19 août 2018

El chuncho (1967) de Damiano Damiani

Titre original : « Quién sabe? »

El chunchoChef d’une bande de bandits mexicains, El chuncho attaque un train transportant des militaires pour y prendre les armes et les munitions qu’il transporte. Son intention est de les revendre au général Elias qui est à la tête de la révolution…
El chuncho de Damiano Damiani est le premier « western politique », genre que l’on nomme aussi « western zapatta ». Il réalise la symbiose de plusieurs genres en vogue dans ces années soixante dans le cinéma italien : le western italien, le film politique et la comédie italienne. Le théâtre choisi est celui de la Révolution mexicaine, qui permet de donner une dimension quasi-marxiste au propos. El chuncho est toutefois très subtil en la matière, loin du manichéisme souvent trop voyant dans les films politiques de cette époque. L’histoire met toutefois bien en relief l’intervention américaine dans la Révolution  mexicaine. Le film repose sur un équilibre parfait des trois composantes précitées, une réussite que l’on peut attribuer au scénariste Franco Solinas. L’interprétation de Gian Maria Volontè est vraiment remarquable, donnant une dimension à ce personnage tantôt bourreau impitoyable, tantôt naïf au grand cœur, doté de sentiments complexes. Le film connut un grand succès à sa sortie.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Gian Maria Volontè, Klaus Kinski, Martine Beswick, Lou Castel
Voir la fiche du film et la filmographie de Damiano Damiani sur le site IMDB.

Remarque :
* Toutes les scènes d’extérieur ont été tournées en Andalousie… sous le régime franquiste.

El Chunco
Gian Maria Volontè dans El chuncho de Damiano Damiani.

El Chunco
Gian Maria Volontè et Lou Castel dans El chuncho de Damiano Damiani.

El Chunco
Klaus Kinski et Gian Maria Volontè dans El chuncho de Damiano Damiani.

4 avril 2018

Vera Cruz (1954) de Robert Aldrich

Vera CruzA la fin de la guerre de Sécession, certains soldats sans attaches ou ayant tout perdu passent au Mexique, alors en pleine guerre civile, pour vendre leurs services au plus offrant. C’est ainsi qu’un ex-officier de l’armée sudiste (Gary Cooper) se voit forcé de faire équipe avec un aventurier rencontré en chemin (Burt Lancaster) dans une mission pour l’empereur Maximilien…
Sur une histoire imaginée par Borden Chase, dont les écrits ont déjà inspirés de grands westerns (Red River de Hawks, Winchester 73 et Bend of the River de Mann… et suivront Far Country toujours de Mann et Man Without a Star de Vidor), Vera Cruz met face à face deux têtes d’affiche pour un film à la réalisation parfaite et au contenu plus complexe qu’attendu. L’histoire est en effet assez simple mais son traitement est très particulier dans le cadre du western classique. Au lieu de montrer une opposition tranchée entre le bien et le mal, entre le bon et le méchant, Vera Cruz adopte une vision plus ambigüe de ses personnages, qui sont à la fois héros et anti-héros. Ainsi, si Gary Cooper montre une grande humanité, il n’hésite pas à trahir ou à tuer pour préserver ses intérêts bassement financiers. Face à lui, Burt Lancaster est bien le méchant de l’histoire mais il est aussi doté d’une indéniable droiture. Il est ambivalent, à l’image de son sourire à la fois carnassier et séducteur, et une utilisation très habile de l’humour le rend plus attirant encore.  Par cette ambivalence, cette façon de proposer des héros imparfaits, Vera Cruz semble ouvrir la voie aux westerns modernes.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Gary Cooper, Burt Lancaster, Denise Darcel, Cesar Romero, Sara Montiel, George Macready, Ernest Borgnine, Charles Bronson
Voir la fiche du film et la filmographie de Robert Aldrich sur le site IMDB.

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Vera Cruz
Burt Lancaster et Gary Cooper dans Vera Cruz de Robert Aldrich.

