2 mars 2024

La Femme de Jean (1974) de Yannick Bellon

La Femme de JeanAprès dix-huit années de vie commune, Jean vient d’annoncer à Nadine qu’il la quitte. D’avord dévastée par le chagrin, reprend courage, aidée par son fils de 17 ans…
La Femme de Jean est un film français écrit et réalisé par Yannick Bellon, son second long métrage. Il s’inscrit dans une époque où le féminisme s’affirmait de plus en plus, parfois avec une hostilité marquée envers les hommes. Rien de tel ici. Yannick Bellon (qui, rappelons-le, est une femme, son vrai prénom est Marie-Annick) se concentre sur un personnage de femme qui va se reconstruire, commencer à exister par elle-même au lieu d’être « la femme de… ». Elle reprend confiance en elle. C’est donc d’une renaissance dont il est question. Le sujet peut sembler rebattu à nos yeux actuels mais il ne l’était pas à l’époque à sa sortie. Le seul petit reproche que l’on pourrait faire est que tout se déroule de façon idéale, notamment le fils (joué par le jeune Hippolyte Girardot qui fait ses débuts à l’écran) est parfait, il l’encourage quand elle est trop timorée. Mais l’idée est de montrer la voie, un bel exemple du cinéma « comment vivre ? ». L’approche de Yannick Bellon est délicate, porteuse d’idées positives qui poussent à évoluer. La réalisatrice aborde aussi le thème du temps (1), le temps qui passe et qui détruit mais qui permet aussi de reconstruire (car il détruit aussi le négatif). Belle interprétation de France Lambiotte, actrice non professionnelle.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: France Lambiotte, Hippolyte Girardot, James Mitchell, Claude Rich
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Remarque :
• France Lambiotte tournera trois autres films dans les années 70, dont un second rôle dans Les Routes du sud (1978) de Joseph Losey.

(1) Yannick Bellon explorera ce thème du temps sous un angle différent dans son film suivant « Jamais plus toujours » (1976).

Hippolyte Girardot, France Lambiotte et Claude Rich dans La Femme de Jean de Yannick Bellon.

9 novembre 2022

Jamais plus toujours (1976) de Yannick Bellon

Jamais plus toujoursAprès une longue absence, Claire est revenue à Paris après la disparition de son amie Agathe, actrice de théâtre. A l’Hôtel Druot, elle déambule parmi ses objets qui vont être mis en vente. Elle retrouve Matthieu qui a été, et est toujours, secrètement amoureux d’elle…
Jamais plus toujours est un film français écrit et réalisé par Yannick Bellon. Plus encore que dans ses autres films, la cinéaste donne une grande importance aux objets qui ont des multiples fonctions : ils nous accompagnent dans une vie mais peuvent en démarrer une autre après notre disparition (revente), ou être détruits (machine à broyer), ou transformés (cas du jeune couple), ou encore faire office de mémoire (cartes postales, scène finale dans le futur). Ils créent les rapports entre les personnes, ils sont un lien dans le temps. Car c’est aussi une réflexion sur le temps, sur la fragilité des sentiments, sur les échanges fugaces. Yannick Bellon filme tout cela avec douceur et délicatesse, avec de lents travelings qui nous enveloppent et même nous envoutent. Une belle réflexion philosophique.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Bulle Ogier, Loleh Bellon, Jean-Marc Bory, Marianne Epin, Bernard Giraudeau, Roger Blin
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Jamais plus toujoursBulle Ogier et Loleh Bellon dans Jamais plus toujours de Yannick Bellon.

Jamais plus toujoursBulle Ogier et et Jean-Marc Bory dans Jamais plus toujours de Yannick Bellon.

