4 août 2013

Conte des chrysanthèmes tardifs (1939) de Kenji Mizoguchi

Titre original : « Zangiku monogatari »

Les contes des chrysanthèmes tardifsA la fin du XIXe siècle, le jeune Kikunosuke fait partie d’une famille illustre d’acteurs du théâtre kabuki. Son jeu est jugé très mauvais par tous. Personne n’ose le lui dire, même son père, le grand Kikugorô Onoe. Seule Otoku, la jeune nounou de la famille, ose lui parler pour lui ouvrir les yeux. Il se développe alors entre eux une amitié qui se transforme rapidement en amour… Sous prétexte de mettre en scène les débuts du renommé Kikunosuke Onoe VI (1), Kenji Mizoguchi centre son film sur le destin de cette jeune femme Otoku qui se sacrifie pour que puisse se développer l’art de l’acteur (2). Conte des chrysanthèmes tardifs est ainsi un drame très émouvant, puissant par les émotions qu’il provoque chez le spectateur. Cette force ne vient pas seulement de l’histoire mais aussi de la forme que Mizoguchi développe avec maestria de film en film : les plans-séquences, la position de la caméra souvent assez haute, le cadrage, l’utilisation de plans moyens qui permet des mouvements circulaires de caméra, … c’est un film que l’on peut aussi ne regarder que pour analyser la forme, très inventive et déjà très aboutie, toujours au service de l’histoire dont elle décuple la force.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Shôtarô Hanayagi, Kakuko Mori, Kôkichi Takada, Yôko Umemura
Voir la fiche du film et la filmographie de Kenji Mizoguchi sur le site IMDB.

Voir les autres films de Kenji Mizoguchi chroniqués sur ce blog…

Remarque :
La scène la plus célèbre de Conte des chrysanthèmes tardifs : Mizoguchi met en scène le premier grand dialogue entre Otoku et Kikunosuke par un long plan-séquence, un lent traveling latéral en contre-plongée (comme si nous observions les personnages depuis une barque sur le fleuve alors qu’ils marchent sur un ponton de bois sur la rive par exemple) où nous suivons les personnages en train de marcher l’un derrière l’autre tout en se parlant. Lorsqu’ils s’arrêtent, la caméra s’arrête… avant de reprendre son mouvement lorsqu’ils reprennent leur marche. L’éclairage nocturne est superbe, détachant les visages des silhouettes. C’est sans aucun doute l’un des plus beaux plans de l’histoire du cinéma.

(1) Kikunosuke Onoe VI est ce grand acteur de kabuki que l’on peut voir dans le court métrage La Danse du lion de Yasujirô Ozu (1936).

(2) On notera aussi qu’un second personnage féminin est implicitement Kikunosuke lui-même : écrasé par la personnalité de son père, il ne parviendra à s’en libérer dans son jeu d’acteur qu’en se spécialisant dans l’interprétation de rôles féminins.

16 décembre 2012

Danse du lion (1936) de Yasujirô Ozu

Titre original : « Kagamijishi »

Danse du lion(Court métrage, 24 minutes) Danse du lion est un documentaire, le seul réalisé par Ozu durant sa carrière. C’est une commande de l’Association Culturelle du Japon pour faire connaitre le théâtre japonais Kabuki et promouvoir l’art de la danse japonaise à l’étranger. L’idée fut donc de filmer une représentation du plus grand acteur de Kabuki, Kikugoro Onoe VI, dans la danse réputée comme étant le summum de la difficulté : la Danse du lion. Une voix-off sur fond de plans fixes d’un théâtre vide nous introduit Kikugoro et l’histoire qu’il va interpréter : une jeune fille paysanne effectue une danse et quand elle touche la tête du lion, l’esprit du lion s’empare d’elle. Elle disparaît et réapparait en lion qui danse alors avec un papillon… Qu’un acteur de 51 ans parvienne à interpréter une jeune paysanne avec tant de grâce est assez étonnant en soi, on oublie d’ailleurs totalement qu’il s’agit d’un homme tant il parvient à recréer la gestuelle féminine avec une infinie délicatesse. Dans la seconde partie de la danse, son jeu est totalement différent, exprimant la force et une certaine fureur. C’est un peu difficile à apprécier pleinement pour un spectateur occidental non familiarisé avec le Kabuki, je dois avouer avoir eu besoin de deux visions pour l’apprécier. C’est très beau. Danse du lion Ozu filme la représentation très simplement avec trois caméras fixes, sans chercher à faire d’effets si ce n’est quelques gros plans. Finalement, le film ne fut pas utilisé et mis de côté par les autorités culturelles après que des critiques aient été émises sur les expressions peu naturelles du visage du danseur. S’il n’est pas essentiel dans la filmographie d’Ozu, Danse du lion est intéressant à regarder car il donne envie de s’intéresser au Kabuki et, en ce sens, il a atteint son but.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Kikugoro Onoe VI
Voir la fiche du film et la filmographie de Yasujirô Ozu sur le site IMDB.

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