19 février 2014

Le Royaume de Tulipatan (1920) de Hal Roach

Titre original : « His Royal Slyness »

Le royaume de Tulipatan(Muet, 2 bobines soit 22 mn) A New York, un vendeur d’encyclopédies se laisse persuader, par le prince d’un lointain royaume dont il est le parfait sosie, d’aller prendre sa place à la cour où il doit épouser une jeune princesse… His Royal Slyness est une variation du thème du Prisonnier de Zenda où un simple quidam doit aller prendre la place d’un noble dans une cour royale. C’est le propre frère d’Harold Lloyd, Gordon Llyod, qui jour le rôle du véritable prince. Il n’est pas crédité au générique, certainement pour alimenter le doute et, effectivement, certains critiques de l’époque louèrent une merveilleuse utilisation de la « double exposition ». Les gags sont nombreux et bien amenés. On notera le petit contenu politique puisque ce pays imaginaire voit éclater une révolution et que nous sommes alors au lendemain de la Révolution russe.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Harold Lloyd, Mildred Davis, ‘Snub’ Pollard, Gus Leonard, Noah Young
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Le royaume de TulipatanRemarques :
* Le titre est un beau jeu de mot avec la formule royale His Royal Highness (slyness signifiant « ruse »).
* His Royal Slyness est le quatrième film avec le « glass character » (personnage à lunettes).
* Harold Lloyd avait déjà fait jouer son frère dans Luke’s Double (1916), également une histoire de double.
* Détail amusant : Harold Lloyd fait jouer au même acteur (Gus Leonard) les rôles du roi et d’un agitateur révolutionnaire.
* Harold Lloyd réutilisera le thème de la révolution dans le long métrage Why Worry ? (1923)

Remake :
Vive le roi (Long fliv the King) de Leo McCarey (1926) avec Charley Chase (et Oliver Hardy dans un petit rôle).

18 février 2014

J’enrage de son absence (2012) de Sandrine Bonnaire

J'enrage de son absenceAprès huit ans l’accident qui a coûté la vie de leur fils, Jacques vient revoir Mado. Contrairement à lui, Mado s’est remis de cette tragédie, elle s’est remariée et a eu un fils… J’enrage de son absence est le deuxième film réalisé par Sandrine Bonnaire, le premier film de fiction (le premier, Elle s’appelle Sabine (2007), était un film documentaire sur sa soeur autiste). Elle a écrit elle-même cette histoire de deuil si difficile à surmonter dont elle sait dépasser les côtés dramatiques pour se concentrer sur le portrait de cet homme profondément ébranlé par un double deuil, le plus récent faisant ressurgir la douleur profonde du plus ancien. William Hurt interprète son rôle en français (il y parvient fort bien), accentuant ainsi sa vulnérabilité. On peut également saluer l’interprétation d’Alexandra Lamy et du jeune garçon, Jalil Mehenni. Le tact et la délicatesse de Sandrine Bonnaire dans l’écriture et la mise en scène apparaissent de façon évidente, elle se situe assez logiquement dans la lignée des grands cinéastes pour lesquels elle a tourné même si elle n’en a pas, pour l’instant, la puissance. Le seul point que l’on puisse regretter ici est la froideur générale du film qui nous en maintient quelque peu éloigné.
Elle: 4 étoiles
Lui : 2 étoiles

Acteurs: William Hurt, Alexandra Lamy, Augustin Legrand, Jalil Mehenni
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17 février 2014

