19 mai 2022

L’étoffe des héros (1983) de Philip Kaufman

Titre original : « The Right Stuff »

L'étoffe des héros (The Right Stuff)L’Étoffe des héros retrace l’épopée des pilotes d’essai américains d’après-guerre, du passage du mur du son par Chuck Yeager aux premiers vols spatiaux habités du programme Mercury de 1958 à 1963…
Il s’agit de la transposition cinématographique du livre de l’écrivain et chroniqueur américain Tom Wolfe (L’Étoffe des héros, paru en 1979). Philip Kaufman en a écrit l’adaptation. Bien documenté, le récit de plus de trois heures respecte assez bien la réalité historique (1) même si le cinéaste donne une très (trop sans doute) grande place à l’humour afin de le rendre plus attrayant. Il souligne également très fortement l’esprit d’indépendance des pilotes (2). En toute logique, le propos général exalte le patriotisme américain mais sans excès, laissant même entrevoir quelques piques discrètes envers le rêve américain. D’autre part, le vice-président Lyndon B. Johnson est présenté comme un clown, ce qui est certainement excessif. Cette grande fresque reste un beau témoignage des débuts de la conquête de l’espace. Malgré tous les moyens mis en œuvre pour en faire un grand film populaire et de bonnes critiques, L’Étoffe des héros fut un échec commercial qui traduit probablement le désintérêt du public après la fin du programme Apollo, dix ans auparavant.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Sam Shepard, Scott Glenn, Ed Harris, Dennis Quaid, Fred Ward, Barbara Hershey, Kim Stanley, Veronica Cartwright, Jeff Goldblum
Voir la fiche du film et la filmographie de Philip Kaufman sur le site IMDB.

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Remarques :
* Nommé à aucun instant, l’ingénieur en chef du programme est Wernher von Braun, brillant ingénieur mais ancien responsable nazi. Récupéré par les Américains avec son équipe à la fin de la guerre, Von Braun avait travaillé à la mise au point de fusées dès 1933 pour le régime nazi. Pendant la guerre, les missiles balistiques V1/V2 ont été construits par des prisonniers dans des conditions inhumaines. Des milliers en sont morts. Ces missiles ont fait plus de morts pendant leur construction qu’en tant qu’arme de destruction.
* Caméo : Le véritable Chuck Yeager fait une courte apparition dans une scène dans le Pancho’s Bar à environ 55 minutes (il avait alors 60 ans). C’est lui qui sert à boire aux deux prospecteurs de la NASA venus chercher des pilotes d’essai. Chuck Yeager vivra jusqu’à l’âge de 97 ans (il est décédé en 2020).

(1) La scène où Gus Grisom panique pour sortir de sa capsule a été critiquée car elle laisse supposer que l’astronaute a fait une erreur alors que la NASA a considéré, après enquête, qu’il n’était pas fautif et l’a conservé pour le programme Apollo (il perdra la vie dans l’accident d’Apollo 1). La capsule a finalement été repêchée en 1999 et l’a définitivement innocenté.
(2) Sur ce thème, le dernier départ montré de Chuck Yeager, décollant sans autorisation, est une exagération scénaristique un peu risible.

L'étoffe des héros (The Right Stuff)Ed Harris dans L’étoffe des héros (The Right Stuff) de Philip Kaufman.

26 février 2021

Phantom Thread (2017) de Paul Thomas Anderson

Phantom ThreadA Londres dans les années 1950, le couturier Reynolds Woodcock dessine les vêtements des gens de la haute société : stars de cinéma, héritières et même la famille royale. Il travaille avec sa sœur Cyril et les femmes vont et viennent dans la vie de ce célibataire aussi célèbre qu’endurci, lui servant à la fois de muses et de compagnes soumises. Jusqu’au jour où la jeune et déterminée Alma ne vienne prendre une place centrale. Mais cet amour va bouleverser une routine jusque-là ordonnée au millimètre près…
Paul Thomas Anderson a réalisé, écrit et officié en tant que directeur de la photographie sur Phantom Thread. Le personnage de Reynolds Woodcock est inspiré par le grand couturier espagnol Cristóbal Balenciaga (1895-1972). Le film est assez séduisant dans sa forme : il est élégant et raffiné. En revanche, l’histoire n’est finalement pas très intéressante, c’est le moins que l’on puisse dire ; elle ne repose essentiellement que sur l’originalité de la relation entre les deux personnages principaux. L’histoire est relevée in extremis par une pointe de suspense lointainement inspiré de Rebecca d’Alfred Hitchcock. Pour son excellente interprétation, Daniel Day Lewis semble s’être inspiré de Jeremy Irons. L’acteur a annoncé arrêter sa carrière après ce film. La critique unanime a parlé de chef d’œuvre et le public a suivi. Personnellement, je le qualifierais de « beau mais un peu vide et ennuyeux ».
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Vicky Krieps, Daniel Day-Lewis, Lesley Manville
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Phantom ThreadVicky Krieps et Daniel Day-Lewis dans Phantom Thread de Paul Thomas Anderson.

