15 juillet 2016

La Femme aux maléfices (1950) de Nicholas Ray

Titre original : « Born to Be Bad »

Born to be BadDonna (Joan Leslie) accueille de bon coeur sa cousine Christabel (Joan Fontaine) sous son toit sans savoir qu’elle va s’arranger pour attirer l’attention de tous les hommes que Donna fréquente, à commencer par son riche fiancé… Born to Be Bad fait partie des premiers films de Nicholas Ray. Ce mélodrame paraît nettement moins remarquable que ses autres réalisations. L’intrigue est finalement assez conventionnelle et donc prévisible, avec une dimension psychanalytique sous-jacente qui reste hélas non développée. L’ensemble est sauvé par une belle interprétation, y compris dans les seconds rôles. Joan Fontaine casse ici son image habituelle de jeune femme parfaite et irréprochable. Le directeur de la photographie est le très expérimenté (et talentueux) Nicholas Musucara. On remarquera de nombreux très beaux plans et la prédilection de Nicholas Ray pour les escaliers… Le talent et l’inventivité de Ray pour la mise en scène sont patents dans la scène d’ouverture qui introduit un à un les principaux protagonistes en un vaste ballet de personnages sur un simple palier.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Joan Fontaine, Robert Ryan, Zachary Scott, Joan Leslie, Mel Ferrer
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Remarques :
* Born to Be Bad fait partie des quelques films dont Nicholas Ray refusait de parler.
* La scène de fin en happy end sur le tarmac de l’aérodrome a été ajoutée à la demande d’Howard Hugues (qui venait de racheter RKO Pictures). Cette scène fait sourire tant elle paraît peu crédible. Il est d’ailleurs peu probable qu’elle ait été tournée par Nicholas Ray. Le simple fait de voir soudainement Zachary Scott aux commandes d’un avion surprend… sauf si on se rappelle qu’Howard Hugues est un grand fan d’aviation !
* Le film n’est sorti en France qu’en 1985.

* Homonyme (sans aucun rapport) :
Born to Be Bad de Lowell Sherman (1934) avec Loretta Young et Cary Grant, film de la 20th Century Fox qui n’est, semble t-il, jamais sorti en France.

Born to be bad
Zachary Scott, Joan Fontaine et Mel Ferrer dans Born to be Bad de Nicholas Ray.

Born to be bad
Harold Vermilyea, Joan Leslie et Robert Ryan dans Born to be Bad de Nicholas Ray.

8 avril 2016

L’Escapade (1974) de Michel Soutter

L'escapadePaul se rend dans un hôtel de montagne pour assister à un colloque de chercheurs. Arrivé sur place, il constate qu’il s’est trompé de date. Plutôt que de revenir chez lui rejoindre sa femme, il décide de lui mentir au téléphone et de rester. Il rencontre Virginie qui vient d’être mise à la porte par son ami Auguste, un écrivain en panne d’inspiration… Ecrit et réalisé par le suisse Michel Soutter, L’Escapade est un chassé-croisé sentimental qui n’a rien de conventionnel. Selon Michel Soutter, c’est « toute une série de sensations, d’évènements, de sentiments qui finiront par constituer la véritable histoire ». Les relations qui s’instaurent entre les personnages sont un peu ambigües, ils semblent se chercher, avancer à tâtons. Comme dans son film précédent Les Arpenteurs, les dialogues ont leur propre musique : souvent inattendus, ils nous charment par leur léger décalage. Mais, hélas, Michel Soutter ne parvient à retrouver l’équilibre subtil des Arpenteurs et, dès lors, le film paraît un peu lent, moins élégant, un brin plus futile.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Marie Dubois, Antoinette Moya, Philippe Clévenot, Jean-Louis Trintignant
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L'escapade
Marie Dubois et Jean-Louis Trintignant dans L’escapade de Michel Soutter.

