12 février 2023

Coupez! (2022) de Michel Hazanavicius

Coupez!Un tournage de film de zombies dans un bâtiment désaffecté. Entre techniciens blasés et acteurs pas vraiment concernés, seul le réalisateur semble investi de l’énergie nécessaire pour donner vie à un énième film d’horreur à petit budget. L’irruption d’authentiques morts-vivants vient perturber le tournage…
Coupez ! est une comédie horrifique française écrite, produite et réalisée par Michel Hazanavicius. Il s’agit du remake du film japonais Ne coupez pas ! (2017) écrit, réalisé et monté par Shin’ichirō Ueda, un film à tout petit budget (25 000 dollars) tourné en huit jours par des étudiants d’une école d’art dramatique de Tokyo. A moins d’avoir lu certaines présentations qui dévoilent tout sans scrupule, la première demi-heure peut décevoir et paraître très mauvaise. J’ai moi-même failli abandonner. J’ai bien fait de persévérer car tout ce que nous avons vu prend une autre dimension par la suite. Le récit devient alors de plus en plus hilarant. La construction est originale, assez risquée aussi (il faut que les spectateurs tiennent la première demi-heure). Une fois le film fini, on a envie de revoir la première demi-heure !
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Romain Duris, Bérénice Bejo, Grégory Gadebois, Finnegan Oldfield, Matilda Anna Ingrid Lutz, Sébastien Chassagne, Lyès Salem, Jean-Pascal Zadi
Voir la fiche du film et la filmographie de Michel Hazanavicius sur le site IMDB.
Voir la fiche du film sur AlloCiné.

Voir les autres films de Michel Hazanavicius chroniqués sur ce blog…

Coupez!Romain Duris, Bérénice Bejo et Simone Hazanavicius dans Coupez! de Michel Hazanavicius.

26 juin 2022

The Climb (2019) de Michael Angelo Covino

The ClimbKyle et Mike sont deux meilleurs amis aux tempéraments très différents mais dont l’amitié a toujours résisté aux épreuves. Jusqu’au jour où, au cours d’une randonnée à vélo en montagne, Mike annonce à Kyle qu’il a couché avec la femme que Kyle doit épouser…
The Climb est une comédie dramatique américaine co-écrite, réalisée et interprétée par Michael Angelo Covino. The Climb fut d’abord un court métrage de 8 minutes. Le long métrage le reprend en premier chapitre. The Climb, le film, est en effet structuré en sept chapitres, sept épisodes de l’amitié des deux compères avec des ellipses plus ou moins longues entre chaque. La forme est plaisante. Un long plan-séquence occupe la majeure partie de chaque chapitre, sans recherche apparente de la virtuosité, simplement pour mieux nous faire vivre chaque moment en temps réel. Les dialogues tiennent une grande place. Michael Covino est influencé par le cinéma français : il cite dans ses inspirations Truffaut, Godard, Varda, Rohmer et aussi Sautet et Tavernier. En outre, il rend un hommage à Pierre Etaix.  Côté américain, on pourrait ajouter Altman et même Woody Allen. Il y a beaucoup d’humour dans les situations avec de nombreuses bonnes trouvailles de scénario. Personnellement, je ne pense pas qu’il faille y chercher plus que l’humour dans ces péripéties qui mettent l’amitié à rude épreuve. L’ensemble est original et plaisant. Le film a été très bien accueilli par la critique mais moins bien par le public. C’est dommage… personnellement, j’aime beaucoup.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Kyle Marvin, Michael Angelo Covino, Gayle Rankin, Talia Balsam
Voir la fiche du film et la filmographie de Michael Angelo Covino sur le site IMDB.
Voir la fiche du film sur AlloCiné.

The ClimbGayle Rankin, Kyle Marvin et Michael Angelo Covino dans The Climb de Michael Angelo Covino.