23 décembre 2020

Brooklyn Affairs (2019) de Edward Norton

Titre original : « Motherless Brooklyn »

Brooklyn Affairs (Motherless Brooklyn)New York, dans les années 1950, Lionel Essrog est un détective privé atteint du syndrome de Gilles de La Tourette. Lorsque que son patron, mentor et unique ami Frank Minna se fait tuer, il décide de poursuite son enquête pour retrouver ses meurtriers. Grâce à quelques indices et à son esprit obsessionnel, il va découvrir des secrets qui ont des conséquences sur l’urbanisation de la ville…
Second long métrage de l’acteur Edward Norton, Brooklyn Affairs est l’adaptation du roman Les Orphelins de Brooklyn (Motherless Brooklyn) de Jonathan Lethem. Le film se place dans la droite ligne des films de détective des années quarante avec une particularité de taille : le détective privé n’a pas du tout le profil habituel puisqu’il est atteint du syndrome de Gilles de La Tourette, un trouble neurologique caractérisé par des tics moteurs et surtout vocaux. Il peut ainsi prononcer compulsivement des mots qui trahissent sa pensée. Ce handicap est partiellement compensé par une mémoire hors du commun. Le résultat donne un personnage très humain, bien plus humain que les détectives privés habituels, souvent bravaches et blasés. Edward Norton a préféré transposer l’histoire du roman de 1999 aux années cinquante, ce qui lui donne une touche de classicisme mais a le défaut de rendre le propos moins actuel. La reconstitution est soignée et la musique jazzy de Daniel Pemberton et Thom Yorke est de toute beauté.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Edward Norton, Gugu Mbatha-Raw, Alec Baldwin, Willem Dafoe, Bruce Willis
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Remarque :
* Le personnage de Moses Randolph (interprété par Alec Baldwin) est basé sur l’urbaniste américain Robert Moss, artisan de la rénovation de New York entre 1930 et 1970 et personnalité controversée. On le compare parfois au Baron Haussman du Paris du Second Empire. Page Wikipédia.

Brooklyn Affairs (Motherless Brooklyn)Gugu Mbatha-Raw et Edward Norton dans Brooklyn Affairs (Motherless Brooklyn) de Edward Norton.

15 juin 2019

Jaguar (1955-1967) de Jean Rouch

JaguarTrois jeunes nigériens décident de quitter leur village de brousse durant la saison sèche pour se rendre temporairement en Gold Coast (qui deviendra le Ghana en 1957) dans l’espoir d’y faire fortune. Arrivés là-bas, ils se séparent. L’un travaille au port d’Accra, l’autre devient un Jaguar ( = « jeune homme galant à la tête bien peignée que tout le monde regarde ») exerçant divers petits métiers et tous deux finissent par rejoindre le troisième qui vend diverses choses sur le marché de Kumassi. Ils s’associent pour fonder l’échoppe « Petit à petit, l’oiseau fait son bonnet » avant de rentrer dans leur village…
Alors qu’il est chargé de recherches au CNRS au début des années cinquante, Jean Rouch tourne d’abord des documentaires de format conventionnel avant de tenter une expérience nouvelle avec ce Jaguar. Il propose à trois jeunes nigériens d’inventer une histoire qu’il filmera en décors naturels avec une petite caméra portable, le son étant ajouté par la suite. Jean Rouch se situe ainsi directement dans la ligne initiée par Robert Flaherty avec son Nanouk l’esquimau. La partie voyage est finalement assez courte, plus de la moitié du film prend place dans les villes d’arrivée. Jean Rouch intervient très peu en voix-off, tout le reste est commenté par les trois nigériens eux-mêmes, ils décrivent ce qu’ils sont en train de faire comme s’ils le revivaient. Leurs commentaires sont hauts en couleur (ce sont de véritables moulins à paroles…) et donnent un caractère très décontracté à l’ensemble : le résultat est coloré et sympathique. Sur le fond, Jaguar offre un témoignage sur les mutations de la société africaine. Tourné en 1955, le film n’est sorti qu’en 1967.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Damouré Zika, Lam Ibrahim Dia, Illo Gaoudel
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Remarques :
* Pour en savoir plus sur les difficultés à sortir le film, voir une étude sur le site 1895 (Revue de l’association française de recherche sur l’histoire du cinéma)

