29 avril 2011

Taxi Driver (1976) de Martin Scorsese

Taxi DriverLui :
De retour du Vietnam, un ex-marine devient chauffeur de taxi à New York. Il travaille la nuit et ne refuse aucune destination. Mentalement instable, il ressent mal le sordide de certains quartiers et le besoin d’assainir sa ville se développe en lui… Avec Taxi Driver, Martin Scorsese a montré New York comme aucun cinéaste ne l’avait fait avant lui. L’interprétation puissante de De Niro a donné au film toute sa complexité et sa portée. Le propos est complexe : dévastation mentale des anciens du Vietnam, violence sous-jacente, le décalage du discours politique, le besoin d’amour… Il est aussi, comme souvent avec Scorsese, ambigu et le dénouement a été l’objet de controverses. Il est un peu dommage que la réputation du film se soit surtout faite sur la scène finale, cette explosion de violence cathartique, car Taxi Driver est tout de même bien plus complexe que cela… De son côté, la forme est innovante et personnelle, à commencer par ce superbe générique, très graphique, rendu angoissant par la très belle musique de Bernard Herrmann. Très remarqué (à juste titre), le film a définitivement « lancé » aussi bien Martin Scorsese que Robert De Niro.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Robert De Niro, Jodie Foster, Cybill Shepherd, Harvey Keitel, Albert Brooks, Peter Boyle
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Voir les autres films de Martin Scorsese chroniqués sur ce blog…

Remarques :
* Jodie Foster était effectivement âgée de 12 ans lorsqu’elle a interprété la prostituée de 12 ans dans Taxi Driver. Dans les scènes trop explicites, elle est doublée par sa sœur Connie, âgée de 19 ans.
* Robert De Niro a travaillé un mois comme chauffeur de taxi et a étudié les maladies mentales pour mieux s’imprégner de son personnage. La scène du miroir a été improvisée par lui.
* Martin Scorsese joue le rôle du client qui espionne sa femme.
* Bernard Hermann a (entre autres) également signé la musique de Psychose et de Sueurs froides d’Hitchcock.

28 avril 2011

Les Girls (1957) de George Cukor

Titre original : « Les Girls »

Les GirlsLui :
Mariée à un lord anglais, une ex-danseuse de la troupe Les Girls vient d’écrire un livre sur son passé. Son ancienne collègue et amie, elle aussi mariée depuis, l’attaque en justice car un chapitre raconte comment elle aurait tenté de se suicider par désespoir d’amour… Les Girls mélange deux genres : la comédie musicale et la satire de mœurs. George Cukor nous dresse le portrait de trois femmes : une française spontanée, une anglaise un peu cynique et une américaine réservée. C’est aussi un film sur le mensonge puisque trois personnes nous racontent la même histoire de façon totalement différente. Cukor semble nous dire qu’un bon mensonge peut être préférable à une vérité gênante. Le scénario est assez élaboré, on l’a dit trop sophistiqué pour que le film soit un grand succès populaire. Les musiques sont signées Cole Porter et la scène chorégraphiée la plus remarquable montre Gene Kelly en blouson de cuir, parodie de Marlon Brando dans L’équipée sauvage ; ce numéro n’est pas non plus sans rappeler le ballet final de Tous en Scène dans sa construction. L’ensemble est plaisant et réussi. Les Girls est l’une des dernières grandes comédies musicales de la MGM.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Gene Kelly, Mitzi Gaynor, Kay Kendall, Taina Elg, Jacques Bergerac, Patrick Macnee
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Remarque :
* Le scénario est basé sur une nouvelle de Vera Caspary, auteur de Laura. L’historien et critique de cinéma Jacques Lourcelles nous fait pertinemment remarquer qu’elle est spécialiste des histoires basées sur des trios : Chaînes conjugales (Letter to three wives) de Mankiewicz, Three Husbands d’Irving Reis et La femme au Gardénia de Fritz Lang…
* Le film a fait connaître Kay Kendall à Hollywood. L’actrice (d’origine anglaise) a été alors décrite comme « l’importation anglaise la plus pétillante depuis le Schweppes ». Kay Kendall a ensuite tourné avec Minelli (The reluctant debutante) puis avec Stanley Donen. Talentueuse, elle aurait certainement fait une belle carrière si elle n’avait pas été emportée deux ans plus tard par une leucémie.

