21 février 2023

Le Train (1964) de John Frankenheimer

Titre original : « The Train »

Le Train (The Train)En août 1944, un colonel allemand, grand amateur d’art, fait évacuer pour les envoyer en Allemagne des tableaux de maîtres de la galerie nationale du Jeu de paume et des œuvres dites « dégénérées » issues de spoliations en France. Des cheminots de la Résistance vont tout faire pour que le train de marchandises qui les transporte n’arrive pas à destination…
Le Train est un film américain de John Frankenheimer. Le scénario, signé Franklin Coen et Frank Davis, s’inspire d’un épisode réel de la Seconde Guerre mondiale, le déraillement en France du train dit « d’Aulnay » en août 1944 (1), et relie cet évènement au pillage organisé des œuvres d’art. Hormis le premier rôle tenu par Burt Lancaster, tous les personnages français sont joués par acteurs français (doublés en anglais). Destiné, nous dit-on en exergue, à mettre en valeur l’héroïsme des cheminots de la Résistance, le film n’a pas la force qu’il devrait avoir. L’ensemble paraît en effet un peu artificiel, il manque d’authenticité mais les scènes d’action et de suspense sont réussies.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Burt Lancaster, Paul Scofield, Jeanne Moreau, Suzanne Flon, Michel Simon, Wolfgang Preiss, Albert Rémy, Charles Millot
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Remarques :
• Bernard Farrel est crédité comme coréalisateur sur les copies (et les affiches) françaises. Exigé par la législation fiscale française, il n’était pas autorisé à mettre les pieds sur le plateau et son nom est totalement absent des copies américaines.
• Dans la VO, tous les personnages parlent anglais (même les allemands entre eux). La version doublée en français n’a pas ce défaut. Il n’est pas donc impossible que la V.F. paraisse plus authentique.
• Lors d’une journée de repos, Burt Lancaster se blessa à la jambe en jouant au golf. Afin qu’il puisse tourner les scènes restantes en claudiquant, il fut décidé de rajouter une scène où son personnage reçoit une balle dans la jambe !

(1) Le « train d’Aulnay » est un fait réel, mais il transportait principalement des meubles.
(2) Le Train est basé sur le livre, paru en 1961, Le front de l’art de Rose Valland, historienne de l’art au Musée du Jeu de Paume, qui raconte avec détails comment les œuvres d’art, qui avaient été pillées par les Allemands dans les musées et les collections privées dans toute la France, y furent triées pour être expédiés en Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale.

Le Train (The Train)Albert Rémy, Charles Millot et Burt Lancaster dans Le Train (The Train) de John Frankenheimer.

Homonyme :
Le Train de Pierre Granier-Deferre (1973) avec Jean-Louis Trintignant et Romy Schneider