4 avril 2016

The Lost Moment (1947) de Martin Gabel

Titre français parfois utilisé : « Moments perdus »

Moments perdusPrêt à tout, un éditeur américain se rend à Venise pour tenter de récupérer les lettres d’amour d’un célèbre poète décédé. La destinataire de ces lettres vit toujours, âgée de 105 ans. Sous une fausse identité, l’éditeur parvient à sous-louer une chambre dans la demeure où elle vit avec sa jeune nièce très distante… Produit par Walter Wanger, The Lost Moment est une adaptation de l’une des nouvelles les plus célèbres d’Henry James, Les Papiers d’Aspern. Son point fort n’est pas dans son interprétation : Susan Hayward a sans aucun doute un jeu trop marqué dans son effort de paraître mystérieuse, Robert Cummings est un peu fade et le rôle d’Agnes Moorehead, dont le visage est à peine visible et en tous cas méconnaissable, se réduit à marmonner quelques phrases. Non, si le film est si attirant et même fascinant, c’est grâce à l’atmosphère générale qui se dégage de l’histoire et de ses décors : presque tout le film se déroule au sein d’une mystérieuse et vaste demeure vénitienne donnant sur le canal. Cette atmosphère paraît être en équilibre entre le rêve et fantastique sans franchement tomber dans l’un ou l’autre. C’est assez superbe. Ce film, qui n’eut que peu succès à sa sortie et qui n’est jamais sorti en France, mérite largement d’être découvert.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Robert Cummings, Susan Hayward, Agnes Moorehead, Joan Lorring, Eduardo Ciannelli
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Remarques :
* The Lost Moment est l’unique réalisation de Martin Gabel qui fut l’un des compagnons d’Orson Welles dans la Mercury Theatre Company à la fin des années trente. Il a ensuite fait une carrière d’acteur. Ses rôles les plus marquants furent en gangster dans le remake de M par Joseph Losey (1951) et dans Bas les masques de Richard Brooks (1952). On le voit aussi dans Marnie d’Alfred Hitchcock.

* Le poète est supposé être Percy Shelley (1792-1822). Le petit portrait que l’on voit dans le film lui ressemble fortement. Henry James a dit être parti d’une anecdote au sujet d’un admirateur de Shelley.

* L’histoire est simplifiée car, dans la nouvelle de James, la nièce n’est pas une beauté comme peut l’être Susan Hayward, bien au contraire.

The Lost Moment
Robert Cummings et Agnes Moorehead dans The Lost Moment de Martin Gabel.

The Lost Moment
Susan Hayward dans The Lost Moment de Martin Gabel.

The Lost Moment
Robert Cummings dans The Lost Moment de Martin Gabel.

19 octobre 2015

Charulata (1964) de Satyajit Ray

CharulataA Calcutta, en 1879, la jeune Charulata s’ennuie dans sa belle et grande maison. Son mari, tout occupé à publier un hebdomadaire politique, ne s’occupe guère d’elle. Il profite même du séjour de son cousin, jeune et enjoué qui se destine à la littérature, pour lui demander de pousser son épouse à reprendre la plume… Adapté d’un roman de Rabindranath Tagore, Charulata est un drame sentimental se déroulant presqu’en huis clos. C’est un film très harmonieux, d’une très grande délicatesse, où nous avons l’impression d’effleurer les personnages. La mise en scène de Satyajit Ray est proche de la perfection que ce soit dans ses placements ou mouvements de caméra, ses nombreux gros plans. Il en découle une sensation de grande fluidité (1) et même, pourrait-on ajouter, de musicalité. Les premières minutes du film sont souvent citées comme l’une des plus remarquables ouvertures de film : il n’y a pratiquement pas une parole et pourtant, dans cette mise en place du personnage principal, tout est dit. Le récit se situe à une période charnière de l’histoire de l’Inde et Ray nous fait sentir en arrière-plan le bouillonnement et les aspirations au renouveau, un certain idéalisme qui rend le personnage du mari d’autant plus maladroit dans les relations avec ses proches. Charulata est un très beau film, probablement la meilleure introduction au cinéma si attirant de Satyajit Ray.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Soumitra Chatterjee, Madhabi Mukherjee, Shailen Mukherjee
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Remarques :
* La nouvelle Nastanirh (Le nid brisé) de l’écrivain bengali Rabindranath Tagore a été publiée en 1901.
* La scène de la balançoire est certainement un hommage à Jean Renoir (Partie de campagne).