28 juin 2021

Tenet (2020) de Christopher Nolan

TenetMuni d’un seul mot – Tenet – et décidé à se battre pour sauver le monde, notre protagoniste sillonne l’univers crépusculaire de l’espionnage international. Sa mission le projettera dans une dimension qui dépasse le temps. Pourtant, il ne s’agit pas d’un voyage dans le temps, mais d’un renversement temporel…
Le concept de départ a le mérite de l’originalité, exploiter l’idée d’un écoulement inversé du temps et de son interaction avec le temps qui s’écoule normalement (Tenet est d’ailleurs un palindrome). Le problème est que, très rapidement, on ne comprend plus rien. Christopher Nolan ne prend pas la peine d’expliquer, il ne daigne nous lâcher que quelques mots comme « entropie inversée » (débrouillez-vous avec ça !) et entrevoir les implications de ce concept pendant la projection est Mission impossible. Il ne nous reste donc qu’un film d’action, fort bien réalisé, avec beaucoup d’inattendus, mais la fatigue nous gagne à la moitié du film. De plus, les évènements deviennent de plus en plus indécryptables et notre confusion/lassitude culmine dans une longue scène finale passablement incompréhensible. Il faut aller lire les explications qui ont fleuri ici et là pour commencer à comprendre… et revoir ensuite le film muni d’un calepin solidement relié.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: John David Washington, Robert Pattinson, Kenneth Branagh, Elizabeth Debicki
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 TenetRobert Pattinson et John David Washington dans Tenet de Christopher Nolan.

9 novembre 2019

La Belle (1969) de Arunas Zebriunas

Titre original : « Grazuole »

La Belle (Grazuole)À Vilnius dans une cour d’immeuble, des enfants jouent au jeu La Belle qui consiste à danser devant les autres et c’est toujours Inga qui gagne. Cette petite fille vit avec sa mère célibataire. Lorsque de nouveaux voisins arrivent, elle est intriguée par l’intérêt du garçon pour quelques branches qui semblent venir d’un vieux balai…
Ce film soviétique inconnu du lituanien Arunas Zebriunas (en 1969, la Lituanie faisait bien partie de l’Union soviétique) a refait surface cinquante ans après sa sortie. C’est un film assez surprenant, sur le thème de l’univers de l’enfance : tout le récit est vu par les yeux de la jeune Inga que l’on suit constamment, elle est de tous les plans (ou presque). C’est l’enfance vue de l’intérieur en quelque sorte et le monde des adultes n’interfère qu’assez peu. Les autres thèmes sont ceux de la beauté, du temps qui passe et qui change les choses de façon irréversible (le chien qui attend le retour son maître noyé, l’homme nostalgique de sa maison détruite) et aussi de l’aspiration à autre chose (la danse, l’espoir de faire renaitre la vie de branches mortes). Arunas Zebriunas parvient à filmer ces enfants de façon très naturelle et délicate, sans chercher les effets. Même si le contenu peut sembler limité, La Belle est un film charmant. La jeune actrice Inga Mickyte est lumineuse.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Inga Mickyte, Lilija Zadeikyte
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Remarques :
* Arunas Zebriunas a réalisé une dizaine de films, tous inconnus en France, souvent centrés sur l’enfance, dont une adaptation du Petit Prince de Saint-Exupéry.
* Un critique a affirmé que le film est un classique en Lituanie. Ce point reste à vérifier car la page du Wikipédia lituanien sur le film est vraiment minimale.

La Belle (Grazuole)Inga Mickyte dans La Belle (Grazuole) de Arunas Zebriunas.

La Belle (Grazuole)Lilija Zadeikyte et Inga Mickyte dans La Belle (Grazuole) de Arunas Zebriunas.

2 mai 2019

Un jour (2011) de Lone Scherfig

Titre original : « One Day »

Un jourAngleterre, 15 juillet 1988. Après une soirée de fin d’études bien arrosée, Emma et Dexter font plus ample connaissance et finissent par dormir dans le même lit sans qu’il y ait de relation sexuelle. Ils décident ensuite de rester amis…
Réalisé par la danoise Lone Scherfig, Un jour (One Day) est un film américain adapté du roman homonyme de l’anglais David Nicholls. Nous retrouvons les deux personnages principaux chaque année le 15 juillet pendant plus de dix-huit années pour suivre l’évolution de leur relation. Si l’on peut penser tout d’abord à une variation de Quand Harry rencontre Sally, le propos est différent car cette histoire explore plutôt le thème des occasions manquées : Emma et Dexter ne sont jamais en phase. Le scénario n’utilise pas les ficelles traditionnelles pour nous émouvoir et les personnages deviennent rapidement assez attachants essentiellement par leur belle présence. Le film est également rendu plaisant par son équilibre entre drame et comédie, l’humour passant par des dialogues bien ciselés. Le film a été très critiqué à cause du mauvais accent anglais de l’américaine Anne Hathaway, ce qui, pour nous francophones, est peu perceptible.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Anne Hathaway, Jim Sturgess, Rafe Spall
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One day
Jim Sturgess et Anne Hathaway dans Un jour de Lone Scherfig.

