19 avril 2016

Les enfants nous regardent (1943) de Vittorio De Sica

Titre original : « I bambini ci guardano »

Les enfants nous regardentUne mère quitte son mari et son jeune fils pour aller vivre avec son amant… On peut, sans trop se tromper, dire que Les enfants nous regardent est un film de transition entre le cinéma des téléphones blancs de l’époque fasciste et le néoréalisme de l’après-guerre. Il s’agit du premier « grand film » de Vittorio De Sica : plus question ici de jouer le fils de bonne famille qui met les jeunes filles en émoi, il reste cette fois derrière la caméra et aborde un sujet plus sérieux et sociétal. Le héros est ici un petit garçon de sept ans qui assiste au naufrage du couple formé par ses parents. Le propos est moral au plus point (la mère n’a apparemment aucune excuse qui pourrait justifier son comportement) et donc pourrait s’inscrire pleinement dans cette sanctuarisation de la famille commune à toutes les idéologies fascistes. Cependant, le fait d’aborder des tabous comme l’adultère et le suicide a profondément dérangé le pouvoir mussolinien au point que la sortie du film ne put se faire que fin 1944, après la libération de Rome. Certains éléments préfigurent le néoréalisme notamment celui de montrer les défauts de la société au travers des yeux d’un être simple, un enfant. Le film n’a pas la perfection de Sciuscià et Le Voleur de bicyclette, il n’a pas cet équilibre subtil entre lyrisme et regard social, mais reste intéressant à plus d’un titre.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Emilio Cigoli, Luciano De Ambrosis, Isa Pola
Voir la fiche du film et la filmographie de Vittorio De Sica sur le site IMDB.

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Remarques :
* Il s’agit de la première grande collaboration de De Sica avec le scénariste Cesare Zavattini, qui est sans conteste l’un des scénaristes les plus importants de toute l’histoire du cinéma italien. Pour De Sica, il écrira les scénarios de Sciuscià, Le Voleur de bicyclette, Miracle à Milan, etc… jusqu’au Jardin des Finzi-Contini en 1970.

* La scène finale paraît peu subtile, d’un symbolisme simple et trop fort. L’historien (et grand spécialiste du cinéma italien) Jean A. Gili suggère que cette scène a pu être imposée par la censure.

 

Les enfants nous regardent
Luciano De Ambrosis et Emilio Cigoli dans Les enfants nous regardent de Vittorio De Sica.

10 avril 2016

Le Tambour (1979) de Volker Schlöndorff

Titre original : « Die Blechtrommel »

Le TambourDès sa naissance dans la ville de Dantzig dans les années vingt, Oskar est lucide. Il est capable de prendre des décisions. A l’âge de trois ans, il reçoit en cadeau un tambour dont il ne va plus se séparer et, par dégoût envers le monde des adultes, décide de ne plus grandir… Le roman de Günter Grass (prix Nobel de littérature en 1999) avait beau avoir la réputation d’être inadaptable, cela n’a pas arrêté Volker Schlöndorff. L’une des difficultés majeures résidait dans le choix de l’acteur principal et le réalisateur eut beaucoup de chance de trouver David Bennent, fils de l’acteur Heinz Bennent, alors âgé de douze ans et qui souffrait de troubles de croissance. L’histoire est particulièrement riche. La toile de fond est une fresque historique allant de 1924 à 1945, l’histoire de Dantzig, ville écartelée entre l’Allemagne et la Pologne. Cette période est marquée par la montée du nazisme et par l’invasion allemande de 1939 qui fait entrer le monde dans la Seconde Guerre mondiale. Mais l’histoire principale est celle d’un petit garçon qui se refuse au monde des adultes. Il faut dire que sa vie, son existence-même, résulte d’un mensonge, d’un amour rendu impossible par les hommes. Son tambour devient son unique moyen d’expression, il ne communique pas autrement. Pire, il proteste si fort que son cri perçant peut briser le verre. En ce personnage, totalement hors du commun (et totalement fictif bien entendu), coexistent une bouffonnerie proche de la folie et une grande clairvoyance puisqu’il porte un regard sur le monde des adultes bien plus acéré que celui des adultes eux-mêmes. Volker Schlöndorff met tout cela en scène avec brio, une certaine splendeur même. Le Tambour fait partie des films qui marquent, ceux que l’on n’oublie pas.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Mario Adorf, Angela Winkler, David Bennent, Katharina Thalbach, Daniel Olbrychski
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Remarques :
* Palme d’Or à Cannes 1979 (ex-aequo avec Apocalypse Now).
* L’adaptation a été écrite par Volker Schlöndorff, Jean-Claude Carrière et Franz Seitz avec l’accord de l’auteur.
* D’une durée de 2h22 à sa sortie, Le Tambour est visible depuis peu dans une version Director’s Cut comportant environ 20 mn supplémentaires de scènes coupées au montage à la demande du distributeur de l’époque.
* Volker Schlöndorff a renoncé à adapter la partie du livre après 1945 car cela l’aurait obligé de changer d’acteur pour interpréter Oskar.