Clémentine chérie (1964) de Pierre Chevalier

Clémentine chérieL’usine que dirige Gaston Bellus a mis au point un nouveau tissu extensible révolutionnaire pour fabriquer des maillots de bains à taille unique qui, en outre, laissent passer les rayons du soleil… Clémentine chérie est inspiré des dessins humoristiques de Jean Bellus, ce célèbre illustrateur des années cinquante et soixante qui mettait en scène une famille française moyenne-supérieure. C’est aussi ici le cas dans cette histoire totalement farfelue. L’humour est bon enfant avec juste une petite pointe d’humour légèrement osé Bellus (pour l’époque du moins… on peut voir quelques jeunes femmes en petite tenue). L’humour est assez inégal mais il y a quelques bons dialogues et le meilleur vient de certains seconds rôles : parmi la brochette d’acteurs qui font une petite apparition, les plus savoureux sont certainement Michel Galabru en inventeur fou, Jacques Dufilho en bonne espagnole et Michel Serrault en huissier particulièrement consciencieux…
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Pierre Doris, Adrienne Servantie, France Anglade, Philippe Noiret, Michel Galabru, Jacques Dufilho
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Autres acteurs connus dans les seconds rôles :
Jean Tissier, Michel Serrault, Mischa, Noël Roquevert, Francis Blanche, Jean Richard et même… Guy Lux. Le jeune rocker qui fait une apparition lors de la soirée est Dany Logan. La chanteuse du groupe de twist est l’italienne Rita Pavone.

Remarque :
Ne pas confondre ce film avec Caroline Chérie, ce film historique de Richard  Pottier (1951) qui propulsa Martine Carol au rang de star.

15 février 2014

Allô… brigade spéciale (1962) de Blake Edwards

Titre original : « Experiment in Terror »
Autre titre (UK) : « The Grip of Fear »

Allô... brigade spécialeAlors qu’elle rentre chez elle, Kelly Sherwood est agressée dans son garage par un homme dont elle ne voit pas le visage qui la menace de représailles si elle n’accepte pas de voler pour lui une grosse somme d’argent dans la banque où elle travaille… Avant Allô… brigade spéciale, Blake Edwards n’avait réalisé que des comédies. Pour sa première production indépendante, il choisit toutefois un genre qui lui tient tout autant à coeur : le policier. Il s’attache à créer une atmosphère et ce dès le tout début du film, dans cette première scène du garage, assez oppressante où s’installent des rapports très particuliers entre le bourreau et sa victime. L’ensemble montre beaucoup de style, impression encore accentuée par la superbe photographie en noir et blanc assez contrasté. La musique de Henry Mancini est superbe (notamment celle du générique). Allô… brigade spéciale a paru trop sophistiqué aux yeux de certains. C’est pourtant l’un des plus beaux films du réalisateur : plus que dans tout autre, il fait montre d’un style assez remarquable tout en donnant une grande importance à l’histoire.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Glenn Ford, Lee Remick, Stefanie Powers, Ross Martin
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Remarques :
* Il semble assez évident que le film Allô… brigade spéciale a influencé David Lynch. Il est d’ailleurs difficile de ne pas penser à ce réalisateur dès la fin du générique quand on voit ce superbe panneau indicateur « Twin Peaks » en gros plan (c’est le nom du quartier de San Francisco où habite la victime). Le style et l’atmosphère sont assez proches. On pourra remarquer aussi certaines similitudes entre la scène du garage et une scène de Sailor et Lula.
* Le scénario est l’adaptation du livre « Operation Terror » de Mildred et Gordon Gordon. Le couple a écrit lui-même l’adaptation.
* Le film est l’un des rares films avec Ross Martin, acteur qui a beaucoup tourné pour la télévision et qui est très célèbre pour être l’Artemus Gordon des Mystères de l’Ouest.

14 février 2014

If You Could Only Cook (1935) de William A. Seiter

Titre français parfois utilisé : « La Fiancée imprévue »

