21 février 2015

Le Salaire de la peur (1953) de Henri-Georges Clouzot

Le salaire de la peurDans une petite bourgade d’Amérique latine écrasée par le soleil, végètent des aventuriers qui ont échoué là sans pouvoir en repartir. Lorsqu’arrive un ancien gangster de petite envergure, Jo, il se lie immédiatement d’amitié avec Mario, ancien parisien comme lui. Une opportunité se présente à eux : une compagnie pétrolière offre une grosse somme pour transporter un chargement de nitroglycérine sur quelques centaines de kilomètres. Le mauvais état des routes risque de faire exploser le chargement à tout moment… Adapté du roman semi-autobiographique de l’aventurier Georges Arnaud (1), Le salaire de la peur est un grand classique du cinéma français. Il fait partie de ces films qui ne s’oublient jamais. Henri-Georges Clouzot a bénéficié d’une grande liberté pour le réaliser. Ainsi il n’hésite pas à camper ses personnages par une longue introduction, des personnages en proie à l’inaction et à l’immobilisme. Après le départ des camions, Clouzot parvient à maintenir un équilibre entre action et étude psychologique, la proximité du danger faisant ressortir la vraie nature de chacun. Et surtout, il maintient une tension très forte qui capte toute notre attention. Charles Vanel, dont la carrière avait tendance à s’effilocher, a pu revenir au premier plan grâce à son interprétation complexe et Yves Montand est ici dans l’un de ses meilleurs rôles au cinéma.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Yves Montand, Charles Vanel, Folco Lulli, Peter van Eyck, Véra Clouzot
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Le Salaire de la peur
Charles Vanel et Yves Montand (au volant) dans Le Salaire de la Peur de H.-G. Clouzot

Remarques :
* Le salaire de la peur a été tourné entièrement en France en Camargue (près de Saint-Gilles) et dans les montagnes provençales. Le tournage était initialement prévu en Espagne mais Yves Montand avait catégoriquement refusé d’aller travailler dans ce pays tant qu’il serait dirigé par le dictateur Franco.
* Le tournage, ayant pris du retard en 1951 pour cause de maladie, fut interrompu car l’hiver approchait. Il ne put reprendre qu’à l’été 1952.
* Le salaire de la peur est le premier des trois films tournés par Véra Clouzot avec son mari. Etant d’origine brésilienne, elle était tout à fait indiquée pour le rôle de la belle Linda.
* Palme d’Or au festival de Cannes 1953.

Remake américain :
Le Convoi de la peur (Wages of fear ou Sorcerer) de William Friedkin (1977) avec Roy Sheider

Film très proche :
Violent Road de Howard W. Koch (1958) avec Brian Keith. Ce n’est pas officiellement un remake mais l’histoire est vraiment très proche : il s’agit ici de transporter un carburant de fusée sur des routes venteuses de montagne. Le film est très peu connu.

(1) Fils de bonne famille, Georges Arnaud (de son vrai nom Henri Girard) avait été au premier plan de l’actualité sept ans plus tôt : Accusé à 24 ans du triple meurtre de son père, de sa tante et de leur domestique, il a été acquitté après un long procès retentissant. Exilé en Amérique du Sud, il y a exercé plusieurs métiers dont celui de camionneur et écrit plusieurs livres. Par la suite, il deviendra journaliste et prendra parti pour le F.L.N. lors de la Guerre d’Algérie.

14 octobre 2014

Jeune et innocent (1937) de Alfred Hitchcock

Titre original : « Young and Innocent »
Autre titre (USA) : « The Girl was Young »

