20 août 2020

La Bohémienne (1936) de James W. Horne et Charley Rogers

Titre original : « The Bohemian Girl »

La Bohémienne (The Bohemian Girl)(Long métrage, 71 mn) Oliver et Stanley font partie d’une troupe de bohémiens qui fait halte sur les terres du comte Arnheim. Ils chantent et dansent. Lorsque l’un deux tente de pénétrer dans le château, le comte le fait fouetter. Pour se venger, l’homme enlève la fille unique du comte et en fait une gitane…
The Bohemian Girl est basé sur l’opéra homonyme du compositeur irlandais Michael William Balfe (première en 1843). L’histoire dresse un portrait très caricatural des gitans, les présentant comme des voleurs et des kidnappeurs (ce qui n’empêcha pas le film d’être interdit dans l’Allemagne nazie, ce portrait étant jugé trop flatteur). Pickpocket chevronné, Stanley est ici vraiment beaucoup plus intelligent que son comparse. Les gags sont très inégaux, le plus souvent moyennement amusants et parfois mauvais. Le meilleur du film est une scène où Stanley doit remplir des bouteilles de vin fermenté en se servant d’un petit tuyau : avec peu de choses, il nous fait un superbe numéro hilarant de plusieurs minutes.
Elle:
Lui : 1 étoile

Acteurs: Stan Laurel, Oliver Hardy, Mae Busch, Antonio Moreno, Julie Bishop, James Finlayson, Thelma Todd
Voir la fiche du film et la filmographie de James W. Horne et Charley Rogers sur le site IMDB.

Remarques :
* Le gag final (les déformations) est vraiment d’un goût douteux. Pourtant Stan Laurel le trouvait bon alors que le producteur Hal Roach le détestait.
* Thelma Todd est morte à l’âge de 29 ans dans des circonstances obscures avant la fin du tournage. L’affaire a fait grand bruit. Pour éviter que le film ne soit associé à l’affaire, le scénario a été réécrit à la hâte et des scènes ont été tournées à nouveau pour réduire son rôle au strict minimum. Initialement, Antonio Moreno devrait être amoureux d’elle. Finalement, elle n’apparaît que brièvement au début du film (c’est la fille de la Reine des Gitans).

La Bohémienne (The Bohemian Girl)Oliver Hardy et Stan Laurel dans La Bohémienne (The Bohemian Girl) de James W. Horne et Charley Rogers.

9 juin 2017

Rome ville libre (1946) de Marcello Pagliero

Titre original : « Roma città libera »

Rome ville librePrêt à se suicider pour avoir été ruiné puis abandonné par une femme, un jeune homme est sauvé par un monte-en-l’air qui le prend sous son aile. Ils font la connaissance d’une jeune femme sur le point de se prostituer… C’est Rossellini qui a encouragé Marcello Pagliero, acteur dans son Rome ville ouverte, à tourner cette comédie néoréaliste aux accents dramatiques. L’action se passe en une seule nuit, dans Rome récemment libérée, tentant de retrouver une vie normale mais en proie à de multiples petits trafics. Les personnages se croisent et se recroisent, il y a un peu de tout, on passe du cocasse au dramatique en quelques secondes et inversement. Le pessimisme doit laisser la place à la vie et à l’amour mais le chemin est difficile. Le personnage interprété par De Sica est le plus étonnant : il apporte une note presqu’irréelle ou onirique à l’ensemble. Le film n’est pas sans petites maladresses mais ne déçoit pas. C’est un film méconnu, qui mérite d’être découvert.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Andrea Checchi, Valentina Cortese, Nando Bruno, Vittorio De Sica
Voir la fiche du film et la filmographie de Marcello Pagliero sur le site IMDB.

Remarques :
* La base de l’histoire a été écrite par Ennio Flaiano, grand scénariste italien qui a travaillé pour Antonioni, Monicelli et surtout Fellini (il est au générique de tous les films de Fellini de 1950 à 1965). Rome ville libre est l’un de ses premiers films.

* Parmi les scénaristes qui ont adapté l’histoire se trouvent deux des plus grands scénaristes italiens : Cesare Zavattini (futur auteur du Voleur de bicyclette) et la grande Suso Cecchi d’Amico, alors au tout début de sa longue et impressionnante carrière.

Rome Ville Libre
Vittorio De Sica, Valentina Cortese et Andrea Checchi dans Rome ville libre (alias La nuit porte conseil) de Marcello Pagliero.