27 avril 2011

Coco Chanel et Igor Stravinsky (2009) de Jan Kounen

Coco Chanel & Igor StravinskyElle :
Note : 2 étoiles

Lui :
En 1920, la couturière Coco Chanel invite l’exilé russe Igor Stravinsky avec femme et enfants dans sa grande maison de Garches. Une liaison naît entre eux… Adapté d’un roman de Chris Greenhalgh, le film de Jan Kounen joue plus sur les apparences et le glamour que sur le contenu. L’histoire est en effet très terne, incapable de générer la moindre émotion. Il nous reste le spectacle : la reconstitution est superbe, Anna Mouglalis fait une belle interprétation d’une Coco Chanel glaciale et déterminée… et il y a heureusement la musique de Stravinsky. Un peu ennuyeux, c’est un film qui ne laissera hélas que peu de traces dans nos esprits.
Note : 2 étoiles

Acteurs: Anna Mouglalis, Mads Mikkelsen, Elena Morozova
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26 avril 2011

La baie des anges (1963) de Jacques Demy

La baie des angesLui :
Employé de banque très sage, Jean se laisse entraîner par son collègue et ami Caron(1) au casino d’Enghein. La chance lui sourit. Il décide alors d’aller passer ses vacances sur la Côte d’Azur pour jouer. Il y rencontre la belle Jackie… La baie des anges est le deuxième long métrage de Jacques Demy, tourné alors qu’il avait des difficultés à financer son projet de comédie musicale Les Parapluies de Cherbourg. Sur le thème du télescopage entre l’amour et l’enfer du jeu, Demy signe un très beau film, fluide, vif et rythmé, délicat. La photographie en noir et blanc signée Jean Rabier est superbe, la musique de Michel Legrand souligne certaines scènes avec flamboyance et nous emporte… La baie des anges est aussi porté par Jeanne Moreau, en blonde platine, dans un personnage d’ange déchu qui se complexifie joliment au fur et à mesure de l’avancée du film.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Jeanne Moreau, Claude Mann, Paul Guers
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Remarques :
On remarquera aussi la présence au générique de Costa-Gavras en assistant-réalisateur et de Claude Zidi en assistant-cameraman.

(1) A noter que Caron (ou Charon) est, dans la mythologie grecque, le passeur vers l’Enfer. Avec sa barque, il conduit les âmes vers le séjour des morts.

25 avril 2011

L’esclave libre (1957) de Raoul Walsh

Titre original : « Band of Angels »

L'esclave libreLui :
Fille d’un grand propriétaire du Kentucky, la jeune Amantha Starr passe une enfance sans histoire et fréquente les meilleures écoles. Lorsque son père meurt subitement, peu avant le début de la Guerre de Sécession, elle apprend que sa mère, qu’elle n’a jamais connue, était en réalité une esclave noire ce qui fait d’elle aussi une esclave. Elle est emmenée de force à La Nouvelle Orléans pour être vendue aux enchères afin de couvrir les dettes de son père. Hamish Bond, un riche planteur, se porte tout de suite acquéreur… L’esclave libre (Band of Angels) est l’adaptation d’un roman de Robert Penn Warren. C’est un grand film romanesque de la fin de carrière de Raoul Walsh. Au-delà de l’histoire d’amour, ou plus exactement, L'esclave libre imbriqués dans cette histoire d’amour, se retrouvent plusieurs thèmes sur la traite des noirs, l’importance du passé, les rapports entre blancs et noirs ; ces thèmes sont abordés sous de multiples facettes, de façon assez subtile. Raoul Walsh a le talent d’éviter tout excès de pathos et toute lourdeur. Il filme même cette histoire de façon assez délicate avec de beaux et lents mouvements de caméra. L’esclave libre a été injustement maltraité par la critique à sa sortie (1). Le film fut un échec commercial. Etait-il trop subtil ?
Note : 4 étoiles

Acteurs: Clark Gable, Yvonne De Carlo, Sidney Poitier, Andrea King, Rex Reason, Patric Knowles
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Remarques :
(1) Band of Angels a dès le début été rapproché ou comparé à Autant en emporte le vent. Il s’est trouvé affublé du surnom peu avantageux de « l’ombre d’Autant en emporte le vent » (« ghost of Gone with the Wind ») ; ce surnom fut certes l’occasion de faire un mot d’esprit pour ceux qui l’ont colporté mais la comparaison est totalement inappropriée : hormis la période qui est la même et la présence de Clark Gable, il n’y a guère de points communs, les propos sont totalement différents.

