6 septembre 2024

Agora (2009) de Alejandro Amenábar

AgoraAu IVe siècle à Alexandrie, à une époque où le christianisme gagne en importance, Hypatie est une philosophe agnostique attachée au progrès du savoir. Fille de Théon, gardien de la Bibliothèque d’Alexandrie, elle dirige l’école platonicienne qui la jouxte. Elle enseigne les théories d’Euclide, et tente d’approfondir le modèle géocentrique de Ptolémée pour déterminer les lois exactes qui régissent l’univers…
Agora est un péplum espagnol coécrit et réalisé par Alejandro Amenábar. Il s’inspire librement de la vie d’Hypatie d’Alexandrie pour mettre en scène le thème du conflit entre science et religion. La reconstitution est soignée avec de nombreux rebondissements et de beaux effets spéciaux. Tout cela serait parfait si la vérité historique n’était pas si malmenée. Pour dresser une sévère charge contre le fondamentalisme chrétien contemporain et contre l’obscurantisme (intentions certes louables), Alejandro Amenábar modèle les évènements à sa guise : les destructions par les conflits religieux sont amplifiés (par exemple la Bibliothèque d’Alexandrie était déjà probablement en ruines à cette époque et, si les circonstances de la mort d’Hypatie sont particulièrement dramatiques, les causes n’ont rien à voir avec le fait qu’elle soit agnostique ou une femme). De plus, le procédé d’habiller les chrétiens de façon uniforme pour les faire ressembler à des Talibans est pour le moins douteux. Enfin, Hypatie était en réalité plus philosophe que mathématicienne et rien ne laisse supposer qu’elle aurait pu défendre l’héliocentrisme et, encore moins, découvrir la nature elliptique des orbites (plus de 1000 ans avant Kepler s’il vous plait, allons-y gaiement). Tout le récit ne repose que sur des « hypothèses de scénariste ». Certes la démonstration des dangers du fanatisme religieux est énergique, mais la fin justifie-t-elle les moyens ? Sur le plan cinématographique, la réalisation est parfaitement maitrisée, les décors sont assez remarquables et jugés assez justes (à la différence des costumes qui sont farfelus). Le succès fut important.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Rachel Weisz, Max Minghella, Oscar Isaac, Ashraf Barhom, Michael Lonsdale, Rupert Evans, Homayoun Ershadi
Voir la fiche du film et la filmographie de Alejandro Amenábar sur le site IMDB.
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Oscar Isaac et Rachel Weisz dans Agora de Alejandro Amenábar.
La ville d’Alexandrie dans Agora de Alejandro Amenábar.

Voir la précédente critique : Agora …. (oups, j’aurai juré ne l’avoir jamais vu!)

23 novembre 2022

Le Dernier Vice-Roi des Indes (2017) de Gurinder Chadha

Titre original : « Viceroy’s House »

Le Dernier Vice-Roi des Indes (Viceroy's House)Mars 1947. Le Palais du Vice-Roi à Delhi accueille en grande pompe Lord Mountbatten nommé Vice-Roi des Indes. Il sera le dernier car, après 300 ans de domination anglaise, il doit préparer le pays à l’indépendance. Mais la tâche s’avérera bien plus ardue que prévu. Les violents conflits religieux le forcent à entériner la partition des Indes et la création d’un nouvel état musulman, le Pakistan…
Le Dernier Vice-Roi des Indes est un film historique réalisé par Gurinder Chadha, réalisatrice britannique d’origine indienne. Aux faits historiques est mêlée une histoire d’amour entre deux jeunes indiens au service du Palais que la religion oppose. Bien que très classique, ce procédé permet de mieux nous faire saisir les tragédies que la Partition a engendrées. A noter que les grands-parents de la réalisatrice ont fait partie des millions de personnes déplacées par la Partition de 1947. Toutefois, elle ne prend pas partie, elle cherche surtout à montrer comment la violence éclatait de toutes parts. Sur le plan historique, le film a été critiqué pour sa présentation de la Partition comme le résultat d’un complot secret de Winston Churchill pour barrer la route aux soviétiques (1). Ce point précis arrive toutefois tardivement dans le récit (et de façon presque anecdotique) et n’ajoute rien au propos. Malgré cela, le film reste intéressant. En Inde, la version doublée en Hindi est sortie sous le simple titre « Partition : 1947 ».
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Hugh Bonneville, Gillian Anderson, Manish Dayal, Huma Qureshi, Michael Gambon, Om Puri
Voir la fiche du film et la filmographie de Gurinder Chadha sur le site IMDB.
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(1) La réalisatrice s’est défendue en disant qu’elle s’était inspirée d’un livre de Narendra Singh Sarila, The Shadow of the Great Game: The Untold Story of India’s Partition (paru en 2006), qui se disait basé sur des documents secrets découverts à la British Library. Peu étayée, cette thèse qui tend à dédouaner Lord Mountbatten n’a convaincu aucun historien qui l’ont qualifiée de « conspirationniste ». A noter qu’en 1947, Winston Churchill n’était pas premier ministre (il s’agissait du travailliste Clement Attlee).

Le Dernier Vice-Roi des Indes (Viceroy's House)Hugh Bonneville et Gillian Anderson dans Le Dernier Vice-Roi des Indes (Viceroy’s House) de Gurinder Chadha.

Le Dernier Vice-Roi des Indes (Viceroy's House)Manish Dayal et Huma Qureshi dans Le Dernier Vice-Roi des Indes (Viceroy’s House) de Gurinder Chadha.