* Le film Petit à petit de Jean Rouch peut être vu comme une suite à Jaguar. Le troisième volet devait s’intituler Grand à grand mais n’a pas vu le jour.

Jaguar
(à gauche) Damouré Zika, Illo Gaoudel et Lam Ibrahim Dia dans Jaguar de Jean Rouch.
(à droite) Damouré Zika est un « jaguar » dans Jaguar de Jean Rouch.

 

Ne pas confondre avec :
Le Jaguar de Francis Veber (1996) avec Jean Reno et Patrick Bruel (!)

26 mai 2019

Violette (2013) de Martin Provost

Violette1943. Violette Leduc vit avec l’écrivain Maurice Sachs qui ne l’aime pas mais l’encourage à écrire. Lorsqu’elle achève son premier manuscrit à la fin de la guerre, elle le donne à lire à Simone de Beauvoir qui lui fait retravailler certains passages et la fait éditer par Albert Camus…
Martin Provost met en scène la vie de l’écrivaine Violette Leduc, dont les romans à base autobiographique s’inscrivent dans le courant féministe des années cinquante et soixante : elle y aborde  de façon directe des sujets que la société d’alors réservait aux hommes. Le film est assez appliqué, trop peut-être, un peu long et confus par moments mais l’approche de Martin Provost a le mérite de ne pas être édulcoré. C’est le film d’un beau duo d’actrice. Emmanuelle Devos parvient à restituer la personnalité particulièrement tourmentée de l’écrivaine qui est le vrai sujet du film. Sandrine Kiberlain incarne tout aussi merveilleusement une solide et décidée Simone de Beauvoir, son mentor.
Elle: 4 étoiles
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Emmanuelle Devos, Sandrine Kiberlain, Olivier Gourmet, Catherine Hiegel, Jacques Bonnaffé
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Violette
Sandrine Kiberlain et Emmanuelle Devos dans Violette de Martin Provost.

22 décembre 2018

Ave, César! (2016) de Joel Coen et Ethan Coen

Titre original : « Hail, Caesar! »

Ave, César!Hollywood 1951. Eddie Mannix est à la tête de la production du grand studio Capitol Pictures et remplit également le rôle de « fixeur » : régler les problèmes pour éviter tout comportement scandaleux de ses vedettes, qui seraient immanquablement relayés par la presse à potins…
Pour les frères Coen, Ave, César! est un projet qui remonte à 2004 et qui devait se dérouler initialement dans les années vingt. C’est un hommage à la période classique d’Hollywood accompagné d’une réflexion sur la création de l’image et du  rêve. Leur angle d’attaque part de l’envers du décor, la nécessité de fournir une image publique lisse et ne laisser aucune prise à la presse à scandales. Ils jouent également avec beaucoup d’humour sur le décalage entre l’image fabriquée et le réel, notamment en ce qui concerne les acteurs qui sont parfois de parfaits idiots. L’humour est constant, élégant et subtil. Le film est un vrai régal pour le cinéphile. L’image est superbe et la mise en scène parfaite. Ave, César! n’a reçu qu’un accueil mitigé, n’étant pas une « satire assez mordante » aux yeux de certains. En fait, ce n’est pas une satire, ou bien, ce n’est pas qu’une satire…
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Josh Brolin, George Clooney, Alden Ehrenreich, Ralph Fiennes, Scarlett Johansson, Tilda Swinton, Channing Tatum, Frances McDormand, Jonah Hill
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Ave César
Scarlett Johansson et Josh Brolin dans Ave, César! de Ethan et Joel Coen.

