6 mars 2016

Le Faux Coupable (1956) de Alfred Hitchcock

Titre original : « The Wrong Man »

Le Faux coupableChristopher Emmanuel Balestrero est musicien, il tient la contrebasse dans un club new-yorkais plutôt huppé, et arrive tout juste à faire vivre sa petite famille. Il est reconnu à tort comme étant l’auteur de hold-up chez les commerçants de son quartier… Le Faux Coupable est basé sur un authentique fait divers. De façon inhabituelle pour lui, Alfred Hitchcock s’est efforcé de rester le plus près possible de la vérité, utilisant des décors réels, allant jusqu’à filmer certaines scènes de prison dans une véritable prison. Il raconte les faits vus, non pas par les yeux de l’un des enquêteurs, mais par les yeux de l’homme faussement accusé, ce qui est un parti-pris original. Il modifie un peu les faits pour augmenter la tension mais son principal défaut est certainement d’avoir trop centré le milieu de film sur le personnage de la femme ce qui casse la montée de cette tension. L’ensemble est très froid. Henry Fonda est bien entendu l’un des plus grands acteurs qui soient mais il est ici plus impénétrable et glacial que jamais. Par ailleurs, faut-il penser (comme François Truffaut dans ses entretiens avec Hitchcock) que le style du maître du suspense ne peut s’adapter à un tel récit de faits réels ?
Elle: 3 étoiles
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Henry Fonda, Vera Miles, Anthony Quayle
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Remarques :
* Caméo : La scène où Alfred Hitchcock a fait son habituelle apparition a été coupée au montage par lui-même. Il apparaissait en arrière plan quand Henry Fonda regarde les courses hippiques sur son journal dans le café (voir la 3e photo ci-dessous).
* Alfred Hitchcock apparait tout de même en ombre chinoise dans l’introduction. C’est d’ailleurs sa seule apparition parlante dans un de ses films (en revanche, il apparaît et parle abondamment dans nombre de ses « teasers » plein d’humour).

The Wrong Man
Vera Miles, Henry Fonda et Anthony Quayle dans Le Faux coupable de Alfred Hitchcock.

The Wrong Man
Ce plan, avec la tête d’Henry Fonda au dessus de la grille,  est l’une des belles trouvailles d’Alfred Hitchcock.

The Wrong Man
Même si la scène a été coupée au montage, ce plan avec le cameo d’Hitchcock a servi comme matériel publicitaire.

30 août 2015

Apocalypse Now (1979) de Francis Ford Coppola

Apocalypse NowPendant la guerre du Vietnam, le capitaine Willard (Martin Sheen), spécialiste des missions secrètes, a reçu l’ordre d’aller tuer un colonel de sa propre armée (Marlon Brando) devenu incontrôlable et accusé d’assassinat. Pour ce faire, Willard doit remonter un fleuve jusqu’au Cambodge où le colonel s’est retranché entouré d’une centaine de personnes qui le vénèrent comme un dieu… Librement adapté du roman de Joseph Conrad Au coeur des ténèbres, Apocalypse Now est incontestablement le film le plus ambitieux de Francis Ford Coppola et son chef d’oeuvre. Son projet était démesuré sans aucun doute et le tournage au plus profond de la jungle philippine fut interminable et ponctué de catastrophes : typhon, crise cardiaque de Martin Sheen, etc. Mais la vraie démesure est dans ce que Coppola nous fait toucher du doigt, la folie engendrée par la guerre, la folie des hommes. L’avancement de Willard est ponctué de scènes emblématiques où la raison semble absente : l’attaque du village au son de La Chevauchée des Walkyries de Wagner, la séquence hallucinée du striptease de bunnies en pleine jungle, le pont illuminé attaqué dans la nuit noire et le monologue final de Brando dont on ne voit que le visage dans une demi-pénombre. Malgré l’ampleur du projet, le déroulement du scénario reste simple : « It’s a trip » a dit Coppola pour présenter son film à Cannes, jouant sur le double sens de trip (voyage et/ou hallucination sous l’emprise de la drogue). Apocalypse Now fait partie de ces films qui restent à jamais gravés dans nos mémoires.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Marlon Brando, Martin Sheen, Robert Duvall, Frederic Forrest, Laurence Fishburne, Harrison Ford, Dennis Hopper
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Apocalypse Now
Robert Duvall dans Apocalypse Now de Francis Ford Coppola (« Tu la vois, la vague ? »).

