28 octobre 2015

La Guerre des mondes (1953) de Byron Haskin

Titre original : « The War of the Worlds »

La Guerre des mondesLeur planète devenant inhospitalière, les martiens ont décidé d’envahir la Terre. Intrigués par la chute d’un météore, les habitants d’un petit village de Californie le voient s’ouvrir pour livrer passage à des machines qui détruisent tout sur leur passage… Même s’il faut mentionner la très remarquée adaptation radiophonique d’Orson Welles en 1938 qui sema la panique tant elle était réaliste, La Guerre des mondes de Byron Haskin (produite par George Pal) est la première grande adaptation du célèbre roman de H.G. Wells. Elle diffère du livre sur de nombreux points mais en reste fidèle à l’esprit ; la différence la plus discutable est l’inclusion d’une dimension religieuse, en montrant la fin comme une intervention divine. Le scénario est finalement très simple mais le film tire toute son intensité de l’utilisation intelligente d’effets spéciaux très spectaculaires pour l’époque, effets qui dévorèrent les trois-quarts de l’important budget du film, et du choix judicieux de ne montrer qu’à peine les martiens. La tension n’en est que plus forte. Vu aujourd’hui, le film conserve son impact même si les effets spéciaux ne peuvent nous subjuguer autant. La Guerre des mondes reste l’un des grands films de science-fiction des années cinquante.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Gene Barry, Ann Robinson, Les Tremayne
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La Guerre des mondes
La Guerre des mondesAnn Robinson et Gene Barry dans La Guerre des mondes de Byron Haskin

Remarques :
* Les machines martiennes étaient prévues au départ pour être des tripodes comme dans le livre de Wells mais il fut impossible d’imaginer leur marche. Il fut donc décidé d’opter pour des machines volantes. Elles sont remarquablement dessinées.

* Les machines martiennes ont été réalisées en cuivre et à l’échelle réelle, ce qui accroit leur effet à l’image (les esprits chagrins feront toutefois remarquer que certains des nombreux câbles utilisés pour les soutenir restent visibles à l’écran).

* En ce début des années cinquante où la paranoïa anticommuniste était à son maximum, le thème d’une invasion extraterrestre se voyait doté d’un impact accru. Le caractère de métaphore est obligatoirement présent mais il paraît tout de même moins net que dans d’autres films.

* Remake :
La Guerre des mondes (The War of the Worlds) de Steven Spielberg (2005) avec Tom Cruise.

26 octobre 2015

Les infidèles (1953) de Mario Monicelli et Steno

Titre original : « Le infedeli »

Les infidèlesUn industriel de haute société romaine demande à une agence de détectives de faire suivre sa femme qu’il soupçonne d’être infidèle. Mis sur l’affaire, le jeune Osvaldo rencontre Liliana, son ancienne fiancée, aujourd’hui mariée à un industriel anglais… Les infidèles est un film assez peu connu de Mario Monicelli, co-réalisé avec Steno. Précisons tout de suite que Gina Lollobrigida n’a vraiment qu’un très petit rôle mais le succès de Plus fort que le diable de John Huston quelques mois plus tard l’a propulsée tout en haut de l’affiche! La réelle vedette du film est la débutante May Britt, une jeune beauté suédoise âgée de 20 ans (teinte en brune et bien évidemment doublée) qui a une fort belle présence à l’écran, dans le genre beauté froide (1). C’est le français, tout aussi peu connu, Pierre Cressoy qui lui fait face. Le scénario est très bien fait : alors que les premières minutes laissent présager d’une histoire assez conventionnelle, la suite montre qu’il n’en est rien, assez riche avec de nombreuses interactions des personnages entre eux. Cela devient rapidement une peinture sociale de la haute bourgeoisie qui monte en puissance pour aboutir sur un final assez fort. Les infidèles est un film qui mérite largement d’être découvert.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Gina Lollobrigida, May Britt, Pierre Cressoy, Irene Papas, Marina Vlady, Anna Maria Ferrero
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Les Infidèles
Pierre Cressoy et May Britt dans Les infidèles de Mario Monicelli et Steno.

Remarques :
* Au début de sa carrière, Mario Monicelli a co-réalisé tous ses films avec Steno. Son film suivant, Proibito (Du sang dans le soleil, 1954), sera le premier qu’il réalisera seul.

* On remarquera également la présence de Marina Vlady (orthographiée Marina Wlady au générique) dans un tout petit rôle.

Les Infidèles
Marina Vlady dans Les infidèles de Mario Monicelli et Steno.

