7 février 2014

Voici le temps des assassins… (1956) de Julien Duvivier

Voici le temps des assassins...Dans le quartier des Halles à Paris, le chef-cuisinier Chatelin tient un restaurant renommé. Un matin, il voit arriver avec sa valise une jeune femme qui se présente comme la fille de son ex-femme qui vient de décéder. Devant son désarroi, il décide de l’héberger… Julien Duvivier a écrit le scénario de Voici le temps des assassins…, un film qui, une fois de plus chez le cinéaste, explore la noirceur de la nature humaine. L’effet est d’autant plus frappant ici qu’il choisit de mettre les plus noirs desseins dans un personnage à l’apparence angélique (Danièle Delorme). Machiavélique et manipulatrice, son personnage est un véritable monstre et Duvivier ne cherche pas vraiment à lui créer des excuses. Le film fait une description très réaliste de l’ancien quartier des Halles, particulièrement vivant à cette époque, très populaire mais aussi à certains endroits sordide. Gabin était alors au sommet de sa popularité (entre 1952 et 1958, il aura tourné pas moins de 25 films). Les seconds rôles sont remarquablement bien tenus, notamment toutes ces femmes qui gravitent autour des deux personnages principaux. Le film est également servi par une superbe photographie signée Armand Thirard.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Jean Gabin, Danièle Delorme, Gérard Blain, Robert Arnoux, Lucienne Bogaert
Voir la fiche du film et la filmographie de Julien Duvivier sur le site IMDB.

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2 réflexions sur « Voici le temps des assassins… (1956) de Julien Duvivier »

  1. VINGT APRES

    « Cela commençait par toute la rustrerie, voici que cela finit par des anges de flamme et de glace…Voici le temps des assassins » ‘Arthur Rimbaud.

    1956. Vingt ans sont passés. Le Front Populaire s’en est allé. La Guerre, l’Occupation, la Libération…nous voilà sous Mendes-France (Un fort des Halles boit du lait) et la 4e République. Le prolo Jeannot s’est arrondi. Il est désormais un Chef cuistot à la mode, s’appelle André Châtelain et tient un resto réputé aux Halles. Sa mère que l’on ne connaissait pas s’occupe, souvent armée d’un fouet, de la guinguette des bords de Marne. Il y retourne parfois danser, le samedi soir ou le dimanche après midi. Gabin/Jeannot/Châtelain valse toujours merveilleusement.
    Elle, elle revient, mais il ne le sait pas encore. L’alcool, la drogue, le temps, la somptueuse Gina est méconnaissable, et s’appelle Gabrielle. Aussi sa fille reprend le rôle de la Garce, mais elles font part à deux. Catherine, une sorte de «Petit chose» au féminin. Le touchant léger strabisme de la frêle Delorme, dont le jeu varie de la fausse douceur à la vraie folie, opère le charme. Aujourd’hui, Jeannot/Châtelain aime bien les chiens abandonnés.
    «Le temps des Assassins» ne reprend ni ne suit ou prolonge « La Belle Equipe», il l’exécute et règle son solde de tout compte. D’autant que la fin exigée par la production en 1936 nous a laissé en suspend…Cette fois, «l’ami» trouvera bien la mort, comme Duvivier et Spaak le souhaitaient alors. Mais Gabin ne voulant plus jouer les criminels c’est la petite garce qui fera ce qu’il faut. Un petit meurtre minable, dissimulé, prémédité, accompli par un monstre. Les grands crimes d’ Amour n’ont plus cours sous les 30 Glorieuses. Le chien fidèle de la victime accomplira la sordide justice, à la place des assassins et des juges. Châtelain arrivant trop tard comme si il redoutait de l’affronter, et d’affronter toutes les femmes de sa vie: Sa mère abusive, son envahissante vieille bonne, sa garce d’ex, son monstre de jeune épouse et peut être fille.
    Car, bien sûr, « Voici le temps… » ne réponds pas à la question qu’il ne pose pas, alors que chaque spectateur s’interroge: Catherine est-elle la fille de Jeannot/ Châtelain ? (Il y a bien un père qui apparaît mais…)
    « Voici le Temps… » ne se pose pas beaucoup de questions. Il montre.
    Duvivier n’utilise plus les travellings lyriques de «La Belle Equipe». Il serre au plus près ses personnages, les accompagne vers l’Inexorable. Au passage, il se contente de nous faire admirer sa galerie de monstres féminins et sa réserve d’hommes naïfs, parfois imbéciles et imbus. Et, si on y entend, un moment, le Temps des Cerises, dans la Guinguette, l’hiver permanent a remplacé l’éternel printemps des espoirs enfouis. Le soleil est mort. La boue a envahi les rives de l’ancien Eldorado des dimanches.
    Lucienne Bogaert, sublime sorcière schizophrène, a remplacé l’ardente «Carmen» Viviane Romance. Les Salopes Réunies ont pris la place des Femmes Fatales solitaires. Les jeunes des années d’après guerre sont méchants (Catherine), ambitieux et bébêtes (Gérard/Blain, Amédée/Roussillon), les autres ne valent pas mieux, à part la serveuse de la Guinguette, curieusement interprétée par Gaby Basset, l’épouse de Gabin, avant-Guerre. On peut du reste se poser la question. Plutôt qu’une garce à la Romance (La Belle Equipe) ou à la Balin (Pepé le Moko), Catherine/Delorme, ne serait pas le pendant féminin de l’inspecteur Slimane, celui, qui, en chasseur, attend son heure pour attirer Pépé le Moko vers sa perte ? D’ailleurs Slimane comme Catherine portent le mensonge sur leur visage.
    Julien Duvivier signe le chef d’œuvre du cinéma naturaliste français des années 40/50, vingt ans après celui du réalisme poétique, une époque qui croyait partir «A l’assaut du ciel». Vingt ans après, on baisse la tête, avec « les anges de glace et de flamme ».

  2. Bonjour,

    Merci infiniment pour ces analyses pertinentes et absolument indispensables pour mieux saisir les contextes de la production d’un film comme celui-là.
    J’apprécie sincèrement vos efforts et la qualité de ces chroniques.
    Étant Québécois, il est parfois difficile de bien comprendre toutes les subtilités du cinéma français sans avoir au préalable assisté à des cours de cinéma à l’université.
    Bonne continuité et merci encore!
    JF

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