1 décembre 2018

Forfaiture (1937) de Marcel L’Herbier

ForfaitureDenise Moret arrive en Mongolie pour rejoindre son mari, ingénieur en chef sur un chantier de construction d’une route. Un soir, elle perd une grosse somme d’argent au jeu et, pour éviter d’en parler à son mari très accaparé par son travail, elle va demander de l’aide au prince Lee-Lang, homme puissant de la région…
Forfaiture de Marcel L’Herbier est le remake du film homonyme (titre original : The Cheat) de Cecil B. DeMille. Le réalisateur français connaissait « par cœur » ce merveilleux film muet américain datant de 1915 qui lui a fait découvrir le cinéma. Hélas, sa version a perdu toute la magie, l’ambiguïté et la sensualité de l’original et il ne reste qu’une histoire rocambolesque et improbable. Le plus étonnant dans tout cela est de voir Sessue Hayakawa reprendre son rôle de séducteur asiatique vingt ans plus tard. Il faut aussi saluer la performance de Louis Jouvet dans un personnage particulièrement cynique. En revanche, Victor Francen semble sur-jouer en permanence et Lise Delamare ne montre pas une grande présence à l’écran. Forfaiture de Marcel L’Herbier paraît hélas bien fade en comparaison de son modèle.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Victor Francen, Sessue Hayakawa, Louis Jouvet, Lise Delamare, Sylvia Bataille
Voir la fiche du film et la filmographie de Marcel L’Herbier sur le site IMDB.

Voir les autres films de Marcel L’Herbier chroniqués sur ce blog…

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Remarques :
* Forfaiture est l’un des rares remakes français de film américain (l’inverse est plus courant).
* Le tripot/salle de jeu s’appelle Le Lotus Bleu… Est-ce un clin d’œil à la bande dessinée Tintin ? (L’album de Tintin du même nom a été publié pour la première fois en 1934-1935, en noir et blanc, dans les pages du journal Le Vingtième Siècle.)

Forfaiture
Victor Francen et Lise Delamare dans Forfaiture de Marcel L’Herbier.

Forfaiture
Louis Jouvet et Sessue Hayakawa dans Forfaiture de Marcel L’Herbier.

22 février 2015

Le convoi de la peur (1977) de William Friedkin

Titre original : « Sorcerer »
Autre titre (Europe) : « The Wages of Fear »

Le convoi de la peurUn tueur à gages, un terroriste arabe, un banquier parisien fraudeur et un truand new-yorkais qui a eu la mauvaise idée de voler la pègre, ces quatre personnes qui ont de bonnes raisons pour chercher à se faire oublier ont échoué dans une bourgade perdue au beau milieu de la jungle d’Amérique du Sud et ne peuvent plus en repartir. On leur propose une dangereuse mission : transporter quelques caisses de nitroglycérine à travers la jungle… Après les deux énormes succès commerciaux que sont French Connection et L’Exorciste, William Friedkin se lance dans le remake du Salaire de la Peur de H.-G. Clouzot. Le budget est bien évidemment confortable. Friedkin adopte un déroulement proche de l’original puisque l’on retrouve un long prologue et le même nombre d’obstacles sur le chemin. La tension n’est toutefois pas la même et tout semble tomber à plat. L’erreur principale est certainement d’avoir choisi quatre personnages principaux assez abjects pour lesquels il est bien difficile d’éprouver la moindre empathie. Friedkin ne le cherchait visiblement pas d’ailleurs puisque les paroles prononcées par chacun pourraient tenir sur une seule feuille de scénario. Le moment de bravoure du film est la traversée d’un pont branlant, scène particulièrement impressionnante.
Elle: 2 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Roy Scheider, Bruno Cremer, Francisco Rabal, Amidou
Voir la fiche du film et la filmographie de William Friedkin sur le site IMDB.

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le Convoi de la peur

Remarques :
* La musique est de Tangerine Dream.
* Le titre original (Sorcerer = sorcier ou magicien) paraît bien étrange… William Friedkin a déclaré qu’il faisait référence au pouvoir maléfique du destin. On peut sans doute aussi le rapprocher de la brève incursion dans le fantastique vers la fin du périple.
* La scène du pont a été très délicate. Tout d’abord, le pont avec tous ses mécanismes a coûté 1 million de dollars à construire en République Dominicaine et, une fois fini, la rivière s’est soudainement asséchée pour la première fois de son histoire. Il a fallu le démonter et le reconstruire ailleurs (= 1 autre million dépensé) sur une rivière au Mexique dont le débit s’est mis, lui aussi, à diminuer dangereusement ! Il a fallu rajouter de l’eau et surtout du vent. Malgré toutes les mesures de sécurité prises, le camion s’est retrouvé dans la rivière à cinq reprises. La scène a nécessité trois mois de tournage et a absorbé à elle seule un sixième du budget du film.