29 mai 2022

1917 (2019) de Sam Mendes

1917Pris dans la tourmente de la Première Guerre Mondiale, Schofield et Blake, deux jeunes soldats britanniques, se voient assigner une mission à proprement parler impossible. Porteurs d’un message qui pourrait empêcher une attaque dévastatrice et la mort de centaines de soldats, dont le frère de Blake, ils se lancent dans une véritable course contre la montre, à travers les lignes ennemies…
1917 est un film de guerre britannico-américain réalisé et produit par Sam Mendes, qui coécrit le film avec Krysty Wilson-Cairns. Le scénario est inspiré en partie par un récit raconté à Mendes par son grand-père paternel, Alfred Mendes. Le film est remarquable par sa forme : il se présente comme un long plan-séquence interrompu une fois seulement, pour quelques heures, lorsque le personnage perd connaissance. Certes, il s’agit d’un faux plan-séquence (en réalité le plan-séquence le plus long dure neuf minutes) mais ce n’en est pas moins un extraordinaire tour de force technique qui demande une préparation d’une rigueur absolue. La caméra est très mobile multipliant les déplacements et les angles de vue (avec, bien entendu, quelques 180°). Mais le plus remarquable finalement est que cette prouesse technique n’est pas gratuite. Bien qu’étant assez présente, ne parvenant pas à s’effacer totalement, elle permet de nous immerger dans l’action en donnant une impression de temps réel, collant aux personnages principaux. Ils ont beau être toujours devant nos yeux, nous avons l’impression d’être à leur place. Le film est de ce fait assez intense. Tourné en Grand Bretagne avec un budget important, 1917 a connu un grand succès.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Dean-Charles Chapman, George MacKay, Daniel Mays, Colin Firth, Mark Strong, Benedict Cumberbatch
Voir la fiche du film et la filmographie de Sam Mendes sur le site IMDB.
Voir la fiche du film sur AlloCiné.

Voir les autres films de Sam Mendes chroniqués sur ce blog…

1917George MacKay et Dean-Charles Chapman dans 1917 de Sam Mendes.

14 février 2022

Les Fleurs de Shanghai (1998) de Hou Hsiao-hsien

Titre original : « Hai shang hua »

Les fleurs de Shanghai (Hai shang hua)Dans le Shanghai de la fin du XIXe siècle, les « maisons de fleurs » sont des maisons closes de luxe. Comme ses amis, Wang, un fonctionnaire aisé, vient y chercher la compagnie de courtisanes. Il fréquente ainsi depuis quatre ans Rubis qui n’a pas d’autres clients. Mais depuis peu, il a également une liaison avec Jasmin dans une autre maison. Rubis vient de l’apprendre…
Les fleurs de Shanghai est un film taïwanais réalisé par Hou Hsiao-hsien, écrit par sa scénariste habituelle, la romancière Chu Tien-wen. Précisons d’emblée qu’il n’est jamais question de sexe, le récit se concentre sur les rapports entre les personnages. Au début, les rapports entre Wang et ses maitresses ont certaines similitudes avec ceux d’un couple classique mais le pouvoir de l’argent se montre de plus en plus important à mesure que la situation évolue. L’enfermement des jeunes femmes est bien perceptible. Les discussions sont feutrées même lorsque les sentiments bouillonnent. Seuls les repas (très arrosés) avec quelques amis sont plus animés. Wang ne sait quelle maitresse il doit préférer (et épouser), ne pouvant décrypter les intentions de chacune. Tout se déroule en intérieur, dans deux maisons closes et même dans deux pièces seulement. Le film est bâti sur de longs plans-séquences séparés par d’ostensibles fondus au noir, l’éclairage est tamisé, le rythme est assez lent, les mouvements de caméra sont amples et d’une grande douceur. L’ensemble pourra paraître un peu long mais reste vraiment remarquable.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Tony Leung Chiu-Wai, Michiko Hada, Michelle Reis, Carina Lau, Jack Kao
Voir la fiche du film et la filmographie de Hou Hsiao-hsien sur le site IMDB.

Voir les autres films de Hou Hsiao-hsien chroniqués sur ce blog…
Voir les livres sur Hou Hsiao-hsien

Les fleurs de Shanghai (Hai shang hua)Tony Leung Chiu-Wai et Michiko Hada dans Les fleurs de Shanghai (Hai shang hua) de Hou Hsiao-hsien.