24 février 2016

Pickpocket (1959) de Robert Bresson

PickpocketUn jeune étudiant désargenté qui se dit écrivain décide de se mettre à voler. Il justifie sa position en affirmant que certains êtres supérieurs ont le droit de s’affranchir des lois. Il travaille sa technique pour avoir le geste parfait et affronte quelques proches qui tentent de le raisonner… Inspiré de Crimes et Châtiments de Dostoïevski, Pickpocket est le premier film entièrement écrit par Bresson lui-même. Il choisit des moyens non conventionnels pour exprimer les tensions internes de ce jeune garçon : « Ce film n’est pas du style policier » nous prévient-il en exergue. Effectivement, il ne cherche pas à créer de suspense (il est toutefois bien présent dans la scène d’ouverture) et nous dévoile le dénouement du film au tout début. Il ne cherche pas non plus à développer un argumentaire : les dialogues sont assez pauvres, les arguments des uns et des autres sont d’une naïveté confondante. En revanche, Bresson cherche (et parvient) à épurer au maximum sa façon de mettre en scène : « Rien de trop, rien qui manque » a-t-il écrit. Cet épurement est manifeste au montage mais aussi sur les mouvements de caméra, le cadrage. Le jeu des acteurs surprend toujours. Bresson ne travaille qu’avec des acteurs non-professionnels auxquels il demande d’être les plus inexpressifs possibles. En écartant tout ce qui est voulu expressif, son but est de faire ainsi émerger l’essence de l’être humain. Y parvient-il ? C’est peut-être à chacun d’y répondre. A mon (humble) avis, pas totalement, mais je comprends aisément que la démarche soit passionnante pour un créateur de cinéma. Pickpocket est ainsi un très beau film sur un plan que l’on peut trivialement qualifier de théorique.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Martin LaSalle, Marika Green, Jean Pélégri
Voir la fiche du film et la filmographie de Robert Bresson sur le site IMDB.

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Remarque :
La scène d’ouverture de Pickpocket évoque celle de Pick Up on South Street (Le Port de la drogue) de Samuel Fuller (1953). Les deux scènes présentent de grandes similitudes, y compris dans la technique (du cinéaste pas du pickpocket) employée.

Pickpocket
Martin LaSalle et Marika Green dans Pickpocket de Robert Bresson.

12 décembre 2015

Dommage que tu sois une canaille (1954) d’Alessandro Blasetti

Dommage que tu sois une canailleVittorio est un jeune chauffeur de taxi qui travaille dur pour payer son crédit. Son chemin va croiser celui de Lina, jeune femme dégourdie et pleine de verve, fille d’un gentleman voleur. Elle va bousculer sa vie… Adapté d’une nouvelle de Moravia, Dommage que tu sois une canaille est une comédie brillante et haute en couleur. C’est le film qui a formé le couple le plus célèbre du cinéma italien : Sophia Loren et Marcello Mastroianni. L’histoire est brillamment écrite et se déroule à un rythme assez trépidant avec des situations qui se renouvellent sans cesse malgré leurs similitudes. Sophia Loren est alors âgée de 20 ans et le film la met particulièrement en valeur. On comprend aisément qu’elle soit devenue à la fois un sex-symbol et le symbole de la femme italienne : elle a une phénoménale présence charnelle couplée ici à une verve brillante. Son personnage a une répartie à tout et montre un talent inouï pour embobiner ses interlocuteurs avec des raisonnements qui se tiennent! Face à elle, Marcello Mastroianni est à la hauteur : il a, lui aussi, une belle présence alors que son personnage n’a jamais vraiment le dessus. L’acteur a ici pour la première fois un rôle de premier plan. Vittorio De Sica (qui occupe la première place sur l’affiche car il était alors le plus connu des trois) est parfait dans son rôle d’élégant patriarche qui cherche une certaine noblesse dans son « art ». L’ensemble est très bien équilibré. L’exubérance, l’humour, la vivacité font de Dommage que tu sois une canaille l’un des fleurons de la comédie italienne qui montre ici une certaine filiation avec les comédies américaines screwball, notamment par le rythme soutenu, les dialogues brillants et l’exploitation des rapports homme/femme. On note toutefois ici un surcroît de naturel. Un délice.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Vittorio De Sica, Sophia Loren, Marcello Mastroianni
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Dommage que tu sois une canaille
Sophia Loren et Marcello Mastroianni dans Dommage que tu sois une canaille de Alessandro Blasetti

Remarques :
* Parmi les trois scénaristes qui ont travaillé sur cette adaptation de Moravia, on remarque la présence d’Ennio Flaiano, bien connu pour avoir travaillé sur presque tous les films de Fellini, et surtout de Suso Cecchi D’Amico, qui est l’un (ou plutôt « l’une » car c’est une femme) des plus grands scénaristes du cinéma italien, toutes périodes confondues.

* Suite au grand succès du film, Blasetti réunira à nouveau le couple Loren/Mastroianni dans La chance d’être femme (1955), avec beaucoup moins de bonheur, hélas.

