1 septembre 2022

Eugénie Grandet (2021) de Marc Dugain

Eugénie GrandetSaumur, sous Louis XVIII (1815-1830). Félix Grandet a été tonnelier et maire. Grâce à un sens des affaires et une avarice très prononcée, il a réussi à faire fortune en profitant d’une époque instable. Il fait maintenant fructifier sa grande fortune tout en faisant croire à sa femme, à sa fille Eugénie et à sa servante Nanon qu’ils ne sont pas riches…
Eugénie Grandet est un film français écrit et réalisé par Marc Dugain. Il s’agit d’une adaptation libre du roman du même nom d’Honoré de Balzac. Réalisateur mais aussi romancier, Marc Dugain s’est attaché à moderniser le roman de Balzac en utilisant les éléments qui trouvent un écho dans notre monde d’aujourd’hui. Il se concentre ainsi sur la relation entre Eugénie et son père et transforme le destin tragique d’Eugénie Grandet en récit de l’émancipation d’une femme. Il a su garder la force des personnages, notamment celui de Félix Grandet, aidé il est vrai par la puissance du jeu d’Olivier Gourmet. Le film est ainsi une féroce satire de la cupidité. La photographie, signée Gilles Porte, est très belle, s’inspirant de la peinture flamande avec beaucoup de jeu sur le flou (un peu trop visible parfois). Un très beau film, doté d’une indéniable force.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Joséphine Japy, Olivier Gourmet, Valérie Bonneton, César Domboy, François Marthouret, Nathalie Bécue, Bruno Raffaelli
Voir la fiche du film et la filmographie de Marc Dugain sur le site IMDB.
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Eugénie GrandetOlivier Gourmet et Bruno Raffaelli dans Eugénie Grandet de Marc Dugain.

Eugénie GrandetJoséphine Japy et César Domboy dans Eugénie Grandet de Marc Dugain.

15 janvier 2017

Les Malheurs de Sophie (2016) de Christophe Honoré

Les malheurs de SophieSophie de Réan est une petite fille espiègle, vivante et curieuse de la vie. Entourée de son cousin Paul et de ses petites camarades, Camille et Madeleine de Fleurville, elle fait les quatre cents coups dans le domaine familial, enchaînant bêtise sur bêtise… Le film de Christophe Honoré s’inspire librement des deux célèbres romans de la comtesse de Ségur : Les Malheurs de Sophie et sa suite Les Petites Filles modèles. Bien que le genre soit totalement nouveau pour lui, il a su trouver le bon ton pour traiter et moderniser juste un peu ces histoires écrites pour les enfants au milieu du XIXe siècle. Le film est au format 4/3 et le jeu des acteurs a une petite dose d’artificialité qui participe à créer une atmosphère de conte. Et Christophe Honoré se permet une fantaisie : il insère des petits animaux en animations dans quelques scènes et l’intégration est une vraie réussite. Les enfants jouent admirablement. Et comme toujours chez Honoré, la musique de son compère Alex Bompain a sa place, le film se finit par une chanson. L’ensemble est plaisant, plein de vie mais sera certainement diversement apprécié.
Elle: 4 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Caroline Grant, Anaïs Demoustier, Golshifteh Farahani, Muriel Robin
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Autres adaptations au cinéma :
Les Malheurs de Sophie (1946) de Jacqueline Audry avec Madeleine Rousset et Marguerite Moreno
Les Malheurs de Sophie (1981) de Jean-Claude Brialy avec Paprika Bommenel (suivi d’Un bon petit diable en 1983).

Les Malheurs de Sophie
Caroline Grant dans Les malheurs de Sophie de Christophe Honoré.

Les Malheurs de Sophie
Céleste Carrale, Justine Morin, Caroline Grant et Tristan Farge dans Les malheurs de Sophie de Christophe Honoré.

15 décembre 2016

Looking for Richard (1996) de Al Pacino

Looking for RichardSous une forme proche d’un documentaire, Looking for Richard nous plonge dans le processus créatif d’une adaptation moderne de la pièce de Shakespeare Richard III. Avec chewing-gum et casquette à l’envers, le très américain Al Pacino cherche comment rendre la pièce plus accessible à un public large, comment trouver une approche nouvelle de l’œuvre, comment transmettre sa signification. La forme est originale puisqu’elle juxtapose des scènes de répétition ou de réflexion sur les directions à donner avec des scènes de la pièce jouée en costumes dans divers décors, sautant de l’un à l’autre avec vivacité. Globalement, le film suit le déroulement de la pièce. Le travail de montage paraît donc remarquable, surtout lorsque l’on sait que Pacino avait accumulé près de 80 heures de rushes sur quelque trois années (le projet fut fréquemment interrompu du fait des engagements de l’acteur). Accompagné de son metteur en scène Frederic Kimball, Pacino s’est même rendu en Angleterre, interviewé des acteurs anglais et des grands spécialistes de William Shakespeare. L’ensemble est assez intéressant mais on peut se demander si les desseins pédagogiques sont atteints car l’intensité de la pièce n’est pas totalement perceptible du fait de l’inévitable fragmentation. L’interprétation de la pièce est assez appuyée, beaucoup semblant surjouer quelque peu (c’est particulièrement net pour Penelope Allen, la reine). Al Pacino en revanche est souvent splendide en Richard III. Entre autres, la scène où il se déclare à Lady Anne (Winona Ryder) est assez forte. Il ne peut toutefois faire oublier Laurence Olivier…
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Al Pacino, Alec Baldwin, Kevin Spacey, Estelle Parsons, Winona Ryder
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Voir les livres sur Al Pacino