17 août 2017

Kaili Blues (2015) de Bi Gan

Titre original : « Lu bian ye can »

Kaili BluesChen est médecin dans une petite clinique de Kaili, ville brumeuse et humide de la province subtropicale du Guizhou. Il décide de partir à la recherche de son neveu Weiwei que son frère a semble-t-il vendu. Il est également chargé par sa collègue âgée de porter des souvenirs à son ancien amant qui agonise (1)… S’il est des films dont le propos est difficile à percevoir, Kaili Blues fait partie d’entre eux. Je dois avouer que lorsque le titre est apparu (à la 29e minute!), j’étais toujours dans le brouillard le plus complet quant à savoir ne serait-ce que le sujet du film. Il s’agit presque d’un puzzle à reconstituer car le jeune cinéaste chinois entremêle les périodes temporelles, passé, présent et futur, et il faudrait revoir le film une seconde fois pour tout remettre en place (Chen raconte en partie son histoire à la coiffeuse peu avant la fin). L’intérêt d’une telle complexité et le message poétique voire philosophique vus par la plupart des critiques m’ont totalement échappé. Pour son premier long métrage, Bi Gan réalise de longs plans-séquences, s’écartant parfois de la scène pour mieux la retrouver, ce qui accentue l’impression de caractère insaisissable de Kaili Blues.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Yongzhong Chen
Voir la fiche du film et la filmographie de Bi Gan sur le site IMDB.
Voir la fiche du film sur AlloCiné.

Kaili Blues
Yongzhong Chen dans Kaili Blues de Bi Gan.

(1) suite et fin du résumé : En chemin, il arrive dans un étrange village (Dang Mai) où différentes périodes temporelles se télescopent : passé, présent et futur. Arrivé enfin à destination à Zhenyuan, il trouve son neveu mais décide de le laisser vivre sa vie. L’amant de sa collègue est déjà mort.

3 juillet 2017

Faces (1968) de John Cassavetes

FacesUn quinquagénaire désire quitter sa femme pour une autre femme, une escort-girl qu’il fréquente…Deuxième film de Cassavetes en indépendant, Faces n’est pas vraiment un film facile à aborder. La démarche de Cassavetes est de chercher à appréhender les rapports entre les êtres dans ce qu’ils ont de plus brut. Pour cela, il va les filmer de très près ses personnages, le plus souvent dans des états extrêmes (ébriété, hilarité excessive), dans un grand désordre apparent, accentuant ici et là le caractère imprévisible des comportements, étirant les scènes de façon inhabituelle. C’est une démarche totalement originale et théoriquement intéressante mais la forme est en pratique assez rebutante : caméra à l’épaule, mouvements incessants des personnes, image (16mm gonflée en 35) granuleuse, très mauvais son (heureusement nous avons les sous-titres). Et on peut se demander si le fait de mettre en scène les personnages dans des états assez extrêmes ne force pas à rester en surface : on ne saura finalement que peu de choses, la plupart des dialogues n’ayant aucun intérêt. De par son caractère novateur, Faces connut un succès inattendu à sa sortie et Cassavetes poussera la méthode jusqu’à la limite dans son film suivant, Husbands.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: John Marley, Gena Rowlands, Seymour Cassel
Voir la fiche du film et la filmographie de John Cassavetes sur le site IMDB.

Voir les autres films de John Cassavetes chroniqués sur ce blog…

Voir les livres sur John Cassavetes

Remarques :
* Contrairement à son film précédent Shadows, il n’y a que de très peu d’improvisation dans Faces. La méthode de Cassavetes est d’écrire les dialogues et de les affiner en faisant répéter ses acteurs.
* Cassavetes utilise plusieurs caméras simultanément pour filmer de longs plans-séquences.
* Le tournage a eu lieu début 1965.

Faces
Gena Rowlands et John Marley dans Faces de John Cassavetes.

Faces
Seymour Cassel dans Faces de John Cassavetes.