Le Tambour
David Bennent dans Le Tambour de Volker Schlöndorff.

10 janvier 2016

La Vengeance de l’Aigle noir (1951) de Riccardo Freda

Titre original : « La vendetta di Aquila Nera »

La Vengeance de l'Aigle noirLe Prince Yuravleff intrigue auprès du tsar pour se faire nommer gouverneur. Il fait piller le château et tuer la famille de Vladimir Dobrovsky, surnommé l’Aigle Noir, dont il jalouse la renommée. Celui-ci n’aura alors de cesse de trouver les coupables et de se venger… En 1946, Riccardo Freda avait connu un grand succès avec son film L’Aigle noir adapté de Pouchkine, un film historique à grand spectacle. Son opposition ouverte au courant néoréaliste lui vaudra alors le désamour durable de la critique. Cinq ans plus tard, il en concocte une suite : La Vengeance de l’Aigle noir avec le même acteur principal, Rossano Brazzi. Comme le premier et comme les autres films qu’il a réalisés entre deux, il s’agit d’un film romanesque d’action, genre dans lequel son savoir-faire est évident. Réalisé avec de solides moyens, le film se déroule dans de beaux décors judicieusement utilisés et le rythme est soutenu. L’action est constamment relancée et les nombreuses péripéties rendent le film plaisant.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Rossano Brazzi, Gianna Maria Canale, Peter Trent, Vittorio Sanipoli, Franca Marzi
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Suite de :
L’Aigle Noir (Aquila nera) de Riccardo Freda (1946).

La Vengeance de l'Aigle Noir
Rossano Brazzi dans La Vengeance de l’Aigle noir de Riccardo Freda.

24 octobre 2015

Rencontres du troisième type (1977) de Steven Spielberg

Titre original : « Close Encounters of the Third Kind »

Rencontres du troisième typeD’étranges phénomènes surviennent à plusieurs endroit du globe : des avions disparus mystérieusement il y a trente ans ressurgissent soudainement au Mexique, un cargo porté disparu est découvert échoué au beau milieu du désert de Gobi et un petit groupe d’américains voient passer de petits vaisseaux spatiaux devant eux… Avec Star Wars sorti quelques mois plus tôt, Rencontres du troisième type a grandement initié le retour de la science-fiction en tant que film à grand spectacle. Le film de Spielberg forme en quelque sorte un diptyque avec E.T. qu’il tournera cinq ans plus tard, reposant sur une vision très idéaliste de contacts avec des extra-terrestres bienveillants. Ce que Spielberg réussit parfaitement à transmettre, c’est l’émerveillement presque enfantin qu’une telle situation peut générer dans nos esprits. Certes, les effets spéciaux de 1977 n’ont plus le pouvoir de nous étonner aujourd’hui mais le film n’en paraît que meilleur car la magie des images et du propos n’en est que plus évidente. On en ressort ébloui… En outre, la musique de John Williams est superbe.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Richard Dreyfuss, François Truffaut, Teri Garr, Melinda Dillon, Bob Balaban
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Rencontres du Troisième type
Rencontres du Troisième Type
François Trffaut dans Rencontres du troisième type de Steven Spielberg.
(à noter que c’est sa seule apparition en tant qu’acteur dans un film dirigé par un autre réalisateur que lui-même).

Remarques :
* Le scénario a été écrit (dès 1973) en grande partie par Paul Schrader (futur réalisateur et auteur du scénario de Taxi Driver) qui a demandé à enlever son nom du générique : la mésentente venait du fait que Spielberg voulait un héros ordinaire alors que Schrader était allergique à tout américain moyen : « Si quelqu’un doit me représenter, moi et la race humaine toute entière, je n’ai pas envie que envie que ce soit un type qui prend ses repas chez McDonalds ! » disait-il. « Mais, c’est justement ce que je veux ! » répondait Spielberg.

