5 mai 2019

Wonder Wheel (2017) de Woody Allen

Wonder WheelParc d’attraction de Coney Island à New York, début des années cinquante. Mickey, le maitre nageur de la plage, raconte l’histoire de Ginny et Humpty dont la vie déjà tourmentée va se trouver bouleversée par l’arrivée de Carolina, la fille de Humpty avec laquelle il était fâché depuis qu’elle était partie se marier avec un gangster…
Si le lieu populaire peut laisser supposer une comédie nostalgique à la Radio Days, le film se révèle rapidement tout autre : Wonder Wheel est une tragédie puissante qui évoque plutôt Un Tramway nommé désir de Tennessee Williams. Agissons-nous toujours de façon rationnelle ? Non, nous répond Woody Allen, surtout lorsque les errements de l’amour nous entrainent sur des voies que l’on ne souhaitait pas suivre. Ce thème est très ancien chez le cinéaste mais, cette fois, il le traite sans humour, en tragédie pure. Kate Winslet fait une très belle composition de son personnage, sans glamour, avec un jeu très affirmé. Face elle, James (alias Jim) Belushi donne une interprétation tout aussi puissante. La photographie de Vittorio Storaro est très travaillée ; même s’il abuse des éclairages rasants, il répartit joliment ses couleurs vives dans le cadre et la composition des images est superbe. L’attribution des dominantes aux deux personnages féminins, les couleurs chaudes à l’une (Ginny) et les couleurs froides pour l’autre (Carolina), est sans doute un peu trop voyante parfois mais contribue à affirmer une atmosphère. Avec Wonder Wheel, Woody Allen nous livre un film d’une puissance inhabituelle.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Kate Winslet, Jim Belushi, Justin Timberlake, Juno Temple
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Remarques :
* Après Café Society, c’est la deuxième fois que Woody Allen tourne avec le chef-opérateur Vittorio Storaro (trois fois Oscarisé pour Apocalypse Now, Reds et Le Dernier Empereur).
* En plaçant une affiche du film d’Anthony Mann Winchester ’73 à l’entrée du cinéma, Woody Allen date précisément son film à l’été 1950.

Wonder wheel
Justin Timberlake et Kate Winslet dans Wonder Wheel de Woody Allen.

Wonder Wheel
Juno Temple dans Wonder Wheel de Woody Allen.

30 mai 2018

Café Society (2016) de Woody Allen

Café SocietyAu milieu des années trente, le jeune Bobby arrive à Hollywood pour échapper à la pression familiale. Son oncle, un agent artistique qui représente de grandes stars, accepte de l’engager comme coursier et demande à l’une de ses assistantes de lui faire visiter la ville…
Woody Allen utilise le passé pour mettre en scène une histoire où se mêle harmonieusement romance et humour. Son film est bien équilibré, élégant et nous plonge délicieusement au cœur d’Hollywood dans ses années les plus mythiques. C’est un réel plaisir. La photographie, signée par le triple-oscarisé Vittorio Storaro, est très belle. Jonglant habilement avec plusieurs personnages, Woody Allen semble renouer avec sa meilleure verve et montre que ses talents de conteur sont loin d’être émoussés.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Jesse Eisenberg, Kristen Stewart, Steve Carell, Blake Lively
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Café society
Jesse Eisenberg et Kristen Stewart dans Café Society de Woody Allen.

Café Society
Steve Carell dans Café Society de Woody Allen.