 

Charulata
Madhabi Mukherjee dans Charulata de Satyajit Ray
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Charulata
Madhabi Mukherjee et Soumitra Chatterjee dans Charulata de Satyajit Ray
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(1) Seuls les zooms ne semblent pas très heureux et se remarquent beaucoup trop mais il faut préciser, à la décharge de Satyajit Ray, que l’effet de zoom était une « maladie » répandue chez les réalisateurs dans les années 60 et le début des années 70. Heureusement, l’attrait pour le zoom s’est ensuite éteint…

11 octobre 2015

Chotard et Cie (1933) de Jean Renoir

Chotard et CieMonsieur Chotard (Fernand Charpin) est à la tête d’un commerce prospère d’alimentation et de nombreux employés. Sa fille a deux prétendants qui ne lui plaisent guère : un adjudant de gendarmerie et un poète sans le sou. Ce dernier ayant été vu seul avec sa fille lors d’un bal costumé, il est contraint de l’accepter comme gendre… Film assez rare de Jean Renoir, Chotard et Cie est tiré d’une pièce de Roger Ferdinand, qui en a écrit lui-même l’adaptation. Il s’agit d’une satire d’une certaine bourgeoisie étriquée qui rejette les artistes mais change totalement d’attitude s’ils parviennent à la célébrité. C’est assez maladroit et platement écrit. Sans surprise, Charpin fait un beau numéro dans son personnage de bourgeois ignare et tyrannique, engoncé dans ses principes, il nous gratifie de répliques savoureuses. Hélas, face à lui, Georges Pomiès est bien terne en poète lunaire, il ne fait que mettre en évidence l’aspect caricatural du propos, et Jeanne Boitel n’a aucune consistance. Chotard et Cie est semble t-il un film de commande, ce qui expliquerait que Renoir se soit finalement peu investi.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Jeanne Boitel, Fernand Charpin, Georges Pomiès
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Chotard et Cie
Fernand Charpin et Jeanne Boitel dans Chotard et Cie de Jean Renoir

 

10 juillet 2015

Barton Fink (1991) de Joel Coen et Ethan Coen

Barton Fink1941. Suite au succès de sa dernière pièce à Broadway, le jeune dramaturge Barton Fink reçoit une proposition de contrat bien rémunéré pour venir écrire à Hollywood. Il accepte et on lui assigne l’écriture d’un film sur le catch avec Wallace Beery. Dans sa chambre d’hôtel, en panne d’inspiration, il fait connaissance avec son voisin… Ecrit et dirigé par les frères Coen, Barton Fink est un film assez complexe ouvert à diverses interprétations, les deux frères laissant (ou semblant laisser) de nombreux points en suspens. Le sujet peut paraître un peu narcissique puisqu’il porte sur les affres de l’écriture : fort d’un succès, Barton Fink est courtisé, on le presse d’écrire sur commande. Il est écartelé entre son idéalisme et les demandes assez primaires de ses employeurs. Il est lui-même pétri de contradictions : il voudrait écrire une histoire d’homme simple pour l’homme simple mais se ferme au monde qui l’entoure qu’il préfère ne pas voir. La symbolique est surabondante dans ce récit où les objets tiennent une bonne place. On peut certainement reprocher ce petit côté « exercice de style » qui transforme presque leur récit en jeu de piste… John Turturro est magnifique, il semble habité par son personnage.
Elle: 2 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: John Turturro, John Goodman, Judy Davis, Tony Shalhoub
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Bazrton Fink
John Turturro dans Barton Fink des frères Coen.

Barton Fink
John Goodman dans Barton Fink des frères Coen.

Remarques :
* Si les deux frères ont bien écrit le scénario de Barton Fink alors qu’ils étaient en panne sur l’écriture de Miller’s Crossing, ils écartent toutefois toute ressemblance avec leur cas personnel car leur parcours a été, disent-ils, bien plus facile.

* Le personnage de Barton Fink est basé sur Clifford Odets qui fut l’un des membres du Group Theatre de New York qui se fondent sur les techniques d’interprétation de Constantin Stanislavski, développées ensuite par Lee Strasberg sous le terme la Méthode (« Method Acting », méthode reprise par l’Actors Studio). Clifford Odets a bien été à Hollywood comme scénariste mais, de l’aveu même des frères Coen, il n’était pas fermé au monde extérieur. Après quelques collaborations sur des films assez mineurs, il a écrit et réalisé None But the Lonely Heart (1944) avec Cary Grant et Ethel Barrymore.

* Le personnage de l’alcoolique W.P. Mayhew est basé sur William Faulkner dont le premier contrat à Hollywood fut de travailler sur le scénario de Flesh (Une femme survient) avec Wallace Beery, l’un des très rares films sur le catch. Précisons toutefois que Faulkner n’était pas paralysé par son alcoolisme comme l’est le personnage du film.

* Le personnage du producteur est un amalgame : il a la vulgarité d’Harry Cohn ou de Samuel Goldwyn, mais l’anecdote du costume militaire est directement inspirée de Jack Warner.