* Trois types de rencontres ont été définis par l’ufologue J. Allen Hynek (qui fait une petite apparition dans le film) :
– 1er type : Observation visuelle d’OVNI
– 2e type : Découverte d’une preuve de visite extra-terrestre.
– 3e type : Entrer en contact avec des extra-terrestres.

* Le petit garçon est interprété par Cary Guffey (5 ans). Il était si bon que l’équipe l’avait surnommé « One Take Cary » (= une seule prise). Impressionné par sa prestation, Kubrick voulut l’engager pour jouer le petit garçon de Shining. En fait, Cary Guffey ne tournera ensuite que dans quelques films de moindre importance (Cross Creek de Martin Ritt mis à part toutefois) et ne poursuivra pas au-delà de l’âge de douze ans.

* Le scientifique est français car le personnage est basé sur l’ufologue et astronome Jacques Vallée.

* Ray Bradbury a déclaré qu’il s’agissait du plus grand film de science-fiction jamais réalisé.

* Versions :
1. Version commerciale de 1977 de 135 mn.
2. Special Edition : version remaniée par Spielberg de 132 mn avec notamment l’ajout de la scène dans le désert de Gobi, de la salle de bain et une scène finale où l’on entre avec Richard Dreyfus dans le vaisseau.
3. Director’s Cut ou Collector’s Edition : version de 137 mn où Spielberg a (fort justement) enlevé la scène à l’intérieur du vaisseau, préférant le laisser à l’imagination du spectateur.

28 mai 2015

Agent secret (1936) de Alfred Hitchcock

Titre original : « Sabotage »
Titre U.S.A. : « The Woman Alone »

Agent secretLondres est soudainement plongé dans le noir à la suite d’un acte de sabotage de la centrale électrique. Un enquêteur de Scotland Yard surveille le directeur d’un cinéma… Sabotage (Agent secret) est adapté du roman de Joseph Conrad The Secret Agent, titre qui ne pouvait pas être utilisé puisque Hitchcock venait d’achever un autre film portant ce titre. Bien qu’il ait été très mal reçu à l’époque, c’est un très bon film où le cinéaste s’attache à créer un suspense qui se révèle assez fort. Comme le film précédent d’Hitchcock, Sabotage est handicapé par le choix des acteurs : John Loder en policier est assez terne (Hitchcock voulait Robert Donat qui n’a pu se libérer), Oscar Homolka est trop sympathique et le couple qu’il forme avec Sylvia Sydney n’est pas crédible. Mais ce n’est pas à cause de l’interprétation si le film a été si mal reçu. [Attention, la suite de ce commentaire va révéler un point important, arrêtez-ici votre lecture si vous comptez regarder le film prochainement.] Ce que le public n’a pas pardonné au cinéaste, c’est de faire mourir le jeune garçon après avoir construit un suspense très fort autour de lui : « C’est une très grave erreur de ma part » analyse le cinéaste a posteriori (1). Il s’agissait pourtant d’un élément très réaliste et c’est, bien entendu, une réaction très naïve de la part du public de vouloir que les personnages qu’il a pris en affection soient toujours sauvés in extremis. Toujours est-il que cela a scellé le destin du film. Une autre scène très forte est celle du repas : Sylvia Sydney, Oskar Homolka et… le couteau. Là, c’est du grand art, et accessoirement un superbe exemple de la manipulation du cinéma car cette scène, par sa construction, son montage et surtout la formidable utilisation d’un objet, le couteau, transforme finalement un meurtre en demi-suicide… Sabotage est donc un film intéressant à plus d’un titre.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Sylvia Sidney, Oskar Homolka, John Loder
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Sabotage d'Alfred Hitchcock
Sylvia Sydney dans Agent secret (Sabotage) de Alfred Hitchcock

Remarques :
* En visionnant Sabotage aujourd’hui, il est difficile de ne pas penser aux attentats de Londres de 2005 où une bombe a explosé de façon similaire dans un bus. A noter que dans le film d’Hitchcock, les motivations ne sont pas clairement identifiées : les commanditaires des attentats veulent déstabiliser la société par la peur mais le cinéaste ne les rattache à aucun mouvement politique.

