8 avril 2017

Le Continent fantastique (1977) de Juan Piquer Simón

Titre original : « Viaje al centro de la Tierra »
Titre UK : « Journey to the Center of the Earth »
Titre USA : « Where Time Began »

Viaje al centro de la TierraEn 1898 à Hambourg, le professeur Otto Lidenbrock achète à un homme mystérieux un vieux livre écrit par un certain Saknussemm. Celui-ci indique un passage pour pénétrer dans les entrailles de la Terre à partir du cratère d’un volcan en Islande. Le professeur monte rapidement une expédition… Assez bizarrement, le merveilleux livre de Jules Verne Voyage au centre de la Terre a été assez peu adapté au cinéma. Cette version espagnole n’est pas la plus remarquable, loin de là. On y retrouve bien toutes les scènes importantes mais ce récit imaginaire a perdu toute sa profondeur (c’est le cas de le dire…) et les évènements s’enchaînent assez platement. De plus, les scénaristes ont ajouté un élément assez ridicule de voyage dans le temps (ou extra-terrestre ?) qui n’apporte vraiment rien. C’est le premier long métrage de Juan Piquer Simón qui se spécialisera ensuite dans les films d’horreur de série B.
Elle:
Lui : 1 étoile

Acteurs: Kenneth More, Pep Munné, Ivonne Sentis
Voir la fiche du film et la filmographie de Juan Piquer Simón sur le site IMDB.

Remarque :
* En préambule, le réalisateur montre quelques images du film de Méliès Le Voyage dans la lune et déclare que son film est un hommage aux pionniers du cinéma.

When Time beganViaje al centro de la Tierra de Juan Piquer Simón.

Adaptations du roman de Jules Verne :
Voyage au centre de la Terre de Segundo de Chomón (1910)
Voyage au centre de la Terre (Journey to the Center of the Earth) de Henry Levin (1959) avec Pat Boone et James Mason
Viaje al centro de la Tierra de Juan Piquer Simón (1977)
Voyage au centre de la Terre de Eric Brevig (2008)

26 mars 2015

Stromboli (1950) de Roberto Rossellini

StromboliA la fin de la guerre, une jeune femme originaire des Pays baltes épouse un ex-soldat pour échapper au camp de réfugiés où elle croupissait sans ressources. Il l’emmène dans son île natale, une île inhospitalière sous la menace permanente d’un volcan en activité. La jeune femme a tout de suite un sentiment de rejet envers cet endroit totalement isolé dont elle se sent prisonnière… Stromboli est le premier des films de Roberto Rossellini avec Ingrid Bergman. C’est aussi et surtout le premier de ses films intimistes où il cherche à sonder l’âme humaine, des films plus métaphysiques que les trois films sur la guerre qui le précèdent. A l’aspect presque documentaire du film se mêle le parcours initiatique d’une jeune femme qui sera finalement touchée par la grâce, par le charme de l’île. Stromboli a ainsi une connotation spirituelle et religieuse qui est manifeste dans la célèbre scène de la pêche au thon, scène absolument extraordinaire qui évoque l’Epiphanie, et bien entendu toute la scène finale, véritable aboutissement du parcours de la jeune femme. La sortie du film a été marquée par le scandale des deux côtés de l’Atlantique causé par la liaison entre Ingrid Bergman et Rossellini.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Ingrid Bergman, Mario Vitale
Voir la fiche du film et la filmographie de Roberto Rossellini sur le site IMDB.

Voir les autres films de Roberto Rossellini chroniqués sur ce blog…

Voir les livres sur Roberto Rossellini

Stromboli de Roberto Rossellini
Ingrid Bergman et Mario Vitale dans Stromboli de Roberto Rossellini

Remarques :
* L’île-volcan de Stromboli est l’une des îles Éoliennes au nord de la Sicile. Le film a bien entendu été tourné sur place. Les habitants des villages, situés au pied du volcan, ont participé au tournage du film. Une éruption eut lieu pendant le tournage, celle que l’on peut voir dans le film.