6 février 2022

Lacombe Lucien (1974) de Louis Malle

Lacombe LucienEn juin 1944, dans un petit village du Sud-ouest sous l’Occupation allemande, Lucien Lacombe demande à l’instituteur de le faire entrer dans le maquis. Ce dernier le trouve trop jeune et refuse. Lorsque le jeune garçon est arrêté par hasard par la police le lendemain, il dénonce son instituteur et rejoint la Gestapo française, devenant ainsi un agent de la police allemande…
Lacombe Lucien est un film franco-italo-allemand réalisé par Louis Malle. Il en a écrit le scénario avec Patrick Modiano. A sa sortie, le film a suscité des réactions et polémiques d’une ampleur rare. Il bousculait l’image que nous avions alors de la Résistance et de la Collaboration et les controverses débordèrent largement sur le terrain politique. Hormis l’extrême-gauche qui était systématiquement opposée à la représentation donnée, la polémique faisait rage au sein de chacune des familles politiques, y compris à l’extrême-droite (1). Louis Malle et Patrick Modiano avait pourtant voulu donner une portée plus large à leur récit comme en témoigne la citation qui ouvre le film (2). Toutes les scènes de violence ou d’action ont été écartées, l’histoire est centrée sur les rapports entre le milicien et une famille juive, auparavant tailleur renommé, rapports teintés de revanche sociale. Les décisions des personnages ne sont pas toujours rationnelles, ou du moins expliquées, ce qui a certainement contribué à perturber les esprits. La notion d’engagement politique est remise en cause : Louis Malle montre l’absence de conscience politique, aussi bien de l’adolescent en quête de famille que des autres miliciens, et pose indirectement la question de la responsabilité de l’individu. La mise en scène est simple mais parfaitement maitrisée. Le cinéaste a tenu à employer des acteurs peu connus et même non professionnels : Pierre Blaise est un jeune bûcheron de dix-sept ans issu d’un milieu modeste comme son personnage et Aurore Clément fut la grande découverte du film. Avec le recul, le film prend une dimension beaucoup plus générale, telle que ses auteurs l’ont voulue.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Pierre Blaise, Aurore Clément, Holger Löwenadler, Stéphane Bouy, Jean Rougerie
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(1) Ce point est détaillé dans la thèse de Aurélie Feste-Guidon, dont on peut lire des extraits ici : Lacombe Lucien de Louis Malle, histoire d’une polémique ou polémique sur l’Histoire ?
(2) « Ceux qui ne se souviennent pas du passé sont condamnés à le revivre » (Santayana)

Remarque :
* Pierre Blaise perdra la vie peu après dans un accident de la route en 1975. Il venait d’avoir 20 ans. Il a joué dans trois autres films après Lacombe Lucien dont Vertiges de Mauro Bolognini (1975).

Lacombe LucienPierre Blaise et Aurore Clément dans Lacombe Lucien de Louis Malle.

29 août 2019

Mr. Klein (1976) de Joseph Losey

Mr. KleinParis, 1942. Dans la France occupée, Robert Klein fait des affaires lucratives en rachetant des œuvres d’art à des personnes acculées à la vente. Un jour, il découvre dans son courrier un exemplaire du journal « Informations juives » portant son nom et son adresse. Inquiet, il enquête et découvre qu’un autre Robert Klein existe, il part à la recherche de cet homonyme…
Costa-Gavras a écrit le premier scénario de Monsieur Klein pour le tourner lui-même avec Yves Montand. Quand le projet est abandonné, Alain Delon le récupère en producteur et confie la réalisation à Joseph Losey avec qui il avait tourné L’Assassinat de Trotsky en 1972. Le scénario s’inspire fortement de Kafka mais a l’intelligence de se placer à une époque précise de notre Histoire, une page très sombre : l’implication de la police française sous l’Occupation dans le fichage et la déportation des juifs. L’administration (dans le sens générique du terme) est ici une machine à broyer les humains et ses décisions tombent brutalement sans que l’on puisse toujours les comprendre. Le scénario  montre ainsi que le propos d’un Kafka n’est pas une exagération issue de l’esprit d’un écrivain : cela peut devenir une réalité et l’est déjà devenu. Certes l’obstination du personnage principal à retrouver son double peut sembler presque irréelle mais elle le conduit à une prise de conscience plus vaste de l’être, qui est à mes yeux le sujet principal. Tout le reste, la paranoïa, le fantastique ne sont que des moyens. Joseph Losey sait mieux que quiconque exprimer un certain caractère trouble, presque un malaise, dans sa mise en scène pourtant très limpide. Alain Delon fait ici l’une de ses interprétations les plus remarquables de sa carrière, avec une sobriété et une richesse qui alimentent la complexité du personnage.
Elle: 3 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Alain Delon, Michael Lonsdale, Francine Bergé, Juliet Berto, Jean Bouise, Jeanne Moreau, Suzanne Flon
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Remarques :
* A sa sortie, le film a (bien entendu) été controversé, beaucoup de critiques s’égarant à détecter ici et là des erreurs historiques qui n’ont finalement aucune importance.
* Les décors sont signés Alexandre Trauner.