24 avril 2011

L’étroit mousquetaire (1922) de Max Linder

Titre original : « The Three Must-Get-Theres »

L'étroit mousquetaireLui :
Face à l’extraordinaire succès de Douglas Fairbanks dans Les Trois Mousquetaires, Max Linder décide d’en tourner un pastiche qui sort juste un an plus tard. Il est important de voir L’Etroit Mousquetaire en connaissant le film de Fred Niblo car, plus qu’une parodie du roman d’Alexandre Dumas, c’est une parodie de Douglas Fairbanks que fait Max Linder. Son Dart-in-Again est aussi agile et bondissant que le D’Artagnan de Fairbanks avec même quelques cascades étonnantes. La plupart des scènes sont des références directes au film original (par exemple la main de Richelieu sur le bras du fauteuil devient la main de Richelieu sur le crâne du chauve). Pour son humour, Max Linder joue beaucoup avec les anachronismes (par exemple, la reine tape ses billets doux sur une petite machine à écrire) jusque dans les détails (on aperçoit un buste de Napoléon), il joue avec les apparences, L'étroit mousquetaire les faux-semblants (ah, la scène chez le capitaine des gardes…), nous cache parfois une partie de la scène ou même de l’image… Si quelques gags pourront paraître désuets à nos yeux modernes, Max Linder a beaucoup de très belles trouvailles. L’étroit mousquetaire est un joli détournement de film. Douglas Fairbanks aurait dit-on envoyé un télégramme de félicitations à Max Linder.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Max Linder, Frank Cooke, Caroline Rankin, Jobyna Ralston
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Voir les autres films de Max Linder chroniqués sur ce blog…

Remarques :
* Max Linder a réalisé 3 longs métrages aux Etats-Unis. L’étroit mousquetaire est le dernier d’entre eux. Il est ensuite rentré en France.
* En anglais, « musketeer » est proche en sonorité de « must get here », donc le pendant de Linder est un « must-get-there »… (et c’est vrai qu’ils doivent aller là-bas, en Angleterre).
* La version originale américaine du film est perdue. Le film a été restauré en 1995 par Deutsche Kinemathek à partir de la version allemande.

Versions chroniquées sur ce blog :
1921: The Three Musketeers de Fred Niblo (USA, 119 mn) avec Douglas Fairbanks
1921: Les Trois Mousquetaires de Henri Diamant-Berger (France, 720 mn) avec Aimé Simon-Girard
1922: L’Étroit Mousquetaire de Max Linder (USA, 58 mn) avec Max Linder (parodie)
1948: The Three Musketeers de George Sidney (USA) avec Lana Turner et Gene Kelly
1961: Les Trois Mousquetaires de Bernard Borderie (France) avec Gérard Barray et Mylène Demongeot (2 films)
1973: Les Trois Mousquetaires de Richard Lester (USA) avec Michael York et Raquel Welch (3 films)
1993: Les Trois Mousquetaires de Stephen Herek (USA) avec Chris O’Donnell
2023: Les Trois Mousquetaires: D’Artagnan de Martin Bourboulon (France) avec François Civil (2 films)

23 avril 2011

Les Trois Mousquetaires (1921) de Fred Niblo

Titre original : « The three musketeers »