* Le rôle principal était initialement prévu pour Anna Magnani qui avait une aventure avec Rossellini quand Ingrid Bergman a fait irruption.

* La lettre que Ingrid Bergman a écrite à Rossellini est restée célèbre :
« Cher Monsieur Rossellini,
J’ai vu vos films Rome, ville ouverte et Païsan et les ai beaucoup appréciés. Si vous avez besoin d’une actrice suédoise qui sait très bien parler anglais, qui n’a pas oublié son allemand, qui n’est pas très compréhensible en français, et qui en italien ne sait dire que « ti amo », alors je suis prête à venir faire un film avec vous.
Ingrid Bergman »

* Dans son autobiographie, Ingrid Bergman raconte comment elle a eu beaucoup de mal à se faire aux méthodes « peu professionnelles » de Rossellini et à tourner avec les habitants locaux dont elle ne comprenait pas le moindre mot…

* Mario Vitale avait été engagé comme porteur de matériel.

* Pendant le tournage, Ingrid Bergman et Roberto Rossellini tombèrent amoureux l’un de l’autre. Le scandale fut très important quand on apprit que l’actrice était enceinte. Ils étaient, chacun de leur côté, marié avec enfants. Howard Hughes (alors à la tête de la RKO) fera faire des coupes sans en parler à Rossellini. Des voix réactionnaires se feront entendre jusqu’au sein du Sénat américain et des autorités religieuses feront campagne contre le film. Finalement, le scandale sera bénéfique au film qui fera d’énormes entrées dès le premier jour aux Etats-Unis. Il sera toutefois méprisé par la critique. Ingrid Bergman épousera Rossellini peu après la sortie du film.

* Le film a donné un attrait touristique à l’île qui abrite aujourd’hui 750 habitants dans deux petites enclaves aux deux extrémités. Un port a été aménagé et l’électricité installée. Le volcan s’élève jusqu’à 926 mètres au dessus de la mer, il est en activité quasi permanente. La profondeur des eaux à l’entour étant d’environ 1000 mètres, le volcan se dresse donc sur 2000 mètres.

Stromboli
Le Stromboli aujourd’hui (photo sous licence CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons)

28 janvier 2012

Cabiria (1914) de Giovanni Pastrone

CabiriaLa victoire dans la Guerre italo-turque en Libye (1911-12) raviva en Italie le désir de récits historiques. C’est ainsi que l’on vit naître les premiers grands péplums au cinéma : ce fut d’abord Quo Vadis en 1913 (le premier long métrage à dépasser les deux heures) mais c’est Cabiria qui frappera les esprits. Il marque un tournant dans l’Histoire du cinéma. Le scénario est extrêmement riche et très prenant. Bien qu’il soit officiellement signé de Gabriele D’Annunzio (écrivain alors très célèbre), c’est Giovanni Pastrone qui l’a écrit, D’Annunzio ayant en réalité seulement réécrit les intertitres (1). Le scénario place des personnes de fiction au sein de faits historiques de la Deuxième Guerre punique (IIIe siècle avant J.C.), l’intrigue étant articulée autour d’une fillette enlevée en Sicile et vendue à Carthage pour être sacrifiée aux dieux. Le sénateur Fulvio et son esclave Maciste sont sur ses traces…

CabiriaLe budget fut colossal. Des décors énormes furent fabriqués, des milliers de figurants engagés. Vu sur grand écran, le film reste impressionnant aujourd’hui. Rien ne paraît faux : par exemple, lorsque le palais s’écroule pendant l’éruption de l’Etna, on ressent la lourdeur des blocs de pierre qui tombent. La traversée des Alpes par Hannibal nous donne froid. Les décors ont toujours une forte présence, ce ne sont jamais des toiles peintes. Les costumes sont riches et très élaborés. Cela donne des scènes fastueuses où la lumière est remarquablement utilisée.

