31 octobre 2011

Permission jusqu’à l’aube (1955) de John Ford et Mervyn LeRoy

Titre original : « Mister Roberts »

Permission jusqu'à l'aubeSur un bâtiment de la marine américaine dédié au ravitaillement dans le Pacifique, le lieutenant Roberts, second du navire, se morfond de ne pas participer aux combats. Le capitaine, peu aimé de son équipage, fait en sorte que ses demandes de mutation soient refusées… Mister Roberts (Permission jusqu’à l’aube) était tout d’abord une pièce à succès à Broadway de la fin des années quarante. Henri Fonda reprend le rôle qu’il interprétait sur les planches bien qu’il avoue lui-même être un peu âgé pour son personnage (1). La direction est confiée à John Ford, afin d’assurer le succès. John Ford fait réécrire le scénario au grand dam de Fonda et rapidement les deux hommes s’opposent : le réalisateur frappe Henri Fonda qui se retrouve à terre ! Le tournage se poursuit néanmoins mais, suite à des problèmes de santé et d’excès d’alcool, John Ford doit arrêter. Mervyn LeRoy est appelé à la rescousse et (re-)tourne l’essentiel du film en revenant au plus près du scénario de la pièce. Mister Roberts est une comédie qui met en avant deux notions (qui devaient plaire à John Ford) : l’héroïsme ordinaire et le fait qu’un bon officier sait se faire aimer par ses hommes. Il y a quelques bonnes scènes, très amusantes, comme celle où Fonda/Powell/Lemmon concoctent un ersatz de whisky mais l’ensemble n’est pas aussi brillant hélas. Jack Lemmon se fera remarquer ici dans l’un de ses premiers films, William Powell est en revanche dans son dernier. Le film connut un grand succès.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Henry Fonda, James Cagney, William Powell, Jack Lemmon
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Remarques :
Joshua Logan, qui avait mis en scène la pièce à Broadway , a également tourné deux scènes.

(1) C’est John Ford qui a imposé Henri Fonda aux producteurs qui préféraient avoir Marlon Brando.

18 septembre 2011

La charge victorieuse (1951) de John Huston

Titre original : « The red badge of courage »

La charge victorieusePendant la Guerre de Sécession, un jeune soldat fuit son premier champ de bataille. Après une errance dans les bois, il rejoint sa compagnie. Quand il faudra repartir à l’attaque, il trouvera le courage de combattre… La charge victorieuse est l’adaptation d’un roman de Stephen Crane, jeune auteur très talentueux (1). Il ne faut surtout pas se limiter à une lecture militariste (ou même antimilitariste), le propos est plus de montrer la réalité psychologique d’un champ de bataille et les mécanismes de la peur. Le film eut une histoire mouvementée. Dès l’écriture du scénario, le film fut l’objet de vives tensions à la tête de la MGM (2). A la fin du tournage, John Huston s’est détaché du film pour aller préparer le tournage d’African Queen. Dépité par les réactions de rejet des publics-test, il laissa ses producteurs faire de larges coupes et ajouter une voix off. Au final, le film fut en bonne partie défiguré et ne durait plus que 69 minutes, une durée trop courte pour une bonne exploitation commerciale (3). Ce n’est qu’avec le temps que La charge victorieuse fut reconnu comme un film d’importance. Bien qu’il paraisse assez décousu, le film brille par la profondeur de son étude psychologique par son réalisme, les scènes de bataille font penser à Griffith (4). L’image est assez belle, avec des côtés bucoliques qui tranchent avec la dureté des combats. Assez paradoxalement, John Huston avait choisi comme interprète principal, Audie Murphy, l’homme qui était connu pour être le soldat le plus décoré de la Seconde Guerre mondiale.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Audie Murphy, Bill Mauldin, Douglas Dick, Royal Dano
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Remarques :
(1) Stephen Crane est né juste après la Guerre de Sécession et n’avait pas l’expérience directe d’un champ de bataille. Néanmoins, son livre a été jugé très réaliste. Il s’est appuyé sur des interviews et des récits de vétérans.
(2) Louis B. Mayer était opposé à l’idée d’adapter le roman de Stephen Crane, persuadé que ce serait un échec commercial. Dore Schary, alors vice-président chargé de la production, était au contraire partisan de tourner le film. Il alla trouver Nicholas Schenck (président de Loew’s Inc.), homme discret qui avait tous les pouvoirs, et obtint son soutien. Le film fut donc mis en chantier. Mis ainsi sur la touche, Louis B. Mayer en profita pour quitter le studio et prendre sa retraite.
(3) Toute l’histoire de la production de ce film a été l’objet d’un livre de la journaliste du New Yorker Lillian Ross : « Picture : A story about Hollywood ». La version complète du film, tel que Huston le voyait, est hélas perdue. Cette version aurait probablement montré un grand film.
(4) Les scènes de bataille furent d’ailleurs tournées à San Fernado Valley, près d’Hollywood, là où D.W. Griffith avait filmé les batailles de Naissance d’une Nation. Le film de John Huston fait également penser à certains courts-métrages de Griffith.

