9 octobre 2014

La Vieille Dame indigne (1965) de René Allio

La vieille dame indigneA la mort de son mari, une octogénaire découvre les plaisirs simples de la vie au grand dam de ses enfants pour qui tout cela n’est que gaspillage…
La Vieille Dame indigne est adaptée d’une nouvelle de Bertold Brecht dont l’esprit est bien respecté. Cette vieille dame aura eu deux vies : une première longue et laborieuse, empreinte d’abnégation, et une seconde bien plus courte où elle a découvert avec émerveillement le monde qui l’entoure, l’amitié et les petits plaisirs. Le propos s’inscrit parfaitement en son temps, nous sommes là quelques années avant Mai 68, où flotte cette aspiration à mieux profiter de la vie et à l’émancipation des femmes. Le film doit une partie de son succès à son actrice principale. L’analogie entre le parcours de cette vieille dame et la carrière de l’actrice Sylvie n’a échappé à personne : à 82 ans, l’actrice accède enfin à un premier rôle après toute une vie à jouer des seconds rôles. Elle avait joué pour les plus grands, le plus souvent brillamment mais toujours dans l’ombre. Ce film la propulsera au rang de véritable star. La Vieille Dame indigne séduit par sa fraicheur et sa légèreté.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Sylvie, Victor Lanoux, Malka Ribowska, François Maistre, Etienne Bierry, Jean Bouise
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Remarques :
La Vieille Dame indigne est le premier grand film de Victor Lanoux.
* L’actrice Malka Ribowska, qui interprète la serveuse, nouvelle amie de la vieille dame, était alors l’épouse de René Allio.

La Vieille Dame indigneMalka Ribowska et Sylvie dans La Vieille Dame indigne de René Allio.

16 août 2014

Une femme sous influence (1974) de John Cassavetes

Titre original : « A Woman Under the Influence »

Une femme sous influenceNick (Peter Falk) et Mabel (Gena Rowlands) sont mariés, ils ont trois enfants. Mabel a quelquefois des réactions inattendues qui surprennent son entourage. Pour beaucoup, elle est un peu folle… Avec Une femme sous influence, Nick Cassavetes soulève la question de la place de la femme dans la société des années 70. Comme nous l’indique le titre (1), Mabel n’est pas tout à fait elle-même car elle est sous plusieurs influences qui la tirent dans plusieurs sens. Elle essaye pourtant de tout bien faire, d’être une bonne mère, une bonne épouse, être d’agréable compagnie, mais toutes ces tensions finissent par la perturber car elle est constamment sous la crainte de finir par faire quelque chose de mal. Son comportement étrange est alors une forme d’échappatoire. Elle a de plus la vague conviction que son couple se délite lentement et en ressent une forte culpabilité. De son entourage, Mabel ne reçoit que condescendance, ou pire, hostilité mais pas vraiment d’aide, même de la part de son mari (pourtant aimant, mais qui a parfois tendance à se défiler). On peut aussi dire que Cassavetes soulève également la question de la définition de la normalité mais, personnellement, je ne pense pas que ce soit son principal propos ici. John Cassavetes filme tout cela en longs plans-séquences, caméra à l’épaule, nous immergeant ainsi totalement, faisant tomber toutes les barrières entre le spectateur et cette famille « ordinaire », très moyenne a-t-on envie de dire. L’ensemble est sans doute un peu long (2h30) mais plusieurs scènes sont ainsi rendues très fortes.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Peter Falk, Gena Rowlands
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(1) En anglais, l’expression « under the influence » est souvent employé à propos de l’alcool : « To drive under the influence » signifie conduire sous l’emprise de l’alcool, on peut être aussi « under the influence of drugs » ou de quelque chose d’autre qui altère notre comportement. Dans le même ordre d’idée, Mabel a ici un comportement altéré (non pas par l’alcool, bien qu’il semble qu’elle ait l’habitude de boire parfois abondamment mais rien dans son attitude n’en montre les effets, mais plutôt par les tensions qui s’exercent sur elle).

