24 octobre 2017

Le soleil brille pour tout le monde (1953) de John Ford

Titre original : « The Sun Shines Bright »

Le Soleil brille pour tout le mondeDébut du XXe siècle. Dans une petite bourgade du Kentucky, le juge Priest prépare sa candidature à sa réélection qui s’annonce délicate : il est accusé d’être alcoolique et s’oppose à la justice expéditive envers les noirs… Plutôt qu’un remake de Judge Priest (1934), Le soleil brille pour tout le monde est plutôt une suite car il en reprend le personnage central (et quelques personnages secondaires) pour les placer dans des situations différentes. John Ford a déclaré dans une interview que c’était son film préféré, ce que l’on peut comprendre car, plus que tout autre, il exprime l’idéologie et les aspirations du réalisateur. Il y a beaucoup d’humanisme dans cette histoire, le juge Priest/John Ford prend la défense de ceux qui vivent dans l’opprobre (les noirs, les prostituées). Cet humanisme peut paraître idéaliste et même naïf : il suffit d’entonner Dixie pour réconcilier tout le monde (!) On peut en tous cas regretter qu’il repose sur une nostalgie des temps anciens, d’un ordre social quasi militaire (cf. le final), et si le juge prend la défense des noirs, ceux-ci restent « à leur place » : des serviteurs, à l’intelligence nettement limitée. Certes, mais cet humanisme doublé d’un espoir de réconciliation est toutefois bienvenu dans une époque où les accusations tombent (nous sommes alors en plein maccarthysme). Le film est remarquable dans sa construction car il n’y a pas moins de quatre histoires enchevêtrées. L’utilisation du son est tout autant remarquable. Contrairement à Judge Priest, Le soleil brille pour tout le monde sera un échec commercial.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Charles Winninger, Arleen Whelan, John Russell, Stepin Fetchit, Russell Simpson, Francis Ford, Slim Pickens
Voir la fiche du film et la filmographie de John Ford sur le site IMDB.

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Remarques :
* Le titre reprend les premières paroles de la chanson anti-esclavagiste My Old Kentucky Home composée par Stephen Forster en 1852.
* Herbert J. Yates, patron de Republic Pictures, a coupé environ dix minutes de la version commerciale américaine sans l’assentiment de John Ford, qui avait pourtant par contrat la décision finale sur le montage. Ces dix minutes sont réapparues depuis.
* John Ford enfreint la fameuse règle des 180° à deux reprises : lorsque Lucy Lee remarque le portrait et lors de la procession funèbre.

Le soleil brille pour tout le monde
Stepin Fetchit et Charles Winninger dans Le Soleil brille pour tout le monde de John Ford.

le soleil brille pour tout le monde
Charles Winninger et Russell Simpson dans Le Soleil brille pour tout le monde de John Ford.

Le soleil brille pour tout le monde
Slim Pickens et Francis Ford dans Le Soleil brille pour tout le monde de John Ford. C’est le dernier film du frère ainé de John Ford, il décèdera quelques mois plus tard.

10 octobre 2016

Main basse sur la ville (1963) de Francesco Rosi

Titre original : « Le mani sulla città »

Main basse sur la villeNaples. Un entrepreneur immobilier, qui est aussi conseiller municipal, convainc le maire et ses adjoints de lui octroyer la construction d’un important chantier d’extension de la ville en leur faisant gagner de l’argent sur le prix des terrains. Parallèlement, un immeuble s’écroule dans un autre chantier du même entrepreneur faisant plusieurs victimes. L’opposition de gauche au conseil municipal exige une commission d’enquête… Avec Main basse sur la ville, Francesco Rosi dénonce la corruption des hommes politiques face à l’argent et étale au grand jour les rouages du jeu politique, du moins d’un style de jeu politique, celui dont la seule finalité est de conserver le pouvoir. Tout est permis, la morale traditionnelle ne semble plus avoir cours, « la seule faute est de perdre » dit l’un deux. Francesco Rosi et son scénariste, le napolitain Rafaele La Capria, se sont plongés dans les archives de la ville et ont assisté au conseil municipal qui est ici reproduit avec un grand réalisme. Le film peut paraître proche d’un documentaire, impression accentuée par le fait que toute psychologie des personnages a été évacuée (ce qui le distingue du cinéma politique américain) et que presque tous les acteurs sont des non-professionnels. Sans aucun manichéisme, Rosi parvient à insuffler une intensité dramatique à sa démonstration qui n’a rien perdu de son efficacité et dont le propos est hélas toujours assez actuel. Main basse sur la ville est incontestablement l’un des films les plus marquants du cinéma politique italien.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Rod Steiger, Salvo Randone
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Remarques :
* Rosi a visiblement utilisé des images réelles pour certaines scènes. C’est ainsi que l’on remarque le nom d’Aldo Moro sur des panneaux électoraux.
* Un plan est étonnant, celui où l’entrepreneur affairiste demande à son contradicteur « est-ce si condamnable de faire du profit quand on améliore les conditions de vie des gens ? » (dans la scène où Nottola fait visiter un logement neuf au conseiller De Vita). Ce qui est étonnant, c’est que Rosi a filmé Rod Steiger disant cette phrase en regard caméra, comme pour interpeller le spectateur, traduisant là ses propres interrogations.