Ave César
George Clooney dans Ave, César! de Ethan et Joel Coen.

Remarques :
Slate a recherché les sources d’inspiration pour les différents personnages : lire…
En voici les principaux éléments :

1) Eddie Mannix (1891-1963) a vraiment existé, il fut fixeur de la MGM et s’aida d’Howard Strickling, directeur de la publicité du studio.

2) Baird Whitlock (George Clooney) est fictif mais le film Ave César: une histoire du Christ rappelle fortement Ben-Hur (1925 et 1959). Les rumeurs sur son rôle dans L’Envol des grands aigles font penser à Robert Taylor, star de Quo Vadis (1951).

3) Hobie Doyle (Alden Ehrenreich ) peut évoquer plusieurs acteurs : Ken Maynard, Lash LaRue mais l’erreur de casting qui le fait jouer dans un drame de la haute société évoque Tim Holt qui joua dans La Splendeur des Amberson de Welles.

4) Sa compagne d’un soir, Carlotta Valdez, fait penser à Carmen Miranda (à cause des bananes).

5) Les jumelles journalistes évoquent Hedda Hopper et Louella Parsons qui n’était pas sœurs jumelles mais ont été longtemps rivales pour diffuser les potins et ragots d’Hollywood.

6) DeeAnna Moran (Scarlett Johansson) fait immanquablement penser à Esther Williams, le ballet aquatique est presque l’exacte réplique de celui de La Première Sirène (Million Dollar Marmaid) de Mervyn LeRoy (1952). L’intrigue de la grossesse hors-mariage remonte à plus loin : Barbara La Marr en 1923 et Loretta Young en 1937.

7) Burt Gurney s’inspire de Gene Kelly dont la chorégraphie de danse en tenue de marin fut utilisée dans Un jour à New York et Escale à Hollywood.

+ quelques autres mentions plus mineures… dont des rapprochements hasardeux à propos du groupe de communistes. Les personnages sont très caricaturaux (sans parler du chien qui s’appelle Engels) et, vraisemblablement, il s’agit plutôt d’un trait d’humour : les frères Coen mettent en scène un groupe de communistes tels que les voyait ou les imaginait la Commission chargée des activités anti-américaines (HUAC). La scène du sous-marin vient renforcer cette impression.

5 mars 2018

Carol (2015) de Todd Haynes

CarolÀ New York en 1952, la jeune et timide Thérèse, passionnée de photo et vendeuse dans un grand magasin, fait la connaissance d’une riche et séduisante cliente, Carol, mère d’une petite fille et en instance de divorce. Une amitié se noue entre les deux femmes et elles passent de plus en plus de temps ensemble…
Carol est adapté du roman semi-autobiographique The Price of Salt que Patricia Highsmith publia en 1952 sous le pseudonyme Claire Morgan. L’auteure a pris un pseudonyme à la fois pour se protéger et parce qu’il s’agit d’un mélodrame et non d’un roman policier (1). Soixante ans plus tard, l’adaptation a été écrite par son amie Phyllis Nagy. Todd Haynes met en scène cette histoire de façon délicate, élégante, évitant les clichés et sans victimisation excessive. Au delà de la mise en évidence des pesanteurs de la société vis-à-vis de l’homosexualité féminine, il parvient à donner à cette histoire simple une dimension atemporelle et une indéniable beauté. Pour mieux restituer l’atmosphère du début des années cinquante, le film a été tourné en 16 mm. La recherche esthétique est sans doute parfois un peu voyante mais elle est réussie ; les couleurs, notamment, sont très belles. Le film est d’un très beau classicisme.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Cate Blanchett, Rooney Mara, Kyle Chandler, Sarah Paulson
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Carol
Cate Blanchett dans Carol de Todd Haynes.

Carol
Rooney Mara dans Carol de Todd Haynes. L’appareil-photo est un Argus C3 (marque américaine peu connue en Europe), un appareil assez bon marché à mise au point télémétrique (séparée de l’objectif, ajusté avec les grosses molettes) commercialisé entre 1939 et 1966.