Apocalypse Now
Dennis Hopper et Martin Sheen dans Apocalypse Now de Francis Ford Coppola.

Apocalypse Now
Marlon Brando dans Apocalypse Now de Francis Ford Coppola.

Remarques :
* La version commerciale de 1979 dure 2h33. En 2001 est sortie une version plus longue sous le nom Apocalypse Now Redux ; elle dure 3h12. L’ajout le plus important est une longue séquence se déroulant dans une ancienne plantation française (avec Christian Marquand et Aurore Clément).

* Cameo : on ne peut manquer de remarquer Francis Ford Coppola dans la scène où les soldats atterrissent sur la plage. Il joue le rôle d’un cinéaste des armées criant aux soldats de faire comme si la caméra n’était pas là.

24 juin 2015

Europe 51 (1952) de Roberto Rossellini

Titre original : « Europa ’51 »

Europe 51Mariée à un industriel romain, Irene est une femme mondaine et superficielle. La mort de son jeune fils, qui par manque d’amour s’est jeté dans l’escalier, va la pousser à s’ouvrir aux autres et à venir en aide à des personnes des quartiers les plus pauvres… Europa ’51 est le deuxième film de Roberto Rossellini avec Ingrid Bergman. Il s’agit en partie d’une parabole sur l’état du monde occidental à l’aube des années cinquante, un monde en proie à des forces contradictoires, incapable d’apporter le bonheur aux plus démunis, mais c’est aussi et surtout le parcours personnel d’une femme pour qui un drame personnel va être le déclencheur d’un éveil de conscience et l’amener vers un état proche de la sainteté. En réaction, la société qui était la sienne va la considérer atteinte de folie. Cette réflexion autour de la sainteté et de la folie rapproche l’héroïne d’Europa ’51 de grandes figures comme Jeanne d’Arc, et la fin va bien dans ce sens. La mise en scène de Rossellini est épurée, un peu austère, empreinte de néoréalisme. L’interprétation est centrée autour d’Ingrid Bergman, visiblement très inspirée par ce personnage. Elle est hélas doublée dans la version originale italienne, ce n’est que dans la version anglaise que l’on peut entendre sa voix.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Ingrid Bergman, Alexander Knox, Ettore Giannini, Giulietta Masina
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Remarques :
* Roberto Rossellini s’est inspiré du parcours de la philosophe et humaniste Simone Weil (1909-1943) (ne pas confondre avec la femme politique Simone Veil).
* Dans la filmographie de Rossellini, Europa ’51 vient peu après Les onze fioretti de François d’Assise (1950), film où la sainteté tient également une grande place.
* Rappelons également que Rossellini avait perdu son jeune fils (appendicite aigüe) quelques années auparavant.

Europe 51
Ingrid Bergman (au centre) et Giulietta Masina (juste derrière elle) dans Europe 51 de Roberto Rossellini

 

9 mai 2015

Vol au-dessus d’un nid de coucou (1975) de Milos Forman

Titre original : « One Flew Over the Cuckoo’s Nest »