Les trois mousquetairesLui :
(Film muet) Douglas Fairbanks trouve dans le roman d’Alexandre Dumas un rôle taillé à sa mesure : D’Artagnan. Ce n’est pas première adaptation au cinéma des Trois Mousquetaires, loin de là, mais c’est la première adaptation de grande envergure. Grand sportif et déjà expert dans le maniement de l’épée, Douglas Fairbanks s’entraîne plusieurs mois pour se perfectionner. Il passe aussi de longues heures à dos de cheval. Les trois mousquetaires Et effectivement, le résultat est convaincant : Douglas Fairbanks est un D’Artagnan vif, brillant, bondissant et surtout plein de panache. La reconstitution est soignée : les robes sont des copies de véritables robes d’époque et les villages français ont été reconstitués d’après gravures. Le film est un peu lent à se mettre en place mais s’accèlere ensuite. Les Trois Mousquetaires fut un énorme succès. Il marque le début d’une série de grands (et coûteux) films d’aventure.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Douglas Fairbanks, Marguerite De La Motte, Nigel De Brulier, Mary MacLaren
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Voir les autres films de Fred Niblo chroniqués sur ce blog…

Remarques :
– La même année, 1921, vit une autre version des Trois Mousquetaires, française celle-là, également une grosse production, réalisée par Henri Diamant-Berger en 12 épisodes d’1 heure (réédité en 2001 sous la forme de 14 épisodes de 26 minutes environ) (voir la chronique).
– L’année suivante, en 1922, Max Linder réalisa un pastiche de la version Fairbanks : L’étroit mousquetaire.
– Douglas Fairbanks a repris le rôle de D’Artagnan dans Le Masque de Fer d’Allan Dwan (1929)

Versions de l’époque du muet :
1903: Les Trois Mousquetaires de ??? (France, durée ?) (à signaler aussi le film de George Méliès Les Mousquetaires de la reine (1903) film perdu aussi)
1909: I tre moschettieri de Mario Caserini (Italie, 16 mn)
1911: The Three Musketeers de J. Searle Dawley (USA, 2 x 10mn) (Edison)
1912: When Kings were the Law de D.W. Griffith (USA, 17 mn)
1912: Les Trois Mousquetaires de André Calmettes et Henri Pouctal (France, durée ?)
1914: The Three Musketeers de Charles V. Henkel (USA, 80 mn env.) avec Earl Talbot (film perdu?)
1916: The Three Musketeers de Charles Swickard (USA, 63 mn) avec Orrin Johnson
1921: The Three Musketeers de Fred Niblo (USA, 119 mn) avec Douglas Fairbanks
1921: Les Trois Mousquetaires de Henri Diamant-Berger (France, 720 mn) avec Aimé Simon-Girard
1922: L’étroit mousquetaire de Max Linder (USA, 58 mn) avec Max Linder (parodie)

Principales versions du parlant :
1932: Les Trois Mousquetaires de Henri Diamant-Berger (France, 246 mn) avec Aimé Simon-Girard
1935: The Three Musketeers de Rowland V. Lee (USA) avec Walter Abel
1939: The Three Musketeers de Allan Dwan (USA) avec Don Ameche (comédie)
1942: Los tres mosqueteros de Miguel M. Delgado (Mexique) (parodie)
1948: The Three Musketeers de George Sidney (USA) avec Lana Turner et Gene Kelly
1953: Les Trois Mousquetaires de André Hunebelle (France) avec Georges Marchal et Bourvil
1954: I cavalieri della regina de Mauro Bolognini (Italie)
1957: Les Trois Mousquetaires et demi de Gilberto Martínez Solares (Mexique)(parodie)
1961: Les Trois Mousquetaires de Bernard Borderie (France en 2 parties) avec Gérard Barray et Mylène Demongeot
1973: The Three Musketeers de Richard Lester avec Michael York et Raquel Welch
1974: The Four Musketeers de Richard Lester avec Michael York et Raquel Welch
1974: Les Quatre Charlots mousquetaires de André Hunebelle (France) (parodie)
1993: The Three Musketeers de Stephen Herek (USA) avec Charlie Sheen et Chris O’Donnell
2001: The Musketeer de Peter Hyams (UK) avec Justin Chambers et Catherine Deneuve
2005: Les Trois Mousquetaires de Pierre Aknine (France) avec Vincent Elbaz et Emmanuelle Béart
2011: The Three Musketeers de Paul W.S. Anderson (USA) avec Logan Lerman, Juno Temple, Orlando Bloom et Milla Jovovich
et d’innombrables versions TV…
… et beaucoup d’autres films d’un univers proche (suites, filiations, etc.)