* Barton Fink a reçu la Palme d’or à Cannes. Le jury était présidé par Roman Polanski qui aurait pu signer le film…

 

24 mai 2015

La Salamandre (1971) de Alain Tanner

La SalamandreA Genève en Suisse, un journaliste doit écrire un scénario sur un petit fait divers. Il fait appel à un ami écrivain et commence à enquêter sur une jeune fille, Rosemonde. Celle-ci, que l’on dit paresseuse, est en réalité une jeune fille à l’esprit libre qui refuse la routine d’une vie bien rangée… La salamandre est le deuxième film du suisse Alain Tanner. Après le succès de son premier film Charles, mort ou vif (1969), le cinéaste confirme l’émergence d’un nouveau cinéma helvétique. Tourné avec très peu de moyens (16mm, son direct), La salamandre nous dresse un certain portrait de la société suisse, un « désert intellectuel » d’où suintent l’ennui et un profond conservatisme qui confine à l’immobilisme. La jeune Rosemonde est comme une tâche de couleurs dans cette grisaille. Le journaliste ne la découvrira que superficiellement, l’écrivain plus profondément et même l’aidera à prendre conscience de sa révolte. Le propos s’inscrit pleinement dans ce cinéma subversif qui fleurit en ce début des années soixante-dix. Alain Tanner manie avec justesse l’ironie ce qui lui permet de s’écarter de toute austérité. On remarquera le petit hommage à Truffaut (Rosemonde trouve un emploi dans un magasin de chaussures). La Salamandre connut un très grand succès à sa sortie, il a grandement contribué à faire connaître cette actrice si attachante qu’est Bulle Ogier.
Elle: 4 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Bulle Ogier, Jean-Luc Bideau, Jacques Denis
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La Salamandre
Bulle Ogier dans La Salamandre de Alain Tanner

La Salamandre
Jacques Denis, Jean-Luc Bideau et Bulle Ogier dans La Salamandre de Alain Tanner

17 mai 2015

Smoke (1995) de Wayne Wang

SmokeAuggie (Harvey Keitel) tient un petit bureau de tabac à Brooklyn. Là, se croisent Paul (William Hurt), un écrivain en mal d’inspiration, Rashid (Harold Perrineau) un jeune adolescent noir, la borgne Ruby (Stockard Channing) une ancienne maitresse d’Auggie et Cyrus (Forest Whitaker) garagiste manchot… Smoke est le fruit de la collaboration entre Wayne Wang et Paul Auster. L’écrivain a écrit un scénario original où l’on retrouve son univers et le quartier qui lui est cher. Le film est structuré en cinq grands tableaux, chacun se focalisant sur l’un des cinq personnages principaux. Ces personnages ont en commun d’avoir perdu quelqu’un ou d’être à la recherche d’une personne. Ils ont également en commun le fait de mentir ou de travestir la réalité, de petits ou gros mensonges qui sont parfois salutaires. Le scénario est très bien écrit, Wayne Wang a su toutefois contenir le côté littéraire de ces récits qui ne transparaît finalement pas. Belles prestations, intenses, d’Harvey Keitel et de William Hurt. Smoke est un beau film sur l’âme humaine. La fin qui aborde la notion de « l’histoire parfaite » est très belle.
Elle: 4 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Harvey Keitel, William Hurt, Harold Perrineau, Forest Whitaker, Stockard Channing
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Smoke de Wayne Wang
Tous les matins, le buraliste Auggie prend en photo son magasin à Brooklyn…
Harvey Keitel dans Smoke de Wayne Wang

Remarques :
* Le fils de Paul Auster apparaît brièvement vers le début du film : c’est l’adolescent qui vole un magazine dans la boutique.
* Le personnage de l’écrivain joué par William Hurt s’appelle Paul Benjamin dans le film. Or le nom complet de Paul Auster est Paul Benjamin Auster. Cela confirme, s’il en était besoin, que l’écrivain s’est identifié à ce personnage…

* Le magasin est aujourd’hui une « Pie Shop ». On peut en voir la façade et même l’intérieur dans Google Maps.