Remarques :
* Vera Cruz a beaucoup influencé Sergio Leone. Il est parfois surnommé « le premier western spaghetti ». A noter que Charles Bronson a un tout petit rôle… où il joue (déjà !) de l’harmonica.

* Gary Cooper était vraiment très mal à l’aise avec son personnage d’anti-héros. Ce serait pour cette raison qu’il a ensuite refusé la proposition de Charles Laughton d’incarner le pasteur dans La Nuit du chasseur, laissant ainsi la place à Robert Mitchum.

* Le film est produit par la société Hecht-Hill-Lancaster formée par Harold Hecht (le producteur, aucune relation avec Ben Hecht le scénariste), James Hill et Burt Lancaster.

* Précision technique : Vera Cruz est le premier (et principal) grand film en SuperScope. L’image est enregistrée en 2:1 puis agrandie (en hauteur) afin d’occuper toute la hauteur du cadre dans les copies d’exploitation. Ce procédé, lancé par la RKO en 1954, ne vivra guère. Son principal avantage était d’éviter l’anamorphose à la prise de vue (tassement horizontal pour occuper toute la surface d’une pellicule 35mm) qui impose d’utiliser des objectifs spéciaux. Son inconvénient est de laisser inutilisée une grande partie de la pellicule (interimage important) et donc d’avoir inévitablement une image finale de qualité inférieure.

Vera Cruz
Burt Lancaster dans Vera Cruz de Robert Aldrich.

Vera Cruz
Ernest Borgnine et Sara Montiel dans Vera Cruz de Robert Aldrich.

27 novembre 2017

Il était une fois… la révolution (1971) de Sergio Leone

Titre original : « Giù la testa »
Autres titres (USA) « Duck, you sucker! », « A Fistful of Dynamite »

Il était une fois... la révolutionMexique, 1913. Juan Miranda, un mexicain qui pille les diligences avec ses nombreux fils, et John Mallory, un irlandais membre de l’IRA  et expert en explosifs, se rencontrent. Le premier projette d’utiliser les talents du second pour dévaliser la banque de Mesa Verde. Mais l’irlandais a d’autres projets en tête… Au départ, Sergio Leone devait seulement produire Giù la testa (= « Baisse la tête ») mais les acteurs Rod Steiger et James Coburn réussirent à imposer qu’il le réalise également. C’est ainsi le deuxième volet de sa trilogie sur l’Amérique. Sur le fond, le propos est de démythifier les révolutions qui sont, selon lui, uniquement l’œuvre d’intellectuels ; cette vision, indéniablement assez simpliste, a pris beaucoup de gens à rebrousse-poil au début des années soixante-dix. Mais Sergio Leone est avant tout un style et, plus que tout autre, ce film condense ses figures de prédilection : scènes étirées en longueur, très gros plans, flashbacks intempestifs au ralenti, dialogues réduits. Et il y a bien entendu la superbe musique d’Ennio Morricone avec son légendaire « Sean, Sean, Sean » et une belle prestation de Rod Steiger. Tout cela forme un véritable spectacle avec des scènes impressionnantes et des prouesses pyrotechniques. On peut toutefois regretter que ce ne soit, somme toute, qu’un cinéma d’effets. Gros succès commercial.
Elle: 1 étoile
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Rod Steiger, James Coburn, Romolo Valli
Voir la fiche du film et la filmographie de Sergio Leone sur le site IMDB.

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Remarques :
* Si le titre original n’a pas été C’era una volta la Rivoluzione (Il était une fois la révolution), c’est uniquement parce que les producteurs craignaient une confusion avec le titre du film de Bertolucci Prima della rivoluzione (1964).
* Le film a été postsynchronisé sauf certains passages avec Rod Steiger qui a insisté pour ne pas être postsynchronisé.

Il était une fois... la révolution
Rod Steiger dans Il était une fois… la révolution de Sergio Leone.