Homonymes :
Cafe Society (Femme du monde) de Edward H. Griffith (1939) (aucun lien avec D.W. Griffith) avec Madeleine Carroll, Fred MacMurray et Shirley Ross
Café Society de Raymond De Felitta (1995) avec Frank Whaley et Peter Gallagher

28 juin 2016

Le Conformiste (1970) de Bernardo Bertolucci

Titre original : « Il conformista »

Le ConformisteEn 1937, l’italien Marcello Clerici est envoyé en mission à Paris par les services secrets de Mussolini. Il doit obtenir des renseignements sur son ancien professeur de philosophie, devenu leader antifasciste et exilé en France, afin de préparer son assassinat… Le Conformiste est adapté du roman homonyme d’Alberto Moravia. Il nous retrace le parcours d’un homme devenu agent mussolinien, non par conviction mais par un mécanisme de défense psychologique : un épisode de son enfance lui a laissé un profond traumatisme qui le pousse à rechercher la normalité, à se fondre dans la masse. Or, dans l’Italie de l’avant-guerre, le conformisme, c’est d’être un fasciste. Toujours dans cette recherche de normalité, il s’est trouvé une fiancée jolie, bourgeoise et un peu idiote ; il va en revanche être désarçonné par une jeune femme très libérée, l’énigmatique compagne de son ancien professeur. Mais le refoulement sexuel et intellectuel laissé par son traumatisme le pousse à détruire tout ce qui l’attire. Dans sa forme, le film de Bertolucci est très beau. La construction est complexe tout en restant limpide, la photographie est superbe avec des rendus d’images différents selon les périodes du récit. L’image vient souvent renforcer ce sentiment de décadence, comme dans ces plans au grand angle d’intérieurs gigantesques. Production germano-italienne, le film a pourtant une distribution franco-italienne. Trintignant est superbe dans son personnage froid et antipathique auquel il donne une profondeur inouïe. Dominique Sanda est très belle, d’un grande présence à l’écran (on a presque l’impression que Bertolucci s’est laissé envoûter par son actrice tant certaines scènes la mettant en valeur paraissent appuyées). La musique de Georges Delerue apporte une dimension supplémentaire. Le Conformiste est un très beau film, d’une ambiance forte et au propos qui évite toute simplification ou manichéisme.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Jean-Louis Trintignant, Stefania Sandrelli, Gastone Moschin, Enzo Tarascio, Dominique Sanda, Pierre Clémenti
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Remarques :
* Le directeur de la photographie, Vittorio Storaro, est l’un des plus grands, trois fois oscarisé (pour Apocalypse Now, Reds et Le Dernier Empereur). Il faut citer également Le Dernier tango à Paris, La Stratégie de l’araignée, 1900, Tucker, Dick Tracy, … Le Conformiste est l’un de ses premiers films.

* Les néons du générique et la musique de Georges Delerue peuvent être vus comme un hommage à Jean-Luc Godard (Le Mépris), réalisateur que Bertolucci admire. Il y a un autre clin d’oeil, plus difficile à détecter : le numéro de téléphone que Trintignant demande à l’opératrice pour avoir son ancien professeur est celui de Jean-Luc Godard !

Le Conformiste
Jean-Louis Trintignant, Stefania Sandrelli, Enzo Tarascio et Dominique Sanda dans Le Conformiste de Bernardo Bertolucci.

le Conformiste
Dominique Sanda et Stefania Sandrelli dansent une variante sensuelle de tango dans Le Conformiste de Bernardo Bertolucci.