Monsieur KleinAlain Delon dans Mr Klein de Joseph Losey.

Monsieur KleinAlain Delon, Michel Lonsdale et Francine Bergé dans Mr Klein de Joseph Losey.

6 juin 2019

La Traversée de Paris (1956) de Claude Autant-Lara

La Traversée de ParisA Paris, sous l’Occupation, Marcel Martin (Bourvil) doit transporter de nuit un cochon découpé dans quatre valises pour le compte d’un commerçant pratiquant le marché noir (Louis de Funès). Son habituel acolyte venant d’être arrêté, il propose à un inconnu rencontré dans un café, Grandgil (Jean Gabin), de l’accompagner…
Film bien connu que l’on ne présente plus, La Traversée de Paris est basé sur une nouvelle de Marcel Aymé, adaptée par Jean Aurenche et Pierre Bost. Le film surprit, et même dérangea, à sa sortie par son ton très acide. C’est en effet un portrait mordant de la monstruosité ordinaire, une vision finalement assez noire des rapports humains. Plus que détestables, les personnages paraissent toutefois plutôt pitoyables (Bourvil) ou très ambigus (Gabin). La force du propos est décuplée par la vivacité des dialogues. C’est Autant-Lara qui a imposé Bourvil, son premier grand rôle sérieux au cinéma, au grand dam de Marcel Aymé qui a tout fait pour contester ce choix. Jean Gabin est lui aussi dans un rôle assez inattendu, beaucoup plus exubérant qu’à l’habitude. Au final, c’est un film quasi parfait, souvent décrit comme le chef d’œuvre d’Autant-Lara.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Jean Gabin, Bourvil, Louis de Funès
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Remarque :
* La nouvelle de Marcel Aymé se terminait tragiquement : Marcel Martin tuait Grangil.

La Traversée de Paris
Jean Gabin et Bourvil dans La Traversée de Paris de Claude Autant-Lara.

La Traversée de Paris
Louis de Funès et Bourvil dans La Traversée de Paris de Claude Autant-Lara.

La Traversée de Paris
« Salauds de pauvres ! » Bourvil et Jean Gabin sur le point de dire sa célèbre réplique dans La Traversée de Paris de Claude Autant-Lara.

17 avril 2018

Falbalas (1945) de Jacques Becker

FalbalasCouturier parisien en vue, Philippe Clarence (Raymond Rouleau) multiplie les aventures avec les femmes pour maintenir son inspiration créatrice. Lorsque son fournisseur et ami lui présente Micheline (Micheline Presle), une jeune provinciale qui a accepté de l’épouser, il est instantanément séduit et en tombe amoureux… Tourné non sans difficultés dans les derniers mois de l’Occupation, Falbalas met en scène une histoire qui paraît loin des préoccupations de cette époque. Jacques Becker a puisé dans ses propres souvenirs puisque sa mère avait dirigé une maison de couture. On peut aussi y voir une métaphore du monde du cinéma, le couturier étant comme le cinéaste un créateur oscillant entre enthousiasme et abattement. L’ensemble n’est pas dénué d’élégance. Le déroulement du scénario est assez subtil : d’une part, Becker nous montre dès le début un dénouement tragique et d’autre part, les personnages ne montrent leur sentiments que très progressivement, avec des allers-retours permanents, laissant le spectateur toujours dans l’expectative. Cette construction subtile rend Falbalas vraiment remarquable mais a dérouté les spectateurs à sa sortie, qui eut lieu juste après la Libération ; en outre, son dénouement assez sombre est sans doute en décalage avec cette période d’euphorie. Toujours est-il que Falbalas n’eut aucun succès, ni critique ni public. Assez injustement.
Elle: 3 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Raymond Rouleau, Micheline Presle, Jean Chevrier, Gabrielle Dorziat, Jeanne Fusier-Gir, Françoise Lugagne
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Remarques :
* Initialement prévu pour 1943, le tournage a dû être reporté de plusieurs mois à cause des restrictions d’électricité. Le tournage s’est déroulé finalement à partir de mars 1944, le plus souvent de nuit à cause des coupures électriques.
* Toutes les robes sont du couturier Marcel Rochas.

