiale entre la mère et son fils, Kantemir Balagov filme en très gros plan le cou (oui, le cou !) de la jeune Ilana qui a envie d’exploser, ce cou devient très expressif et finit par se tendre en une complainte presque animale soulignée par une musique évoquant un cri…

7 novembre 2018

Une femme douce (2017) de Sergey Loznitsa

Titre original : « Krotkaya »

Une femme douceUne femme envoie régulièrement des colis à son mari incarcéré pour un crime qu’il n’a pas commis. Un jour, le colis lui est retourné, sans aucune précision. Elle part en Sibérie à la recherche d’une explication…
Précisons d’emblée que le film Sergei Loznitsa n’est pas une adaptation de la nouvelle La Douce de Dostoïevski, sur laquelle le long métrage de 1969 Une femme douce de Robert Bresson était basé. Il s’agit d’un regard que le réalisateur ukrainien porte sur la Russie actuelle, avec une vision très kafkaïenne de l’administration, opaque et archaïque, et un portrait très noir de ses habitants. Ajoutez à cela l’omniprésence des réseaux parallèles mafieux et vous obtenez une image plutôt répulsive et même cauchemardesque de la société russe. Le réalisateur semble forcer le trait, certaines séquences sont presque hystériques, et il nous gratifie même d’une longue séquence onirique à la Fellini, sorte de résumé pour les nuls  qui paraît grotesque dans son didactisme. Le forme est étonnante : de longs (et même très longs) plans-séquences qui témoignent d’une grande maitrise de la mise en scène.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Vasilina Makovtseva, Liya Akhedzhakova, Valeriu Andriutã
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Une femme douce
Vasilina Makovtseva dans Une femme douce de Sergey Loznitsa.

Remarque :
* Une femme douce est pour Sergei Loznitsa une métaphore d’un pays où les gens « se font perpétuellement violer », y compris par eux-mêmes. « Ce pays est empreint de toutes formes de violences. D’un côté vous avez une totale hypocrisie, un énorme mensonge, une parfaite omerta… et de l’autre des choses absolument horribles qui continuent de se passer chaque jour. Pour moi, tout ça reste une énigme très inquiétante. Au lieu de vivre et de faire les choses de manière tranquille, gaie, sympathique, on doit à chaque étape de son existence emprunter une voie difficile, mensongère, parfois terrible. » (Extrait du dossier de presse)

11 septembre 2018

Le Disciple (2016) de Kirill Serebrennikov

Titre original : « Muchenik »

Le DiscipleUn adolescent devient fanatique de religion au grand désarroi de sa mère et de ses professeurs qui ne savent quelle attitude adopter…
Le Disciple est l’adaptation de la pièce Martyr du dramaturge allemand Marius von Mayenburg, écrite en 2012. Le film ne décrit pas tant par quels mécanismes le jeune homme devient un illuminé de la Foi, mais s’attache plutôt à montrer l’impuissance des institutions civiles et religieuses face à cette forme d’absolu. Et c’est même pire que cela puisque l’adolescent parvient à faire passer son fondamentalisme comme norme et la seule professeure qui, du fait de ses idées progressistes, tente de comprendre le phénomène pour mieux le contrer voit sa démarche se transformer en obsession destructrice. Certes, on frôle souvent l’outrance mais la démonstration est assez terrifiante. L’auteur montre également comment on peut sélectionner des écrits pour justifier son attitude fanatique : chrétien orthodoxe, l’adolescent cite constamment la Bible et le réalisateur indique en surimpression discrète les références pour bien montrer qu’il n’y a là aucune exagération. Kirill Serebrennikov filme cela en longs plans-séquences qui donnent une indéniable puissance à l’ensemble. Cette poussée d’obscurantisme a de quoi nous donner des frayeurs.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Pyotr Skvortsov, Viktoriya Isakova, Yuliya Aug
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Remarque :
* Kirill Serebrennikov a placé l’action à Kaliningrad (anciennement Königsberg, patrie de Kant), aujourd’hui une enclave russe au bord de la Baltique, entre la Pologne et la Lituanie.