15 septembre 2011

Les aventures du capitaine Wyatt (1951) de Raoul Walsh

Titre original : « Distant Drums »

Les aventures du capitaine WyattPendant la guerre contre les indiens Séminoles en Floride en 1840, une petite troupe de soldats menée par le capitaine Wyatt est envoyée détruire un fort contrôlé par les indiens. Après avoir réussi, ils sont poursuivis par un groupe de Séminoles dans les marais tropicaux des Everglades… Raoul Walsh utilise une trame très proche de son film Aventures en Birmanie (Objective, Burma !), grand classique qu’il a tourné six ans plus tôt. Le thème de la troupe de soldats poursuivie en terrain hostile par un ennemi est donc transposé d’Asie en Floride. Certes, l’histoire en elle-même est plutôt sans originalité mais Raoul Walsh utilise merveilleusement le décor des Everglades ; il réalise aussi de belles scènes nocturnes lors de l’attaque du fort espagnol et même une belle scène sous-marine. Son héros, interprété avec laconisme par Gary Cooper, est intéressant, personnage assez complexe qui est à la fois en marge de l’armée tout en y étant intégré. Les aventures du capitaine Wyatt est un film assez épuré et droit, sans fioritures ni égarement, très beau à l’oeil.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Gary Cooper, Mari Aldon, Richard Webb, Arthur Hunnicutt
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Remarque :
Séminoles est un terme désignant plusieurs tribus indiennes vivant en Floride au XIXe siècle. Après le rachat par les Etats-Unis de la Floride aux espagnols, un traité fut signé avec les indiens leur attribuant une réserve au centre de l’Etat. Peu après, en 1830, le président Andrew Jackson vit voter l’Indian Removal Act, une loi qui prévoyait de déporter tous les indiens à l’ouest du Mississippi. Les Séminoles refusèrent et ce fut le début d’une guerre de type guérilla qui dura 7 ans, la Guerre de Floride (ou Seconde Guerre séminole). Au terme de ce conflit, les indiens obtinrent un nouveau territoire au sud de l’Etat, droit qui leur sera contesté quelque dix ans plus tard. Ce sera la Troisième Guerre séminole qui aura pour résultat la déportation de la majorité des indiens Séminoles plus de  1 000 kms à l’ouest.

24 juillet 2011

The African Queen (1951) de John Huston

Titre français : « La reine africaine »
Autre titre français : « L’odyssée de l’African Queen »

La reine africaineAfrican Queen est le film le plus célèbre de John Huston et d’Humphrey Bogart, ce n’est pas vraiment le meilleur mais il a au moins le mérite d’être très particulier. Pendant la Première Guerre mondiale, en Afrique, une missionnaire anglaise et un aventurier canadien descendent une rivière dans un vieux rafiot pour aller attaquer un navire allemand… Que l’histoire soit passablement improbable n’est pas très important, ce huis clos à ciel ouvert en pleine Afrique fait partie de ces films totalement à part qui forment presque une classe à eux seuls. On ne peut parler ici d’exotisme de pacotille car African Queen a été tourné en majorité sur place, au Congo, dans des conditions épouvantables pour l’équipe ; d’ailleurs, dans ce face-à-face, il y a bien un troisième personnage : la nature, omniprésente, active même, que Huston parvient parfaitement à mettre en scène et qui profite du beau Technicolor de Jack Cardiff. Katharine Hepburn et Humphrey Bogart font tous deux une belle prestation même s’ils paraissent parfois sceptiques face à leur personnage. Production indépendante réalisée en Angleterre, hors des Etats-Unis alors en plein maccarthisme, African Queen rencontra un très grand succès. Par son équilibre entre aventures, romance inattendue et même comédie, il reste toujours aussi attrayant aujourd’hui.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Humphrey Bogart, Katharine Hepburn
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Remarques :
* Le tournage a été mouvementé : attaques de moustiques, fourmis géantes et autres animaux, maladie touchant toute l’équipe, bateau coulé, etc. Huston et Hepburn semblait se plaire en Afrique ce qui rendait Humphrey Bogart fou car lui n’avait qu’une idée : en finir au plus vite. Lauren Bacall l’avait heureusement accompagné.
* Seuls Huston et Bogart échappèrent à la maladie, « sans doute parce que nous buvions plus de scotch que d’eau » précise Huston dans ses mémoires.
* Grand amateur de chasse, John Huston se levait très tôt pour aller chasser le gros gibier avant de tourner. C’est l’objet du film de Clint Eastwood Chasseur blanc, coeur noir (White Hunter Black Heart, 1990) adapté du livre homonyme de Peter Viertel écrit en 1953.
* Lauren Bacall raconte comment elle était étonnée de voir Katharine Hepburn profiter des moments où elle ne tournait pas pour aller visiter la région alors que chaleur et moustiques n’incitaient guère à un comportement si volontaire.
* En 1987, Katharine Hepburn a écrit un livre sur le tournage : « The Making of The African Queen: Or How I Went to Africa With Bogart, Bacall and Huston and Almost Lost My Mind » (Le tournage d’African Queen, comment je suis allé en Afrique avec Bogart, Baccall et Huston et faillis en perdre la raison) .