Falbalas
Raymond Rouleau dans Falbalas de Jacques Becker.

Falbalas
Micheline Presle dans Falbalas de Jacques Becker.

Falbalas
Françoise Lugagne et Raymond Rouleau dans Falbalas de Jacques Becker.

8 janvier 2018

Caprices (1942) de Léo Joannon

CapricesLe soir de la Saint-Sylvestre, une troupe de théâtre en manque d’argent demande à Lise, la jeune première, de céder aux avances d’un commanditaire. Elle refuse et alors qu’elle se rend à un bal costumé en tenue de vendeuse de fleurs, tombe sur un mystérieux personnage : il lui propose de transformer la petite vendeuse qu’elle est en belle princesse pour un soir…
Tourné sous l’Occupation, Caprices est une production de la Continental, société de production aux capitaux allemands. Le scénario de Caprices ne tient pas vraiment debout et n’aboutit nulle part : la fin est particulièrement ratée (pour rester indulgent). L’important dans ce projet semble avoir été de créer un divertissement léger en utilisant Danielle Darrieux dont le charme juvénile se montre une fois de plus irrésistible. Son sourire et ses petites moues avaient (et ont toujours) de quoi faire fondre les plus endurcis et, surtout, faire oublier la vie difficile en ces années de guerre. Et, en plus, elle joue toujours à la perfection. La réalisation est très inégale, ambitieuse par moments, conservatiste le plus souvent. La meilleure scène, la plus amusante, est celle du lustre : dans un grand restaurant, Lise prétend que l’énorme lustre risque de tomber ce qui finit par mettre tous les clients en émoi.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Danielle Darrieux, Albert Préjean, Jean Parédès, Bernard Blier
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Remarques :
* Danielle Darrieux raconte dans sa filmographie commentée (éditions Ramsay) qu’elle a été contrainte d’accepter ce rôle, sous la menace d’un chantage d’Alfred Greven, le directeur de la Continental, au sujet de son fiancé d’alors.

* Léo Joannon aurait volé le scénario à Raymond Bernard en lui disant « si vous refusez de me donner Caprices je ferai arrêter et déporter votre frère et ses deux enfants » (Raymond Bernard était juif). Léo Joannon a ensuite occupé un poste clé dans la production au service de la propagande de Vichy. A la Libération, il sera mis au ban de la profession pour cinq années.

* Pour en savoir plus, deux études sont récemment sorties sur la Continental :
– « Continental films : L’incroyable Hollywood nazie » de Jean-Louis Ivani (Lemieux éditeur 2017)
– « Continental films : Cinéma français sous contrôle allemand » de Christine Leteux (La tour Verte 2017)

Caprices
Albert Préjean et Danielle Darrieux dans Caprices de Léo Joannon.

22 octobre 2015

Ordre de tuer (1958) de Anthony Asquith

Titre original : « Orders to Kill »
Autre titre français : « Ordres d’exécution »