* Cameo d’Alfred Hitchcock (difficile à repérer et incertain) : Juste au moment où la lumière revient (8’50), au premier plan de l’attroupement devant le cinéma, Hitchcock passe très rapidement au premier plan en regardant en l’air. (Nota : Le cameo listé par Wikipédia français ne correspond à aucune scène de la version que j’ai vue)

* Ne pas confondre :
Secret Agent (titre français : Quatre de l’espionnage) d’Alfred Hitchcock (UK 1936)
Sabotage (titre français : Agent secret) d’Alfred Hitchcock (UK 1936)
Saboteur (Titre français : Cinquième colonne) d’Alfred Hitchcock (USA 1942)

Sabotage d'Alfred Hitchcock
Desmond Tester, le jeune garçon dans Agent secret (Sabotage) de Alfred Hitchcock

(1) « Il y a une très grave erreur de ma part : le petit garçon qui porte la bombe. Quand un personnage promène une bombe sans le savoir comme un simple paquet, vous créez par rapport au public un très fort suspense. Tout au long de ce trajet, le personnage du garçon est devenu beaucoup trop sympathique pour le public qui, ensuite, ne m’a pas pardonné de le faire mourir lorsque la bombe explose. » (Hitchcock / Truffaut, Ramsay 1983, p. 88)
Lorsque Hitchcock parle ensuite d’une variante possible, François Truffaut a une remarque intéressante : « C’est très délicat de faire mourir un enfant dans un film ; on frôle l’abus de pouvoir du cinéma. » Hitchcock approuve.

Sabotage d'Alfred Hitchcock
Oskar Homolka et Sylvia Sydney dans Agent secret (Sabotage) de Alfred Hitchcock avec (hors champ)… le couteau.

18 avril 2015

Le Petit Lord Fauntleroy (1936) de John Cromwell

Titre original : « Little Lord Fauntleroy »

Le petit Lord FauntleroyUn jeune garçon de Brooklyn apprend qu’il est l’unique héritier d’un comte anglais et qu’à la demande de ce dernier, son grand-père, il doit aller vivre en Angleterre dans le château familial afin de se préparer à prendre sa suite… Le petit Lord Fauntleroy est un conte pour enfants écrit par Frances Hodgson Burnett qui a été porté plusieurs fois à l’écran. C’est une gentille histoire écrite au départ pour redorer le blason de l’aristocratie victorienne anglaise et mettre en relief ses valeurs humaines profondes, quelquefois enfouies mais toujours présentes, de générosité et d’altruisme. Mary Pickford en avait fait un succès quinze ans auparavant et, pour sa première production en indépendant (1), le producteur David O. Selznick n’a pas pris de risque en choisissant John Cromwell pour le réaliser car il savait qu’il aurait un travail soigné. La réalisation est effectivement très classique mais de qualité. Le jeune Freddie Bartholomew, que Selznick avait découvert pour son David Copperfield l’année précédente, fait une belle prestation et on notera le petit rôle de Mickey Rooney. Le succès fut au rendez-vous mais cette version du Petit Lord Fauntleroy présente moins d’intérêt aujourd’hui où l’histoire nous apparaît bien mièvre.
Elle:
Lui : 1 étoile

Acteurs: Freddie Bartholomew, Dolores Costello, C. Aubrey Smith, Guy Kibbee, Mickey Rooney
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(1) David O. Selznick venait de quitter la MGM pour fonder la Selznick International Pictures et avait signé un contrat de distribution avec United Artists.

Little Lord Fauntleroy 1936
C. Aubrey Smith, Freddie Bartholomew et Dolores Costello dans Le Petit Lord Fauntleroy de John Cromwell (1936)

Autres adaptations  :
Le petit Lord Fauntleroy (Little Lord Fauntleroy) d’Alfred E. Green et Jack Pickford (1921) avec Mary Pickford
Le petit Lord Fauntleroy (Little Lord Fauntleroy) de Jack Gold (1980) avec Rick Schroder et Alec Guinness

21 mars 2015

Looper (2012) de Rian Johnson

LooperKansas 2044. Un homme se tient au bord d’un champ de maïs. Il regarde sa montre et pointe son arme devant lui dans le vide… Quand on n’est pas prévenu, la première scène de Looper est une très grosse surprise. Ecrit et réalisé par le presque quarantenaire Rian Johnson, ce film de science-fiction est une variation originale et inattendue sur le thème du voyage dans le temps. Il en exploite assez élégamment les paradoxes, prend des libertés avec la logique (mais la logique est bien entendu assez malléable en matière de paradoxes temporels) et laisse la fin ouverte à interprétation(s). L’ensemble n’est pas sans humour, notamment grâce à certains personnages secondaires.  La réalisation est plutôt élégante, elle aussi, utilisant les effets spéciaux à bon escient et sans excès. L’acteur Joseph Gordon-Levitt a accepté de modifier son apparence et son jeu pour ressembler à un jeune Bruce Willis.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Joseph Gordon-Levitt, Bruce Willis, Emily Blunt, Paul Dano, Noah Segan, Jeff Daniels
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Looper
Joseph Gordon-Levitt méconnaisable en Bruce Willis jeune dans Looper de Rian Johnson