Versions chroniquées sur ce blog :
1921: The Three Musketeers de Fred Niblo (USA, 119 mn) avec Douglas Fairbanks
1921: Les Trois Mousquetaires de Henri Diamant-Berger (France, 720 mn) avec Aimé Simon-Girard
1922: L’Étroit Mousquetaire de Max Linder (USA, 58 mn) avec Max Linder (parodie)
1948: The Three Musketeers de George Sidney (USA) avec Lana Turner et Gene Kelly
1961: Les Trois Mousquetaires de Bernard Borderie (France) avec Gérard Barray et Mylène Demongeot (2 films)
1973: Les Trois Mousquetaires de Richard Lester (USA) avec Michael York et Raquel Welch (3 films)
1993: Les Trois Mousquetaires de Stephen Herek (USA) avec Chris O’Donnell
2023: Les Trois Mousquetaires: D’Artagnan de Martin Bourboulon (France) avec François Civil (2 films)

22 avril 2011

Fish Tank (2009) de Andrea Arnold

Fish TankLui :
Mia est une jeune sauvageonne de quinze ans, colérique, renfermée et agressive. Elle travaille en solitaire la danse hip-hop. L’arrivée du nouveau petit ami de sa mère, un homme affable qui semble la comprendre, va un peu bouleverser sa vie… Pour mettre en scène Fish Tank, la réalisatrice anglaise Andrea Arnold a choisi la voie de prendre autant que possible des acteurs non professionnels qui soient proches de ses personnages. Elle a eu la main particulièrement heureuse en trouvant Katie Jarvis qui donne une belle interprétation assez complexe : véritable boule d’énergie et de colère, elle a aussi une bonne part visible d’innocence et de fragilité. La caméra à l’épaule est fort bien maitrisée. Le film n’est pas sans défaut mais parvient à aller au-delà de la simple authenticité pour atteindre avec force une vraie dimension humaine assez émouvante.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Katie Jarvis, Michael Fassbender, Kierston Wareing, Harry Treadaway
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21 avril 2011

Une histoire immortelle (1968) d’ Orson Welles

Une histoire immortelleLui :
Un riche marchand se souvient d’une histoire qu’un marin lui a racontée : un vieil homme paie grassement un marin trouvé dans la rue pour coucher avec sa femme afin de lui donner un héritier. Lorsque son secrétaire lui affirme que cette histoire est en réalité une fable que tous les marins du monde racontent, le riche marchant décide de mettre en scène cette histoire afin qu’elle devienne authentique : « Si cette histoire n’est jamais arrivée, moi je la ferai arriver »… Une Histoire immortelle est adapté d’une nouvelle de Karen Blixen qu’Orson Welles admirait. Le film a été produit par l’ORTF, il est sorti simultanément en salles et à la télévision (1). Il s’agit du premier film en couleurs d’Orson Welles (2). Le film est court (58 minutes) mais l’histoire est assez riche, multi-facettes et très évocatrice. C’est à la fois une réflexion sur le mensonge de la mise en scène, sur le rapport entre l’Art et la réalité, sur la jeunesse perdue, sur le passé réel ou imaginé Une histoire immortelle que l’on fait revivre, sur le passé que l’on veut faire revivre et celui que l’on fait revivre. L’histoire se déroule au XIXe siècle dans la colonie portugaise de Macao mais elle est atemporelle et non marquée par le lieu. Hélas, le film est doublé en français et l’image n’est aujourd’hui plus parfaite : les blancs sont brûlés dans les scènes les plus lumineuses.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Jeanne Moreau, Orson Welles, Roger Coggio, Norman Eshley, Fernando Rey
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Voir les autres films de Orson Welles chroniqués sur ce blog…

Remarques :
Ecrivaine danoise et authentique baronne, Karen Blixen a signé ses livres sous le nom d’Isak Dinesen. Parmi ses autres livres adaptés au cinéma, on notera Out of Africa et Le festin de Babette. L’adaptation française d’Une Histoire Immortelle est signée Louise de Vilmorin.