30 août 2015

Apocalypse Now (1979) de Francis Ford Coppola

Apocalypse NowPendant la guerre du Vietnam, le capitaine Willard (Martin Sheen), spécialiste des missions secrètes, a reçu l’ordre d’aller tuer un colonel de sa propre armée (Marlon Brando) devenu incontrôlable et accusé d’assassinat. Pour ce faire, Willard doit remonter un fleuve jusqu’au Cambodge où le colonel s’est retranché entouré d’une centaine de personnes qui le vénèrent comme un dieu… Librement adapté du roman de Joseph Conrad Au coeur des ténèbres, Apocalypse Now est incontestablement le film le plus ambitieux de Francis Ford Coppola et son chef d’oeuvre. Son projet était démesuré sans aucun doute et le tournage au plus profond de la jungle philippine fut interminable et ponctué de catastrophes : typhon, crise cardiaque de Martin Sheen, etc. Mais la vraie démesure est dans ce que Coppola nous fait toucher du doigt, la folie engendrée par la guerre, la folie des hommes. L’avancement de Willard est ponctué de scènes emblématiques où la raison semble absente : l’attaque du village au son de La Chevauchée des Walkyries de Wagner, la séquence hallucinée du striptease de bunnies en pleine jungle, le pont illuminé attaqué dans la nuit noire et le monologue final de Brando dont on ne voit que le visage dans une demi-pénombre. Malgré l’ampleur du projet, le déroulement du scénario reste simple : « It’s a trip » a dit Coppola pour présenter son film à Cannes, jouant sur le double sens de trip (voyage et/ou hallucination sous l’emprise de la drogue). Apocalypse Now fait partie de ces films qui restent à jamais gravés dans nos mémoires.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Marlon Brando, Martin Sheen, Robert Duvall, Frederic Forrest, Laurence Fishburne, Harrison Ford, Dennis Hopper
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Apocalypse Now
Robert Duvall dans Apocalypse Now de Francis Ford Coppola (« Tu la vois, la vague ? »).

Apocalypse Now
Dennis Hopper et Martin Sheen dans Apocalypse Now de Francis Ford Coppola.

Apocalypse Now
Marlon Brando dans Apocalypse Now de Francis Ford Coppola.

Remarques :
* La version commerciale de 1979 dure 2h33. En 2001 est sortie une version plus longue sous le nom Apocalypse Now Redux ; elle dure 3h12. L’ajout le plus important est une longue séquence se déroulant dans une ancienne plantation française (avec Christian Marquand et Aurore Clément).

* Cameo : on ne peut manquer de remarquer Francis Ford Coppola dans la scène où les soldats atterrissent sur la plage. Il joue le rôle d’un cinéaste des armées criant aux soldats de faire comme si la caméra n’était pas là.

9 avril 2011

Reds (1981) de Warren Beatty

RedsLui :
Produit, coécrit, réalisé et joué par Warren Beatty, Reds est une longue fresque retraçant le parcours entre 1915 et 1920 de John Reed, journaliste idéaliste et politiquement engagé, auteur du célèbre livre sur la révolution russe « Dix jours qui ébranlèrent le monde ». Warren Beatty mêle plusieurs genres dans le même film, essayant de donner la même importance aux aspects politiques qu’aux déboires sentimentaux de John Reed avec Louise Bryant, journaliste féministe. Il ajoute même un côté purement documentaire en insérant de vrais témoignages de personnes qui les ont connus. L’ensemble est très long (3h10), souvent dogmatique, assez lourd dans sa construction mais il comporte de très belles scènes, notamment en Russie au moment de la Révolution d’octobre. Il faut bien entendu saluer l’audace et les convictions de Warren Beatty (1) qui parvint à faire accepter son film, ce type de sujet n’étant pas vraiment courant dans le cinéma américain. Perfectionniste, il multiplia les prises qui se comptaient souvent en dizaines. Il finança en grande partie le tournage qui s’étala sur une année, dans cinq pays différents. Le film reçut un bon accueil de la critique mais le succès fut plus mitigé auprès du public. Que l’on ressente ou pas la longueur et les lourdeurs, Reds reste de toutes façons intéressant pour son côté historique.
Note : 2 étoiles

Acteurs: Warren Beatty, Diane Keaton, Edward Herrmann, Jerzy Kosinski, Jack Nicholson, Paul Sorvino, Maureen Stapleton, Gene Hackman
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Remarques :
(1) Le film Reds sortit au début des années Reagan (et donc bien avant la chute du mur), une époque qui n’est pas vraiment synonyme de baisse de cette ferveur anticommunisme si caractéristique des Etats-Unis. Ceci dit, le film dénonce la bureaucratie envahissante qui commençait, dès 1920, à dénaturer les idéaux. L’état soviétique fit d’ailleurs pression sur la Finlande pour entraver le tournage du film.

Remarque :
Je dois avouer que nous avions beaucoup plus apprécié le film à sa sortie.