If You Could Only CookAlors qu’il est à quelques jours de conclure un mariage mondain qui ne l’enchante guère, un jeune magnat de l’automobile va sur un banc pour mieux réfléchir. Là, il rencontre une jeune femme qui cherche du travail et lui propose de passer pour son mari afin qu’ils puissent postuler à un poste de cuisinière et de majordome… Basée sur une histoire de F. Hugh Herbert, If You Could Only Cook est une comédie screwball assez peu connue mais néanmoins assez brillante. Elle est même à classer parmi les meilleures du genre. Les situations sont originales et bien amenées et les dialogues assez enlevés. Il faut également souligner la présence de deux excellents seconds rôles, deux personnages plutôt interlopes mais au grand coeur, assez finement écrits. Sur le fond, à l’instar de It happened one night, on retrouve le rapprochement d’un homme et une femme venant chacun d’une des extrémités de l’échelle sociale, donc la présence cette grande perméabilité entre les classes If You Could Only Cook (le grand rêve américain) qui caractérise tant de screwball comedies. La jeune femme (interprétée avec beaucoup de pétulance par Jean Arthur) symbolise toute la force vitale de l’Amérique alors que la femme de la haute société n’est qu’une intrigante. Et toujours, cette présence forte du mariage, véritable « ciment » de la reconstruction d’une société meurtrie par la Dépression. If You Could Only Cook est très amusant.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Herbert Marshall, Jean Arthur, Leo Carrillo, Lionel Stander
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Remarques :
* Pour capitaliser sur le succès de It happened one night (1934), Harry Cohn le patron de Columbia décida de sortir le film en Angleterre en tant que film produit et réalisé par Frank Capra… Il n’en était rien, bien entendu. Furieux, Capra attaqua Harry Cohn en justice et ce n’est que lorsque ce dernier promit au réalisateur d’acheter les droits de You can’t take it with you, que Capra voulait tourner à tout prix, que les choses se calmèrent.
If You Could Only Cook
* Le film a bien, semble t-il, connu une petite distribution en France à l’époque sous le titre La Fiancée imprévue (distribué par la compagnie de production Osso si l’on en croit l’affiche ci-contre).

* Le film n’est pas très facile à voir mais il figure sur le peu couteux DVD Icons of Screwball Comedy vol.1. Précisons toutefois qu’il s’agit d’un DVD zone 1 et que les seuls sous-titres disponibles sont en anglais. Il n’est, à ce jour, pas disponible en DVD zone 2.

13 février 2014

Passion (2012) de Brian De Palma

PassionDans la filiale allemande d’une multinationale américaine, Isabelle est fascinée par Christine, la responsable de l’agence, qui profite de son ascendant pour l’entraîner dans un jeu de séduction, de manipulation et de servitude… Passion est le remake du film d’Alain Corneau Crime d’amour sorti à peine trois ans auparavant. Brian de Palma en fait un thriller sulfureux, jouant beaucoup sur la séduction de ses actrices et sur la plastique de Noomi Rapace. Le réalisateur dit avoir voulu retarder le moment où le nom de l’assassin est dévoilé mais, hélas, la contrepartie est d’avoir ainsi une bonne partie du film qui n’est guère… passionnante : la mise en place de ces rapports troubles entre les deux protagonistes paraît bien longue et le côté un peu racoleur de la plupart des scènes empêche d’y adhérer pleinement. Ce n’est que dans le dernier tiers (voire le dernier quart) que le film se révèle bien plus brillant. Tout se bouscule alors, la tension monte, les rebondissements nous surprennent et le réalisateur laisse l’ambiguïté s’installer.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Rachel McAdams, Noomi Rapace, Karoline Herfurth, Paul Anderson
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Voir les commentaires sur le film original :
Crime d’amour d’Alain Corneau (2010) avec Ludivine Sagnier et Kristin Scott Thomas.