28 décembre 2014

Harry dans tous ses états (1997) de Woody Allen

Titre original : « Deconstructing Harry »

Harry dans tous ses étatsHarry dans tous ses états (Deconstructing Harry) est une comédie qui a parfois été jugée comme étant un peu plus sombre que les précédentes immédiates mais elle est aussi plus profonde. Le Harry dont il est question est un écrivain qui s’inspire directement de sa vie et des gens qui l’entourent pour écrire des romans à succès, ne faisant plus très bien la différence entre les personnages qu’il invente et ceux de la vie réelle. Ces derniers sont furieux de voir ainsi leur vie privée exposée et leurs secrets dévoilés. Pour ne rien arranger, l’écrivain doit pour la première fois faire face à une panne d’inspiration (1). On retrouve donc ici des thèmes chers à Woody Allen : les affres de la création et la séparation entre réel et fiction : N’est-il pas plus simple pour l’écrivain de vivre dans la fiction ? Harry dans tous ses états est assez ambitieux car les situations sont nombreuses et les personnages le sont encore plus puisque souvent interprétés par deux acteurs différents (un pour le réel et un pour la fiction). L’humour est toujours présent, par petites touches, parfaitement intégré à l’ensemble. Le montage est assez particulier, décousu en apparence pour signifier que la réalité est intrinsèquement décousue, relative (ce que nous croyons être la réalité devient la réalité pour nous), indéterminée, une approche qui favorise la déconstruction de Harry Block (alias Woody Allen ?)
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Judy Davis, Julia Louis-Dreyfus, Woody Allen, Robin Williams, Kirstie Alley, Demi Moore, Stanley Tucci, Elisabeth Shue, Billy Crystal
Voir la fiche du film et la filmographie de Woody Allen sur le site IMDB.
Voir les autres films de Woody Allen chroniqués sur ce blog…

Le scénario (bilingue) de Deconstructing Harry est sorti en 2000 dans la Petite Bibliothèque des Cahiers du cinéma… Voir le livre

Remarques :
* Harry dans tous ses états évoque Les Fraises sauvages de Bergman (le voyage pour recevoir un hommage), Le Septième Sceau du même réalisateur (la Mort qui vient frapper) et 8 ½ de Fellini (le créateur en panne sur un projet du fait de ses problèmes personnels).

* Le titre original Deconstructing Harry est une référence à la déconstruction, pratique philosophique assez complexe d’analyse textuelle introduite par Heidegger et développée par Derrida. Cet attrait de Woody Allen pour la philosophie européenne moderne était déjà visible dans Une autre femme et dans Crimes et délits.

* Certaines personnes ont reconnu dans le personnage de Harry Block non pas Woody Allen lui-même mais l’écrivain Philip Roth.

Deconstructing Harry
(g. à d.) Woody Allen, Elisabeth Shue et Billy Crystal.

Deconstructing Harry
Mel, un ami acteur, n’est pas dans son assiette : il est flou, comme s’il était en équilibre instable entre réel et fiction (g. à d. : Judy Bauerlein et Robin Williams).

(1) Panne d’inspiration = « writer’s block » en anglais… et l’écrivain s’appelle Harry Block.

8 octobre 2014

Une nuit inoubliable (1942) de Richard Wallace

Titre original : « A Night to Remember »

Une nuit inoubliableRécemment marié, Nancy et Jeff arrivent dans l’appartement qu’ils ont loué au rez de jardin d’un petit immeuble de Greenwich Village. Le propriétaire et les autres locataires ont un comportement étrange, comme s’ils craignaient quelque chose. De plus, l’appartement plongé dans le noir car temporairement sans électricité est un peu inquiétant. Mais le pire est à venir…
A Night to Remember est une comédie policière avec de nombreux éléments de screwball car une bonne part des ressorts de l’humour repose sur les différences entre mari et femme. Le film n’est pas franchement inoubliable (malgré le titre !) mais il se révèle assez plaisant. La prestation de Brian Aherne est excellente et sauve le film car le jeu de Loretta Young est plutôt sans éclat.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Loretta Young, Brian Aherne, Jeff Donnell, Sidney Toler, Gale Sondergaard, Donald MacBride
Voir la fiche du film et la filmographie de Richard Wallace sur le site IMDB.

Remarque :
L’appartement du jeune couple est situé 13, Gay Street à New York. Il fait vraiment penser à celui de My Sister Eileen d’Alexander Hall (1942) qui, lui, était situé… 14, Gay Street ! En prenant le même environnement, Columbia espérait certainement profiter quelque peu des retombées du succès de ce film.

Une nuit inoubliable (A Night to Remember)Loretta Young et Brian Aherne dans Une nuit inoubliable (A Night to Remember) de Richard Wallace.