Vol au-dessus d'un nid de coucouDu fait de ses comportements erratiques, le prisonnier récidiviste Randle McMurphy est transféré de la prison à l’hôpital psychiatrique pour examen. Il participe aux thérapies de groupe dirigées par l’infirmière Ratched… Basé sur un roman de Ken Kesey (1)(2), Vol au-dessus d’un nid de coucou fait partie de ces films-évènements qui marquent leur époque (ou en sont la traduction directe, au choix…) Le visionner de nouveau, quarante ans après sa sortie, est intéressant. Il montre une belle longévité et reste aujourd’hui généralement tenu en très haute estime. Si la performance d’acteur paraît toujours aussi exceptionnelle, une spectaculaire opposition entre deux personnes, l’impact du film est nécessairement différent : dans les années soixante-dix, il mettait brutalement les spectateurs face à une réalité qu’ils ignoraient, celle des méthodes coercitives des hôpitaux psychiatriques qui entretiennent les troubles plus qu’ils ne les soignent. Aujourd’hui, où le pilonnage de tout ce qui est institutionnel est le quotidien de millions d’internautes, l’effet coup de poing ne peut être le même ; le film est même dans l’air du temps. Mais cela lui enlève-t-il de ses qualités pour autant ? Au-delà de la dénonciation de méthodes répressives, Vol au-dessus d’un nid de coucou pose d’autres questions : la définition de la « folie » (et quelle attitude adopter face à elle) bien entendu, mais aussi il nous met dans la position du patient, pose des questions sur ses attentes : la scène la plus forte (à mes yeux) est celle où Nicholson découvre que la moitié des membres de son groupe sont des internés volontaires. Toutes ces questions restent toutefois sans réponse, le propos restant sur une simple apologie de l’insoumission et une négation de toute forme d’autorité, ce qui est, il faut bien le reconnaître, assez facile. Cette faiblesse est plus évidente avec le recul (mais faut-il nécessairement apporter une réponse pour dénoncer quelque chose ?) La forme du film de Milos Forman est remarquable : il adopte un style très réaliste, donnant presque au film une atmosphère de documentaire ce qui le rend encore plus percutant ; il a d’ailleurs été tourner dans l’enceinte de l’Oregon State Mental Hospital, plusieurs figurants sont de réels patients, le docteur est un vrai docteur. La mise en scène est sobre, la construction est solide ce qui est admirable puisque tout le déroulement, ou presque, se situe à l’intérieur d’un même lieu (3). Fait avec un budget très modéré, Vol au-dessus d’un nid de coucou fut un immense succès dès sa sortie. Il a conservé aujourd’hui toute sa force.
Elle: 5 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Jack Nicholson, Louise Fletcher, Danny DeVito, Brad Dourif, Will Sampson
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Vol au-dessus d'un nid de coucou
Brad Dourif, Danny DeVito et Jack Nicholson dans Vol au-dessus d’un nid de coucou de Milos Forman.

Remarques :
* Le titre « Vol au-dessus d’un nid de coucou » vient d’une comptine pour enfants et du fait, qu’en anglais, le mot « cuckoo » désigne une personne dérangée, cinglée.

* L’infirmière Ratched est le rôle principal de la carrière de Louise Fletcher, les films tournés ensuite par l’actrice paraissent bien mineurs. L’expression « Nurse Ratched » est, quant à elle, passée en partie dans le langage courant pour désigner quelqu’un de froid et tyrannique.

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L’un des rares sourires de l’infirmière Ratched : Louise Fletcher dans Vol au-dessus d’un nid de coucou de Milos Forman.

(1) L’auteur Ken Kesey a lui-même travaillé dans un hôpital. Dans le roman, c’est Chief Bromden (le colosse d’origine indienne) qui raconte les faits. Ken Kesey était très mécontent du film. Il a même attaqué les producteurs en justice. Dans son roman, l’hôpital psychiatrique est une allégorie de la société dans son ensemble et le fait de prendre un personnage principal symbole des minorités opprimées s’inscrivait dans cette optique. Cet aspect contestataire, contre toute forme d’establishment, a été gommé par Forman.

