13 août 2021

Tout simplement noir (2020) de John Wax & Jean-Pascal Zadi

Tout simplement noirJP, un acteur sans talent d’une quarantaine d’années, développe l’idée d’organiser une grande marche d’hommes noirs à Paris pour protester contre la sous-représentation des Noirs dans la société et dans les médias. Pour soutenir ce projet, il essaie de rencontrer des personnalités influentes de la communauté noire…
Tout simplement noir est une comédie française co-écrite, co-réalisée et co-interprétée par Jean-Pascal Zadi. Il prend la forme originale d’un faux documentaire. Nous voyons ce qui est censé être filmé. Nous suivons le personnage dans ses tentatives de convaincre des célébrités de soutenir son projet, ce sont principalement des humoristes mais aussi des acteurs, rappeurs et cinéastes qui jouent leur propre rôle. L’humour est constant, Jean-Pascal Zadi et John Wax ont su trouver un équilibre parfait pour se moquer des contradictions de chacun sans amoindrir le message de fond. Ils nous font découvrir que chaque individu a sa propre conception de l’identité noire, pouvant aller quelquefois jusqu’au communautarisme. Manier un tel niveau de sarcasme sur un sujet si sensible est délicat mais ils y sont parvenus.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Jean-Pascal Zadi, Caroline Anglade, Fary
Voir la fiche du film et la filmographie de John Wax & Jean-Pascal Zadi sur le site IMDB.

Remarques :
* Le titre Tout simplement noir est une référence au groupe de hip-hop du même nom de la fin des années 1980.
* La sortie du film prévue début 2020 a été repoussée à cause du confinement. Tout simplement noir est ainsi sorti en juillet 2020, quelques semaines après la mort de George Floyd qui a considérablement amplifié la portée du mouvement Black Lives Matter.

Tout simplement noirLucien Jean-Baptiste, Fabrice Eboué et Jean-Pascal Zadi dans Tout simplement noir de John Wax & Jean-Pascal Zadi.

3 juin 2014

Les Troubles d’Adalen (1969) de Bo Widerberg

Titre original : Ådalen 31

Ådalen 31En 1931, alors qu’une grève dure depuis plusieurs semaines dans une petite ville au nord de Stockholm, un adolescent s’initie à la vie et à l’amour. Mais, lorsque les patrons font venir des ouvriers de l’extérieur, les grévistes se mobilisent pour repousser les « jaunes ». L’armée est alors appelée en renfort… Les Troubles d’Adalen est un film écrit et réalisé par le suédois Bo Widerberg qui s’inspire de faits historiques : un carton à la fin du film nous apprend que c’est à la suite des évènements d’Adalen et de l’émoi qu’ils suscitèrent que les sociaux-démocrates purent prendre le pouvoir et ajoute que la Suède est depuis cette date gouvernée par les sociaux-démocrates (ce qui est toujours vrai aujourd’hui). Ådalen 31 est réalisé à une époque où le socialisme suédois est en difficulté et Widerberg semble vouloir en rappeler les fondements. Mais son film n’est pas seulement un film politique car il commence comme une chronique sociale presque champêtre où Kjell, le fils d’un des grévistes, tombe amoureux de la fille du directeur. L’approche de Widerberg est pleine de délicatesse, il utilise la fraicheur et l’innocence pour mettre en relief les différences de classe, évoque des questions assez profondes par petites touches comme cette scène où la femme du directeur montre à Kjell un livre de peinture et lui apprend à prononcer « Pierre-Auguste Renoir » : cette façon très touchante de montrer le désir de s’élever et les vertus de l’éducation et de la connaissance est assez remarquable. Le contexte de la grève n’est alors qu’à peine présent et ce n’est qu’aux deux-tiers du film que les « évènements » prennent leur place. Le déroulement est alors plus percutant mais, même dans cette partie, Widerberg est indéniablement plus influencé par la Nouvelle Vague que par Eisenstein. Il ne joue pas la carte du lyrisme et de l’héroïsme mais préfère mettre en valeur la volonté de bâtir sur de nouvelles bases.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Peter Schildt, Kerstin Tidelius, Roland Hedlund, Marie De Geer, Anita Björk
Voir la fiche du film et la filmographie de Bo Widerberg sur le site IMDB.