Looper
Face à face… Bruce Willis et Joseph Gordon-Levitt dans Looper de Rian Johnson

10 février 2015

Fanny (1932) de Marc Allégret

FannyParti au loin sur un grand voilier marchand, Marius a laissé désemparés son père César et surtout Fanny, toujours amoureuse de lui. Tous deux attendent avec impatience une lettre qui donnerait de ses nouvelles… Pressé de tous bords de donner une suite à Marius, Marcel Pagnol écrit Fanny, le monte au théâtre et le porte rapidement à l’écran. Paramount refuse de produire, arguant que « les suites au cinéma, cela ne marche jamais ». Pagnol s’associe donc avec Roger Richebé. Outre d’avoir Raimu sous contrat, le producteur marseillais était ami de Marc Allégret, réalisateur qui a la qualité précieuse de bien supporter les colères de Raimu. L’histoire de Fanny commence à la seconde-même où s’est terminé Marius et se poursuit sur presque trois années. Le texte de Pagnol est assez remarquable, donnant à Raimu un vrai grand rôle qu’il interprète sans effets inutiles, émouvant, toujours très juste même quand il donne l’impression de se laisser emporter. Du grand Raimu. Orane Demazis, injustement critiquée pour son jeu ou son accent approximatif, est bouleversante par son mélange de tendresse et de désespoir. Dans les quinze dernières minutes, ces deux acteurs font passer une émotion extrêmement forte, ils nous retournent le coeur. Tout comme Marius, Fanny se présente essentiellement comme du théâtre filmé mais cela ne gêne en rien sa force. Ce deuxième volet est bizarrement jugé par certains critiques comme étant le plus faible de la trilogie. Personnellement, je pencherais plutôt pour le contraire.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Raimu, Orane Demazis, Fernand Charpin, Pierre Fresnay
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Fanny (1932) de Marc Allégret
(de g. à dr.) Charpin, Alida Rouffe, Orane Demazis et Raimu dans Fanny de Marcel Pagnol.

Remarques :
* Deux autres versions, italienne et allemande, furent tournées ultérieurement :
Fanny de l’italien Mario Almirante (1933)
Der schwarze Walfisch de l’allemand Fritz Wendhausen (1934)

* La trilogie de Pagnol :
Marius d’Alexander Korda (1931)
Fanny de Marc Allégret (1932)
César de Marcel Pagnol (1936)

* Remakes :
Port of Seven Seas de James Whale (1938) avec Wallace Beery, Frank Morgan et Maureen O’Sullivan (inclut Marius et Fanny)
Fanny de Joshua Logan (1961) avec Leslie Caron, Maurice Chevalier et Charles Boyer, remake des trois films de la trilogie en un seul.
Fanny de Daniel Auteuil (2013) avec Daniel Auteuil et Victoire Bélézy.

14 janvier 2015

Cinéma Paradiso (1988) de Giuseppe Tornatore

Titre original : « Nuovo Cinema Paradiso »