(2) C’est Kirk Douglas qui a découvert le roman en 1961 et en a acheté les droits pour le tourner lui-même. Il l’a porté brièvement sur les planches en 1963. Mais le projet cinématographique ne s’est jamais fait, Kirk Douglas ne réussissant pas à convaincre studios et producteurs. Devenant trop âgé pour le rôle, il a finalement confié le projet à Milos Forman (Kirk Douglas a envoyé le livre à Milos Forman dès 1965 mais celui-ci ne l’a jamais reçu. Il suppose que les douaniers tchécoslovaques ont confisqué le livre en tant que littérature occidentale subversive. Ce n’est que dix ans plus tard que Michael, le fils de Kirk, le proposera de nouveau à Forman qui a entre-temps émigré aux Etats-Unis.)

(3) Hormis la scène de pêche… une scène que Milos Forman était très réticent à inclure dans son film. Il est vrai qu’elle est assez inutile. C’est plus une récréation pour le spectateur qu’autre chose… elle permet de soulager la tension.

12 décembre 2014

L’Impératrice rouge (1934) de Josef von Sternberg

Titre original : « The Scarlet Empress »

L'impératrice rougeJeune princesse prussienne, Sophie Frédérique d’Anhalt, a été choisie par l’impératrice de toutes les Russies Elisabeth pour épouser son neveu, grand duc et futur empereur. Après un long voyage, elle arrive à la cour de Russie où elle découvre que son futur époux n’est qu’un simple d’esprit… Réponse de la Paramount à La Reine Christine avec Greta Garbo (grande rivale de Marlene), L’Impératrice rouge raconte le parcours de Catherine II de Russie jusqu’à son arrivée au pouvoir. Plus qu’un film historiquement fidèle, c’est surtout l’oeuvre d’un grand créateur qui modèle l’Histoire pour en faire un spectacle assez unique, d’un esthétisme très personnel. Par les décors, Josef von Sternberg a créé un univers tourmenté, morbide, extravagant dans sa démesure, peuplé de statues grimaçantes tout en contraste avec la beauté des visages, particulièrement celui de Marlene Dietrich magnifié par un éclairage travaillé. Entre les mains de son pygmalion, l’actrice est absolument superbe, L'impératrice rouged’une grande prestance qui semble naturelle. Son personnage se joue des hommes. L’érotisme sous-jacent de certaines scènes est patent. La mise en scène baroque et très personnelle a dérouté : L’Impératrice rouge fut mal reçu par la critique à sa sortie, jugé trop extravagant. Si les opinions ont changé depuis, il ne fait toujours pas l’unanimité, loin de là. C’est certainement pourtant le plus beau (avec Shanghai Express) des sept films que Josef von Sternberg a tourné avec Marlene Dietrich…
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Marlene Dietrich, John Lodge, Sam Jaffe, Louise Dresser, C. Aubrey Smith
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Remarques :
* Dans les toutes premières scènes, Sophie enfant est interprétée par Maria Riva, la propre fille de Marlene Dietrich. Elle avait alors neuf ans (en outre, la fillette travaillait déjà avec sa mère au choix de ses robes). Maria Riva raconte le tournage dans son (volumineux) livre Marlene Dietrich (Flammarion, 1993).

Marlene Dietrich dans L'Impératrice Rouge, The Scarlet Empress de Josef von Sternberg (1934)
Marlene Dietrich et les sculptures tourmentées conçues par Josef von Sternberg pour L’Impératrice Rouge (The Scarlet Empress, 1934)

L'impératrice rouge
Sam Jaffe (l’à demi-fou grand-duc Pierre III de Russie) et Marlene Dietrich (Catherine II de Russie) dans L’Impératrice rouge de Josef von Sternberg (The Scarlet Empress, 1934)

Marlene Dietrich dans Scarlet Empress
Marlene Dietrich (Catherine II passant en revue d’un oeil gourmand sa garde personnelle…) dans L’Impératrice rouge de Josef von Sternberg (The Scarlet Empress, 1934)

13 juillet 2013

Un tramway nommé désir (1951) de Elia Kazan

Titre original : « A Streetcar Named Desire »