16 juin 2015

Les Diables (1971) de Ken Russell

Titre original : « The Devils »

Les diablesSous Louis XIII, le cardinal de Richelieu veut soumettre les villes fortifiées pour étendre son pouvoir. Certaines d’entre elles ont leurs propres lois. C’est le cas de la ville de Loudun temporairement dirigée par le prêtre (et grand séducteur) Urbain Grandier qui a décrété l’entente entre les catholiques et les protestants. Richelieu veut le voir disparaître… Les Diables est adapté du livre Les Possédées de Loudun (1952) d’Aldous Huxley qui a fait des recherches poussées sur ce terrifiant fait divers du XVIIe siècle. Ken Russell en a fait un film exubérant, baroque, une spectaculaire dénonciation des basses manoeuvres de Richelieu qui utilise la religion pour accroitre son pouvoir politique. Malgré les apparences, le récit est proche de la réalité historique et c’est là tout l’art de Ken Russell de maitriser ainsi le propos tout en allant très loin dans le domaine de l’hystérie et de l’outrance. Le cinéaste anglais est aussi un provocateur : de ce fait, le film a subi des coupes et nous ne pouvons en voir la version complète que depuis 2011. Les décors sont remarquables : grandioses et épurés, ils donnent un certain côté atemporel au récit. Les Diables de Ken Russell est un film dérangeant, même éprouvant mais c’est une oeuvre dotée d’une grande force.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Vanessa Redgrave, Oliver Reed, Dudley Sutton, Gemma Jones, Michael Gothard
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Les Diables de Ken Russell
La ville de Loudun et ses grands remparts immaculés dans Les diables de Ken Russell

Les Diables de Ken Russell
Vanessa Redgrave dans Les diables de Ken Russell

Remarques :
* Le livre d’Aldous Huxley est disponible en format poche aux Editions Tallandier sous le titre « Les Diables de Loudun ».

* Précédent film sur les possédées de Loudun :
Mère Jeanne des anges (Matka Joanna od aniolów) du polonais Jerzy Kawalerowicz (1961)

30 janvier 2013

Et maintenant on va où? (2011) de Nadine Labaki

Et maintenant on va où?Dans un petit village isolé du Liban, les femmes chrétiennes et musulmanes s’unissent pour éloigner le spectre de la guerre toute proche et empêcher les hommes de s’enflammer pour un oui ou pour un non. Pour ce faire, elles font preuve d’une grande ingéniosité et sont prêtes à aller très loin… Et maintenant on va où? traite avec humour d’un sujet grave, mettant en relief l’absurdité de cette spirale de violence dans laquelle beaucoup se retrouvent enfermés. Nadine Labaki joue sur plusieurs registres, mêlant habilement les genres, mais garde toujours un ton très juste. La réalisation est assez travaillée avec une caméra très mobile, très près des personnages, souvent au milieu de l’action. Et maintenant on va où? est ainsi très enlevé.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Nadine Labaki, Yvonne Maalouf, Claude Baz Moussawbaa
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13 juillet 2012

La princesse de Montpensier (2010) de Bertrand Tavernier

La princesse de MontpensierEn 1566, à l’époque des guerres de religion sous la régence de Catherine de Médicis, Marie de Mezières aime depuis toujours Henri de Guise mais son père la contraint d’épouser le jeune et fade Prince de Montpensier. Lorsque son mari est appelé à la guerre, la princesse reste au château avec son précepteur, le comte de Chabannes… La princesse de Montpensier est une nouvelle de Madame de Lafayette sur la passion amoureuse que Bertrand Tavernier, grand féru d’Histoire, adapte ici brillamment. Il signe un film d’un grand classicisme, très beau, littéraire, mais aussi palpitant au gré de l’ardeur des sentiments, parfois haletant. Il y a beaucoup de fougue, avec un désir qui semble vouloir jaillir, exploser de toutes parts. Les dialogues sont remarquablement bien écrits, ils coulent joliment. A côté des belles prestations de Mélanie Thierry et de Lambert Wilson, Grégoire Leprince-Ringuet a un jeu plus fade mais c’est aussi son personnage qui veut cela. Les seconds rôles sont tous très bien tenus. La photographie est superbe exploitant magnifiquement des décors naturels de certains châteaux (1). Bertrand Tavernier montre que le film dit « à costumes » peut être moderne, enlevé, brillant.
Elle: 3 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Mélanie Thierry, Lambert Wilson, Grégoire Leprince-Ringuet, Gaspard Ulliel, Raphaël Personnaz, Michel Vuillermoz, Judith Chemla, Philippe Magnan
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Remarques :
* Le plan final, un plan moyen de Mélanie Thierry sur fond de neige, est de toute beauté.
* Tous les personnages sont historiques sauf, semble t-il, le comte de Chabannes qui aurait été imaginé par Madame de Lafayette.

(1) Lieux de tournage :
* Château du Plessis-Bourré, Écuillé (Maine-et-Loire) : le château entouré d’eau du Marquis de Mézières où vit Marie au début du film.
* Abbaye de Noirlac (Cher) : scène avec le Cardinal de Lorraine.
* Château de Messilhac, Raulhac (Cantal) : censé être le château de Champigny-sur-Veude, la demeure des Montpensier
* Château de Blois (Loir-et-Cher) : la cour censée être celle du Louvre, lors du duel entre Montpensier et De Guise.
* Palais Jacques-Cœur, Bourges (Cher)
* Rues de Chinon (Indre-et-Loire) : massacre de la Saint-Barthélemy.
* Château de Meillant (Cher) : le château censé être Blois tout à la fin, où s’entraine Henri de Guise.