Les Infidèles
May Britt et Pierre Cressoy dans Les infidèles de Mario Monicelli et Steno.

(1) Après ce premier film, May Britt ne fera pas une grande carrière d’actrice : un peu plus d’une douzaine de films de second plan où elle personnifiera souvent des femmes fatales. Elle abandonnera sa carrière en 1960 après avoir épousé Sammy Davis, Jr.

22 octobre 2015

Ordre de tuer (1958) de Anthony Asquith

Titre original : « Orders to Kill »
Autre titre français : « Ordres d’exécution »

Ordre de tuerPendant la Seconde Guerre mondiale, un jeune pilote de bombardier américain est affecté à une mission spéciale : il doit aller à Paris, alors occupé par les allemands, tuer un agent de transmission soupçonné d’être un agent double. Enthousiaste, le jeune homme est d’abord envoyé en Angleterre pour un court entrainement avant d’être parachuté en France… Basé sur un livre de Donald Downes dans lequel il racontait sa propre histoire, Orders to Kill ne fait pas partie des films les plus connus du réalisateur anglais Anthony Asquith (bien qu’il ait été nominé à Cannes en 1958). Sur le fond, il met en évidence le dilemme ressenti par un jeune militaire dans une situation à laquelle il n’est pas préparé. Il interroge à la fois sur la différence entre infliger la mort en voyant sa victime ou pas et sur la notion qu’une guerre tue à la fois coupables et innocents, deux questions qui sont toujours très actuelles aujourd’hui (1). L’interprétation est parfaite, en particulier celle de Paul Massie, acteur canadien dont c’est le premier film mais qui n’a que peu tourné ensuite, et de Leslie French, acteur anglais (le nom est trompeur !) qui a surtout tourné pour la télévision. L’ensemble est de très bonne facture.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Eddie Albert, Paul Massie, Lillian Gish, Irene Worth, Leslie French
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Orders to kill
Leslie French et Paul Massie dans Orders to Kill d’Anthony Asquith

Remarque :
* Bien qu’en bonne place sur l’affiche, Lillian Gish n’a vraiment qu’un très petit rôle, n’apparaissant que dans les trois premières minutes comme la mère du héros.

(1) Ces question sont d’autant plus actuelles depuis l’utilisation de drones où le pilote assiste au résultat de ses frappes.

28 septembre 2015

Il importe d’être constant (1952) de Anthony Asquith

Titre original : « The Importance of Being Earnest »

Il importe d'être constantA la toute fin du XIXe siècle, John Worthing s’est inventé un frère Constant (Ernest dans la version anglaise) pour pouvoir aller à Londres courtiser sous cette identité la jeune Gwendoline. Son stratagème est découvert par le cousin de la jeune fille qui s’est inventé, lui aussi, un cousin souffreteux pour s’échapper à la campagne. Lorsque John fait sa déclaration à Gwendoline, celle-ci lui répond positivement et affirme qu’elle a toujours rêvé d’épouser un homme prénommé Ernest (1)… Grand classique de l’humour britannique à son meilleur, Il importe d’être constant est une pièce brillante créée par Oscar Wilde en 1895. Cette comédie qui se moque des moeurs corsetés de la haute société victorienne est portée par des dialogues savoureux. L’humour y est tout en retenue mais assez… constant. Dans son adaptation au grand écran, Anthony Asquith reste très proche de la pièce que ce soit dans le texte ou sur la forme, filmant en longs plans-séquences avec des focales longues. Les performances d’acteurs, tous issus du théâtre, sont excellentes, très britanniques dans leur style, même si on peut trouver que Michael Redgrave et Michael Denison sont trop âgés pour leur rôle. La plus remarquable est probablement Edith Evans dont l’interprétation de Lady Bracknell a vraiment marqué.  Il importe d’être constant est une perle du cinéma britannique des années cinquante. Il pourra bien entendu rebuter le spectateur moderne par sa forme proche du théâtre filmé… mais, quand la pièce est si brillante en elle-même, est-il vraiment nécessaire d’y ajouter quelque chose ?
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Michael Redgrave, Michael Denison, Edith Evans, Joan Greenwood, Dorothy Tutin, Margaret Rutherford
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(1) « Ernest » est en anglais phonétiquement quasiment identique au mot « earnest » qui signifie « sérieux ». Le jeu de mots est encore meilleur en français puisque Constant est un prénom.