Carol
Cate Blanchett et Rooney Mara dans Carol de Todd Haynes.

(1) Le roman connu un grand succès, notamment lors de son édition en livre de poche à la fin des années soixante : près d’un million d’exemplaires furent au final vendus. Patricia Highsmith a nié en être l’auteur pendant 38 ans avant de donner la permission pour une réédition sous son nom avec le titre Carol en 1990.

4 novembre 2017

Life (2015) de Anton Corbijn

LifeJanvier 1955. Le photographe Dennis Stock, qui travaille pour Magnum et a déjà réussi à placer ses clichés dans le magazine Life, cherche de bons sujets pour que sa démarche artistique soit reconnue. A une réception chez le réalisateur Nicholas Ray, il rencontre James Dean. L’acteur (alors fraichement issu de l’Actor’s Studio de Kazan) vient de tourner A l’est d’Eden qui n’est pas encore sorti et espère être choisi par Nicholas Ray pour La Fureur de vivre
Des trois principaux photographes ayant photographiés James Dean, Dennis Stock est le second (les deux autres sont Roy Schatt et Phil Stern). Anton Corbijn nous fait revivre cette rencontre. Tous deux sont de la même génération, celle qui a eu 20 ans juste après la guerre. Le réalisateur nous montre un James Dean méfiant envers la célébrité, reprenant ainsi l’image traditionnellement associée à l’acteur (alors que James Dean est devenu l’icône que l’on sait après sa mort et que son image de rebelle a été fortement amplifié par la Warner pour des raisons commerciales, deux des trois films qu’il a tournés n’étant pas encore sortis au moment de son accident fatal en septembre 1955). Ceci dit, le sujet principal du film n’est pas tant James Dean mais plutôt le photographe Dennis Stock qui cherche à saisir l’essence de son sujet, montrer sa vraie personnalité. Robert Pattinson est très convaincant dans le rôle de ce photographe mais cela ne compense pas la prestation assez fade de Dane DeHaan. L’ensemble n’est hélas pas très passionnant et il faut vraiment se forcer pour s’intéresser à cette histoire.
Elle: 2 étoiles
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Robert Pattinson, Dane DeHaan, Ben Kingsley
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Life
Dane DeHaan est James Dean dans Life de Anton Corbijn (le réalisateur précise qu’il n’a pas cherché la ressemblance physique).

Life
Robert Pattinson est le photographe Dennis Stock dans Life de Anton Corbijn. Il utilise un Leica M3.  Dans cette scène, il est en train de prendre la photo ci-dessous :

James Dean
Photo de James Dean par Dennis Stock à Times Square en janvier 1955. Cette photo verticale est remarquablement construite.  Elle est hélas souvent montrée recadrée en horizontal ce qui lui fait perdre toute sa force. Cette photo est devenue très emblématique après la mort de James Dean : seul et inconnu dans la grande ville, il semble marcher vers un destin qu’il ne connaitra jamais.

23 mai 2016

Ed Wood (1994) de Tim Burton

Ed WoodDans les années cinquante, Ed Wood cherche à percer dans l’industrie du cinéma à Hollywood. Il parvient à réaliser de façon expéditive un premier film sur un transsexuel. Il rencontre par hasard l’acteur vieillissant Bela Lugosi et décide de le faire tourner à nouveau… Tim Burton rend hommage à Ed Wood qui est passé à la postérité pour être sacré « le plus mauvais réalisateur de tous les temps ». Il se concentre sur sa relation avec Bela Lugosi et nous dresse le portrait assez complaisant d’un doux dingue persuadé de faire un cinéma de haute qualité et prenant pour modèle Citizen Kane. Contrairement à toute attente, Tim Burton n’exploite pas le zeste de folie du personnage, ni même d’éventuelles souffrances internes. Il le fait toutefois pour l’autre personnage central, Bela Lugosi personnifié par un Martin Landau absolument remarquable dans son interprétation, rendant ainsi un témoignage émouvant des dernières années de la vie de cet acteur remarquable. Tous les éléments, aussi loufoques qu’ils puissent paraître, sont authentiques. Le récit est tout d’abord intéressant mais se révèle répétitif et un peu ennuyeux par la suite. Il reste alors à se délecter de la forme, un très beau noir et blanc et un montage assez vif à l’image de son personnage principal. Le film est tenu généralement en haute estime.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Johnny Depp, Martin Landau, Sarah Jessica Parker, Patricia Arquette, Jeffrey Jones, Bill Murray
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Remarques :
* Le budget de Plan 9 from Outer Space fut effectivement de 60 000 dollars ( = 500 000 dollars d’aujourd’hui), ce qui était très faible : la plupart des séries B de l’époque avaient un budget compris entre 200 000 et 400 000 dollars. De ce fait, on parle plus de « série Z » pour qualifier les films d’Ed Wood.