Jeune et innocentUne actrice est retrouvée morte étranglée sur la plage. Entraperçu quittant les lieux du crime, un jeune homme est accusé à tort. Il se rend compte rapidement qu’il ne peut compter que sur lui-même pour prouver son innocence… Jeune et innocent fait partie des meilleurs films de la période anglaise d’Alfred Hitchcock. Le thème est celui du faux coupable. Toutefois, ce n’est pas tant l’intrigue en elle-même qui fait la qualité du film mais la façon dont le cinéaste capte toute notre attention. Hitchcock maitrise alors de mieux en mieux ce mélange de légèreté apparente et de tension qui va le caractériser. Il sait placer le suspense dans les scènes les plus anodines, par exemple dans une fête d’enfants.
Il a également de belles trouvailles comme ce long travelling devenu l’un des plus célèbres du cinéma : Jeune et innocent la caméra surplombe la salle de danse du Grand Hotel et, partant de très loin, effectue un long travelling avant par-dessus des danseurs pour aller cadrer les yeux du batteur de l’orchestre situé au fond de la salle (et livrer au spectateur un indice que les personnages principaux ignorent, renforçant ainsi le suspense). Indéniablement réussi, Jeune et innocent est un beau divertissement.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Nova Pilbeam, Derrick De Marney, Edward Rigby
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Remarque :
* Cameo : Alfred Hitchcock apparaît assez longuement à l’extérieur du tribunal avec un petit appareil photo à la main.

Jeune et innocent (Young and Innocent)Nova Pilbeam et Derrick De Marney dans Jeune et innocent (Young and Innocent) de Alfred Hitchcock.

15 septembre 2014

Les Oiseaux (1963) de Alfred Hitchcock

Titre original : « The Birds »

Les oiseauxEnfant gâtée habituée à avoir tout ce qu’elle veut, Melanie Daniels décide de jouer un tour à Mitch Brenner qu’elle a rencontré la veille dans un magasin d’animaux. Elle se rend à Bodega Bay au nord de San Francisco où il passe le week-end en apportant deux lovebirds (1)Les Oiseaux est l’un des films les plus connus et les plus commentés d’Alfred Hitchcock. C’est celui où il a été le plus loin dans la création de la peur. Tout l’art est d’avoir utilisé des créatures très ordinaires, habituellement considérées comme inoffensives, pour créer cette terreur. Et l’absence d’explication finale (2) semble venir nous dire « je vous ai bien fait peur, mais tout cela était pour rire ». Le succès de Psychose a donné à Hitchcock la possibilité d’une production importante. Le cinéaste a ainsi pu être aussi perfectionniste qu’il le souhaitait, utilisant des trucages sophistiqués et allant jusqu’à martyriser sa nouvelle actrice préférée, Tippi Hedren, qui dût subir, plusieurs jours durant, des attaques de mouettes lancées sur elle (pour la scène du grenier). La construction, le déroulement du scénario et la mise en scène de l’attente (car le spectateur sait que les oiseaux vont attaquer) montrent l’expertise du « maître du suspense ». Le montage a été largement étudié depuis, l’une des scènes les plus remarquables sur ce plan est celle des oiseaux qui viennent se poser derrière Tippi Hedren à l’extérieur de l’école. Le côté spectaculaire du film nous ferait presque oublier la trame psychologique avec des rapports mère-fils dominés par la crainte de l’abandon qu’Hitchcock distille habilement pour renforcer encore la tension. Le film connut un très grand succès.
Elle: 5 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Tippi Hedren, Rod Taylor, Suzanne Pleshette, Jessica Tandy
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Remarques :
* L’idée de départ d’utiliser des oiseaux mécaniques a finalement été abandonnée car elle ne donnait pas de bons résultats. Les coûteux automates ont toutefois été utilisés dans quelques plans, notamment dans quelques scènes avec les enfants.

* La bande-annonce est un petit joyau d’humour hitchcockien : le cinéaste nous fait un petit cours d’ornithologie avant de s’asseoir à table devant un poulet rôti :
Voir la bande-annonce complète (anglais non sous-titré), incomplète (anglais sous-titré)…

* Les Oiseaux est basé sur une nouvelle de Daphné du Maurier qu’Hitchcock dit avoir lue… « dans un de ces recueils intitulés Alfred Hitchcock Presents » ! Cette nouvelle se basait sur un fait divers survenu à La Jolla (Californie) : une nuée d’oiseaux était entré dans une maison par la cheminée et avait en partie dévasté l’intérieur de la pièce.

* Caméo d’Alfred Hitchcock : alors que Tippi Hedren entre dans l’animalerie au début du film, il est un client qui sort du magasin avec plusieurs caniches blancs en laisse.

(1) Lovebirds = « inséparables » en français, ce sont de petits perroquets africains qui vivent en couple.