Cinéma ParadisoEn Sicile, juste après la guerre, un jeune enfant de choeur est fasciné par le projecteur de cinéma dans la salle paroissiale que manie Alfredo. Le curé d’alors imposait de couper les passages où les personnages s’embrassaient et tout autre passage litigieux avant de projeter les films devant une salle pleine à craquer… Ecrit et réalisé par Giuseppe Tornatore, Cinéma Paradiso nous fait revivre le pittoresque engouement pour le cinéma dans l’Italie rurale du milieu du XXe siècle. Si le film comporte indéniablement de bons moments (tous situés lors des projections où nous pouvons voir des extraits de films et leur impact sur le public), Tornatore reste dans la facilité, joue de façon insistante sur l’émotion et appuie ses effets. La seconde partie, consacrée aux amours du garçon devenu adolescent, est particulièrement inintéressante. Par ses côtés bon enfant et sa célébration du cinéma, Cinéma Paradiso a su plaire (j’avoue l’avoir moi-même beaucoup plus apprécié à sa sortie). Le film est d’ailleurs aussi médaillé qu’un général russe…
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Philippe Noiret, Salvatore Cascio, Jacques Perrin
Voir la fiche du film et la filmographie de Giuseppe Tornatore sur le site IMDB.
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Remarques :
* Dans l’excellent Dictionnaire du cinéma italien, Olivier Maillart dit de Tornatore qu’il a « souvent une excellente idée de mise en scène par film, qu’il lui arrive de gâcher mais dont il faut savoir le créditer ». Dans Cinéma Paradiso, c’est incontestablement le montage de toutes les scènes coupées de baisers mises les unes à la suite des autres (qu’il gâche effectivement par un contrechamp sur Jacques Perrin la larme à l’oeil pour créer l’émotion…) Personnellement, j’ajouterais une seconde scène : celle où le film est projeté par reflet sur le mur de la maison d’en face dont l’occupant ouvre le volet et se retrouve ainsi dans l’image.
* Dans la version originale, Philippe Noiret est doublé en italien et, lui qui a l’une des plus belles voix du cinéma, se retrouve affublé d’une voix bien fluette (le film est une coproduction franco-italienne).
* Dans la première moitié des années cinquante, c’est l’Italie qui avait en Europe le plus grand nombre de salles de cinémas (17 000 en 1956).

Cinéma Paradiso (1988) de Giuseppe Tornatore
Le film projeté est (me semble t-il) I pompieri di Viggiù (Les pompiers chez les pin-up) de Mario Mattoli (1949) avec Totò et Nino Taranto à l’écran.

Cinéma Paradiso (1988) de Giuseppe Tornatore
Philippe Noiret et Salvatore Cascio dans Cinéma Paradiso.

16 avril 2014

Witness (1985) de Peter Weir

Titre français parfois utilisé : « Témoin sous surveillance »

Witness: Témoin sous surveillanceDe passage dans la gare de Philadelphie, un enfant de la communauté Amish est témoin du meurtre d’un homme. Lorsqu’il découvre que des policiers sont impliqués, l’inspecteur John Book (Harrison Ford) doit se réfugier chez les Amish… Pour son premier film américain, on peut dire que l’australien Peter Weir a réussi un coup de maître : tout en adoptant l’enveloppe très hollywoodienne d’un film policier, il a su conserver une approche toute personnelle et son attrait pour les civilisations perdues ou isolées. L’idée de départ toutefois est celle du producteur Edward S. Feldman qui eut bien du mal à imposer son projet (1). L’intrigue policière est rapidement délaissée pour se concentrer sur cette communauté Amish qui vit de manière identique depuis le XVIIIe siècle. L’approche de cette vaste communauté puritaine et austère est très respectueuse, nous montrant une partie de son fonctionnement et la formidable entraide entre ses membres (superbe scène de la construction d’une grange). Leur non violence est tout en contraste avec celle du monde extérieur mais l’approche de Peter Weir n’est aucunement manichéenne : il met en parallèle plus qu’il n’oppose. Witness, c’est aussi l’histoire d’un amour impossible. Harrison Ford est remarquable. L’acteur sortait de plusieurs films à succès (Star Wars, Indiana Jones) qui l’enfermaient dans un certain type de rôles. Witness lui a permis de prouver qu’il pouvait interpréter des rôles d’une certaine profondeur. Sa présence a certainement contribué au succès populaire du film. Face à lui, Kelly McGillis montre beaucoup de sensibilité avec un visage presque angélique. Witness fut un très grand succès. Même s’il n’y a plus aujourd’hui cet aspect de la découverte d’une communauté étonnante, Witness est, trente ans plus tard, toujours aussi enthousiasmant.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Harrison Ford, Kelly McGillis, Lukas Haas, Alexander Godunov, Danny Glover
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Remarques :
* Lukas Haas, âgé de 8 ans au moment du tournage, a maintenant presque 40 ans et plus de 80 films à son actif.
* La communauté Amish n’a pas trop apprécié être propulsée ainsi sur le devant de la scène, estimant que le film donnait d’eux une image fausse. En outre, ils ont du faire face à un afflux de curieux.

(1) Initialement, Edward S. Feldman a proposé le projet à la Fox qui lui a répondu que la Fox ne faisait pas de « rural movies ». Le projet a ensuite plus ou moins fait le tour de tous les studios avant d’être accepté in extremis par la Paramount.