4 juin 2014

Les Bonnes Femmes (1960) de Claude Chabrol

Les bonnes femmesQuatre jeunes femmes, vendeuses dans un magasin d’appareils électriques, cherchent l’amour et occupent leurs soirées en espérant que quelque chose se passe… Quatrième film de Claude Chabrol, Les bonnes femmes a été très mal accueilli à sa sortie, aussi bien par la critique que par le public. Aujourd’hui, quelque cinquante ans plus tard, le recul nous en donne une image très différente. Etant donné que Chabrol observe et décrit sans porter de jugement, son film a maintenant des vertus documentaires sur l’état d’esprit de cette époque ; une vision certes partielle mais intéressante. Paradoxalement, alors que nous avons aujourd’hui une idée plutôt joyeuse, presqu’idyllique des années soixante, il nous présente une vision très désenchantée : ces jeunes femmes recherchent essentiellement l’Amour mais leurs aspirations ne pourront être que déçues, elles ne trouveront que la mesquinerie ou même pire. La noirceur du propos culmine dans la scène finale qui semble montrer que tout cela sera sans fin. Même si la vitalité de Bernadette Lafont et de ses consoeurs apporte une certaine joyeuseté et écarte toute austérité, le fond n’en est pas moins très sombre. Le style, bien entendu très Nouvelle vague, donne l’impression d’images prises sur le vif.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Bernadette Lafont, Clotilde Joano, Stéphane Audran, Lucile Saint-Simon, Pierre Bertin, Claude Berri, Mario David
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12 décembre 2013

In Another Country (2012) de Hong Sang-soo

Titre original : « Da-reun na-ra-e-seo »

In Another CountryCoincée dans une station balnéaire coréenne presque vide hors-saison, une jeune femme écrit trois histoires mettant en scène le personnage d’une femme française qui vient seule y passer quelques jours… Ecrit et réalisé par Hong Sang-soo, tourné avec une équipe réduite dans une atmosphère presque intimiste, In Another Country est un film assez original, qui peut dérouter certes mais qui ne manque pas d’attrait. Sa simplicité (apparente) et la proximité avec les personnages le rendent assez séduisant. Sa construction le rend même assez remarquable car, dans ces trois variations, une femme bien différente (à chaque fois interprétée par Isabelle Huppert) rencontre les même personnes, se rend dans les mêmes lieux. En plus, Hong Sang-soo introduit quelques fausses pistes, de faux départs, variation dans les variations. Le point commun entre ces trois femmes est d’être un peu une âme flottante, en transition. Hong Sang-soo s’attache principalement à décrire les relations qui se nouent entre les personnes, dans un contexte éphémère. C’est en ce sens que la comparaison avec Rohmer a parfois été évoquée. In Another Country ne manque donc pas d’attrait.
Elle: 5 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Isabelle Huppert, Yu Jun-Sang, Yu-mi Jeong
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7 février 2013

Passion ardente (1967) de Yoshishige Yoshida

Titre original : « Jôen »
Autre titre français : « Passion obstinée »

Passion obstinéeOriko a un mari qui lui reproche sa froideur. Rien ne se passe entre eux. Oriko est en réalité hantée par le souvenir de sa mère qui a eu plusieurs amants avant de périr dans un accident… Le propos de Passion ardente est sans doute un peu difficile à cerner et il n’a pas toujours été bien interprété. En réalité, Yoshishige Yoshida nous met, une fois de plus, en présence d’une jeune femme mariée sans amour, à la recherche de son équilibre. Mais cette fois, ce ne sont pas les hommes qui l’empêchent de le trouver, les causes de sa fragilité se situent dans son enfance et dans sa relation (ou plutôt son absence de relation satisfaisante) avec sa mère. De plus, elle nourrit un fort sentiment de culpabilité, se sentant responsable de sa mort. Il faudra qu’Oriko marche sur les traces de sa mère et reproduise l’un de ses actes charnels pour qu’elle commence à se libérer de son emprise et qu’elle puisse envisager vivre sa propre vie. Passion ardente est plutôt moins fort que les autres films précédents de Yoshishige Yoshida, le réalisateur nous gratifiant certes de plans graphiquement très beaux mais qui semblent, cette fois, un peu plaqués. Il a fait un travail étonnant sur la bande sonore, nous surprenant souvent par des solutions audacieuses (une sirène en boucle pour illustrer l’émoi intérieur, le silence d’une scène filmée au travers d’une vitre, le décalage des dialogues, etc.) L’image, en noir et blanc, est très contrasté, plus encore qu’à l’habitude, ce qui donne une image plutôt dure. Ce film de Yoshishige Yoshida est toutefois loin d’être sans attrait.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Mariko Okada, Tadahiko Sugano, Shigako Shimegi, Isao Kimura
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Remarque :
Le titre Passion ardente ne facilite pas la compréhension du propos du film. La passion dont il est question est plus recherchée que présente, et si elle est « ardente », ce n’est que dans l’esprit d’Oriko. L’autre traduction, Passion obstinée, me semble mieux traduire les sentiments de cette femme car Oriko désire cette passion, c’est même devenu une obsession chez elle.

