10 juillet 2015

Barton Fink (1991) de Joel Coen et Ethan Coen

Barton Fink1941. Suite au succès de sa dernière pièce à Broadway, le jeune dramaturge Barton Fink reçoit une proposition de contrat bien rémunéré pour venir écrire à Hollywood. Il accepte et on lui assigne l’écriture d’un film sur le catch avec Wallace Beery. Dans sa chambre d’hôtel, en panne d’inspiration, il fait connaissance avec son voisin… Ecrit et dirigé par les frères Coen, Barton Fink est un film assez complexe ouvert à diverses interprétations, les deux frères laissant (ou semblant laisser) de nombreux points en suspens. Le sujet peut paraître un peu narcissique puisqu’il porte sur les affres de l’écriture : fort d’un succès, Barton Fink est courtisé, on le presse d’écrire sur commande. Il est écartelé entre son idéalisme et les demandes assez primaires de ses employeurs. Il est lui-même pétri de contradictions : il voudrait écrire une histoire d’homme simple pour l’homme simple mais se ferme au monde qui l’entoure qu’il préfère ne pas voir. La symbolique est surabondante dans ce récit où les objets tiennent une bonne place. On peut certainement reprocher ce petit côté « exercice de style » qui transforme presque leur récit en jeu de piste… John Turturro est magnifique, il semble habité par son personnage.
Elle: 2 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: John Turturro, John Goodman, Judy Davis, Tony Shalhoub
Voir la fiche du film et la filmographie de Joel Coen et Ethan Coen sur le site IMDB.

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Bazrton Fink
John Turturro dans Barton Fink des frères Coen.

Barton Fink
John Goodman dans Barton Fink des frères Coen.

Remarques :
* Si les deux frères ont bien écrit le scénario de Barton Fink alors qu’ils étaient en panne sur l’écriture de Miller’s Crossing, ils écartent toutefois toute ressemblance avec leur cas personnel car leur parcours a été, disent-ils, bien plus facile.

* Le personnage de Barton Fink est basé sur Clifford Odets qui fut l’un des membres du Group Theatre de New York qui se fondent sur les techniques d’interprétation de Constantin Stanislavski, développées ensuite par Lee Strasberg sous le terme la Méthode (« Method Acting », méthode reprise par l’Actors Studio). Clifford Odets a bien été à Hollywood comme scénariste mais, de l’aveu même des frères Coen, il n’était pas fermé au monde extérieur. Après quelques collaborations sur des films assez mineurs, il a écrit et réalisé None But the Lonely Heart (1944) avec Cary Grant et Ethel Barrymore.

* Le personnage de l’alcoolique W.P. Mayhew est basé sur William Faulkner dont le premier contrat à Hollywood fut de travailler sur le scénario de Flesh (Une femme survient) avec Wallace Beery, l’un des très rares films sur le catch. Précisons toutefois que Faulkner n’était pas paralysé par son alcoolisme comme l’est le personnage du film.

* Le personnage du producteur est un amalgame : il a la vulgarité d’Harry Cohn ou de Samuel Goldwyn, mais l’anecdote du costume militaire est directement inspirée de Jack Warner.

* Barton Fink a reçu la Palme d’or à Cannes. Le jury était présidé par Roman Polanski qui aurait pu signer le film…

 

9 novembre 2013

L’aigle vole au soleil (1957) de John Ford

Titre original : « The Wings of Eagles »