Ordre de tuerPendant la Seconde Guerre mondiale, un jeune pilote de bombardier américain est affecté à une mission spéciale : il doit aller à Paris, alors occupé par les allemands, tuer un agent de transmission soupçonné d’être un agent double. Enthousiaste, le jeune homme est d’abord envoyé en Angleterre pour un court entrainement avant d’être parachuté en France… Basé sur un livre de Donald Downes dans lequel il racontait sa propre histoire, Orders to Kill ne fait pas partie des films les plus connus du réalisateur anglais Anthony Asquith (bien qu’il ait été nominé à Cannes en 1958). Sur le fond, il met en évidence le dilemme ressenti par un jeune militaire dans une situation à laquelle il n’est pas préparé. Il interroge à la fois sur la différence entre infliger la mort en voyant sa victime ou pas et sur la notion qu’une guerre tue à la fois coupables et innocents, deux questions qui sont toujours très actuelles aujourd’hui (1). L’interprétation est parfaite, en particulier celle de Paul Massie, acteur canadien dont c’est le premier film mais qui n’a que peu tourné ensuite, et de Leslie French, acteur anglais (le nom est trompeur !) qui a surtout tourné pour la télévision. L’ensemble est de très bonne facture.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Eddie Albert, Paul Massie, Lillian Gish, Irene Worth, Leslie French
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Orders to kill
Leslie French et Paul Massie dans Orders to Kill d’Anthony Asquith

Remarque :
* Bien qu’en bonne place sur l’affiche, Lillian Gish n’a vraiment qu’un très petit rôle, n’apparaissant que dans les trois premières minutes comme la mère du héros.

(1) Ces question sont d’autant plus actuelles depuis l’utilisation de drones où le pilote assiste au résultat de ses frappes.

24 février 2015

Rome, ville ouverte (1945) de Roberto Rossellini

Titre original : « Roma città aperta »

Rome, ville ouverteDans Rome occupée par les Allemands pendant l’hiver 1943-1944, la veuve Pina va se remarier avec Francesco, un jeune typographe qui travaille dans la clandestinité pour la Résistance. Il est en contact avec un de leurs chefs, communiste, et avec le curé du quartier qui leur fournit des faux papiers… Rome, ville ouverte est un film charnière dans l’histoire du cinéma : s’il n’est pas, à proprement parler, le premier film italien à s’inscrire dans le courant néoréaliste (1), il est celui qui a eu le plus grand impact sur son essor. En totale opposition aux films surfaits créés sous Mussolini, période dite des «Téléphones blancs» (2), le néoréalisme est plus proche de la réalité des spectateurs et emploie des acteurs non-professionnels (des « non-acteurs » comme le dira Rossellini, c’est-à-dire faire jouer un boulanger par un boulanger). Tourné peu après les évènements qu’il décrit, Rome, ville ouverte en exprime toute la réalité et le ressenti mais sa force profonde est certainement plus sur le plan de l’humanisme, par ces questionnements qu’il suscite sur la (re)définition d’un être humain.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Aldo Fabrizi, Anna Magnani, Marcello Pagliero
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Rome, ville ouverte
Anna Magnani dans Rome, ville ouverte de Roberto Rossellini

Remarques :
* Basé en grande partie sur des faits réels, le scénario a été écrit principalement par Sergio Amidei et Roberto Rossellini, avec l’aide additionnelle de Federico Fellini et Alberto Consiglio.
* Rome a été déclarée « ville ouverte » en août 1943 après la destitution et l’arrestation de Mussolini. D’alliés, les allemands se sont alors transformés en occupants.
* Rossellini a tourné avec des moyens de fortune ce qui explique le manque de contraste de l’image.
* Rome, ville ouverte (1945), Paisa (1946) et Allemagne année zéro (1947) forment ce que l’on appelle « la trilogie néoréaliste sur la guerre de Rossellini ».

(1) Chronologiquement parlant, le premier film néoréaliste serait plutôt Les Amants diaboliques (Ossessione) de Luchino Visconti (1943).
(2) La période dite des « Téléphones blancs » (Telefoni bianchi) correspond à la brève période d’euphorie ambiante en Italie qui précédé la Seconde Guerre mondiale. Les films de cette époque mettaient souvent en scène des femmes riches dont les intrigues romantiques se déroulaient en partie au téléphone… Il y avait toujours au moins une scène où l’héroïne était au téléphone, toujours blanc, cette nouvelle couleur pour les téléphones étant alors synonyme de grand luxe.