28 janvier 2013

Le Lac de la femme (1966) de Yoshishige Yoshida

Titre original : « Onna no mizûmi »
Autre titre français : « Le lac des femmes »

Le lac de la femmeMariée sans amour à un homme plus âgé qu’elle, Miyako a un amant. Elle se laisse prendre en photo par lui, nue sur un lit d’hôtel. Quelques jours plus tard, effrayée par un homme qui la suit, elle lâche son sac qui contenait les négatifs. L’homme les utilise pour la faire chanter… Adaptation d’un livre du romancier à succès Yasunari Kawabata, Le lac de la femme est centré, non pas sur une intrigue policière, mais sur son personnage principal, une jeune femme qui cherche tout simplement à s’épanouir. Elle ne trouve satisfaction ni dans son mariage, ni dans son aventure extraconjugale et, de façon plutôt paradoxale, c’est la confrontation avec un maître-chanteur qui va lui donner l’illusion de se libérer du carcan machiste de la société ; elle tente de retourner la situation et de reprendre l’initiative. Le film se déroule assez lentement, telle une errance de personnes qui se cherchent. L’image est très belle, d’un noir et blanc très contrasté avec un beau travail sur les blancs, filmant les corps de très près, avec toujours son utilisation si particulière du cadre large (laissant de grands espaces presque vierges). Mariko Okada est d’une grande beauté, Yoshida met superbement en valeur l’actrice qui est alors sa femme. Malgré quelques égarements (tout le passage avec l’équipe de tournage paraît bien superflu), Le lac de la femme porte en lui une vraie réflexion sur la place de la femme, une réflexion que Yoshida laisse totalement ouverte, refusant de donner une fin. Le film est également très beau graphiquement.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Mariko Okada, Shigeru Tsuyuguchi, Tamotsu Hayakawa, Keiko Natsu
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Remarque :
On peut penser que le « lac » du titre est symbolique du caractère profond (vaste, voire insondable) du caractère de la femme.

19 janvier 2013

Cinq Femmes autour d’Utamaro (1946) de Kenji Mizoguchi

Titre original : « Utamaro o meguru gonin no onna »

Cinq femmes autour d'UtamaroUn jeune élève de l’école de peinture traditionnelle Kano abandonne tout pour devenir le disciple d’Utamaro, graveur populaire qui sait mettre beaucoup de vie dans ses superbes portraits de femmes. Utamaro ne vit que pour son art et trouve ses modèles dans le « quartier des plaisirs » d’Edo… Kenji Mizoguchi réalise Cinq femmes autour d’Utamaro juste après la guerre. Après ces années d’horreurs et d’humiliation, il célèbre l’Art et la recherche de la beauté. La démarche du peintre Utamaro est parfaite pour illustrer cette quête d’absolu, le graveur étant totalement voué à son œuvre et sa recherche stylistique ; cette démarche entière ne pouvait que plaire à Mizoguchi qui s’est certainement identifié à son personnage. En outre, le réalisateur dresse le portrait des cinq femmes du titre et introduit l’amour comme étant un leurre puisqu’il ne mène qu’à la mort. Cinq femmes autour d’Utamaro fait partie, sans aucun doute, des plus beaux films sur l’Art.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Minosuke Bandô, Kinuyo Tanaka, Kôtarô Bandô, Hiroko Kawasaki
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Utamaro - Trois beautés de notre tempsRemarque :
Kitagawa Utamaro (1753-1806) est un peintre et graveur japonais dont les œuvres les plus connues sont ses représentations de femmes. Ses estampes sont très célèbres, y compris en Occident depuis le XIXe siècle. Il fut surnommé « le peintre des maisons vertes » (les maisons closes) pour ses très nombreuses estampes consacrées au Yoshiwara (quartier des plaisirs à Edo, aujourd’hui Tokyo). On peut voir plusieurs estampes d’Utamaro dans la collection de Claude Monet à Giverny (portraits de femmes et série sur les oiseaux).

5 juillet 2012

Copacabana (2010) de Marc Fitoussi

CopacabanaLa cinquantaine pimpante, Babou est une femme un peu fantasque qui ne se conforme à aucune norme. Lorsque sa fille refuse de l’inviter à son mariage parce qu’elle lui fait honte, elle décide de travailler pour regagner l’estime de sa fille… Marc Fitoussi nous dresse un portrait de cette femme plutôt inconséquente, en apparence extravertie voire tapageuse avec son maquillage souvent outrancier, qui révèle une personnalité assez complexe en dehors de tous stéréotypes. C’est un rôle assez délicat que ce soit à l’écriture ou à l’interprétation, car il serait facile de forcer le trait et de jouer la surenchère. Il est admirablement tenu par Isabelle Huppert qui montre toute la sensibilité du personnage avec une aisance et un naturel époustouflant (on peut se demander s’il y a un type de rôle qu’Isabelle Huppert ne pourrait tenir!) Face à elle, sa fille est interprétée par… sa fille dans la vraie vie, Lolita Chammah. Même si on peut lui reprocher un petit excès d’optimisme voire d’angélisme, Copacabana est un beau portrait d’une « originale », réalisé avec justesse et sensibilité.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Isabelle Huppert, Aure Atika, Lolita Chammah, Noémie Lvovsky, Luis Rego
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