12 février 2014

Hatari! (1962) de Howard Hawks

Hatari!Au Tanganyika (actuelle Tanzanie), Sean Mercer est à la tête d’un petit groupe de chasseurs. Ils capturent toutes sortes d’animaux vivants pour les expédier ensuite dans les zoos… Hatari! (mot qui signifie « danger » en swahili) est adapté d’une histoire écrite par Harry Kurnitz. Il n’a pas de scénario très élaboré mais il se révèle assez passionnant car il nous met au coeur de l’action et nous fait partager la vie de ces hommes qui affrontent le danger de façon professionnelle et calculée. Howard Hawks a abordé tous les genres (c’est son premier et seul film animalier) mais on retrouve souvent au centre de ses films un petit groupe d’hommes, très disparate mais fortement soudé. C’est le cas ici. Il faut être un peu indulgent (car Hatari! est bourré de clichés et légèrement machiste) mais les aspects documentaires du film le rendent particulièrement intéressant. La mise en scène est, comme toujours avec Hawks, parfaite. La grande majorité des scènes d’action ont été tournées par les acteurs eux-mêmes et non par des doublures. La photographie est très belle et la musique est signée Mancini. Hatari! connut un très grand succès à sa sortie.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: John Wayne, Hardy Krüger, Elsa Martinelli, Red Buttons, Gérard Blain, Bruce Cabot, Michèle Girardon
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Remarques :
L’homme qui passe en arrière-plan pendant que Pockets lit la lettre vers la fin du film est Howard Hawks. Le réalisateur apparaît également peu avant, dans la scène de capture du rhinocéros, debout à l’arrière du camion sur la droite, il porte un chapeau.

10 février 2014

La Ricotta (1963) de Pier Paolo Pasolini

Titre original : « RoGoPaG »

RogopagStacci est un miséreux qui a décroché un rôle de figuration dans un film sur la Passion. Il doit faire le bon larron. Après avoir donné son panier-repas à sa famille, il est tenaillé par la faim et doit ruser pour chercher à manger sous les quolibets des autres membres de l’équipe… La Ricotta (ou Le Fromage blanc en français) est l’un des quatre sketches du film Rogopag, titre formé avec le début des noms de ses quatre réalisateurs : Rossellini, Godard, Pasolini et Gregoretti. Les trois autres sketches sont généralement jugés comme étant assez mineurs mais celui de Pasolini est resté dans l’histoire du cinéma. Il fit effectivement grand scandale à l’époque, le film fut mis sous séquestre et Pasolini fut condamné à quatre mois de prison avec sursis pour « offense à la religion d’Etat ». Pourtant, ce n’est pas à la religion que s’en prend Pasolini dans ce film de 35 minutes. Il s’en prend assez durement à une classe de gens qui se prétendent artistes, vont s’esbaudir devant une scène de la Passion (jouée bien piètrement) mais restent aveugles à la misère toute proche d’eux. De plus, Pasolini fait dire à son metteur en scène (interprété par Orson Welles) ce qu’il pense des italiens : « le peuple le plus analphabète et la bourgeoisie la plus ignorante d’Europe ». Rogopag Acteurs et membres de l’équipe de tournage passent leur temps à rire de tout, à danser le twist, à se moquer des autres. Assez bizarrement, Pasolini utilise lui aussi l’humour pour nous montrer comment le pauvre Stacci doit se démener pour pouvoir manger. Il est vrai que le rire nous reste ensuite en travers de la gorge et l’humour tourne alors au tragique lors de la scène de gavage. La Ricotta est un film assez féroce envers les nantis.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Orson Welles, Mario Cipriani
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Remarques :
* Le film Rogopag fut exploité sans le sketch de Pasolini sous le titre Laviamoci il cervello (Lavons-nous le cerveau).

* Originellement, les quatre sketches étaient :
1. Illibatezza (Pureté) de Roberto Rossellini avec Rosanna Schiaffino
2. Il Nuovo Mondo (Le Nouveau Monde) de Jean-Luc Godard avec Jean-Marc Bory et Alexandra Stewart
3. La Ricotta (Le Fromage blanc) de Pier Paolo Pasolini
4. Il Pollo ruspante (Le Poulet de grain) de Ugo Gregoretti avec Ugo Tognazzi

