19 novembre 2022

The French Dispatch (2021) de Wes Anderson

The French DispatchUn journal américain du Kansas possède une antenne nommée The French Dispatch à Ennui-sur-Blasé, dans la France des années 1950-60. Son rédacteur en chef meurt subitement et, selon les souhaits exprimés dans son testament, la publication du journal sera suspendue après un dernier numéro d’adieu, dans lequel trois articles des éditions précédentes du journal sont republiés ainsi qu’une nécrologie…
The French Dispatch est un film américain écrit et réalisé par Wes Anderson. C’est le dixième long-métrage du réalisateur. Il nous baigne dans une France un peu fantasmée où le cinéaste multiplie les références au cinéma français. Il annonce la couleur dès le début du film avec une séquence où il reproduit presqu’à l’identique le si pittoresque escalier de Jacques Tati dans Mon Oncle. Le style de Wes Anderson est toujours aussi plaisant, coloré, ludique avec une grande liberté (et une bonne dose d’audace) dans la forme. Des trois grandes histoires qu’il nous conte, la première, Le chef-d’œuvre de béton avec Guillermo del Toro et Léa Seydoux, est la plus originale et la plus réussie. Après ce début enthousiasmant, les deux autres histoires déçoivent un peu, à la fois car elles sont moins fortes et aussi par leur interprétation plus fade. L’ensemble reste très plaisant.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Benicio Del Toro, Adrien Brody, Tilda Swinton, Léa Seydoux, Frances McDormand, Timothée Chalamet, Lyna Khoudri, Jeffrey Wright, Mathieu Amalric, Bill Murray, Owen Wilson
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Remarques :
* Pour Wes Anderson, The French Dispatch est un mélange de trois choses : « Un recueil d’histoires, ce que j’ai toujours eu envie de faire ; un film inspiré par le New Yorker et le genre de journalistes et d’auteurs qui ont fait la réputation du magazine ; et, puisque j’ai passé beaucoup de temps en France au fil des ans et que j’ai toujours voulu faire un film français, c’est aussi un film lié au cinéma français. » (Extrait du dossier de presse)
* Si la ville d’Ennui-sur-Blasé est bien entendu Paris, le tournage s’est déroulé à Angoulême.
* Le personnage de Rosenthaler, le peintre fou, trouve son inspiration dans le héros clochard de la comédie de Jean Renoir Boudu sauvé des eaux (1932), campé par Michel Simon.
* J.K.L. Berensen, campée par Tilda Swinton dans l’histoire « Le chef-d’œuvre de béton », est un personnage inspiré par la journaliste et conférencière Rosamond Bernier (1916-2016), fondatrice de la revue d’art L’Oeil.
* La seconde grande histoire s’inspire très librement de Mai 68 et notamment de l’appel à la liberté sexuelle lancé par Daniel Cohn-Bendit, alors étudiant à Nanterre.

The French DispatchTimothée Chalamet (en Daniel Cohn-Bendit) et Lyna Khoudri dans The French Dispatch de Wes Anderson.

27 janvier 2020

Cadavres exquis (1976) de Francesco Rosi

Titre original : « Cadaveri eccellenti »

Cadavres exquis (Cadaveri eccellenti)Dans différentes villes d’Italie, plusieurs magistrats sont assassinés. L’enquête est confiée à l’inspecteur Rogas. Il ne croit guère à la thèse émise par son supérieur qui affirme qu’il s’agit d’un déséquilibré. Il soupçonne d’abord la mafia mais, peu à peu, il va réaliser qu’il y a autre chose derrière tout cela…
Basé sur le roman Le Contexte de Leonardo Sciascia, Cadavres exquis fait partie de ces grands films politiques du cinéma italien, genre qui a vu son apogée dans les années 60 et 70. Contrairement aux films précédents de Francesco Rosi, le récit n’est pas lié à des faits réels ; le cinéaste fait une excursion dans la politique-fiction, ou plutôt, il nous transmet ses angoisses et ses craintes. Vu avec le recul, le film nous plonge dans l’Italie des « années de plomb » et en illustre parfaitement deux éléments caractéristiques : la « stratégie de la tension » (théorie qui explique les attentats comme des actes commis pour créer un climat de violence politique, dans le but de favoriser l’émergence d’un État autoritaire) et le penchant vers le « compromis historique » (alliance des deux rivaux, Démocratie chrétienne et Parti communiste). Rosi ne cherche pas à créer une forte tension dans le déroulement de son récit, il s’attache plus à l’ancrer dans le réel : il s’attarde ainsi pour accompagner ses personnages qui déambulent dans des lieux parfois chargés d’Histoire (comme en témoigne la scène d’ouverture, filmée dans les catacombes des Capucins à Palerme). Le prestigieux casting est international.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Lino Ventura, Fernando Rey, Max von Sydow, Charles Vanel, Alain Cuny, Marcel Bozzuffi
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Remarque :
* Dans son Dictionnaire du cinéma italien, Mathias Sabourdin souligne l’influence du film de complot à l’américaine (tout en rappelant que Rosi n’a jamais parlé de cette influence) et fait remarquer que Cadavres exquis présente des similitudes avec A cause d’un assassinat (The Parallax View, 1974) d’Alan Pakula.