Il importe d'être constant
Michael Denison et Michael Redgrave dans Il importe d’être constant de Anthony Asquith

Il importe d'être constant
Dorothy Tutin et Joan Greenwood dans Il importe d’être constant de Anthony Asquith

Il importe d'être constant
Edith Evans dans Il importe d’être constant de Anthony Asquith

Autres adaptations :
L’importance d’être constant (The Importance of Being Earnest) par l’anglais Oliver Parker (2002)
The Importance of Being Earnest de l’américain Brian Bedford (2011), en réalité une représentation filmée de la pièce à Broadway
+ de nombreuses adaptations au petit écran, notamment britannique.

27 septembre 2015

Tu m’as sauvé la vie (1950) de Sacha Guitry

Tu m'as sauvé la vieUn baron, aigri à la suite d’une incapacité sexuelle et déçu par ses semblables, évite toutes les rencontres. Il semble n’avoir d’affection que pour ses employés de maison. Mais lorsqu’un clochard lui évite d’être piétiné par un cheval, il se prend d’amitié pour lui… Quelques mois après créé la pièce Tu m’as sauvé la vie au Théâtre des Variétés, Sacha Guitry décide de la porter sur grand écran. Les acteurs reprennent leur rôle (à part Pauline Carton qui ne figure pas dans le film). Le propos est fortement marqué par l’amertume de Guitry après avoir été injustement accusé de collaboration à la Libération, emprisonné brièvement et mis à l’opprobre. La misanthropie du personnage et la noirceur du propos sont l’écho de son fort ressentiment. Personne n’est épargné, tous les personnages ont des rapports intéressés, le mensonge et l’hypocrisie règlent les rapports humains. La seule échappatoire est la solitude. C’est donc un constat désabusé sur la nature humaine mais cela reste toutefois une comédie. Les bons mots sont souvent acerbes, toutefois. La forme est celle du théâtre filmé, tout se passe dans une seule et même pièce, la caméra restant à distance avec de rares gros plans. C’est la première collaboration de Guitry avec Fernandel pour qui il écrira Adhémar peu après. Tu m’as sauvé la vie est une pièce assez mineure de Sacha Guitry.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Sacha Guitry, Fernandel, Lana Marconi, René Génin, Luce Fabiole, Jeanne Fusier-Gir
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Tu m'as sauvé la vie
Fernadel, Sacha Guitry et Lana Marconi dans Tu m’as sauvé la vie de Sacha Guitry

Remarque de Guitry voyant Fernandel sourire : « Ah, voilà, je savais bien que j’avais vu un deuxième cheval… »

23 septembre 2015

Le Cri (1957) de Michelangelo Antonioni

Titre original : « Il grido »

Le CriAldo, un simple ouvrier, est dévasté lorsque la femme avec laquelle il vit depuis sept ans lui annonce qu’elle va le quitter pour un autre homme. Désemparé, il part sans but précis avec la petite fille qu’ils ont eu ensemble… Le Cri est un film charnière dans la filmographie d’Antonioni, entre quatre premiers films plus conventionnels et L’Avventura qui marque vraiment l’éclosion d’un style nouveau. On trouve en effet les prémices de ce style dans cette histoire d’errance où Antonioni s’attache plus à décrire un environnement peuplé de petites choses qu’à dérouler une histoire de façon classique. Son but est nous faire ainsi mieux entrer dans l’âme du personnage principal. Antonioni prend comme décor les rives du Pô (qu’il connait bien pour y avoir passé son enfance), fleuve que suit son personnage pour échouer dans le no man’s land du delta dont les brumes et la désolation prennent une valeur symbolique. C’est l’un des rares films d’Antonioni où le personnage principal est un homme. Cet homme a une certaine incapacité d’adaptation qui lui sera fatale : il devra finalement accepter la vérité qu’il a tenté de fuir. Les héroïnes antonioniennes n’ont généralement pas cette rigidité. Le Cri fut remarqué à sa sortie par la critique mais c’est avec son film suivant que le réalisateur confirmera sa rupture avec le cinéma traditionnel et sera vraiment vu comme le créateur d’un nouveau style.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Steve Cochran, Alida Valli, Betsy Blair, Dorian Gray
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Remarques :
* On remarquera l’hommage à Chaplin : lors de la petite bagarre dans la rue, une affiche de The Kid est visible en arrière-plan, Antonioni soulignant ainsi le parallèle entre les deux situations (homme seul + enfant).

* Le Cri étant une production en partie américaine, l’acteur principal Steve Cochran est américain, c’est un acteur de films de série B dont la participation précédente la plus prestigieuse est un second rôle dans White Heat de Raoul Walsh.