(2) Certaines interprétations ont toutefois été avancées. Pour Jean Douchet, par exemple, Melanie « commet l’irréparable : prendre l’homme comme sujet d’expérience. En portant les love birds chez Mitch Brenner, elle imagine et monte une pure mise en scène. De sa barque, elle guette, toute excitée, la réaction de cet homme qui lui est presque inconnu. Par ce crime occulte, elle déclenche immédiatement le drame : la première attaque d’oiseaux. » (Hitchcock, éditions Cahiers du Cinéma)

Les Oiseaux (The Birds)Les Oiseaux (The Birds) de Alfred Hitchcock.

Les Oiseaux (The Birds)Rod Taylor et Tippi Hedren dans Les Oiseaux (The Birds) de Alfred Hitchcock.

18 juillet 2014

Body Double (1984) de Brian De Palma

Body DoubleActeur sans envergure et sans contrat, Jake cherche un lieu où se loger après avoir surpris la femme qu’il aimait dans les bras d’un autre homme. Au cours de ses auditions, il rencontre un acteur qui lui propose de garder la superbe maison d’un ami sur les hauteurs d’Hollywood. Le grand salon permet d’avoir une vue sur une maison où une jeune femme se livre tous les soirs à une danse lascive… Body Double est écrit, produit et réalisé par Brian De Palma qui a donc pu bénéficier d’une grande latitude. L’un des thèmes récurrents chez Brian de Palma est celui du double et on comprend aisément, avec un tel titre (1), que ce sera ici plus que jamais le cas. Il montre aussi sa grande dévotion envers Hitchcock et Body Double est, au moins dans sa première partie, vraiment très proche de Vertigo. L’intrigue est intelligemment écrite même s’il faut reconnaitre que le film fonctionne mieux à sa première vision, lorsque que l’on n’a aucune idée de ce qui nous attend. On peut reprocher au film d’être un peu racoleur et d’appuyer un peu trop ses effets. Comme toujours avec De Palma, la virtuosité formelle est un élément attractif : la scène de l’étreinte a l’entrée du tunnel avec son interminable mouvement circulaire force l’admiration.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Craig Wasson, Melanie Griffith, Gregg Henry, Deborah Shelton
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Remarques :
* Body Double inclut in extenso une chanson de Frankie Goes to Hollywood, Relax, que le groupe britannique avait sorti l’année précédente. Présent à l’écran, le groupe a utilisé ce passage pour en faire un clip avec un montage un peu différent qui inclut d’autres séquences du film.

* La maison circulaire existe vraiment : elle a pour nom Chemosphere et fut construite en 1960 par l’architecte John Lautner. Elle est située 7776 Torreyson Drive, au dessus de Mulholland Drive. A l’époque qualifiée de « maison la plus moderne du monde » par l’Encyclopædia Britannica, elle est octogonale et posée sur un pilier de béton de 9 mètres de haut. On y monte par un petit funiculaire. Le terrain en pente de 45° était considéré inconstructible. Depuis 2000, la maison appartient à Benedikt Taschen, de la maison d’édition allemande Taschen, qui l’a restaurée. Elle a été classée monument historique par la ville de Los Angeles.
Voir la maison sur le site de la Fondation John Lautner

* L’actrice Deborah Shelton (qui interprète Gloria Revelle) est essentiellement connue pour avoir été l’un des principaux personnages de la série Dallas.

(1) Body double est le terme américain pour désigner un certain type de doublure au cinéma : un body double peut être utilisé pour certains gros plans sur le corps, le plus souvent parce que l’acteur ne veut (ou ne peut) montrer son corps nu.

6 janvier 2014

L’Énigme du Chicago Express (1952) de Richard Fleischer

Titre original : « The Narrow Margin »
Autre titre (Belgique) : « Les Tueurs du Pacific-Express »