Le Disciple
Pyotr Skvortsov et Aleksandra Revenko dans Le Disciple de Kirill Serebrennikov.

15 novembre 2017

Les Aventures fantastiques du baron Münchhausen (1943) de Josef von Báky

Titre original : « Münchhausen »
Autres titres français : « Les Aventures du Baron de Muenchhausen », « Les Aventures du Baron Münchhausen », « Le Baron de Muenchhausen »

Le Baron de MuenchhausenUn descendant du baron de Münchhausen raconte à un jeune couple de ses amis les aventures tumultueuses de son illustre aïeul…
Les Aventures fantastiques du baron Münchhausen est un film allemand réalisé en pleine guerre à la demande de Goebbels pour le 25e anniversaire de la UFA. En dépit de ce lourd pedigree, cette superproduction ne présente étonnamment aucun caractère de propagande (ce qui valut à Fritz Hippler de perdre son poste de directeur des films du Reich et d’être envoyé sur le front). Le budget mis à disposition fut très important (1) et de nombreuses scènes restent impressionnantes aujourd’hui par leur ampleur. Le faste des multiples décors et des costumes, magnifiés par la couleur (Agfacolor), n’a rien à envier aux superproductions américaines de l’époque. Mais le plus étonnant reste le modernisme de l’ensemble par les techniques employées et les trucages. L’exagération des récits du baron est bien retranscrite et l’humour très présent. Il y aussi de belles trouvailles de scénario, des notes poétiques et même quelques scènes de nudité totale assez osées (qui furent toutefois coupées dans les versions commerciales). Les Aventures fantastiques du baron Münchhausen connurent un grand succès pendant et après la guerre. Le film a été magnifiquement restauré dans sa presque totalité en 2016 à partir de plusieurs sources.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Hans Albers, Käthe Haack, Brigitte Horney, Wilhelm Bendow, Ilse Werner
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Remarques :
* Agfacolor est un procédé de film couleur mis au point par Agfa dans les années trente. Une douzaine de longs métrages allemands ont été tournés en Agfacolor entre 1940 et 1945. Münchhausen est le troisième. A la fin de la guerre, les Alliés ont mis la main sur les stocks (l’utilisation la plus célèbre est celle d’Eisenstein pour Ivan le Terrible). L’usine se retrouvant en Allemagne de l’Est fut renommé ORWO par les russes et le procédé, OrwoColor. De leur côté, les américains exploitèrent le procédé sous le nom Anscochrome, du nom de la filiale américaine d’Agfa, Ansco, pour un nombre de films très limité.
* Le réalisateur d’origine hongroise Josef von Báky ne produira que des films peu remarquables par la suite. On peut donc se demander s’il ne fut qu’un simple exécutant sur ce projet.

(1) Le budget aurait été de l’ordre de 6,5 millions de Reichsmarks, ce qui équivaut à 2,6 millions de dollars de la même époque, soit les ¾ du budget estimé d’Autant en emporte le vent (1939).

Münchhausen
Hans Albers et Brigitte Horney dans Le Baron de Muenchhausen de Josef von Báky.

Münchhausen
Brève mais très impressionnante scène tournée à Venise avec des gondoles de collection dans Le Baron de Muenchhausen de Josef von Báky.

Münchhausen
Hans Albers et Marianne Simson dans Le Baron de Muenchhausen de Josef von Báky.

Autres adaptations :
Les Aventures du baron de Münchausen de Georges Méliès (1911)
Les Aventures fantastiques du baron Münchhausen de l’allemand de Josef Von Baky (1943) réalisé pour les 25 ans de la UFA à la demande de Goebbels.
Le Baron de Crac de Karel Zeman (1962)
Les fabuleuses aventures du légendaire Baron de Munchausen de Jean Image (1979), dessin animé
Le Secret des Sélénites de Jean Image (1984), dessin animé.
Les Aventures du baron de Munchausen de Terry Gilliam (1988)