24 mars 2014

Gun Crazy (1950) de Joseph H. Lewis

Autre Titre  : « Deadly Is the Female »
Titre français : « Le Démon des armes »

Gun Crazy: Le démon des armesDès son plus jeune âge, Barton a été attiré par les armes. Lorsqu’il va rencontrer la jeune Annie, elle aussi tireuse hors pair, sa vie va basculer et ils vont enchainer les holdups… Produit et mis sur pied par les King Brothers, Gun Crazy est basé sur une histoire de MacKinlay Kantor parue dans un quotidien et réécrite par Dalton Trumbo (1). Cette histoire préfigure des films comme Bonnie & Clyde (1967) d’Arthur Penn ou Badlands (1973) de Malick, fuite en avant d’un jeune couple qui se livre aux braquages pour assouvir ses rêves. Sur le plan de la forme, le film préfigure par certains aspects la Nouvelle Vague avec  ses décors naturels et notamment avec sa scène la plus célèbre, un hold-up filmé en un seul plan-séquence de presque 4 minutes depuis l’intérieur de la voiture du couple. C’est un plan très surprenant. On comprend que Truffaut et Godard se soient pris de passion pour ce film (2). Gun Crazy est un film très différent, assez à part dans le genre du film noir (3). C’est finalement surtout une histoire d’amour, celle d’un jeune couple qui aspire à s’établir et à mener une vie normale, un amour fou qui les aveugle et les précipite dans un trou sans fin. Le personnage de la jeune femme est assez fascinant par son mélange d’ingénuité et de dureté qui le rend assez inoubliable. Le film est très fortement connoté sexuellement même si la censure a été particulièrement vigilante. Sa carrière commerciale a été courte à l’époque mais il a acquis un tout autre statut par la suite : aujourd’hui, c’est souvent le premier titre qui vient à l’esprit pour citer un exemple de film de série B exceptionnel et remarquable.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Peggy Cummins, John Dall
Voir la fiche du film et la filmographie de Joseph H. Lewis sur le site IMDB.
Voir les autres films de Joseph H. Lewis chroniqués sur ce blog…

Voir les livres sur le film noir

Remarques :
* Le film vient d’être réédité en DVD (1 Blue-ray + 1 normal) incorporé dans un superbe livre de 220 pages signé Eddie Muller qui relate toute la genèse du projet et la réalisation, une gestation assez mouvementée. Le livre est passionnant, fort bien documenté et on ne peut que saluer ce si bel ensemble (même si on peut regretter que le prix soit un peu élevé)… (Voir…) C’est une édition limitée, semble t-il.

Gun Crazy: Le démon des armes* A sa sortie, United Artists a affublé le film du titre ridicule Deadly Is the Female et habillé l’héroïne sur l’affiche d’une robe du soir noire (costume réglementaire de la femme fatale mais qui ne correspond absolument pas à son genre dans le film). Le film a retrouvé son titre original, Gun Crazy, par la suite.

(1) L’excellent scénariste Dalton Trumbo figure au générique sous un pseudonyme car, victime du maccarthysme, il était alors sur liste noire.

(2) En regardant Gun Crazy, Il est difficile de ne pas penser à A bout de Souffle ou à Pierrot le Fou que Godard tournera une décennie plus tard.

(3) Pour s’en convaincre, il suffit de le comparer à They Live by Night, que Nicholas Ray a tourné peu avant, qui met également en scène un couple de braqueurs : un très beau film mais beaucoup plus classique dans son traitement.

8 juin 2012

La corde (1948) de Alfred Hitchcock

Titre original : « Rope »

La cordeDeux jeunes intellectuels étranglent avec une cordelette leur camarade de collège, un acte gratuit basé sur une théorie vaguement nietzschéenne, et reçoivent ensuite les parents de leur victime avec quelques amis pour un cocktail…
La corde est le premier film en couleurs d’Alfred Hitchcock mais il est surtout célèbre pour la gageure technique de filmer en un seul plan comme l’était la pièce en seul acte de Patrick Hamilton dont le film est adapté. En réalité, il y a onze plans en tout (1), à l’époque les bobines ne pouvaient dépasser dix minutes. Unité de lieu, un appartement new-yorkais, unité de temps, l’histoire commence à 19h30 et se termine à 21h15. Par des mouvements de camera, Hitchcock expérimente une autre façon de faire le découpage. La corde est donc en premier un exploit technique qui nécessita une grande préparation, des murs qui pouvaient être écartés pour laisser passer la caméra, un ballet de techniciens pour que personne ne soit dans le champ au mauvais moment. La vue panoramique sur New York que laissent voir les grandes baies vitrées évolue elle aussi : les nuages se déplacent, la nuit tombe lentement. La forme fait passer le contenu au second plan, l’histoire n’étant pas très forte en soi. Le plus remarquable est le climat malsain qui s’installe, c’est d’ailleurs l’un des rares films d’Hitchcock où l’on ne peut s’identifier à l’un des personnages.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: James Stewart, John Dall, Farley Granger, Edith Evanson, Douglas Dick, Cedric Hardwicke
Voir la fiche du film et la filmographie de Alfred Hitchcock sur le site IMDB.

Voir les autres films de Alfred Hitchcock chroniqués sur ce blog…

Remarques :
* Dans ses entretiens avec Truffaut, Hitchcock (qui aime toujours surprendre par des formules-choc) appelle tout cela « un truc » et ajoute même « complètement idiot ». Il préfère ensuite parler longuement du travail sur l’éclairage que l’utilisation de la couleur obligeait à reconsidérer entièrement.
* La corde est le premier film produit par la propre compagnie d’Hitchcock : Transatlantic pictures (le second et ultime film sera Les Amants du Capricorne).

(1) Les plans durent respectivement 1’54" (ouverture), 9’36", 7’51", 7’18", 7’09", 9’57", 7’36", 7’47", 10′, 4’36" et 5’39" (Jacques Lourcelles – Dictionnaire du cinéma). Plusieurs fois, Hitchcock utilise le moment où un personnage passe devant la caméra pour changer de bobine mais on peut compter 5 changements normaux, dont un large champ-contrechamp.