* Plan 9 from Outer Space est le film le plus célèbre d’Ed Wood depuis qu’un critique américain l’a qualifié dans les années 80 de « plus mauvais film de tous les temps » ce qui lui a valu une notoriété immédiate et d’être vu par de très nombreux spectateurs (c’est effectivement très mauvais).

Ed Wood
Martin Landau et Johnny Depp dans Ed Wood de Tim Burton.

Glen of Glenda - Ed Wood
Dolores Fuller et Ed Wood dans Glen or Glenda d’Ed Wood (1953).

Ed Wood
La même scène reconstituée par Tim Burton : Sarah Jessica Parker et Johny Depp dans Ed Wood de Tim Burton (1994).

Plan 9 from outer space
Matériel publicitaire pour le film Plan 9 from Outer Space d’Ed Wood (tourné en 1956, sorti en 1959).

14 janvier 2015

Cinéma Paradiso (1988) de Giuseppe Tornatore

Titre original : « Nuovo Cinema Paradiso »

Cinéma ParadisoEn Sicile, juste après la guerre, un jeune enfant de choeur est fasciné par le projecteur de cinéma dans la salle paroissiale que manie Alfredo. Le curé d’alors imposait de couper les passages où les personnages s’embrassaient et tout autre passage litigieux avant de projeter les films devant une salle pleine à craquer… Ecrit et réalisé par Giuseppe Tornatore, Cinéma Paradiso nous fait revivre le pittoresque engouement pour le cinéma dans l’Italie rurale du milieu du XXe siècle. Si le film comporte indéniablement de bons moments (tous situés lors des projections où nous pouvons voir des extraits de films et leur impact sur le public), Tornatore reste dans la facilité, joue de façon insistante sur l’émotion et appuie ses effets. La seconde partie, consacrée aux amours du garçon devenu adolescent, est particulièrement inintéressante. Par ses côtés bon enfant et sa célébration du cinéma, Cinéma Paradiso a su plaire (j’avoue l’avoir moi-même beaucoup plus apprécié à sa sortie). Le film est d’ailleurs aussi médaillé qu’un général russe…
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Philippe Noiret, Salvatore Cascio, Jacques Perrin
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Remarques :
* Dans l’excellent Dictionnaire du cinéma italien, Olivier Maillart dit de Tornatore qu’il a « souvent une excellente idée de mise en scène par film, qu’il lui arrive de gâcher mais dont il faut savoir le créditer ». Dans Cinéma Paradiso, c’est incontestablement le montage de toutes les scènes coupées de baisers mises les unes à la suite des autres (qu’il gâche effectivement par un contrechamp sur Jacques Perrin la larme à l’oeil pour créer l’émotion…) Personnellement, j’ajouterais une seconde scène : celle où le film est projeté par reflet sur le mur de la maison d’en face dont l’occupant ouvre le volet et se retrouve ainsi dans l’image.
* Dans la version originale, Philippe Noiret est doublé en italien et, lui qui a l’une des plus belles voix du cinéma, se retrouve affublé d’une voix bien fluette (le film est une coproduction franco-italienne).
* Dans la première moitié des années cinquante, c’est l’Italie qui avait en Europe le plus grand nombre de salles de cinémas (17 000 en 1956).

Cinéma Paradiso (1988) de Giuseppe Tornatore
Le film projeté est (me semble t-il) I pompieri di Viggiù (Les pompiers chez les pin-up) de Mario Mattoli (1949) avec Totò et Nino Taranto à l’écran.

Cinéma Paradiso (1988) de Giuseppe Tornatore
Philippe Noiret et Salvatore Cascio dans Cinéma Paradiso.