Un tramway nommé désirBlanche DuBois arrive à la Nouvelle-Orléans pour s’installer temporairement chez sa soeur Stella. Elle est tout de suite perturbée par l’appartement assez pauvre de sa soeur et par les manières peu raffinées de Stanley, son mari… Un tramway nommé désir est la première grande adaptation d’une pièce de Tennessee Williams au cinéma (1). Elia Kazan l’a transposé sans l’édulcorer et le film marqua profondément les esprits tant il tranchait avec l’univers très policé des films hollywoodiens. Les personnages agissent ici suivant leurs passions et leurs pulsions, écartelés, tour à tour victimes et bourreaux, avec de soudaines poussées de violence. Ils provoquent chez le spectateur des sentiments contradictoires sans qu’il soit possible de porter un jugement sur eux. L’interprétation est magistrale : Vivien Leigh, en être fragile et perturbé qui doit faire face au puissant Marlon Brando, jeune acteur repéré par Kazan à l’Actor’s Studio, qui montre une présence physique hors du commun et qui deviendra avec ce rôle une icône de l’érotisme masculin. La mise en scène d’Elia Kazan est hélas un peu trop appuyée, notamment dans ses effets d’éclairages qui alourdissent inutilement l’ensemble.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Vivien Leigh, Marlon Brando, Kim Hunter, Karl Malden
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Remarques :
* Elia Kazan a repris toute la distribution de la pièce telle qu’elle était jouée à Broadway : Marlon Brando, Kim Hunter, Karl Malden, Rudy Bond, Nick Dennis, Peg Hillias, Richard Garrick, Ann Dere et Edna Thomas (c’est-à-dire tous les acteurs principaux à l’exception de Vivien Leigh) y tenaient les mêmes rôles. Vivien Leigh a été préférée à Jessica Tandy pour ajouter une star connue du public (rappelons que Brando était alors à peu près inconnu).
* Vivien Leigh avait précédemment tenu le rôle de Blanche DuBois sur les planches à Londres sous la direction de son mari, Laurence Olivier. Le rôle a profondément marqué l’actrice qui a eu ensuite tendance à confondre parfois le personnage de Blanche avec sa vraie vie.
* Vivien Leigh, Karl Malden et Kim Hunter furent tous trois oscarisés pour leur rôle dans Un tramway nommé désir. Marlon Brando fut nominé mais dut s’incliner devant Humphrey Bogart (pour African Queen).

(1) C’est en réalité la seconde adaptation. La première adaptation est La Ménagerie de verre (The Glass Menagerie) d’Irving Rapper (1950) avec Jane Wyman et Kirk Douglas, film qui eut un retentissement bien moindre que le film d’Elia Kazan.

11 juillet 2013

La femme du Vème (2011) de Pawel Pawlikowski

La femme du VèmeEcrivain américain en panne d’inspiration après son premier livre, Tom Ricks arrive à Paris pour essayer de voir sa fille malgré l’interdiction du tribunal. Il se fait fermement éconduire par son ex-femme et échoue dans un hôtel miteux après s’être fait voler tout ce qu’il avait… La femme du Vème est l’adaptation d’un roman fantastique de Douglas Kennedy. C’est une plongée dans l’inconscient d’un auteur fragilisé qui perd le contact avec la réalité et qui idéalise l’existence d’une muse. Le film de Pawel Pawlikowski ne fonctionne pas bien du tout. Le réalisateur polonais embrouille les pistes sans donner de direction à son film et semble plus intéressé par l’approche esthétique de l’univers tendance glauque de l’inconscient. Kristin Scott Thomas a beau faire une belle prestation, on se désintéresse hélas trop rapidement de cette histoire.
Elle:
Lui : 1 étoile

Acteurs: Ethan Hawke, Kristin Scott Thomas, Joanna Kulig, Samir Guesmi
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2 mai 2013