L'énigme du Chicago ExpressDeux policiers sont chargés d’escorter la jeune veuve d’un gangster en train, de Chicago à Los Angeles où elle doit témoigner dans un important procès. Des tueurs ont été lancés à ses trousses… Sur une histoire écrite par Martin Goldsmith et Jack Leonard, L’Énigme du Chicago Express (The Narrow Margin) a été mis sur pied comme une série B mais le résultat dépasse largement le simple film de genre. Tourné en seulement treize jours avec un budget très serré, le film démontre la virtuosité de Richard Fleisher. La grande majorité des quelque 1h10 se déroulent à bord d’un train et le cinéaste s’est montré particulièrement inventif pour filmer dans un décor si exigu : il utilise une caméra portée, c’est-à-dire tenue à la main par l’opérateur, ce qui en fait l’un des premiers films à utiliser cette façon de filmer. Le décor était fixe et c’est le mouvement de la caméra qui simule les balancements du train. Cette grande mobilité lui permet surtout de suivre les personnages dans les couloirs, les compartiments, le wagon-restaurant, ce qui décuple l’effet du jeu du chat et de la souris. Les Tueurs du Pacific Express Dès les premières minutes, la tension est constante ; il n’y a aucun temps mort. Le suspense nous capte et ne nous lâche plus. En outre, le film de Fleisher nous offre une réflexion sur le rôle du policier dans le cadre de cette lutte contre le crime organisé. Son héros est un policier quelque peu désabusé, qui se pose des questions, en partie déstabilisé par la perspective d’une « mort pour rien ». Ceci apporte non seulement un certain réalisme au film mais aussi une grande noirceur. L’Énigme du Chicago Express connut un grand succès à sa sortie.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Charles McGraw, Marie Windsor, Jacqueline White
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Remarques :
* Tourné en 1950, L’Énigme du Chicago Express n’est sorti que deux ans plus tard. Entre temps, il aurait « trainé » sur le bureau d’Howard Hughes, l’excentrique patron de la RKO, qui désirait le voir après en avoir entendu parler en bien mais l’aurait oublié. Après l’avoir enfin visionné, il aurait proposé à Richard Fleisher de le refaire avec un budget plus important et des acteurs de premier plan mais le cinéaste était passé à autre chose entre temps et sous d’autres cieux puisque The Narrow Margin est son dernier film pour la RKO.

* Autres films se déroulant entièrement dans un train (avant 1952) :
Une femme disparait (The Lady Vanishes), film anglais d’Alfred Hitchcock (1938)
Le Grand Attentat (The Tall Target) d’Anthony Mann (1951) qui fut tourné après The Narrow Margin mais sortit avant lui.

Remake :
Le Seul Témoin (Narrow Margin) de Peter Hyams (1990) avec Gene Hackman, remake à gros budget mais sans saveur.

7 septembre 2013

Pulsions (1980) de Brian De Palma

Titre original : « Dressed to Kill »

PulsionsInsatisfaite dans son mariage, Kate Miller s’en confie à son psychiatre. Elle se rend ensuite dans un musée où elle est attirée par un bel inconnu… Ecrit par Brian De Palma, Pulsions est un film psychanalytique au suspense puissant dont le vecteur principal est l’attirance sexuelle. Une fois de plus (1), Brian De Palma rend un hommage (très) appuyé à Alfred Hitchcock, le film pouvant être vu comme une nouvelle variation du thème de Psychose. La plus belle scène est incontestablement celle du musée, une longue scène muette où tout se joue sur les regards (l’importance des regards est d’ailleurs une constante dans tout le film). Brian De Palma y montre en outre une grande dextérité dans les mouvements de caméra et Angie Dickinson, toute vêtue de blanc, dégage une présence et une sensualité rares. Cette scène est vraiment remarquable, une merveille. La tension est ensuite constante durant tout le film, parfaitement construit. Comme les meilleurs suspenses, le film fonctionne tout aussi bien après plusieurs visions. Il fait d’ailleurs partie de ces films que l’on n’oublie guère.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Michael Caine, Angie Dickinson, Nancy Allen, Dennis Franz
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Remarques :
* La scène du musée, censée se dérouler au Metroplitan Museum of Art de New York, est en réalité tournée dans le Philadelphia Museum of Art.
* Nancy Allen était alors depuis peu la femme de Brian De Palma.

(1) Quatre ans plus tôt, Brian De Palma avait réalisé Obsession inspiré de Sueurs froides d’Alfred Hitchcock.  A noter que le scène du musée de Pulsions fait, elle aussi, référence à ce même film d’Hitchcock.