(1) Une Histoire immortelle a été diffusé pour la première fois à la télévision française le 24 mai 1968, certainement pas la période idéale pour ce genre d’histoire (24 mai est d’ailleurs le jour où le Général De Gaulle a fait une intervention télévisée pour proposer un référendum).
(2) Orson Welles avait toutefois tourné certaines scènes de son film (inachevé) de 1942 It’s all true en couleurs. Il a un jour déclaré que seuls les cinéastes japonais savaient utiliser au mieux la couleur.

20 avril 2011

La ligne générale (1929) de Sergueï Eisenstein

Autre titre : « L’ancien et le nouveau »
Titre original : « Staroye i novoye » ( « Старое и новое » )

La ligne généraleLui :
(Film muet) L’écriture du scénario a été entreprise par Eisenstein et Grigori Alexandrov juste après le Cuirassé Potemkine. Il s’agissait d’illustrer la ligne générale du parti en termes de développement rural : Boukharine prônait la mécanisation des campagnes et l’enrichissement des paysans. Interrompu pour tourner Octobre, l’écriture du scénario reprit en 1928 alors que la ligne avait déjà changé : Staline faisait le ménage autour de lui et Boukharine était écarté (1). La nouvelle ligne était alors d’exalter la collectivisation. Eisenstein dût donc insérer la présentation d’un kolkhoze ultramoderne (c’est presque un spot publicitaire plaqué en milieu de film) et fustiger l’individualisme des koulaks (paysans indépendants). Le titre dût être changé pour « L’ancien et le nouveau ».
La ligne généraleBien qu’il soit ainsi né sous de sombres auspices, La ligne générale est un merveilleux film. Il est difficile de ne pas tomber sous le charme de la beauté des images que nous offre Eisenstein, avec ces merveilleux gros plans (même très gros plans) de visages si expressifs, bien que statiques. Il utilise aussi très bien la nature et ses grandes étendues et, bien entendu, les plans de machines sont comme toujours merveilleusement réussis. Eisenstein se livre même à certaines expérimentations, non seulement dans les images telles celles de rêve, mais aussi dans le contenu. Les connotations sexuelles sont très marquées comme dans cette scène très célèbre de l’écrémeuse où les paysans ont un plaisir extatique voire orgastique en admirant le premier fonctionnement d’une écrémeuse mécanique. La ligne générale La scène de la vache livrée au taureau est assez surprenante également… L’humour peut être très fort, comme dans cette satire mordante de la bureaucratie. Le film comporte un personnage central, celui de la paysanne Marfa, rôle pour lequel Eisenstein eut bien du mal à trouver un interprète ; il faillit prendre une comédienne professionnelle avant de trouver une paysanne illettrée parfaite. Le montage est lui aussi remarquable : bien plus que dans ses précédents films, Eisenstein joue avec l’enchaînement des plans pour créer une tension (2). La ligne générale est bien l’un des plus beaux films d’Eisenstein.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Marfa Lapkina, Konstantin Vasilyev
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Remarques :
(1) Révolutionnaire bolchévique dès 1905, Nikolaï Boukharine est l’un des grands esprits des premières années du communisme. Brillant théoricien, il faisait partie de l’aile droite du parti. Il a aidé Staline à se débarrasser de l’aile gauche du parti après la mort de Lénine, devenant ainsi l’homme fort aux côtés de Staline. Lorsque celui-ci fait un virage à gauche en 1928, il se débarrasse cette fois de l’aile droite et Boukharine est exclu. Après une autocritique, il sera brièvement réhabilité au milieu des années trente avant d’être arrêté puis exécuté.
(2) La scène de la procession religieuse pour provoquer la pluie est différente du reste du film : c’est une scène plus traditionnelle car elle repose sur un jeu théâtral et elle est montée de façon classique. Il est intéressant de constater à quel point elle paraît plus fade que le reste du film, et même un peu ennuyeuse.

[mise à jour du 19/09/2016]
Le film ressort le 26 septembre 2016 en version restaurée, aux Editions Lobster (Serge Bromberg) ce qui laisse augurer une très haute qualité.