L’Histoire d’Adèle H. (1975) de François Truffaut

L'histoire d'Adèle H.Sous un faux nom, la fille cadette de Victor Hugo, Adèle, arrive par bateau à Halifax en 1863. Elle vient en Nouvelle-Écosse rejoindre un lieutenant de hussards britannique avec lequel elle a eu une brève idylle et qu’elle continue d’aimer avec force. Quand elle entre enfin en contact avec le jeune homme, celui-ci ne semble guère heureux de la revoir et la repousse… En se besant uniquement sur des faits réels et historiques, François Truffaut nous raconte l’histoire d’Adèle Hugo (1). Il porte sur cette histoire d’amour-passion à un seul personnage le même type de regard que sur le cas de L’Enfant sauvage : il observe et décrit ce glissement accepté vers la folie avec un détachement presque clinique. Certes on peut regretter une certaine froideur, qui normalement ne sied guère aux histoires d’amour-passion, mais Truffaut est un grand conteur et nous sommes captivés par son récit ; sa réalisation est d’un grand classicisme dans le sens noble du terme, tout ici est essentiel. Le montage est superbe, privilégiant la continuité du personnage plutôt que la continuité temporelle. C’est le premier grand rôle pour Isabelle Adjani qui livre une belle interprétation du type « habité par son personnage », mais sans aucun excès toutefois. Rejetée à la fois par l’homme qu’elle aime et par sa famille, elle s’enferme peu à peu dans la bulle qu’elle s’est créée. Il faut remarquer à quel point L’Histoire d’Adèle H. est un film à un seul personnage ; cela le rend encore plus remarquable.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Isabelle Adjani, Bruce Robinson
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Remarque :
* Bruce Robinson, l’acteur qui interprète le lieutenant, s’est ensuite tourné vers l’écriture de scénarios puis vers la réalisation.
* François Truffaut fait une apparition « cameo » : il est l’officier qu’Adèle pense avoir reconnu dans la rue peu après son arrivée à Halifax.

(1) Adèle Hugo est le cinquième enfant et la seconde fille de Victor Hugo. Sa mère se prénommait également Adèle. Sa soeur aînée, Léopoldine, s’est tuée dans un accident de bateau à l’âge de 19 ans, peu après son mariage, tragédie dont Victor Hugo n’est jamais vraiment remis. Léopoldine était la fille préférée de ses parents et Adèle a toujours vécu dans son ombre. Adèle a laissé un journal de 6000 pages.

12 février 2013

Shining (1980) de Stanley Kubrick

Titre original : « The Shining »

ShiningUn ex-professeur qui essaie d’écrire un roman est embauché pour garder un vaste hôtel isolé dans les montagnes du Colorado pendant les longs mois d’hiver. Avec sa femme et son jeune fils, ils vont rester seuls pendant de nombreux mois dans cette immense demeure qui reste marquée par son passé…
Adaptation d’un roman de Stephen King, Shining est l’un des films les plus effrayants qui soient, l’irruption de la folie meurtrière chez un écrivain en panne d’inspiration sous l’influence de phénomènes plutôt surnaturels. Kubrick ne se conforme à aucun moment aux règles classiques du genre de l’épouvante pour livrer un film très créatif et totalement inégalé, un film qui peut être abordé et interprété de multiples manières. Dans sa forme, Shining est une merveille : tourné presque entièrement à la Steadycam, procédé alors très nouveau, le film regorge de plans audacieux, de travelings inoubliables comme ces plans où l’on suit le petit garçon qui pédale à toute allure sur son tricycle. Stanley Kubrick utilise merveilleusement le dédale des interminables couloirs, l’immensité des pièces et l’atmosphère de cette vaste bâtisse du début du siècle. La minutie et le perfectionnisme légendaire du réalisateur transparaît dans chacune des scènes. Shining est un film à nul autre pareil.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Jack Nicholson, Shelley Duvall, Danny Lloyd
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Remarques :
Shining* La version initiale et complète dure 146 minutes. Après quelques jours d’exploitation, Kubrick a coupé la scène finale (un happy end qui montrait Wendy et Danny à l’hôpital pour nous faire savoir qu’ils étaient sauvés) et ramené ainsi la durée à 142 minutes. Pour la sortie en Europe, des coupes furent faites par le réalisateur pour faire une version de 115 minutes ; les coupes portent surtout sur Tony, l’ami imaginaire du garçon et sur l’explication de ses pouvoirs.