Cabiria Fosco Cabiria est révolutionnaire aussi pour une autre raison : c’est en effet le premier film avec des travellings. On doit certainement à Segundo de Chomón (réalisateur espagnol transfuge de Pathé, ici directeur de la photographie) l’idée de placer la caméra et l’opérateur sur un chariot pour pouvoir les déplacer sans s’arrêter de filmer. Les mouvements sont encore timides, utilisés soit pour donner de l’ampleur à une scène ou à un décor en laissant percevoir ainsi son relief, soit pour focaliser l’attention sur un personnage en se rapprochant de lui (les focales étaient bien évidemment fixes à l’époque, pas question de zoom) ; ils sont timides mais le principe est là. Pendant des années, le terme de « Cabiria movements » sera utilisé dans les studios pour désigner les travellings (2). Le montage est assez élaboré avec des plans de coupe, des gros plans sur des objets, donnant beaucoup de vie à l’ensemble.

Cabiria - affiche française (fin des années 20?) Le jeu des acteurs reste assez théâtral, un peu forcé et manquant souvent de naturel. C’est ce style de jeu qui trahit l’âge du film. Le personnage qui crève l’écran, c’est Maciste interprété par Bartolomeo Pagano, un docker du port de Gênes dont la célébrité sera immédiate. Ce personnage de Maciste, avec sa force herculéenne, sera repris dans des dizaines de films (3). Le film Cabiria eut un succès considérable, en Italie mais aussi aux Etats-Unis. Il a influencé de nombreux cinéastes, notamment D.W. Griffith (4). Souvent tronqué ou montré à une mauvaise vitesse, Cabiria a été restauré dans sa version intégrale de trois heures en 2006. (5)
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Lidia Quaranta, Umberto Mozzato, Bartolomeo Pagano, Italia Almirante-Manzini
Voir la fiche du film et la filmographie de Giovanni Pastrone sur le site IMDB.

Remarque :
(1) D’après les déclarations de Giovanni Pastrone en 1949, Gabriele d’Annunzio a signé une à une les 30 pages de scénario sans les lire. Il n’a réécrit les intertitres qu’en fin de production. C’est tout de même à lui que l’on devrait les noms de Cabiria et de Maciste.
A noter également que Giovanni Pastrone a signé la réalisation sous le nom Piero Fosco.

(2) Pastrone a déposé un brevet de ce principe (filmer en se déplaçant) qu’il a appelé « carello » (= travelling).

Cabiria - affiche française (fin des années 20?) (3) IMDB liste 49 films avec le personnage de Maciste. Tous ne sont pas de grande qualité, loin de là… Bartolomeo Pagano jouera dans près de trente d’entre eux, de 1914 à 1929. Il n’aura d’ailleurs jamais vraiment d’autres rôles au cinéma.

(4) Cabiria a fortement impressionné D.W. Griffith. Ce film l’aurait décidé à transformer The Mother and the Law qu’il était en train de tourner en une vaste fresque : ce sera Intolérance qui reprend des plans très similaires mais qui va encore plus loin dans la grandeur et l’innovation. Les sculptures monumentales d’éléphants sont reprises par Griffith comme par beaucoup d’autres par la suite. Cabiria a inspiré Sergueï Eisenstein pour ses déplacements de caméra du Cuirassé Potemkine. Cabiria a inspiré Fritz Lang pour la scène du Moloch de Metropolis. Fellini a nommé son personnage Cabiria dans son très beau film Les Nuits de Cabiria en référence à celui-ci.

(5) Les meilleures versions :
– Version de 123 minutes transcrite en 1990. Cette version n’est hélas pas disponible en France mais elle existe aux Etats-Unis éditée par Kino en 2000. Le DVD est ‘zone zéro’ donc lisible par tous les lecteurs (les intertitres sont en anglais, pas de sous-titres). L’image est de belle qualité, la vitesse est bonne, la musique est de Jacques Gauthier qui reprend la partition originale de Manilo Mazza.
– Version de 181 minutes, présentée pour la première fois à Cannes en 2006. Criterion avait alors annoncé la sortie ‘imminente’ d’un DVD. N’étant toujours pas sorti à ce jour, on peut se demander s’il sortira un jour (pour le centenaire?). Espérons-le.