3 juin 2012

Le pont de la rivière Kwai (1957) de David Lean

Titre original : « The bridge on the river Kwai »

Le pont de la rivière KwaiEn 1943, en pleine jungle birmane, un régiment anglais prisonnier des japonais est affecté à la construction d’un pont. Le Colonel anglais s’oppose au commandant japonais du camp de prisonnier car ce dernier veut faire travailler tous les prisonniers, y compris les officiers… Adapté d’un roman de Pierre Boulle (également l’auteur de La Planète des Singes), Le pont de la rivière Kwai est la première des cinq superproductions de David Lean. Le budget alloué par Sam Spiegel fut important, l’image en technicolor est particulièrement soignée. David Lean parvient à insuffler toute une palette de sentiments et même une certaine sensibilité. Le fond du propos est de montrer comment la guerre exacerbe les situations absurdes, ici générée par le comportement archaïque de deux officiers, l’un japonais, l’autre anglais. L’absurdité atteint son paroxysme dans une fin ambigüe, qui ouvre le champ à la réflexion. Le succès fut immense.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: William Holden, Alec Guinness, Jack Hawkins, Sessue Hayakawa
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Remarques :
* Les scénaristes Michael Wilson et Carl Foreman étaient alors sur la liste noire pour de supposées sympathies communistes et leurs noms n’apparaissaient pas au générique. L’Oscar de la meilleure adaptation fut donc attribué à Pierre Boulle! Il fallut attendre 1984 pour que l’Académie leur en attribue la paternité.
* L’histoire est librement inspirée de faits réels : le Lieutenant Colonel Philip Toosey a construit deux ponts sur la rivière Kwai qui furent détruits en 1945, deux ans après leur construction.
* Pierre Boulle a été lui-même prisonnier de guerre en Thaïlande.
* Comme on s’en doute, le personnage du soldat américain ne figurait pas dans le roman de Pierre Boulle. Il a été ajouté pour le public américain.
* L’acteur Sessue Hayakawa a eu une longue carrière d’acteur puisqu’il a tourné dans de très nombreux films muets entre 1914 et 1925.

22 février 2012

Le dernier voyage de Tanya (2010) de Aleksei Fedorchenko

Titre original : « Ovsyanki »

Le dernier voyage de TanyaDans un village au bord de la Volga en Russie, Aist est photographe dans une usine de papier. Il est aussi mémorialiste d’un peuple oublié d’origine finnoise dont il fait partie : les Mériens. Son patron lui demande de l’accompagner pour aller incinérer sa femme qui vient de mourir. Il désire l’emmener sur les lieux de leur lune de miel… Le dernier voyage de Tanya est un film à nul autre pareil. Il est étrange tout d’abord par son sujet, ces Mériens dont certainement bien peu de gens connaissaient l’existence : bien qu’ils se soient totalement intégrés dans la société slave, ils ont gardé certaines croyances, certaines coutumes dont beaucoup sont liées à l’eau qui est l’aboutissement ultime, le lieu de la mort, le passage vers un autre monde (1). L’eau est aussi un lieu de passage pour les vivants : les ponts ont une certaine présence dans le film depuis ce pont ondulant posé sur des boudins flottants au début de film jusqu’au pont ultime de la fin (belle métaphore aussi avec cette magnifique vue de nuit sur le pont de la grande ville, gorgé de véhicules alors qu’ils viennent de rencontrer des deux prostituées). Nos deux personnages parlent peu mais agissent avec sureté. Ils font le voyage avec deux petits oiseaux en cage qui les symbolisent, ce sont leur double en quelque sorte.

Le dernier voyage de Tanya est aussi particulier par son traitement. Pour mieux nous faire pénétrer cette Russie imprégnée de la mémoire des peuples qui la composent, le réalisateur filme des plans empreints de mélancolie, de vastes étendues qui font écho au silence des personnages. Aleksei Fedorchenko utilise merveilleusement les profondeurs de champ courtes, créant le flou soit par la focale elle-même, soit par une légère brume naturelle. Certains plans sont très graphiques (ah, ce plan sur le lac où passe sur la rive un interminable train qui crée une bordure mouvante en haut de l’image !) La musique, souvent discrète, participe à la mélancolie qui se dégage du film. Le dernier voyage de Tanya est autant un film beau et poétique qu’une réflexion sur notre acceptation de la mort.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Igor Sergeev, Yuriy Tsurilo, Yuliya Aug
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Remarques :
* Le titre original du film Ovsyanki, signifie en russe « bruant », un petit passereau très répandu en Russie.
* Le dernier voyage de Tanya est le troisième film d’Aleksei Fedorchenko (44 ans) mais le premier distribué en France.
* La région où se déroule film est aux environs de Nizhny Novgorod, ville située à 300 kms à l’est de Moscou, au bord de la Volga : voir sur Google Maps (la zone où les Mériens sont implantés suit la Volga vers le nord-ouest jusque Yaroslav et le grand lac 300 kms au nord de Moscou).

(1) Etonnante scène où nous voyons dans un flash-back le père de Aist, poète qui ayant décidé de ne plus écrire, se débarrasse de sa machine à écrire, non pas en la jetant simplement, mais en allant sur au milieu de la Volga gelée, y faire avec grande difficulté un trou dans la glace pour y jeter sa machine au fond de l’eau.