Main basse sur la ville
Rod Steiger dans Main basse sur la ville de Francesco Rosi.

2 mars 2015

Un crime dans la tête (1962) de John Frankenheimer

Titre original : « The Manchurian Candidate »

Un crime dans la têtePendant la Guerre de Corée, un petit groupe de soldats américains est capturé l’ennemi. Après être rentré au pays sous les honneurs, le major Marco est en proie à un malaise permanent alimenté par ses cauchemars récurrent : il se voit face à des militaires russes et chinois qui lui ont fait subir un lavage de cerveaux élaboré ce qui leur permet d’avoir sur lui un contrôle à distance… The Manchurian Candidate est adapté d’un roman de Richard Condon. C’est une histoire assez extravagante qu’il faut la replacer dans son contexte de 1962, c’est-à-dire en pleine Guerre Froide qui alimentait les fantasmes les plus fous. Mais on finit par y croire grâce aux talents de mise en scène de Frankenheimer : le montage est assez remarquable (la scène du cauchemar est franchement exceptionnelle dans son montage), les mouvements de caméra et les angles de prise de vue sont très travaillés. Le réalisateur utilise en outre des focales courtes pour accentuer l’impression de rêve (cauchemar) éveillé. Il instaure finalement un climat surréaliste et anxiogène qu’il appuie encore en introduisant le personnage d’Eugenie (Janet Leigh) dont on ne parvient pas à deviner les motivations. Côté acteurs, Sinatra est égal à lui-même, c’est-à-dire mauvais, mais Angela Lansbury et Laurence Harvey (la mère et le fils) font tous deux une prestation superbe.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Frank Sinatra, Laurence Harvey, Janet Leigh, Angela Lansbury, James Gregory
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Un crime dans la tête (1962) de John Frankenheimer
Malgré une différence d’âge de seulement trois années entre les deux acteurs, Angela Lansbury et Laurence Harvey sont mère et fils dans Un crime dans la tête (The Manchurian Candidate) de John Frankenheimer.

Remarques :
* The Manchurian Candidate est sorti sur les écrans un an avant l’assassinat du Président Kennedy (qui avait d’ailleurs donné son aval au film).
* La rumeur qui affirme que le film a été plus ou moins retiré de la circulation sous l’accusation d’avoir inspiré Lee Harvey Oswald serait totalement fausse.
* Dans la scène où il montre le jeu de cartes à son ami, Sinatra est franchement flou. Ce n’était pas un effet intentionnel mais accidentel. Frankenheimer a dû se résoudre à utiliser ce plan qui était celui où Sinatra était le meilleur (il était toujours très difficile de faire rejouer une scène à Sinatra).
* Remake :
Un crime dans la tête (The Manchurian Candidate) de Jonathan Demme (2004) avec Denzel Washington, Liev Schreiber et Meryl Streep.

8 novembre 2012

Patte de chat (1934) de Sam Taylor

Titre original : « The cat’s paw »

Patte de chatFils de missionnaire et élevé en Chine loin de toute civilisation occidentale, le jeune Ezekiel Cobb se rend aux Etats-Unis pour trouver une mère à ses futurs enfants. D’une grande naïveté, il se voit proposé d’être candidat à la mairie par le maire actuel ; en réalité, de mèche avec la pègre, celui-ci cherche à avoir un opposant facile à battre. Mais contre toute attente, le jeune Ezekiel gagne l’élection… The Cat’s Paw est un film assez à part dans la filmographie d’Harold Lloyd, un véritable tournant : Patte de chat alors qu’il avait pour habitude de concevoir ses films comme une succession de gags, majoritairement visuels, il décide (1) de traiter cette histoire qui fustige la corruption des politiques comme un vrai film parlant avec un récit. Cela reste une comédie mais le propos est plus sérieux. C’est assez réussi, Harold Lloyd est parfaitement crédible dans ce rôle de grand naïf. Il y a de belles scènes très amusantes et la fin est originale et forte, tout en étant comique. The Cat’s Paw peut être rapproché de certaines comédies de Frank Capra à connotation sociale ou politique, telle Meet John Doe.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Harold Lloyd, Una Merkel, George Barbier, Nat Pendleton
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Remarque :
L’histoire originale, écrite par Clarence Budington Kelland, est parue dans le Saturday Evening Post en août et septembre 1933. Harold Lloyd en a acheté les droits avant même que l’histoire ne soit entièrement publiée.