* L’hôtel qui a servi pour le tournage des extérieurs est le Timberline Lodge sur la montagne Mt Hood dans l’Oregon, hôtel qui, lui, reste ouvert pendant l’hiver! Les intérieurs ont été tournés en studios en Angleterre.

* Stephen King a précisé que le titre The Shining lui avait été inspiré par les paroles d’Instant Karma de John Lennon (« We all shine on… »)

Diane Arbus - Jumelles identiques (Roselle, New Jersey, 1967)* L’image des deux fillettes est très directement inspirée (on pourrait même dire, copiée) de la célèbre photographie de Diane Arbus : « Jumelles identiques (Roselle, New Jersey, 1967) »

* Stanley Kubrick avait pris soin que Danny Lloyd (âgé de 6 ans) ne se rende pas compte du contenu réel du film. L’enfant pensait jouer dans un film classique. Danny Lloyd n’a vu une version expurgée qu’à l’âge de 13 ans et n’a pu voir le film en entier qu’à l’âge de 17 ans.

* Le proverbe « All work and no play makes Jack a dull boy », bêtement traduit par « Un tien vaut mieux que deux tu l’auras », signifie en réalité « à toujours travailler sans pouvoir s’amuser, les enfants s’abrutissent », ce qui donne un sens ironique et plus monstrueux à la scène.

21 janvier 2013

L’Armée des 12 singes (1995) de Terry Gilliam

Titre original : « 12 monkeys »

L'armée des 12 singesAprès une gigantesque épidémie qui a presque éradiqué toute vie humaine sur Terre, forçant les quelques survivants à vivre en sous-sol, un petit groupe de scientifiques envoie un homme dans le passé dans l’espoir de modifier le présent… L’armée des 12 singes est inspiré du film expérimental de Chris Marker La Jetée. Contrairement à son habitude, Terry Gilliam n’en a pas écrit le scénario (1). Ce n’est pas un remake car le thème du voyage dans le temps est poussé beaucoup loin dans ses paradoxes et la confusion qu’il génère. La filiation de L’armée des 12 singes avec Brazil est manifeste : on retrouve cet environnement néo-baroque où la technologie et la bureaucratie jouent des rôles pernicieux et favorisent l’oppression, les décors inspirés en partie de l’expressionnisme allemand, le caractère déboussolé et impuissant de son personnage principal, une certaine vision cauchemardesque du modernisme. L’interprétation est parfaite, la plus étonnante avec le recul étant sans doute celle de Brad Pitt. Malgré la complexité de son scénario, L’armée des 12 singes fut un succès, le plus grand succès commercial de Terry Gilliam.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Bruce Willis, Madeleine Stowe, Brad Pitt, Christopher Plummer
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Remarques :
* Tout comme La Jetée, le film de Terry Gilliam rend hommage au film Vertigo (Sueurs froides) d’Alfred Hitchcock par l’intermédiaire de la fameuse scène du tronc multi-centenaire. Alors que Chris Marker avait refait cette scène, Terry Gilliam diffuse l’originale quand ses personnages vont dans un cinéma pour se cacher. En outre, dans cette scène, Madeleine Stowe porte le même manteau que Kim Novak.

* Le titre du film vient du roman de Lyman Frank Baum Le Magicien d’Oz où le roi est parvenu à convaincre douze singes de devenir soldats pour lui, en leur promettant de la nourriture à volonté.

* Bien que ce ne soit précisé à aucun moment, le scénario situe les scènes du « futur » en 2035, ce qui est logique vu l’âge du personnage joué par Bruce Willis.

(1) C’est Universal qui a acquis les droits de La Jetée et confié l’écriture du scénario à David Peoples (qui avait travaillé notamment sur Blade Runner).