Il était une fois... la révolution
James Coburn dans Il était une fois… la révolution de Sergio Leone.

Il était une fois... la révolution

9 février 2016

Viva Zapata! (1952) de Elia Kazan

Viva Zapata!Au Mexique, au tout début du XXe siècle, Emiliano Zapata prend la tête d’une rébellion contre les grands propriétaires terriens qui prennent de force les terres de pauvres paysans. Il s’allie avec le révolutionnaire Madero qui espère renverser le gouvernement… Sur un scénario signé John Steinbeck, Viva Zapata! évoque la figure légendaire du révolutionnaire mexicain, non sous la forme d’un récit précis des évènements mais plutôt comme une réflexion sur le pouvoir et sur la façon de l’exercer. Les scènes d’actions apparaissent ainsi de façon disparate pour mieux mettre en relief ses réflexions intérieures, ses hésitations, ses tiraillements. Steinbeck et Kazan posent ainsi beaucoup de questions sur la morale révolutionnaire, sur la difficulté de garder ses idéaux une fois au pouvoir, sur l’utilité des révolutions mais aussi et surtout sur le pouvoir lui-même : « Un homme fort affaiblit un peuple ; un peuple fort n’a pas besoin d’homme fort » font-ils dire à leur héro. Le film est un peu inégal, très puissant dans certaines scènes, presque ennuyeux dans d’autres (généralement celles avec la femme qu’il courtise et épouse). L’interprétation de Brando est assez appuyée, parfois même un peu trop mais sa forte présence à l’écran donne au personnage toute sa crédibilité. Malgré ses défauts, Viva Zapata! reste un film intéressant par son indéniable dimension philosophique.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Marlon Brando, Jean Peters, Anthony Quinn, Joseph Wiseman
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Remarques :
* Viva Zapata! est le seul film d’Elia Kazan se déroulant entièrement en dehors des Etats-Unis.
* Le rapprochement a souvent été fait avec les tiraillements d’Elia Kazan qui trahira, peu après, ses amis communistes devant la commission McCarthy. Ce rapprochement paraît d’autant plus justifié que Kazan a décrit le film dans ses mémoires comme son film le plus autobiographique.

Viva Zapata
(de g. à d.) Anthony Quinn, Marlon Brando, Lou Gilbert et Harold Gordon dans Viva Zapata! d’Elia Kazan

3 février 2013

Les Professionnels (1966) de Richard Brooks

Titre original : « The Professionals »

Les professionnelsA l’époque de la Révolution mexicaine, un riche propriétaire texan recrute quatre hommes pour aller délivrer sa jeune épouse qui a été enlevée et emmenée au-delà de la frontière. Chacun est expert en son domaine : le maniement des armes à feu, éclaireur et tir à l’arc, le dynamitage, le soin des chevaux… Avec le recul, il apparaît clairement que Les Professionnels de Richard Brooks s’inscrit pleinement dans une période charnière du western, une époque où le genre cherchait un nouveau souffle entre classicisme et irruption du western italien, avant de déboucher sur des films plus violents comme La Horde sauvage de Peckinpah (1). Ici, l’accent est mis sur les personnages qui, outre leur excellence dans un domaine particulier, sont dotés d’une vraie personnalité et d’une conscience qui entrainent questionnements et dilemmes moraux. Richard Brooks donne ainsi par leur biais une certaine dimension philosophique et politique à son film. Mais le film garde ses scènes d’action, bien amenées par un scénario qui se déroule intelligemment. Sous une apparence de film d’action, Les Professionnels est donc doté d’une indéniable profondeur ; il peut ainsi être vu à plusieurs niveaux. On remarquera la belle utilisation des décors naturels et l’excellente interprétation.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Burt Lancaster, Lee Marvin, Robert Ryan, Woody Strode, Jack Palance, Claudia Cardinale
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(1) La Horde sauvage (The Wild Bunch) de Sam Peckinpah (1969).