27 octobre 2012

Le rideau déchiré (1966) de Alfred Hitchcock

Titre original : « Torn curtain »

Le rideau déchiréUn professeur de physique nucléaire américain se rend à un congrès à Copenhague avec son assistante et fiancée. Cette dernière réalise avec effroi que son futur mari est sur le point de faire défection et de se rendre en Allemagne de l’Est… Le rideau déchiré est un film d’espionnage qui nous plonge en pleine guerre froide. Les acteurs Julie Andrews et Paul Newman ont été imposés à Hitchcock qui s’est plaint de leurs cachets faramineux, dévoreurs de budget. Il avait raison car le couple ne fonctionne à aucun moment, restant à un haut niveau de froideur tout au long du film qui s’en trouve handicapé. Le rideau déchiré comporte quelques scènes fortes, l’assassinat silencieux de Gromek (où Hitchcock a voulu montrer à quel point il pouvait être difficile de tuer un homme), la rencontre avec le professeur Lindt ou encore la fuite en autocar mais l’ensemble paraît un peu long et convenu. Il faut attendre le derniers tiers du film pour retrouver une intensité plus coutumière au réalisateur. Malgré les critiques dont il fut l’objet, Le rideau déchiré a connu un bon succès.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Paul Newman, Julie Andrews, Ludwig Donath, Günter Strack
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Remarque :
Dans le premier tiers du Rideau déchiré, vu au travers des yeux de Julie Andrews, Hitchcock place le spectateur dans une position assez étonnante, en avance sur l’héroïne, nous laissant ainsi deviner très tôt, bien avant elle, le but réel du savant. Le réalisateur dit ne pas avoir voulu débuter son film de façon conventionnelle (où un agent secret se voit confier une mission etc.)

8 juin 2012

La corde (1948) de Alfred Hitchcock

Titre original : « Rope »

La cordeDeux jeunes intellectuels étranglent avec une cordelette leur camarade de collège, un acte gratuit basé sur une théorie vaguement nietzschéenne, et reçoivent ensuite les parents de leur victime avec quelques amis pour un cocktail…
La corde est le premier film en couleurs d’Alfred Hitchcock mais il est surtout célèbre pour la gageure technique de filmer en un seul plan comme l’était la pièce en seul acte de Patrick Hamilton dont le film est adapté. En réalité, il y a onze plans en tout (1), à l’époque les bobines ne pouvaient dépasser dix minutes. Unité de lieu, un appartement new-yorkais, unité de temps, l’histoire commence à 19h30 et se termine à 21h15. Par des mouvements de camera, Hitchcock expérimente une autre façon de faire le découpage. La corde est donc en premier un exploit technique qui nécessita une grande préparation, des murs qui pouvaient être écartés pour laisser passer la caméra, un ballet de techniciens pour que personne ne soit dans le champ au mauvais moment. La vue panoramique sur New York que laissent voir les grandes baies vitrées évolue elle aussi : les nuages se déplacent, la nuit tombe lentement. La forme fait passer le contenu au second plan, l’histoire n’étant pas très forte en soi. Le plus remarquable est le climat malsain qui s’installe, c’est d’ailleurs l’un des rares films d’Hitchcock où l’on ne peut s’identifier à l’un des personnages.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: James Stewart, John Dall, Farley Granger, Edith Evanson, Douglas Dick, Cedric Hardwicke
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Remarques :
* Dans ses entretiens avec Truffaut, Hitchcock (qui aime toujours surprendre par des formules-choc) appelle tout cela « un truc » et ajoute même « complètement idiot ». Il préfère ensuite parler longuement du travail sur l’éclairage que l’utilisation de la couleur obligeait à reconsidérer entièrement.
* La corde est le premier film produit par la propre compagnie d’Hitchcock : Transatlantic pictures (le second et ultime film sera Les Amants du Capricorne).

(1) Les plans durent respectivement 1’54" (ouverture), 9’36", 7’51", 7’18", 7’09", 9’57", 7’36", 7’47", 10′, 4’36" et 5’39" (Jacques Lourcelles – Dictionnaire du cinéma). Plusieurs fois, Hitchcock utilise le moment où un personnage passe devant la caméra pour changer de bobine mais on peut compter 5 changements normaux, dont un large champ-contrechamp.