19 juin 2017

Le Sacrifice (1986) de Andreï Tarkovski

Titre original : « Offret »

Le Sacrifice(Exceptionnellement, le synopsis qui suit couvre tout le film car il est, à mon avis, préférable de le connaitre avant de voir de film) Ex-comédien célèbre, Alexandre s’est retiré avec sa famille pour vivre isolé sur une île au large des côtes suédoises. Le jour de son anniversaire, une guerre nucléaire mondiale est déclenchée. Alexandre fait le vœu à Dieu de renoncer à ce qui lui est le plus cher et de ne plus prononcer une parole si tout redevient comme avant. Le facteur, passionné des phénomènes paranormaux, lui conseille d’aller chez sa voisine qui est un peu sorcière (ou un ange, au choix) et qui saura exaucer son vœu. C’est le cas. Il détruit alors sa maison et sacrifie sa liberté… Le Sacrifice est l’ultime film d’Andrei Tarkovski qui décèdera hélas quelques mois plus tard. Il s’agit d’une longue parabole dont plusieurs aspects restent assez obscurs. Le premier tiers (avant le passage des bombardiers) m’a personnellement le plus enchanté : de longs monologues d’Alexandre qui s’interroge sur sa vie et son rapport à la société. Autant ses réflexions sont intéressantes, autant les autres personnages paraissent futiles, le cas le plus extrême étant sa femme, une anglaise nostalgique de la vie mondaine (qui symbolise certainement la futilité de notre monde moderne mais on peut se demander comment Alexandre a pu vivre tant d’années avec elle). Le reste m’a paru inutilement imagé et lent, disons qu’Alexandre doit éprouver lui-même sa capacité à désirer le bien. On peut ne pas partager l’attrait du réalisateur pour le paranormal (mais toute l’histoire n’est peut-être qu’un rêve, aucun indice ne permet de trancher). La spectaculaire scène finale est devenue l’un des plans-séquences les plus célèbres de Tarkovski. Le film est une production franco-suédoise (le réalisateur a quitté sa Russie natale pour la Suède), plusieurs acteurs sont doublés, y compris la française Valérie Mairesse qui est plutôt inattendue dans un tel film. Le Sacrifice est, en tous cas, visuellement très beau.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Erland Josephson, Susan Fleetwood, Allan Edwall, Sven Wollter, Valérie Mairesse
Voir la fiche du film et la filmographie de Andreï Tarkovski sur le site IMDB.
Voir les autres films de Andreï Tarkovski chroniqués sur ce blog…

Voir un livre sur Le Sacrifice qui vient de sortir (472 pages)…
Voir les livres sur Andreï Tarkovski

Remarques :
* Tarkovski fait un hommage appuyé à Bergman : Erland Josephson est l’un des acteurs fétiches de Bergman ; Sven Nykvist, le directeur de la photographie attitré de Bergman, est derrière la caméra ; les décors sont signés Anna Asp, oscarisée pour les décors de Fanny et Alexandre ; le tournage a eu lieu sur l’île de Gotland où Bergman a tourné plusieurs de ses films ; pour couronner le tout, Daniel Bergman, fils du réalisateur, est un assistant.

* Bergman n’aimait pas vraiment le film, disant en quelque sorte que Tarkovski avait surtout fait du Tarkovski.

* Le Sacrifice a été sélectionné par le Vatican dans la catégorie « Religion » de sa liste de « 45 grands films ».

 

Le Sacrifice
Allan Edwall, Erland Josephson, Filippa Franzén et Susan Fleetwood dans Le Sacrifice de Andrei Tarkovski.

Le Sacrifice
Tournage de la scène finale de Le Sacrifice de Andrei Tarkovski. (Il s’agit vraisemblablement de la première prise car la fumée est bien plus verticale que dans le film. La caméra s’étant enrayée au beau milieu du plan-séquence, la maison a en effet été reconstruite pour faire une seconde prise.)

Le Sacrifice
La maison et sa miniature dans Le Sacrifice de Andrei Tarkovski.

24 mars 2014

Gun Crazy (1950) de Joseph H. Lewis

Autre Titre  : « Deadly Is the Female »
Titre français : « Le Démon des armes »