 

Dommage que tu sois une canaille
Sophia Loren, Giacomo Furia, une figurante, Marcello Mastroianni et Vittorio De Sica (assis) dans Dommage que tu sois une canaille d’Alessandro Blasetti

Dommage que tu sois une canaille
Marcello Mastroianni (centre), Sophia Loren et Manlio Busoni (de dos) dans Dommage que tu sois une canaille d’Alessandro Blasetti.
« – Mais, je travaille moi, Madame. Je suis employé à la Mutuelle du Midi. »
« – Eh bien, il est midi passé, vous devriez être au bureau ! »

Dommage que tu sois une canaille
Marcello Mastroianni et Sophia Loren dans Dommage que tu sois une canaille d’Alessandro Blasetti

Les films réunissant Sophia Loren et Marcello Mastroianni :
Dommage que tu sois une canaille (1954) d’Alessandro Blasetti
La bella mugnaia (1955) de Mario Camerini
La chance d’être femme (1955) d’Alessandro Blasetti
Hier, aujourd’hui et demain (1963) de Vittorio de Sica
Mariage à l’italienne (1964) de Vittorio de Sica
Les fleurs du soleil (1970) de Vittorio de Sica
La femme du prêtre (1971) de Dino Risi
La pépée du gangster (1975) de Giorgio Capitani
Une journée particulière (1977) d’Ettore Scola
D’amour et de sang (1978) de Lina Wertmüller
Prêt-à-porter (1994) de Robert Altman

14 juillet 2014

Larmes de joie (1960) de Mario Monicelli

Titre original : « Risate di gioia »

Larmes de joieUn soir de Nouvel An à Rome, une actrice de figuration se retrouve sans invitation. Accidentellement, elle tombe sur une de ses connaissances, acteur sur le retour, qui en est réduit à servir d’acolyte à un pickpocket… Larmes de joie est inspiré des Nouvelles romaines d’Alberto Moravia. Le film mélange le tragique et le comique : sous l’humour, présent dans presque toutes les scènes, Monicelli nous dépeint les difficultés de trois personnages qui se débattent pour mieux vivre dans cette Italie de la fin des années cinquante. L’une est une indéfectible optimiste qui espère toujours que la chance lui sourira un jour, le second vit de petites combines plutôt minables et le plus jeune des trois est depuis toujours dans la petite délinquance. Anna Magnani (en blonde) nous fait un grand numéro, elle est volubile, explosive, exubérante, et forme un superbe tandem avec Totò, ce grand comique qui donne à son personnage une belle épaisseur ; il est particulièrement touchant. Leurs joutes verbales sont hautes en couleur. Ben Gazzara est plus en retrait.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Anna Magnani, Totò, Ben Gazzara, Fred Clark
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Remarques :
* Le titre original est à double sens : la traduction littérale de Risate di gioia est « éclat de rire de joie » mais puisque Gioia est le prénom du personnage jouée par Anna Magnani, cela peut être tout aussi bien « le rire de Gioia » (qui ne passe pas inaperçu, soit-dit en passant…)

* C’est la première apparition du comédien-clown Mac Ronay (le conducteur du métro). Ce comique français, au physique à nul autre pareil, n’a hélas pas beaucoup tourné mais beaucoup le connaissent grâce à son rôle de porte-flingue dans Les Tontons flingueurs. Les italiens l’ont doté ici d’une voix très haut perchée.

* On notera le clin d’oeil à La Dolce Vita (l’américain ivre veut se baigner dans la fontaine de Trévi… « Foutu cinéma! » commente Anna Magnani). Le film de Fellini est sorti en février 1960 en Italie et a reçu la palme d’or à Cannes en mai ; Larmes de joie est sorti en octobre 1960.

7 octobre 2013

Sous les toits de Paris (1930) de René Clair

Sous les toits de ParisDans les quartiers populaires de Paris, un chanteur des rues rencontre et tombe amoureux d’une jeune femme roumaine. Hélas, celle-ci fréquente un petit truand qui va tout faire pour l’écarter… Sous les toits de Paris est le premier film parlant de René Clair. Pour éviter de régresser vers une forme de théâtre filmé, René Clair choisit de ne pas donner une grande place aux dialogues : il préfère donner la première place à la musique et de nombreux dialogues sont en réalité muets (avec diverses astuces pour que cela paraisse naturel, comme de filmer derrière une vitrine). Le film a ainsi un côté expérimental, apparaissant comme un entre-deux, muet et parlant à la fois. Cet aspect est le seul intérêt du film car l’histoire est très pauvre, molle et mièvre. On a souvent loué la poésie populiste des premiers films parlants de René Clair (ce fameux « réalisme poétique »), de façon plutôt exagérée en ce qui concerne Sous les toits de Paris qui paraît aujourd’hui comme ayant terriblement vieilli. A l’époque, c’est à l’étranger que le film eut le plus de succès, notamment en Allemagne et au Japon, renforçant ainsi l’image séduisante d’un Paris populaire et artistique.
Elle:
Lui : 1 étoile

Acteurs: Albert Préjean, Pola Illéry, Edmond T. Gréville, Bill Bocket
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