5 avril 2012

Le corbeau (1943) de Henri-Georges Clouzot

Le corbeauDans une petite ville de province, une série de lettres anonymes est envoyée à plusieurs personnes par un mystérieux corbeau. Le médecin Rémy Germain est accusé d’avoir une liaison et de pratiquer des avortements. D’autres lettres suivent, accusant plusieurs notables de la ville… Tourné pendant l’Occupation pour la Continental, firme à capitaux allemands, Le corbeau est le deuxième film d’Henri-Georges Clouzot. Injustement contesté à sa sortie (1), le film est remarquablement bien construit, distillant un solide suspense permanent avec une indéniable richesse des personnages. Le fond du propos est d’inspirer une certaine prudence dans les jugements. La scène célèbre de l’ampoule électrique qui se balance devant les yeux du docteur symbolise bien ce propos (2). Le corbeau Le film est servi par une interprétation parfaite. Aux côtés de Pierre Fresnay et de Ginette Leclerc, tous les seconds rôles sont solidement tenus par des acteurs de talent, Pierre Larquey en tête. Le corbeau est un film quasi parfait qui mérite de figurer parmi les plus grands films français, toutes époques confondues.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Pierre Fresnay, Ginette Leclerc, Micheline Francey, Héléna Manson, Sylvie, Pierre Larquey, Noël Roquevert
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Remarques :
Le corbeau est inspiré d’un fait divers des années vingt : les lettres anonymes de Tulle.

(1) Le corbeau fut vivement critiqué à sa sortie, aussi bien par le pouvoir en place à Vichy que par la presse clandestine de la Résistance. On reprochait à Henri-Georges Clouzot de dresser un portrait trop noir de la population française, où tout le monde avait quelque chose à se reprocher et où chacun médisait sur l’autre. La Continental avait fait placer une mention en début de film indiquant qu’il s’agissait d’un village comme il en existait beaucoup en France. Il avait là de quoi ternir l’image des français. A la Libération, le film fut interdit et Clouzot et le scénariste Louis Chavance furent frappés d’interdiction de travailler dans le cinéma à vie. Cette sentence aveugle fut heureusement annulée deux ans plus tard et le film fut peu à peu réhabilité et considéré à juste valeur.
Comme le fait remarquer Jacques Lourcelles, si l’intention des allemands était de dresser un portrait des français inspirant le mépris, le résultat fut tout autre, notamment dans les autres pays occupés : la qualité du film tranchait nettement avec le piètre niveau des films allemands et mettait donc en valeur une certaine qualité française. D’autre part, il semble que le film ne fut pas distribué en Allemagne.

(2) Vorzet dit à Rémy Germain : « Vous croyez que le bien c’est la lumière et l’ombre le mal… » Il fait osciller devant ses yeux la lampe qui pend du plafond. « Mais où est l’ombre ? La lumière ? » Nous voyons les deux visages passer sans arrêt de l’ombre à la lumière… Autrement dit, ce qui est ombre peut devenir lumière et inversement.

29 mars 2012

Crime d’amour (2010) de Alain Corneau

Crime d'amourDans les bureaux français d’une multinationale, Isabelle la plus jeune est la plus brillante des collaboratrices de Christine, une femme de pouvoir qu’elle admire. Mais les deux femmes ne vont pas tarder à s’opposer… Crime d’amour débute comme une observation des luttes de pouvoir dans une entreprise, rien de bien passionnant donc, mais, comme le titre le laisse supposer, tout bascule quand un crime est commis. A partir de ce moment, le film d’Alain Corneau devient bien plus intéressant car il est bien difficile de prévoir la suite des évènements. Pour son dernier film (1), Alain Corneau revisite donc le thème du crime parfait. Il le fait « à l’ancienne », son film montrant un lien de parenté plutôt avec les films de Hitchcock ou les films de suspenses psychologiques des années quarante qu’avec les films actuels. Crime d’amour ne répond pas donc aux canons actuels et c’est tout à son honneur. Est-ce pour cette raison que le film n’a pas fait l’unanimité? Peut-être…
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Ludivine Sagnier, Kristin Scott Thomas, Patrick Mille, Guillaume Marquet, Gérald Laroche
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Remake :
Passion de Brian De Palma (2012) avec Rachel McAdams et Noomi Rapace.

(1) Alain Corneau est décédé quelques jours après la sortie du film, à l’âge de 67 ans.