24 avril 2019

La Belle et la belle (2018) de Sophie Fillières

La Belle et la belleMargaux, 20 ans, fait la connaissance de Margaux, 45 ans. Elles réalisent qu’elles ont beaucoup de points en commun. En fait, elles ne forment qu’une seule et même personne à deux âges différents de la vie. Margaux pourra-t-elle réorienter la vie de Margaux ? …

Ecrit et réalisé par Sophie Fillières, La Belle et la belle part d’une idéee de base originale et pleine de promesses. Même si le développement du scénario ne comble pas tous les espoirs, le film se révèle une comédie amusante qui doit beaucoup au charme de ses interprètes et à ses dialogues relevés et brillants. Très réussi.
Elle: 3 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Sandrine Kiberlain, Agathe Bonitzer, Melvil Poupaud
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La Belle et la Belle
Sandrine Kiberlain, Melvil Poupaud et Agathe Bonitzer dans La Belle et la belle de Sophie Fillières.

29 mars 2019

Temps sans pitié (1957) de Joseph Losey

Titre original : « Time Without Pity »

Temps sans pitiéUn homme d’âge mûr assassine une jeune fille dans un appartement moderne orné d’une peinture de Goya. Plus tard, un romancier arrive à Londres après une cure de désintoxication au Canada. Son fils doit être exécuté dans les vingt-quatre heures pour le meurtre de la jeune fille…
Temps sans pitié est librement adapté d’une pièce policière d’Emlyn Williams. Mais le film n’est pas une énigme policière puisque nous savons dès les premières minutes qui est le coupable (dans une scène particulièrement puissante). Ce n’est pas non plus un pamphlet contre la peine de mort, même si le sujet est brièvement évoqué. Temps sans pitié est essentiellement un suspense où Losey joue avec le temps et crée une très forte tension basé sur le rythme et sur un certain malaise qui émanent des personnages dont on perçoit peu à peu les perturbations les plus profondes. Losey introduit aussi une bonne dose de fragilité, essentiellement par le personnage du père toujours sur le point de céder à son alcoolisme. Le film est remarquablement bien construit, avec certaines scènes qui répondent à d’autres. La fin est particulièrement forte et inattendue. Temps sans pitié marque le retour de Joseph Losey à la pleine lumière après avoir été victime du maccarthysme. Il signe de nouveau de son vrai nom et son succès, notamment en France, lui ouvrira les portes d’une reconnaissance internationale.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Michael Redgrave, Ann Todd, Leo McKern, Paul Daneman, Peter Cushing, Alec McCowen
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Temps sans pitié
Michael Redgrave et Leo McKern dans Temps sans pitié de Joseph Losey.

12 décembre 2018

Miss Peregrine et les enfants particuliers (2016) de Tim Burton

Titre original : « Miss Peregrine’s Home for Peculiar Children »

Miss Peregrine et les enfants particuliersEn 2016, Jake est un jeune adolescent timide de 16 ans menant une vie paisible en Floride. Il est très proche de son grand-père Abe qui lui a toujours raconté des histoires sur un monde mystérieux avec des enfants ayant des dons très particuliers. Un soir, il découvre la maison de son grand-père vandalisée et, non loin de là, son corps. Avant de mourir, il parle confusément à Jake d’une boucle, du 3 septembre 1943 et d’un oiseau…
Miss Peregrine et les enfants particuliers est l’adaptation d’un roman écrit par Ransom Riggs, publié en 2011. Dès les premières images, on perçoit une certaine étrangeté qui éveille notre curiosité. Tim Burton nous fait ensuite pénétrer dans un monde délicatement fantastique, parfois effrayant. Il ne faut pas trop chercher une parfaite cohérence dans cette histoire, certains aspects restant confus, mais plutôt se laisser envelopper dans son atmosphère magique rehaussée de belles notes poétiques et se laisser émerveiller. La photographie est très belle et les effets spéciaux bien intégrés.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Eva Green, Asa Butterfield, Samuel L. Jackson, Judi Dench, Rupert Everett, Terence Stamp, Ella Purnell
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Miss Peregrine et les enfants particuliers
Eva Green et Asa Butterfield dans Miss Peregrine et les enfants particuliers de Tim Burton.