20 mai 2014

La femme que j’ai le plus aimée (1942) de Robert Vernay

La femme que j'ai le plus aiméeUn jeune homme vient de voir la femme qu’il aime le quitter. Il rentre chez lui avec l’intention de se suicider. Mais c’est le jour où son oncle organise un repas avec ses cinq meilleurs amis, tous célibataires. Comprenant sa détresse, ils lui racontent tour à tour qu’eux aussi ont envisagé d’en finir avec la vie le jour où ils ont perdu la femme qu’ils ont le plus aimée… Réalisé sous l’Occupation (pour Regina Films), cette comédie légère tout à la glorification du célibat est composée de cinq sketches sur le thème de l’amour déçu. Ecrites par Yves Mirande, les histoires sont un peu trop prévisibles. A aucun moment, le film ne s’envole ; il comporte bien quelques bons dialogues mais ils sont un peu trop rares. Le film à sketches est l’occasion de réunir de nombreux acteurs connus sur un même plateau et c’est ici le cas, avec les limites des disponibilités sous l’Occupation.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Arletty, Mireille Balin, Lucien Baroux, René Lefèvre, André Luguet, Noël-Noël, Raymond Rouleau, Jean Tissier, Michèle Alfa, Simone Berriau, Renée Devillers
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Détail des 5 histoires :
1. La première histoire (le chirurgien et la chanteuse) met Arletty et Noël-Noël face à face sans qu’il y ait de réelle alchimie entre les deux acteurs (notons qu’à l’instar de son personnage, Arletty n’a jamais voulu, dans la vie réelle, se laisser emprisonner par le mariage).
2. La seconde (l’industriel et la dactylo) voit une belle prestation de Raymond Lefèvre face à Renée Devillers et Charles Granval ; ce sketch est finalement terriblement noir dans son propos.
3. La troisième (la sculptrice et l’avocat) voit Michèle Alfa et André Luguet dans une histoire plutôt fade.
4. La quatrième est un triangle amoureux : Raymond Rouleau et Jean Tissier sont tous deux amoureux de Mireille Balin. L’idée de base est la plus originale du lot, bien développée mais trop terne dans son aboutissement.
5. Le cinquième sketch (le mort) est le plus amusant, avec Lucien Baroux et Simone Berriau (et Bernard Blier dans un petit rôle). Ce mort qui entend ce qu’on dit de lui est d’un humour assez jouissif. Il serait parfait avec une fin plus relevée.

10 juin 2013

Goupi Mains rouges (1943) de Jacques Becker

Goupi mains rougesAppelé par sa famille, un parisien rejoint la ferme familiale du clan des Goupi. Le jour même de son arrivée, Goupi Tisane, une vieille fille autoritaire qui régentait la famille, est retrouvée assassinée… Tourné pendant l’Occupation, Goupi Mains rouges est l’adaptation d’un roman de Pierre Very. Contrairement à la propagande pétainiste de l’époque qui glorifiait le monde paysan nourricier, ce portrait d’une famille rurale qui forme un clan opaque et règle elle-même ses affaires n’est nullement édulcoré : la cupidité est ici le principal moteur des comportements et méfiance et médisance sont omniprésentes. Goupi Mains rouges est le deuxième film de Jacques Becker qui montre ici beaucoup de maitrise dans la mise en scène, il insuffle beaucoup de vie dans cette histoire au point que l’intrigue policière passe un peu au second plan. Fernand Ledoux est parfait, comme bien souvent, mais le personnage le plus remarquablement interprété est celui de Goupi Tonkin par Robert Le Vigan. Le film eut beaucoup de succès à l’époque grâce à sa qualité bien entendu mais aussi parce qu’il permettait à une population urbaine, lassée de voir certains paysans sembler s’enrichir au marché noir, de prendre en quelque sorte une revanche. Goupi Mains rouges fait partie des films les plus remarquables tournés sous l’Occupation.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Fernand Ledoux, Georges Rollin, Robert Le Vigan
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