Gun Crazy: Le démon des armesDès son plus jeune âge, Barton a été attiré par les armes. Lorsqu’il va rencontrer la jeune Annie, elle aussi tireuse hors pair, sa vie va basculer et ils vont enchainer les holdups… Produit et mis sur pied par les King Brothers, Gun Crazy est basé sur une histoire de MacKinlay Kantor parue dans un quotidien et réécrite par Dalton Trumbo (1). Cette histoire préfigure des films comme Bonnie & Clyde (1967) d’Arthur Penn ou Badlands (1973) de Malick, fuite en avant d’un jeune couple qui se livre aux braquages pour assouvir ses rêves. Sur le plan de la forme, le film préfigure par certains aspects la Nouvelle Vague avec  ses décors naturels et notamment avec sa scène la plus célèbre, un hold-up filmé en un seul plan-séquence de presque 4 minutes depuis l’intérieur de la voiture du couple. C’est un plan très surprenant. On comprend que Truffaut et Godard se soient pris de passion pour ce film (2). Gun Crazy est un film très différent, assez à part dans le genre du film noir (3). C’est finalement surtout une histoire d’amour, celle d’un jeune couple qui aspire à s’établir et à mener une vie normale, un amour fou qui les aveugle et les précipite dans un trou sans fin. Le personnage de la jeune femme est assez fascinant par son mélange d’ingénuité et de dureté qui le rend assez inoubliable. Le film est très fortement connoté sexuellement même si la censure a été particulièrement vigilante. Sa carrière commerciale a été courte à l’époque mais il a acquis un tout autre statut par la suite : aujourd’hui, c’est souvent le premier titre qui vient à l’esprit pour citer un exemple de film de série B exceptionnel et remarquable.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Peggy Cummins, John Dall
Voir la fiche du film et la filmographie de Joseph H. Lewis sur le site IMDB.
Voir les autres films de Joseph H. Lewis chroniqués sur ce blog…

Voir les livres sur le film noir

Remarques :
* Le film vient d’être réédité en DVD (1 Blue-ray + 1 normal) incorporé dans un superbe livre de 220 pages signé Eddie Muller qui relate toute la genèse du projet et la réalisation, une gestation assez mouvementée. Le livre est passionnant, fort bien documenté et on ne peut que saluer ce si bel ensemble (même si on peut regretter que le prix soit un peu élevé)… (Voir…) C’est une édition limitée, semble t-il.

Gun Crazy: Le démon des armes* A sa sortie, United Artists a affublé le film du titre ridicule Deadly Is the Female et habillé l’héroïne sur l’affiche d’une robe du soir noire (costume réglementaire de la femme fatale mais qui ne correspond absolument pas à son genre dans le film). Le film a retrouvé son titre original, Gun Crazy, par la suite.

(1) L’excellent scénariste Dalton Trumbo figure au générique sous un pseudonyme car, victime du maccarthysme, il était alors sur liste noire.

(2) En regardant Gun Crazy, Il est difficile de ne pas penser à A bout de Souffle ou à Pierrot le Fou que Godard tournera une décennie plus tard.

(3) Pour s’en convaincre, il suffit de le comparer à They Live by Night, que Nicholas Ray a tourné peu avant, qui met également en scène un couple de braqueurs : un très beau film mais beaucoup plus classique dans son traitement.

8 mars 2014

Rosemary’s Baby (1968) de Roman Polanski

Rosemary's BabyRosemary et Guy louent un appartement au dernier étage d’un immeuble qui a été le théâtre d’évènements tragiques. Ils font rapidement connaissance de leurs voisins, un couple âgé, qui se révèlent être si serviables et prévenants que Rosemary les trouve plutôt envahissants…
Rosemary’s Baby est au départ un roman d’Ira Levin dont le producteur William Castle (1), spécialisé dans les films d’horreur, avait acquis les droits. C’est la Paramount qui lui demande de le faire réaliser par le jeune Roman Polanski. Il s’agit d’une adaptation extrêmement fidèle au roman, l’une des plus fidèles qui soient. Polanski sait parfaitement jouer avec ce qu’il ne montre pas et évite tous les effets habituels des films d’horreur. C’est cela qui lui donne toute sa force, qui crée un léger malaise qui s’amplifie pour se transformer en angoisse. Il sait aussi semer puis entretenir le doute : sommes-nous effectivement face à un complot satanique ou d’une simple paranoïa ? Mia Farrow fait une superbe prestation. Le perfectionniste Roman Polanski a fait un travail remarquable, utilisant des focales courtes pour nous faire adopter le point de vue de Rosemary et montrant une certaine dextérité dans de longs plans-séquences. Après l’échec commercial de Cul-de-sac et du Bal des Vampires (qui sont pourtant deux merveilleux films), Polanski va enfin connaitre le succès avec Rosemary’s Baby qui reste aujourd’hui l’un des films majeurs du genre.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Mia Farrow, John Cassavetes, Ruth Gordon, Sidney Blackmer
Voir la fiche du film et la filmographie de Roman Polanski sur le site IMDB.
Voir les autres films de Roman Polanski chroniqués sur ce blog…