1 décembre 2017

Youth (2015) de Paolo Sorrentino

YouthDeux amis de longue date se retrouvent dans un grand hôtel des Alpes suisses. Fred, compositeur et chef d’orchestre, est à la retraite alors que Mick, réalisateur, s’efforce de terminer le scénario d’un dernier film…
Ecrit et réalisé par Paolo Sorrentino, Youth est un film plus enthousiasmant que son précédent long métrage, l’oscarisé La Grande Bellaza, qui manquait un peu de contenu. Cette fois, Youth a une substance qui le rend bien plus complet. Le film est avant tout une réflexion sur le temps : dans cet hôtel où le temps semble s’être arrêté, les deux octogénaires voudraient-ils conjurer la fatalité du temps qui passe, qui diminue physiquement, qui efface les souvenirs ? Il y a aussi une réflexion sur la célébrité, sur la passion, toujours exclusive, et la difficulté d’être un parent pour ses enfants.  Il n’y a là sans doute rien d’exceptionnellement éclairant, mais la forme lui donne une certaine dimension. Paolo Sorrentino n’abuse plus d’effets pour mieux se concentrer sur l’esthétisme. Il affectionne les cadrages larges, fait le vide autour de ses personnages, soigne ses compositions. Il parvient ainsi à créer une atmosphère assez forte, très zen, qui invite à porter un regard différent sur le monde qui nous entoure. C’est cette atmosphère qui rend le film remarquable.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Michael Caine, Harvey Keitel, Rachel Weisz, Paul Dano, Alex Macqueen, Jane Fonda
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Remarque :
* L’hôtel utilisé pour les extérieurs est le Berghotel Schatzalp à Davos en Suisse, un imposant hôtel dans le style Art nouveau et construit en 1900.

Youth
Michael Caine (si si, il est dans l’image) dans Youth de Paolo Sorrentino.

Youth
Madalina Diana Ghenea, Michael Caine et Harvey Keitel dans Youth de Paolo Sorrentino.

youth
Michael Caine dans Youth de Paolo Sorrentino.

Youth

17 août 2017

Kaili Blues (2015) de Bi Gan

Titre original : « Lu bian ye can »

Kaili BluesChen est médecin dans une petite clinique de Kaili, ville brumeuse et humide de la province subtropicale du Guizhou. Il décide de partir à la recherche de son neveu Weiwei que son frère a semble-t-il vendu. Il est également chargé par sa collègue âgée de porter des souvenirs à son ancien amant qui agonise (1)… S’il est des films dont le propos est difficile à percevoir, Kaili Blues fait partie d’entre eux. Je dois avouer que lorsque le titre est apparu (à la 29e minute!), j’étais toujours dans le brouillard le plus complet quant à savoir ne serait-ce que le sujet du film. Il s’agit presque d’un puzzle à reconstituer car le jeune cinéaste chinois entremêle les périodes temporelles, passé, présent et futur, et il faudrait revoir le film une seconde fois pour tout remettre en place (Chen raconte en partie son histoire à la coiffeuse peu avant la fin). L’intérêt d’une telle complexité et le message poétique voire philosophique vus par la plupart des critiques m’ont totalement échappé. Pour son premier long métrage, Bi Gan réalise de longs plans-séquences, s’écartant parfois de la scène pour mieux la retrouver, ce qui accentue l’impression de caractère insaisissable de Kaili Blues.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Yongzhong Chen
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Kaili Blues
Yongzhong Chen dans Kaili Blues de Bi Gan.

(1) suite et fin du résumé : En chemin, il arrive dans un étrange village (Dang Mai) où différentes périodes temporelles se télescopent : passé, présent et futur. Arrivé enfin à destination à Zhenyuan, il trouve son neveu mais décide de le laisser vivre sa vie. L’amant de sa collègue est déjà mort.