18 octobre 2017

Greystoke, la légende de Tarzan (1984) de Hugh Hudson

Titre original : « Greystoke: The Legend of Tarzan, Lord of the Apes »

Greystoke, la légende de TarzanAu XIXe siècle, l’explorateur anglais Jack Clayton et son épouse, comte et comtesse de Greystoke, font naufrage au large de l’Afrique et tentent de survivre dans une jungle hostile, loin de toute civilisation. Quelques mois après la naissance de leur fils, ils meurent tous deux. Une guenon, qui vient de perdre son petit, recueille le tout jeune bébé… Les adaptations au cinéma du roman-mythe d’Edgar Rice Burroughs ne manquent pas, souvent nourries de nombreuses affabulations. Le Tarzan le plus célèbre au cinéma est incontestablement celui incarné par Johnny Weissmuller. Hugh Hudson nous propose de revenir plus près de l’esprit initial du roman et il y parvient brillamment, au moins dans toute sa partie africaine : il nous restitue bien à la fois les conditions de l’enfance en pleine jungle de « l’homme-singe » et la complexité du personnage une fois confronté à la civilisation. Christophe Lambert est totalement entré dans son personnage avec un élégant mélange de charme et d’animalité. Le film sera pour lui un tremplin. Greystoke est sans doute un peu plus conventionnel dans sa seconde partie mais l’ensemble reste remarquable, une adaptation fidèle et majestueuse du roman.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Ralph Richardson, Ian Holm, James Fox, Christopher Lambert, Andie MacDowell
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Remarques :
* Insatisfait des réécritures de Hugh Hudson, le scénariste Robert Towne utilisa le nom de son chien, P.H. Vazak, pour être crédité au générique. C’est la première fois qu’un chien se retrouva ainsi nominé à l’Oscar du meilleur scénario !
* Greystoke est situé au nord de l’Angleterre, non loin du sud de l’Ecosse. Le vaste et impressionnant château visible dans le film est en réalité Floors Castle qui, lui, est en Ecosse à Kelso.
* Ralph Richardson, qui interprète le patriarche de la famille, est décédé peu après la fin du tournage. Cet acteur anglais, l’un des plus grands de la scène anglaise, anobli en 1947, a tourné près de 85 films entre 1933 et 1983.
* Greystoke est le premier film d’Andie MacDowell.

Greystoke
Christophe Lambert dans Greystoke, la légende de Tarzan de Hugh Hudson.

24 août 2017

Alien, le 8ème passager (1979) de Ridley Scott

Titre original : « Alien »

Alien - Le 8ème passagerLe cargo spatial Nostromo se dirige vers la Terre avec une importante cargaison de minerai dans ses soutes. Les sept membres d’équipage sont prématurément réveillés par l’ordinateur qui vient de détecter un étrange signal provenant d’une planète… Plus proche du film d’horreur que de science-fiction, Alien a marqué ces deux genres ; son influence sur bon nombre de films ultérieurs est indéniable. La réussite du film doit beaucoup à l’alchimie parfaite de tous les éléments qui le composent. Ses décors tranchent avec les codes de l’époque grâce à la vision d’artistes comme Giger et des intérieurs du vaisseau au look industriel, parfois presque organiques. Le fait d’avoir donné le rôle principal à une femme est également novateur pour ce genre d’histoires. Si l’histoire reste simple, la mise en scène est parfaite ; on a parfois dit qu’il s’agissait d’une série B avec un budget premium. La tension est extrême, insupportable. Les couloirs sombres renforcent le fort sentiment de claustrophobie. Si Ridley Scott nous épargne la vision de la mort des victimes, la scène de l’ « accouchement » est de celles que l’on n’oublie pas.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Tom Skerritt, Sigourney Weaver, Veronica Cartwright, Harry Dean Stanton, John Hurt, Ian Holm, Yaphet Kotto
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Suites :
Aliens – Le retour (Aliens) de James Cameron (1986)
Alien 3 (Alien³) de David Fincher (1992)
Alien, la résurrection (Alien Resurrection) de Jean-Pierre Jeunet (1997)
Prequelles :
Prometheus de Ridley Scott (2012)
Alien: Covenant de Ridley Scott (2017)

Alien
Sigourney Weaver, Tom Skerritt et John Hurt dans Alien – Le 8ème passager de Ridley Scott.

Alien
L’intérieur du cargo spatial Nostromo dans Alien – Le 8ème passager de Ridley Scott.

Alien
Les décors sont parfois presque organiques. Sigourney Weaver et son chat dans Alien – Le 8ème passager de Ridley Scott.

Alien
L’équipage du Nostromo : Harry Dean Stanton, Ian Holm, John Hurt, Veronica Cartwright, Tom Skerritt, Sigourney Weaver et Yaphet Kotto dans Alien – Le 8ème passager de Ridley Scott (photo publicitaire).