Le Cri
Alida Valli et Steve Cochran dans Le Cri de Michelangelo Antonioni

22 septembre 2015

L’Auberge rouge (1951) de Claude Autant-Lara

L'auberge rougeAux alentours de 1830, les tenanciers d’une auberge isolée de montagne assassinent leurs clients pour les voler. Alors que le couple n’a pas encore caché le cadavre de leur précédente victime, les voyageurs d’une diligence font une halte forcée à l’auberge bientôt suivis par un moine bon vivant et son moinillon… L’Auberge rouge est basé sur un fait divers authentique qui avait déjà inspiré Balzac pour son roman L’Auberge des Adrets. Le scénario est signé par Jean Aurenche et Pierre Bost. Si le film oscille entre plusieurs genres, c’est celui de la comédie d’humour noir qui est nettement le plus marqué. La situation devient en effet rapidement croquignole et le jeu de Fernandel apporte un petit côté pagnolesque à l’ensemble. Julien Carette, qui appuie fortement sur les traits de son personnage, est tout aussi remarquable. Le propos est assez irrévérencieux et les milieux catholiques se sont dressés à l’époque contre le film qui se moque, selon eux, de la confession et des sacrements. Cette opposition et les railleries des critiques n’ont pas empêché à L’Auberge rouge de connaitre les faveurs du public.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Fernandel, Julien Carette, Françoise Rosay, Marie-Claire Olivia, Jean-Roger Caussimon
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L'auberge rouge
Françoise Rosay, Julien Carette, Marie-Claire Olivia, Fernandel et Lud Germain dans L’auberge rouge de Claude Autant-Lara.

Remake (raté) :
L’auberge rouge (2007) de Gérard Krawczyk en 2007 avec Gérard Jugnot (le moine), Christian Clavier et Josiane Balasko (le couple d’aubergistes).

20 septembre 2015

Salomon et la reine de Saba (1959) de King Vidor

Titre original : « Solomon and Sheba »

Salomon et la reine de SabaFils de David, le pacifique Salomon hérite de la gouvernance de la Terre d’Israël au grand dam de son frère, le guerrier Adonias. Grand ennemi d’Israël, le pharaon d’Egypte accepte la proposition de la reine de Saba : celle-ci se propose d’aller séduire Salomon pour mieux connaitre ses faiblesses et permettre ainsi de l’anéantir… Salomon et la reine de Saba est un grand péplum qui puise son inspiration dans des évènements décrits dans la Bible. Le tournage, effectué en Espagne, fut marqué par le décès prématuré de Tyrone Power (44 ans), acteur principal et coproducteur, qui succomba à la suite d’une crise cardiaque sur le plateau. La production imposa pour le remplacer Yul Brynner qui était alors considéré comme le grand spécialiste des rôles de roi. King Vidor affirme lui-même que Brynner n’a pas compris la complexité du personnage et ses rapports avec l’acteur furent tendus. Le retournage des scènes fut donc difficile. Yul Brynner a effectivement une froideur et rigidité dans son jeu qui ne conviennent pas. Malgré cela, Salomon et la reine de Saba reste un beau spectacle, à classer parmi les grands péplums des années cinquante et soixante. Les scènes d’extérieurs et de batailles sont assez spectaculaires et la grande sensualité de Gina Lollobrigida, dans des robes particulièrement ajustées qui la mettent si bien en valeur, marque le film. On retrouve ici cet érotisme latent si particulier aux péplums. Malgré un mauvais accueil critique, Salomon et la reine de Saba connut un beau succès populaire. Ce sera le dernier long métrage de King Vidor.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Yul Brynner, Gina Lollobrigida, George Sanders, Marisa Pavan, David Farrar
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Salomon et la reine de SabaMarisa Pavan (debout), Yul Brynner et Gina Lollobrigida dans Salomon et la reine de Saba de King Vidor.

Salomon et la reine de SabaGeorge Sanders et Gina Lollobrigida dans Salomon et la reine de Saba de King Vidor.

Salomon et la reine de SabaBelle illustration de l’érotisme latent aux limites de la permissivité de l’époque : Gina Lollobrigida dans Salomon et la reine de Saba de King Vidor.

Salomon et la reine de SabaPhoto de la version avec Tyrone Power : Salomon et la reine de Saba de King Vidor.

Salomon et la reine de SabaLa même scène telle qu’elle figure dans le film, tournée à nouveau avec Yul Brynner : Salomon et la reine de Saba de King Vidor.