Cadavres exquis (Cadaveri eccellenti)Lino Ventura et Fernando Rey dans Cadavres exquis (Cadaveri eccellenti) de Francesco Rosi.

10 octobre 2016

Main basse sur la ville (1963) de Francesco Rosi

Titre original : « Le mani sulla città »

Main basse sur la villeNaples. Un entrepreneur immobilier, qui est aussi conseiller municipal, convainc le maire et ses adjoints de lui octroyer la construction d’un important chantier d’extension de la ville en leur faisant gagner de l’argent sur le prix des terrains. Parallèlement, un immeuble s’écroule dans un autre chantier du même entrepreneur faisant plusieurs victimes. L’opposition de gauche au conseil municipal exige une commission d’enquête… Avec Main basse sur la ville, Francesco Rosi dénonce la corruption des hommes politiques face à l’argent et étale au grand jour les rouages du jeu politique, du moins d’un style de jeu politique, celui dont la seule finalité est de conserver le pouvoir. Tout est permis, la morale traditionnelle ne semble plus avoir cours, « la seule faute est de perdre » dit l’un deux. Francesco Rosi et son scénariste, le napolitain Rafaele La Capria, se sont plongés dans les archives de la ville et ont assisté au conseil municipal qui est ici reproduit avec un grand réalisme. Le film peut paraître proche d’un documentaire, impression accentuée par le fait que toute psychologie des personnages a été évacuée (ce qui le distingue du cinéma politique américain) et que presque tous les acteurs sont des non-professionnels. Sans aucun manichéisme, Rosi parvient à insuffler une intensité dramatique à sa démonstration qui n’a rien perdu de son efficacité et dont le propos est hélas toujours assez actuel. Main basse sur la ville est incontestablement l’un des films les plus marquants du cinéma politique italien.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Rod Steiger, Salvo Randone
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Remarques :
* Rosi a visiblement utilisé des images réelles pour certaines scènes. C’est ainsi que l’on remarque le nom d’Aldo Moro sur des panneaux électoraux.
* Un plan est étonnant, celui où l’entrepreneur affairiste demande à son contradicteur « est-ce si condamnable de faire du profit quand on améliore les conditions de vie des gens ? » (dans la scène où Nottola fait visiter un logement neuf au conseiller De Vita). Ce qui est étonnant, c’est que Rosi a filmé Rod Steiger disant cette phrase en regard caméra, comme pour interpeller le spectateur, traduisant là ses propres interrogations.

Main basse sur la ville
Rod Steiger dans Main basse sur la ville de Francesco Rosi.

26 novembre 2014

Lucky Luciano (1973) de Francesco Rosi

Lucky LucianoEn 1946, les Etats-Unis expulsent vers la Sicile le mafioso Lucky Luciano qui purgeait une longue peine de prison. La raison officielle de cette grâce inattendue est « pour services rendus ». S’installant à Naples, il va alors mettre sur pied un énorme trafic d’héroïne… Dix ans après sa mort, Francesco Rosi se livre à un grand travail d’investigation sur le rôle joué par le chef de Mafia Lucky Luciano. Il décortique patiemment les rapports entre les américains et la Mafia italienne qui va profiter de l’Après-guerre pour se renforcer. Francesco Rosi a une approche très formelle, évitant tout spectaculaire et toute surcharge émotionnelle. Il est sans doute parfois trop didactique. Son sujet est extrêmement vaste, avec de très nombreuses implications ; par moments, cette richesse peut hélas engendrer une certaine confusion mais finalement elle rend sa démonstration assez implacable. Le film comporte de belles scènes, puissantes. Gian Maria Volonté est magistral dans ce personnage d’une grande froideur. Même s’il est moins parfait que L’Affaire Mattei, tourné l’année précédente, Lucky Luciano figure parmi les grands films politiques de Francesco Rosi.
Elle: 3 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Gian Maria Volonté, Vincent Gardenia, Silverio Blasi, Charles Cioffi, Edmond O’Brien, Rod Steiger
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Remarque :
* Les raisons de la grâce de Lucky Luciano ne sont toujours pas connues avec certitude. L’une des hypothèses avancées serait l’intervention de la mafia pour préparer le débarquement en Sicile, les américains préférant éviter les contacts avec la Résistance sicilienne, infestée selon eux par les communistes.

Gian Maria Volonté dans Lucky Luciano (1973)