5 novembre 2014

Une autre femme (1988) de Woody Allen

Titre original : « Another Woman »

Une autre femmeParvenue à la cinquantaine, Marion estime avoir une vie satisfaisante et bien remplie. Elle est mariée et brillante professeur de philosophie. Pour écrire son nouveau livre, elle loue un appartement situé juste à côté du cabinet d’un psychiatre dont elle entend les conversations par un défaut des conduites d’aération. Les confessions d’une cliente en particulier vont l’amener à réfléchir sur sa propre vie… Another Woman fait partie des films introspectifs de Woody Allen, pour simplifier on peut aussi dire « bergmanien ». C’est un très beau portrait d’une femme qui prend soudainement conscience du fait qu’elle s’est fixée des standards trop élevés, qu’elle a fait le vide autour d’elle, qu’elle n’engendre qu’une admiration respectueuse chez ses proches. Cette fois, Woody Allen rentre en profondeur dans le sujet sans utiliser l’artifice de l’humour qui est ici totalement absent. La construction est habile, mêlant rêves et souvenirs. Celle qui découvre en elle une autre femme, c’est Gena Rowlands, ici loin des rôles toujours énergiques de Cassavetes, qui exprime brillamment toutes les interrogations et la froideur de son personnage. L’actrice fait montre d’une grande sobriété et d’une indéniable dignité. Elle éclipse tous les autres acteurs et Woody Allen la filme superbement. Une autre femme est un très beau film.
Elle: 5 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Gena Rowlands, Mia Farrow, Ian Holm, Gene Hackman
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Remarques :
* Le directeur de la photographie n’est autre que Sven Nykvist, le chef opérateur préféré d’Ingmar Bergman. Woody Allen tournera trois autres films avec lui (New York Stories, Crimes et Délits et Celebrity).

* Mia Farrow était alors enceinte de leur fils Satchel. Elle a accouché pendant le tournage qu’elle a donc fini avec une prothèse ventrale pour être raccord.

* Le tournage de Another Woman a débuté alors que son film précédent, September, autre film introspectif, n’était pas encore sorti. Le fait que ces deux films n’aient pas rencontré le succès escompté a poussé Woody Allen à revenir ensuite sur le terrain de la comédie.

Une autre femme (1988) de Woody Allen
Woody Allen, Gena Rowlands et Gene Hackman sur le tournage de Une autre femme de Woody Allen (1988).

29 juillet 2013

Big Night (1996) de Campbell Scott et Stanley Tucci

Titre français (DVD) : « Big night – La Grande Nuit »

Big NightDans le New Jersey des années 50, deux frères italiens, immigrés de fraîche date, ont ouvert un restaurant. Malgré l’immense talent de cuisinier de l’ainé, la clientèle ne vient pas. Un ami restaurateur leur propose de faire venir Louis Prima et qu’ils lui préparent un repas grandiose… Big Night est un peu une histoire de famille : Stanley Tucci l’a écrit avec son cousin, Joseph Tropiano, et ils ont tous deux grandi dans une famille d’origine italienne où la cuisine tenait une grande place. La mère de Stanley Tucci a été food consultant sur le film, la recette du Timpano vient de la grand-mère (1). La seconde partie du film laisse une grande place à cette cuisine, sorte de Festin de Babette italiano-américain. Pour le reste, Big Night est un film plaisant, assez léger dans son regard sur l’esprit des immigrés italiens : l’ainé des deux frères garde un esprit très européen, vieille Europe même car très rigide sur ses principes, alors que le cadet a une approche plus pragmatique et commerciale, déjà conquis par le rêve américain. Cette vision reste donc assez conventionnelle. Les personnages secondaires sont peu approfondis. Mais Big Night est un film positif et chaleureux, il fut très bien reçu aux Etats-Unis.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Tony Shalhoub, Stanley Tucci, Minnie Driver, Isabella Rossellini, Liev Schreiber, Ian Holm
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(1) Le Timpano est un plat typique de la petite ville de Calabre (extrême sud de l’Italie) d’où la famille de Stanley Tucci est originaire. Il s’agit d’un très grand plat en croûte avec de multiples couches de pâtes, de viande, d’oeufs et de fromage (voir photos).