(1) Harold Lloyd raconte qu’après avoir acheté l’histoire, Sam Taylor et lui se sont demandés s’ils devaient la traiter de la manière habituelle (gags) ou opter pour une nouvelle façon dictée par le parlant (récit). N’arrivant pas à choisir, ils auraient tiré au sort avec deux bouts de papier dans un chapeau.

19 juillet 2012

L’enjeu (1948) de Frank Capra

Titre original : « State of the Union »

L'enjeuFroide et calculatrice, l’héritière d’un groupe de presse s’allie avec un sénateur républicain pour faire élire un candidat à l’élection présidentielle. Celui-ci, intègre et aux idéaux nobles, est d’abord réticent mais se laisse convaincre… Sous couvert de comédie, L’enjeu est une critique assez profonde du monde politique, de ses manœuvres et tractations. Le film fait penser à Mr Smith goes to Washington et à Meet John Doe, que Frank Capra a signés quelques années plus tôt, mais le propos est ici plus pessimiste car l’homme politique en question n’est pas un rêveur un peu naïf mais un homme de grande conviction et un orateur talentueux. Le constat est sans appel : impossible de ne pas se laisser corrompre par les politiciens combinards et de conserver un certain idéal politique. Le tandem Spencer Tracy / Katharine Hepburn fonctionne une fois de plus à merveille avec des dialogues assez relevés et des personnages qui ne sont pas exagérément typés. On peut se demander si le propos n’est pas toujours aussi actuel quelque soixante années plus tard.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Spencer Tracy, Katharine Hepburn, Van Johnson, Angela Lansbury, Adolphe Menjou, Lewis Stone
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Remarques :
* Au moment où le film a été tourné, Harry Truman (démocrate) était presque au terme de son mandat et sa réélection paraissait totalement improbable. Pour cette raison, le choix d’un candidat républicain était alors d’une actualité criante. (Truman fut toutefois réélu en novembre 1948).

* Le film est adapté de la pièce State of the Union qui fut un succès à Broadway entre 1945 et 1947, écrite par Howard Lindsay et Russel Crouse. La critique du monde politique était semble t-il moins acerbe dans la pièce.

* Le personnage central de L’enjeu (joué par Spencer Tracy) peut paraître quelque peu inspiré de l’homme politique américain Wendell Willkie. Ce grand patron a d’abord soutenu activement le parti démocrate dans les années trente avant de rejoindre le parti républicain par opposition au New Deal de Roosevelt. Il est alors choisi pour être le candidat républicain à l’élection présidentielle de 1940. Battu par Roosevelt, il tentera de se présenter à nouveau en 1944. Ses positions libérales et progressistes surprenaient au sein d’un parti de plus en plus conservateur.

* La vie est belle (1946) et L’enjeu (1948) furent les deux seuls films produits par la Liberty Films, société indépendante formée par Frank Capra, William Wyler, George Stevens et Samuel Briskin.

18 juin 2012

Potiche (2010) de François Ozon

PoticheNous sommes dans les années soixante dix. Suzanne est femme au foyer. Elle vit dans l’ombre de son mari qui dirige (fort mal) l’usine dont elle a héritée. Cinquantenaire, elle a l’impression de n’être qu’une potiche. Une grève à l’usine va lui donner l’occasion de se distinguer…
François Ozon met en scène une comédie légère sur fond de libération sociale de la femme. Le jeu légèrement forcé des acteurs, les personnages très typés, les couleurs criardes, l’utilisation d’une musique mièvre, tout cela donne un style de roman-photo à l’ensemble. C’est certainement une démarche volontaire. Il y a de bons moments d’humour, avec quelques dialogues fameux, mais l’ensemble est tout de même un peu terne et vain. Pour les amateurs d’humour kitsch…
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Catherine Deneuve, Gérard Depardieu, Fabrice Luchini, Karin Viard, Judith Godrèche, Jérémie Renier, Bruno Lochet
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Remarque :
Le film est adapté d’une pièce homonyme de Barillet et Grédy (Pierre Barillet et Jean-Pierre Grédy).