Remarque :
* King Vidor explique dans ses mémoires qu’il a voulu refaire la célèbre scène de la barque de son Bardelys Le Magnifique (1926) : la reine et Salomon glissent en barque sous les branches d’un saule pleureur qui tombent jusqu’à toucher l’eau. Il n’a pas tout a fait réussi car la perruque de Gina Lollobrigida et la fausse barbe de Yul Brynner s’accrochaient dans les branches qui durent finalement être coupées ! (King Vidor, La Grande Parade, éditions J.C. Lattès 1981, page 236)
Il est amusant de revoir la scène en sachant cela : alors que dans le film de 1926, les branches venaient caresser langoureusement le visage des deux amants, ici ils passent leur temps à écarter les branches qui arrivent sur eux…

Salomon et la reine de SabaGina Lollobrigida et Yul Brynner dans Salomon et la reine de Saba de King Vidor.

16 septembre 2015

L’Homme de l’Ouest (1958) de Anthony Mann

Titre original : « Man of the West »

L'homme de l'OuestRéservé et apparemment un peu gauche, Link Jones (Gary Cooper) prend le train pour la première fois de sa vie. Il doit se rendre dans une grande ville afin d’engager une institutrice pour son village. Un joueur professionnel lui présente une chanteuse de saloon. Le train est attaqué et ils sont tous trois laissés en rase campagne loin de toute civilisation. Link les conduit dans une maison où il a, dit-il, vécu jadis… L’Homme de l’Ouest est le dernier western d’Anthony Mann. Il vient donc après les « cinq grands » qu’il a tournés avec James Stewart. Mais si le film a un petit côté « fin d’époque », c’est surtout dû à son sujet : un Gary Cooper vieillissant confronté à un hors-la-loi vivant dans le passé, qui n’est plus en phase avec les évènements. Une histoire de résurgence du passé qui prend presque la forme d’une rencontre avec des fantômes dans des paysages eux-mêmes fantomatiques (1). C’est un film également très dur avec des poussées de violence brute, assez primitive. Gary Cooper, ici dans l’un de ses derniers films, impose son personnage par une indéfectible placidité. Lee J. Cobb est assez remarquable dans son personnage à la limite de la folie. L’Homme de l’Ouest est un film quelque peu déroutant mais assez intense.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Gary Cooper, Julie London, Lee J. Cobb, Arthur O’Connell, John Dehner, Royal Dano
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(1) Cette belle formule est de Jacques Lourcelles (qui place le film très haut dans le panthéon des westerns américains).

L'Homme de l'Ouest
Gary Cooper et Julie London dans L’Homme de l’Ouest de Anthony Mann

5 septembre 2015

Ordet (1955) de Carl Theodor Dreyer

Autre titre français : « La Parole »

La ParoleDans le Danemark aux alentours de 1930, le luthérien Morten Borgen exploite une vaste ferme avec ses trois fils ; l’aîné est marié, le second traverse une grave crise mystique qui le pousse à se prendre pour le Christ et le troisième désire épouser la fille du tailleur. Les pères s’opposent à cette union du fait de leurs divergences religieuses… Dès qu’il voit la pièce Ordet de Kaj Munk en 1932, Dreyer souhaite la porter à l’écran. Il n’y parvient pas et se fait « doubler » par le suédois Gustaf Molander en 1943 (1). La version qu’il en donne finalement en 1955 est à la fois plus profonde et plus stylisée avec cette belle austérité qui le caractérise. Sur le fond, le film pose la question de la foi et du rapport des hommes à Dieu (sans toutefois que la réflexion ne soit poussée très avant, la foi étant placée comme un idéal absolu) et, en s’élevant au dessus des querelles théologiques triviales,  s’oppose aux sectarismes. La forme est, une fois de plus, superbe : la mise en scène de Dreyer est rigoureuse, majoritairement en plans moyens, déroulant lentement le récit. Le climat ainsi créé est fort et prégnant. Les rares plans extérieurs sont très beaux avec tous ces joncs qui ondulent au gré des vents, comme une expression du trouble intérieur du fils illuminé.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Henrik Malberg, Birgitte Federspiel, Emil Hass Christensen, Cay Kristiansen, Preben Lerdorff Rye
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Ordet
Emil Hass Christensen, Henrik Malberg et Cay Kristiansen dans Ordet de Carl Theodor Dreyer

(1) La Parole (Ordet) de Gustaf Molander (1943) avec Victor Sjöström dans le rôle principal du patriarche.