17 avril 2013

Les Nouveaux Messieurs (1929) de Jacques Feyder

Les nouveaux messieurs(Film muet) Une danseuse sans talent de l’Opéra se fait entretenir par un député qui la couvre de cadeaux. Elle fréquente également en secret un électricien de l’Opéra, qui est aussi responsable syndical. A la faveur d’un changement de gouvernement, ce dernier accède à un poste de ministre… Adaptation d’une pièce de Robert de Flers et Francis de Croisset, Les Nouveaux Messieurs est une comédie qui brocarde les moeurs politiques de son époque. Jacques Feyder ne ménage pas ses attaques contre la gauche : une fois parvenue au pouvoir, elle ne met pas en pratique ses idées (1) et le ministre préfère passer son temps avec sa maitresse plutôt qu’à recevoir ses administrés. Du fait d’une scène où un député imagine le Palais-Bourbon rempli de danseuses en tutu et aussi d’une courte bagarre, Les nouveaux messieursle film fut interdit plusieurs mois pour « atteinte à la dignité des parlementaires » (2). L’ensemble est sans doute un peu long (2 heures) et manque de rythme. En outre, Jacques Feyder abuse certainement des effets de surimpression. Les Nouveaux Messieurs reste une comédie plaisante et c’est un film assez étrange à regarder dans le climat actuel où la défiance envers la classe politique semble être plus forte que jamais.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Albert Préjean, Gaby Morlay, Henry Roussel
Voir la fiche du film et la filmographie de Jacques Feyder sur le site IMDB.

Voir les autres films de Jacques Feyder chroniqués sur ce blog…

Les nouveaux messieurs(1) L’historien Georges Sadoul rapporte, qu’à l’époque, l’extrême gauche fit bon accueil au film de Jacques Feyder car elle y voyait la preuve des trahisons qu’elle stigmatisait.

(2) Quand Les Nouveaux Messieurs sortit enfin sur les écrans français après quelques coupes assez minimes, Jacques Feyder n’était déjà plus en France. Il avait émigré à Hollywood où il commencera par tourner le très beau The Kiss, le dernier film muet de Greta Garbo.

30 juin 2012

La Mère (1926) de Vsevolod Poudovkine

Titre original : « Mat »

La mèreEn 1905, dans la Russie tsariste, une mère qui vient de perdre son mari est emplie de crainte de voir son fils prendre une part active dans le soulèvement qui se prépare. Le fils est arrêté…
Tout comme Le Cuirassé Potemkine, La mère est une commande du gouvernement soviétique pour célébrer le vingtième anniversaire de la révolution avortée de 1905. Si l’on peut trouver une certaine similitude dans le déroulement global du récit (soulèvement qui se termine par une répression sanglante), le cinéma de Poudovkine est très différent de celui d’Eisenstein. Elève de Koulechov, Poudovkine accorde une grande importance au montage qu’il considère comme un langage à part entière. Par un découpage rigoureux, il obtient un montage très riche où les rythmes varient, souvent rapides, frénétiques parfois, et aboutit à un final lyrique. Poudovkine détermine la durée de chaque plan dès l’écriture du scénario, allant jusqu’à utiliser des formules mathématiques. Autre différence majeure avec Eisenstein, il bâtit son récit autour de quelques personnages principaux (le spectateur peut ainsi s’identifier à un personnage) et utilise des acteurs professionnels pour atteindre une plus grande intensité. Sur le plan de l’histoire en elle-même, on retrouve bien entendu le thème récurrent de la prise de conscience politique face à la sauvagerie et à l’injustice ; mais le récit est épuré, réduit à l’essentiel et cette simplicité, couplée à la force des images générée par le montage, a donné à son film toute sa puissance et son impact auprès du public. La mère fut un très grand succès populaire.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Vera Baranovskaya, Nikolai Batalov, Aleksandr Chistyakov, Ivan Koval-Samborsky
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La mère

Remarques :
* Le scénario est librement adapté du roman de Maxime Gorki.

* « Alors qu’un film d’Eisenstein est un cri, les films de Poudovkine sont des chants modulés et prenants. » Cette citation célèbre de Léon Moussinac décrit parfaitement la différence entre les deux cinéastes. Léon Moussinac est un historien et critique du cinéma dont le premier livre sur le cinéma soviétique a paru en 1928.
Léon Moussinac a également écrit à propos de La mère :
« Les « types » de Poudovkine sont simples et complets parce qu’ils figurent non pas un « moment » de l’humanité mais la nature même de l’humanité, dans ce qu’elle a d’éternel et de fatal. Ces types sont aussi inoubliables parce qu’ils sont intimement et puissamment liés au thème général abordant les grands faits sociaux auxquels les hommes, avec ou contre leur gré, participent sans cesse. »

* La scène de la fonte des glaces sur le fleuve de La mère a été, sans aucun doute, inspirée de celle de Way down East de D.W. Griffith (1921). Poudovkine en fait une puissante métaphore du peuple en colère qui va se heurter aux troupes à cheval.

Autres adaptations du roman de Gorki :
La Mère (Mat) du soviétique Mark Donskoy (1956), adaptation plus fidèle au roman.
La Mère (Mat) du soviétique Gleb Panfilov (1993).