9 juin 2013

Brazil (1985) de Terry Gilliam

BrazilDans une société dominée par une administration oppressante, un jeune employé tente de s’évader de la grisaille de son quotidien par ses rêves où il vole au secours d’une jeune fille. Un jour, il l’aperçoit en chair et en os et cherche à la rencontrer… Brazil est un film hors-normes comme on en voit peu. Terry Gilliam a imaginé et brillamment mis en images un monde kafkaïen où l’administration a enflé de façon démesurée. Bien que le qualificatif ait souvent été donné au film, ce n’est en aucun cas un monde futuriste, il n’y a d’ailleurs aucun objet ou élément futuriste dans le film. En revanche, on peut dire que Brazil brasse les époques ce qui renforce son côté atemporel : que ce soit dans les objets, les décors ou les costumes, il y a un savant mélange des cinquante dernières années. Mention particulière doit être faite des conduits et tuyaux qui, figure allégorique de l’administration, ont enflés pour devenir aussi envahissant que sources de dysfonctionnement. Sam Lowry est un personnage sans ambition qui tente vainement de s’échapper de ce monde : dans ses rêves, la jeune femme représente l’espoir et le samouraï le système. Terry Gilliam ne cherche pas à adoucir son propos avec un happy end, Brazil est un film plutôt sombre. C’est aussi un film extrêmement riche, qu’il faut voir plusieurs fois ; Terry Gilliam donne libre cours à toute sa créativité. L’humour est très présent mais il peut apparaître très soudainement pour s’effacer aussitôt. Brazil est à classer parmi les 5 ou 10 films les plus créatifs de toute l’histoire du cinéma.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Jonathan Pryce, Robert De Niro, Katherine Helmond, Ian Holm, Bob Hoskins, Michael Palin, Kim Greist
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Remarques :
Brazil* A la sortie du film aux Etats-Unis, Terry Gilliam se heurta à Sid Sheinberg, alors à la tête des Studios Universal. Pour ce dernier, le film était trop long, trop compliqué et avait le défaut de mal se terminer. Il fit refaire un montage, une version de 94 minutes (au lieu de 142) désignée sous le nom « Love Conquers all ». Terry Gilliam fut toutefois habile en médiatisant l’affaire et, finalement, Sheinberg renoncera à sortir cette version courte en salles. Elle ne sera montrée qu’à la télévision. Cette version réduite est présente en bonus de l’édition en LaserDisc (coffret) et de certains DVD. Jack Mathews raconte cette bataille dans son livre « The Battle of Brazil » (Crown, 1987)

* Terry Gilliam a choisi le titre Brazil pour son film après avoir vu un homme seul sur une plage, par mauvais temps dans un environnement industriel et poussiéreux, qui écoutait cette chanson. C’était, à ses yeux, le symbole du fort besoin d’évasion de l’homme malgré l’adversité, son désir de rendre son environnement moins gris.

Brazil* A la sortie du film Les Aventures du baron de Munchausen, Terry Gilliam a parlé d’une « trilogie du rêve » formée par Time Bandits (1981), Brazil (1985) et Munchausen (1988). Il est vrai que les trois films utilisent le rêve comme moyen d’évasion et le personnage principal avance en âge. Terry Gilliam a toutefois déclaré par la suite que parler de trilogie était peut-être un peu prétentieux de sa part…

* Lors du premier rêve de Sam, au début du film, la chanson Brazil est interprétée par Kate Bush.

* La scène où Sam découvre le visage du samouraï qu’il vient de tuer et voit son propre visage peut être interprétée de deux manières :
1. Sam est lui-même un membre de l’administration qu’il combat.
2. Gilliam a lancé lors d’une interview qu’il s’agissait d’une simple boutade car « samouraï » en anglais est proche de « Sam or I » ou encore proche en écriture de « Sam-U-R-I » (= Sam, you are I ).

* La voiture conduite par Sam est une Messerschmitt KR 175 (automobile produite entre 1953 et 1964).

* Le scénario a été écrit par Terry Gilliam, Tom Stoppard et Charles McKeown.

* Avec son humour habituel, Terry Gilliam dit s’être inspiré du livre de George Orwell 1984 tout en précisant aussitôt qu’il n’a jamais lu le livre. Le réalisateur dit avoir pendant longtemps désigné son film sous le titre 1984 ½ (clin d’oeil au 8 ½ de Fellini) mais il peut s’agir d’une boutade car les premiers scripts se nomment The Ministry. D’ailleurs, il n’est pas si proche de l’univers de 1984 : Orwell a imaginé (en 1945) une société où une technologie évoluée était au service d’un pouvoir fasciste. Dans Brazil, la technologie n’est en rien évoluée, elle est poussive et la question du régime politique n’est pas directement abordée. C’est l’administration qui a enflé de façon démesurée et, avec elle, ses dysfonctionnements…


Versions principales :
– Version sortie en Europe de 142 mn
– Version sortie aux Etats-Unis de 132 mn
– Version TV « Love Conquers all » de 94 mn.

Regarder la version Love Conquers all  est intéressant car cela permet de mesurer comment le montage peut créer un film assez différent et également de voir le formatage du cinéma hollywoodien en pleine action. Globalement, cette version met au centre du film l’idylle entre Sam et Jill, supprime toutes les scènes de rêve sauf la première et la dernière (qui devient la fin réelle), simplifie beaucoup de choses, enlève tout ce qui est trop subtil. Sam devient un super-héros qui a vaincu l’administration et gagné le coeur de la belle… Happy end.