21 juillet 2011

L’armée des ombres (1969) de Jean-Pierre Melville

L'armée des ombresLui :
Jean-Pierre Melville rend hommage à la Résistance en puisant dans ses souvenirs personnels et dans un livre de Joseph Kessel écrit en 1943. L’armée des ombres n’est pas un film spectaculaire qui montre de glorieux faits d’armes… non, Melville nous fait vivre quelques fragments du parcours d’un grand coordinateur de la Résistance. Il montre l’effacement de l’individu devant la tâche qu’il doit accomplir et le dilemme de sa position : alors qu’il agit pour le collectif, il doit se couper du monde et prendre des décisions sans gloire mais qui doivent être prises. Jean-Pierre Melville (et cela lui a été reproché) transpose certains codes du film policier ce qui ajoute beaucoup de force à son récit. Le film est assez long, mais sans longueur, avec une grande économie de paroles qui accentue le sentiment de solitude. La distribution est parfaite, Lino Ventura a ici l’un de ses rôles les plus forts. A ses côtés, Simone Signoret est l’actrice idéale pour interpréter ce rôle inspiré de Lucie Aubrac. Tous les seconds rôles sont très justes. Sobre et grave, L’armée des ombres est un film d’une grande puissance.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Lino Ventura, Simone Signoret, Paul Meurisse, Jean-Pierre Cassel, Claude Mann, Paul Crauchet, Christian Barbier
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Remarques :
* Jean-Pierre Grumbach avait pris comme nom Melville dans la Résistance. Il a gardé ce nom après la Libération dans le monde du cinéma, pour s’appeler Jean-Pierre Melville.
* On ne peut être qu’admiratif face au premier plan du film : un plan fixe de la Place de l’Etoile avec un défilé militaire allemand qui entre dans le champ pour se diriger inexorablement vers nous ; il semble venir nous écraser. En un seul plan, c’est toute l’Occupation qui est symbolisée. Jean-Pierre Melville a déclaré par la suite que c’était l’un des plans dont il était le plus fier de toute sa carrière.

4 juillet 2011

Green zone (2010) de Paul Greengrass

Green ZoneLui :
Au lendemain de l’intervention américaine en Irak, un officier a pour mission d’aller inspecter les sites censés cacher des armes de destruction massive. Intrigué de ne jamais rien trouver, il doute de la validité des informations fournies. Outrepassant les ordres de sa hiérarchie, il mène sa propre enquête… Green Zone est adapté du livre d’un journaliste envoyé spécial sur le terrain à cette époque. Il n’est donc pas étonnant que le film de Paul Greengrass dresse un portrait qui semble assez authentique de la confusion qui a suivi l’intervention militaire à Bagdad. Même si les faits sont largement connus aujourd’hui, le film a le mérite de montrer du doigt la manipulation des informations faite par les américains pour justifier la guerre. La fin est plutôt idyllique toutefois, très américaine. Green Zone est à la fois un thriller et un film de guerre que Paul Greengrass mène à un rythme d’enfer avec, comme toujours chez ce cinéaste anglais, un usage immodéré de la caméra à l’épaule.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Matt Damon, Amy Ryan, Greg Kinnear, Brendan Gleeson, Khalid Abdalla
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Remarques :
* Le livre « Dans la zone verte : les américains à Bagdad » (« Imperial life in the Emerald city: Inside Iraq’s green zone ») est signé par Rajiv Chandrasekaran, journaliste américain d’origine indienne. Il a été l’envoyé spécial à Bagdad pour son journal le Washington Post en 2003 et 2004.
* La  Green zone (zone verte) correspondait à une zone sécurisée par l’armée américaine au centre de Bagdad. Le reste de la ville était désignée par le terme de Red zone (zone rouge).

16 février 2007

La grande parade (1925) de King Vidor

Titre original : « The big parade »

La grande paradeLui :
(Film muet) Lassé de tourner des films ayant une durée de vie éphémère, King Vidor était désireux de réaliser un grand film sur la guerre, un film qui mette en scène un jeune américain ordinaire se retrouvant pris dans un engrenage qui le dépasse et sur lequel il n’a pas de prise. Il bénéficia de moyens importants pour réaliser son projet et certaines scènes sont assez marquantes, comme cette colonne de camions militaires sur une ligne droite à perte de vue, la scène des adieux avec Mélisande qui s’accroche au camion qui emporte son bien-aimé et bien entendu les scènes de batailles qui font preuve d’un réalisme saisissant, surtout pour l’époque. Si le film est presque en deux volets (et il ne faut pas oublier qu’à cette époque les films longs étaient coupés par un entracte), l’amour puis la guerre, c’est le rapprochement des deux qui en fait un grand film profondément humaniste. La grande parade fut un énorme succès, hissant ses deux acteurs principaux au rang de stars.
Note : 4 étoiles

Acteurs: John Gilbert, Renée Adorée
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