Voir les livres sur Roman Polanski

Remarques :
* Lorsque Rosemary téléphone à l’acteur devenu aveugle, c’est la voix de Tony Curtis qui lui répond. Mia Farrow l’ignorait. Le fait qu’elle cherche à identifier cette voix qu’elle connait ajoute à son trouble apparent. Roman Polanski dit l’avoir fait dans ce but.
* C’est Mia Farrow qui chante la petite contine pendant le générique.
* Le bébé nait en juin 1966, soit 6/66.
* William Castle raconte dans son autobiographie qu’il a reçu un flot de lettres de menace de mort après la sortie du film.

(1) William Castle fait une brève apparition dans le film dans la scène de la cabine téléphonique.

rosemary's baby
John Cassavetes et Mia Farrow dans Rosemary’s baby de Roman Polanski.

4 août 2013

Conte des chrysanthèmes tardifs (1939) de Kenji Mizoguchi

Titre original : « Zangiku monogatari »

Les contes des chrysanthèmes tardifsA la fin du XIXe siècle, le jeune Kikunosuke fait partie d’une famille illustre d’acteurs du théâtre kabuki. Son jeu est jugé très mauvais par tous. Personne n’ose le lui dire, même son père, le grand Kikugorô Onoe. Seule Otoku, la jeune nounou de la famille, ose lui parler pour lui ouvrir les yeux. Il se développe alors entre eux une amitié qui se transforme rapidement en amour… Sous prétexte de mettre en scène les débuts du renommé Kikunosuke Onoe VI (1), Kenji Mizoguchi centre son film sur le destin de cette jeune femme Otoku qui se sacrifie pour que puisse se développer l’art de l’acteur (2). Conte des chrysanthèmes tardifs est ainsi un drame très émouvant, puissant par les émotions qu’il provoque chez le spectateur. Cette force ne vient pas seulement de l’histoire mais aussi de la forme que Mizoguchi développe avec maestria de film en film : les plans-séquences, la position de la caméra souvent assez haute, le cadrage, l’utilisation de plans moyens qui permet des mouvements circulaires de caméra, … c’est un film que l’on peut aussi ne regarder que pour analyser la forme, très inventive et déjà très aboutie, toujours au service de l’histoire dont elle décuple la force.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Shôtarô Hanayagi, Kakuko Mori, Kôkichi Takada, Yôko Umemura
Voir la fiche du film et la filmographie de Kenji Mizoguchi sur le site IMDB.

Voir les autres films de Kenji Mizoguchi chroniqués sur ce blog…

Remarque :
La scène la plus célèbre de Conte des chrysanthèmes tardifs : Mizoguchi met en scène le premier grand dialogue entre Otoku et Kikunosuke par un long plan-séquence, un lent traveling latéral en contre-plongée (comme si nous observions les personnages depuis une barque sur le fleuve alors qu’ils marchent sur un ponton de bois sur la rive par exemple) où nous suivons les personnages en train de marcher l’un derrière l’autre tout en se parlant. Lorsqu’ils s’arrêtent, la caméra s’arrête… avant de reprendre son mouvement lorsqu’ils reprennent leur marche. L’éclairage nocturne est superbe, détachant les visages des silhouettes. C’est sans aucun doute l’un des plus beaux plans de l’histoire du cinéma.

(1) Kikunosuke Onoe VI est ce grand acteur de kabuki que l’on peut voir dans le court métrage La Danse du lion de Yasujirô Ozu (1936).

(2) On notera aussi qu’un second personnage féminin est implicitement Kikunosuke lui-même : écrasé par la personnalité de son père, il ne parviendra à s’en libérer dans son jeu d’acteur qu’en se spécialisant dans l’interprétation de rôles féminins.