7 février 2014

Voici le temps des assassins… (1956) de Julien Duvivier

Voici le temps des assassins...Dans le quartier des Halles à Paris, le chef-cuisinier Chatelin tient un restaurant renommé. Un matin, il voit arriver avec sa valise une jeune femme qui se présente comme la fille de son ex-femme qui vient de décéder. Devant son désarroi, il décide de l’héberger… Julien Duvivier a écrit le scénario de Voici le temps des assassins…, un film qui, une fois de plus chez le cinéaste, explore la noirceur de la nature humaine. L’effet est d’autant plus frappant ici qu’il choisit de mettre les plus noirs desseins dans un personnage à l’apparence angélique (Danièle Delorme). Machiavélique et manipulatrice, son personnage est un véritable monstre et Duvivier ne cherche pas vraiment à lui créer des excuses. Le film fait une description très réaliste de l’ancien quartier des Halles, particulièrement vivant à cette époque, très populaire mais aussi à certains endroits sordide. Gabin était alors au sommet de sa popularité (entre 1952 et 1958, il aura tourné pas moins de 25 films). Les seconds rôles sont remarquablement bien tenus, notamment toutes ces femmes qui gravitent autour des deux personnages principaux. Le film est également servi par une superbe photographie signée Armand Thirard.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Jean Gabin, Danièle Delorme, Gérard Blain, Robert Arnoux, Lucienne Bogaert
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5 février 2014

Le Festin de Babette (1987) de Gabriel Axel

Titre original : « Babettes gæstebud »

Le festin de BabetteNous sommes à la fin du XIXe siècle, dans un petit hameau isolé de la côte danoise. La française Babette a fui Paris après la répression qui a suivi la Commune de 1871 et s’est réfugié ici. Elle est servante chez deux soeurs très pieuses, filles d’un défunt pasteur qui avait su unir la petite communauté. Quinze plus tard, grâce à une somme d’argent presque tombée du ciel, Babette va préparer pour le village un repas « à la française »… Le Festin de Babette fait partie de ces films totalement à part, uniques en leur genre, ceux que l’on n’oublie pas. L’histoire est inspirée d’une nouvelle de la danoise Karen Blixen (1). Elle est mise en scène avec beaucoup de retenue et de douceur, et aussi une certaine austérité à l’image de ses personnages qui sont tout à leur dévotion, à la recherche d’un certain ascétisme jusque dans leurs paroles. Les deux soeurs communiquent entre elles presque exclusivement par des regards. Cela n’empêche pas l’humour d’être présent, notamment dans toute la séquence du repas. L’ensemble fait penser à certains films de Dreyer (2). Au-delà du regard porté sur cette petite communauté qui semble hors du monde, Le Festin de Babette est un film sur la grâce, cette grâce indéfinissable mais aussi insaisissable : les deux voyageurs venus du monde extérieur ont bien perçu cette grâce mais, incapables de la saisir pour s’en emparer, ils en sont restés perturbés à jamais. Le Festin de Babette serait ainsi un film plutôt contemplatif : tout comme nous savourons des yeux ce repas unique, cette belle fable pose plus de questions (notamment sur le sens que nous donnons à notre vie) qu’elle ne donne de solutions. Le petit discours du général en fin de repas est représentatif de notre propre confusion : lui qui venait chercher des réponses va repartir encore plus troublé mais comme nourri (!) d’une dimension supplémentaire. L’interprétation est parfaite, sans éclat inutile. Oui, Le Festin de Babette fait bien partie de ces films à nul autre pareil. Il semble, lui aussi, avoir été touché par la grâce.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Stéphane Audran, Bodil Kjer, Birgitte Federspiel, Jarl Kulle, Jean-Philippe Lafont, Bibi Andersson
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(1) Karen Blixen (1885-1962) est également l’auteure de Out of Africa (porté à l’écran par Sidney Pollack) et de Une histoire immortelle (porté à l’écran par Orson Welles).
(2) Le visage de l’un des personnages, une femme du village, ressemble vraiment beaucoup à Mathilde Nielsen dans Le Maître du logis (1925) de Carl Dreyer (cliquer pour voir l’affiche). Il s’agit probablement d’un hommage.