Remarques :
* Grand acteur de théâtre, Al Pacino tient en très haute estime l’oeuvre de Shakespeare. Il avait déjà interprété Richard III sur les planches dans les années soixante-dix et animé des séminaires sur le sujet. Ce film est un projet très personnel.
* Parmi les acteurs anglais shakespeariens interviewés, on remarque : Vanessa Redgrave, John Gielgud, Kenneth Branagh, Rosemary Harris, Derek Jacobi et le metteur en scène Peter Brook.

Looking for Richard
Al Pacino met en scène et joue Richard III dans  Looking for Richard.

Les adaptations de Richard III au cinéma :
Richard III (1912) de André Calmette et James Keane avec Frederick Warde. En 1996, une copie en bon état de ce film précédemment inconnu a été découverte. Sa durée de 55 mn en fait l’un des tous premiers longs métrages.
Richard III (1955) de et avec Laurence Olivier, la version la plus remarquable.
Richard III (1995) de Richard Loncraine avec Ian McKellen, où la pièce est transposée au XXe siècle, dans une Angleterre fictive sous régime fasciste dans les années 1930.
Richard III (2008) de Scott Anderson avec Scott Anderson

4 juillet 2014

Léviathan (1962) de Léonard Keigel

LeviathanPaul Guéret aime Angèle, une jeune blanchisseuse. Il la suit, réussit à lui parler, lui donne rendez-vous mais elle se refuse à lui. Paul en est désespéré… Dès sa publication en 1929, le grand roman de Julien Green Léviathan a attiré plusieurs metteurs en scène et non des moindres : Marc Allégret, Georg Pabst, Robert Siodmak, Eisenstein, Cukor, Jacques Tourneur, Visconti. A chaque fois, le projet n’aboutit pas pour des raisons diverses et ce n’est qu’en 1962 que l’adaptation au grand écran verra enfin le jour sous la direction du débutant Léonard Kiegel. Il s’agit d’une histoire très sombre où les différents personnages ont de grandes frustrations et où l’amour, loin d’être un élément émancipateur, n’apporte qu’aigreur et rancoeur, voire pire encore. Pour son premier film, Léonard Kiegel parvient parfaitement à restituer l’atmosphère assez oppressante, presque morbide, du livre ; il est aidé par la présence de Julien Green qui a écrit les dialogues de cette adaptation. Louis Jourdan a laissé au vestiaire son profil de grand séducteur : son personnage est censé être quelconque, sans attrait ; il a su adapter son jeu et gagne ainsi en complexité. Face à lui, Marie Laforêt apporte une touche de sensualité et de spontanéité, elle semble entrer dans son personnage au fur et à mesure que le film avance. Mais le plus beau personnage, le plus complexe, le plus tourmenté sans doute, est celui de Madame Grosgeorges admirablement interprété par l’actrice internationale Lili Palmer (1) qui a probablement ici l’un de ses plus beaux rôles. Elle fait preuve d’une très grande présence à l’écran, absolument superbe dans toutes les scènes où elle apparaît. La très belle photographie est signée Nicolas Hayer(2). Léviathan est une belle adaptation littéraire, assez puissante, qui a certainement grandement bénéficié de la participation active de Julien Green. Il fait partie de ces films qu’une mauvaise distribution à l’époque a jetés dans l’ombre alors qu’ils méritent un bien meilleur statut.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Louis Jourdan, Lilli Palmer, Marie Laforêt, Madeleine Robinson, Georges Wilson
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Remarques :
* Le film est produit par Pierre Jourdan, frère de Louis Jourdan.
* La musique utilise des extraits de La Nuit transfigurée d’Arnold Schönberg.
* Auparavant très difficile à visionner, Léviathan vient de ressortir restauré dans une belle édition DVD (Voir sur Amazon…) Parmi les suppléments, il faut noter la présence de scènes commentées d’une autre adaptation d’un roman de Julien Green, Adrienne Mesurat, que Marcel L’Herbier a réalisée pour la télévision en 1953 avec Anouk Aimée et Alain Cuny dans les rôles principaux. Ces courtes scènes filmées (env. 15 à 20 minutes) sont les seules dont on ait la trace aujourd’hui car toutes les autres ont été interprétées en direct.

(1) Lili Palmer est une actrice d’origine allemande qui a tourné en Allemagne, en Angleterre, aux Etats Unis et en France.

(2) Nicolas Hayer est l’un des plus grands directeurs de la photographie français. Sa filmographie est impressionnante, il a travaillé pour Clouzot (Le Corbeau), Cocteau (Orphée), Duvivier, Melville, Daquin, Becker, etc.