L'aigle vole au soleilEn 1919, l’officier Frank « Spig » Wead oeuvre pour renforcer le rôle de l’aviation à l’intérieur de la marine américaine. Il persuade ses supérieurs de participer à différentes compétitions pour accroitre le prestige de la Navy. Mais un bête accident va interrompre sa carrière… Avec L’aigle vole au soleil, John Ford rend hommage à son ami Frank Wead, pionnier de l’aviation qui a dédié sa vie à la Marine et qui, handicapé après un grave accident, a écrit des scénarios pour Hollywood. Autant le film est superbe dans sa forme, avec notamment un déroulement admirable du scénario, autant on peut ne pas adhérer totalement au propos militariste et à la nostalgie de Ford pour la vie militaire (où tout se termine par une bonne bagarre). Tous les évènements décrits dans le film se sont réellement déroulés ainsi a précisé le réalisateur qui s’est mis en scène sous les traits de Ward Bond : plusieurs objets utilisés dans cette scène, l’Oscar, la canne creuse, le pipe, le chapeau sont des objets appartenant au réalisateur lui-même. A noter que le discours tenu par Frank Wead aux membres du Congrès de l’époque (début des années vingt) s’adresse également à leurs homologues de 1957. L’aigle vole au soleil est en effet sorti à une époque où l’armée et la marine voyaient leurs crédits diminuer sous la pression d’une aspiration au pacifisme.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: John Wayne, Dan Dailey, Maureen O’Hara, Ward Bond
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Remarques :
* Frank Wead est crédité d’une trentaine d’histoires et de scénarios de 1929 jusqu’à sa mort en 1947 : on peut citer Dirigible de Frank Capra (1931), Hell Divers de George Hill (1931), Airmail de John Ford (1932), Test Pilot de Victor Fleming (1938), The Citadel de King Vidor (1938), They were expendable par John Ford (1945).

* Le film visionné par le petit groupe de producteurs est un extrait de Hell Divers (Les Titans du ciel) de George W. Hill (1931) avec Wallace Beery et le jeune Clark Gable, film dont le scénario est basé sur une histoire réellement écrite par Frank Wead.

* La scène où Frank Wead parle à son orteil a inspiré Tarantino pour Kill Bill.

8 mai 2013

Passez muscade (1941) de Edward F. Cline

Titre original : « Never Give a Sucker an Even Break »

Never Give a Sucker an Even BreakFields est scénariste aux Esoteric Studios et tente de placer un scénario auprès d’un metteur en scène en lui racontant l’histoire : il s’agit d’un homme qui part au Mexique vendre des fausses noix de muscades en bois à une colonie d’immigrés russes… Never Give a Sucker an Even Break est à proprement parler le dernier film de W.C. Fields et ce n’est pas le plus sage ! Le fait de mettre une histoire dans l’histoire permet de s’affranchir de toute vraisemblance : les situations et évènements peuvent être totalement farfelus puisqu’ils proviennent de l’imagination d’un scénariste tout aussi farfelu. C’est in-racontable. W.C. Fields est en belle forme et nous abreuve de ces formules hilarantes dont il a le secret (1). Tout irait pour le mieux s’il n’avait pour co-star Gloria Jean, une chanteuse soprano de 15 ans alors populaire en tant que jeune prodige, dont le personnage ne sert strictement à rien si ce n’est qu’à lui permettre de pousser de pénibles vocalises et chansons à intervalles réguliers. Les scénaristes ont eu toutefois le bon goût de lui donner très peu de dialogues. Le film se termine par une course poursuite échevelée, tout aussi délirante que le reste du film.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: W.C. Fields, Gloria Jean, Margaret Dumont, Franklin Pangborn
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Remarques :
* Dans la scène où W.C. Fields se rend dans un soda-shop pour commander un milk-shake, il se tourne vers la caméra pour dire : « Normalement, je devais aller dans un bar mais les censeurs ont coupé la scène. » Il disait la vérité !
* Aux Etats-Unis, l’expression « wooden nutmeg » (= noix de muscade en bois) désigne toute forme de fraude. Le terme vient d’une légende qui voudrait que certains commerçants peu scrupuleux du Connecticut vendaient des noix de muscade en bois. Cela a même valu au Connecticut son surnom de « Nutmeg State ».

(1) Exemple : En parlant d’une de ses ex-femmes : « Elle m’a poussé à boire, c’est la seule chose pour laquelle je lui suis redevable. »