23 septembre 2013

Smithy (1924) de George Jeske

Titre français parfois utilisé : « Un gars du bâtiment »

Smithy(muet, 24 minutes) Rendu à la vie civile, un ancien soldat se fait embaucher sur un chantier de construction… Après un prologue à l’armée où Stan Laurel et James Finlayson s’affrontent hélas un peu trop brièvement, Smithy se déroule essentiellement sur le chantier de construction d’une maison. Stan Laurel apparaît ici sans son futur partenaire Oliver Hardy puisque le duo ne se formera que deux ans plus tard. L’humour est dans une veine d’humour pur slapstick, on se prend des coups et des objets divers sur la tête. Il y a quelques bons gags avec une échelle et aussi dans la queue d’embauche. Stan Laurel est ici totalement impassible, rappelant ainsi quelque peu Buster Keaton. Production Hal Roach.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Stan Laurel, James Finlayson
Voir la fiche du film et la filmographie de George Jeske sur le site IMDB.

Remarques :
Il est intéressant de comparer le film avec ce que feront Stan Laurel et Oliver Hardy quatre ans plus tard sur un thème très similaire : Laurel et Hardy constructeurs (The Finishing Touch, 1928) de Clyde Bruckman et Leo McCarey. Un film bien plus abouti.

22 septembre 2013

Faust (1926) de F.W. Murnau

Titre original : « Faust – Eine deutsche Volkssage »

FaustLe démon Méphistophélès se targue auprès de l’archange Gabriel de pouvoir corrompre l’esprit du vieux docteur Faust et l’asservir. Pour le prouver, il descend lui-même sur terre et va proposer à Faust de retrouver sa jeunesse… Le Faust de Murnau est l’adaptation la plus remarquable de cette légende créée par Goethe. C’est le dernier film allemand de Murnau (1), pour lequel il a bénéficié de moyens colossaux de la part de l’UFA qui désirait frapper un grand coup sur le marché américain. Le perfectionnisme du réalisateur se ressent à tous les niveaux. L’image est assez remarquable, avec de superbes scènes en clair-obscur et de très beaux effets de brumes qui créent une atmosphère forte. Les effets spéciaux montrent aussi une certaine perfection (pour l’époque, bien entendu) ; certaines scènes sont particulièrement saisissantes, telle celle où Méphistophélès étend sa grande cape noire sur la ville de Faust ; Faust la scène de vol (réalisée avec des maquettes) est, quant à elle, magique. L’histoire est un peu réduite, sans doute un peu trop centrée sur l’histoire d’amour entre Faust et Gretchen. On peut aussi regretter le jeu parfois excessif d’Emil Jannings (2) et se demander si le personnage de la tante était bien nécessaire (3). Mais cela n’altère en rien sa valeur : Faust est, par la puissance évocatrice de son atmosphère fantastique, l’un des films les plus importants du cinéma muet.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Gösta Ekman, Emil Jannings, Camilla Horn, Wilhelm Dieterle, Yvette Guilbert
Voir la fiche du film et la filmographie de F.W. Murnau sur le site IMDB.

Voir les autres films de F.W. Murnau chroniqués sur ce blog…

Remarque :
Lorsque Wilhelm Dieterle (qui interprète ici le frère de Gretchen) émigrera aux Etats Unis en 1930, il prendra le nom de William Dieterle pour faire une belle carrière de réalisateur (voir les films de William Dieterle chroniqués sur ce blog).

(1) Murnau ira s’installer aux Etats Unis avant même la sortie du film.
(2) A noter que Emil Jannings avait déjà interprété le rôle de Méphistophélès au théâtre.
(3) Le personnage de la tante de Gretchen est interprété par l’actrice française Yvette Guilbert et son inclusion était surtout destinée au public français. L’UFA voulait vraiment faire de Faust un succès international.

Principales autres adaptations du mythe de Faust :
Faust et Marguerite de Georges Méliès (1897)
La Damnation du Docteur Faust de Georges Méliès (1904)
La beauté du diable de René Clair (1950) avec Gérard Philipe et Michel Simon
Doctor Faustus de Richard Burton et Nevill Coghill (1967) avec Richard Burton et Elizabeth Taylor
Faust d’Alexandre Sokurov (2011)

21 septembre 2013

Il était une fois en Anatolie (2011) de Nuri Bilge Ceylan

Titre original : « Bir zamanlar Anadolu’da »

Il était une fois en AnatolieAu centre de la Turquie, trois voitures cheminent dans la pénombre des steppes vallonnées, leurs phares brillant dans la nuit. A leur bord, une équipe de policiers, un procureur et un docteur tente de retrouver l’endroit où un criminel a enterré sa victime. Le suspect a en effet avoué mais ne se rappelle qu’assez mal de l’endroit… Il était une fois en Anatolie est un film assez étonnant car on se laisse gagner par son atmosphère qui semble hors du temps et les 2h30 du film passent rapidement. Pourtant, il ne se passe pas grand-chose et le rythme pourra paraître lent mais, si le film nous capte, c’est par la profondeur de son propos. Cette profondeur est assez étonnante car il n’y a pas de grandes discussions philosophiques ici, les dialogues peuvent même paraître simples et pourtant on touche certains fondements de la nature humaine, certains questionnements ou autres doutes. Cela n’empêche pas l’humour, présent par petites touches, le plus souvent assez caustique. Le réalisateur turc Nuri Bilge Ceylan dit s’être inspiré de Tchekhov pour écrire son film.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Muhammet Uzuner, Yilmaz Erdogan, Taner Birsel
Voir la fiche du film et la filmographie de Nuri Bilge Ceylan sur le site IMDB.

Voir les autres films de Nuri Bilge Ceylan chroniqués sur ce blog…

Remarque :
L’Anatolie désigne la péninsule formée par la Turquie. Elle représente ainsi les 2/3 du pays. Par extension, le terme peut aussi désigner toute la partie asiatique de la Turquie, c’est-à-dire tout le pays à l’exception de la petite partie située sur le continent européen.

20 septembre 2013

La Vie privée de Sherlock Holmes (1970) de Billy Wilder

Titre original : « The Private Life of Sherlock Holmes »

La vie privée de Sherlock HolmesCinquante ans après la mort du Docteur Watson, certains de ses documents restés secrets sont dévoilés. Ils promettent de nous faire connaitre la vraie nature de Sherlock Holmes. Nous les suivons dans deux aventures… Face à l’échec commercial de ses deux derniers films (1) et au puritanisme de la critique américaine, Billy Wilder décide de tourner son film suivant en Europe. Avec La Vie privée de Sherlock Holmes, il s’attaque à un mythe très britannique. Toutefois, en grand amateur des écrits de Conan Doyle, il retourne le mythe de Sherlock Holmes mais ne le détruit pas. Certes, le détective est devenu prisonnier de son image publique par la popularité des récits du Docteur Watson, certes il est trop souvent dominé par les évènements, mais le personnage est suffisamment humain et humaniste pour rester attachant. Largement amputé par les studios (sur les quatre aventures, seules deux seront conservées dans la version commercialisée), le film n’en est pas moins remarquable, d’une mise en scène parfaite de simplicité et d’une réalisation sans faille. L’humour est toujours présent, souvent en petites touches, parfois plus truculent (comme cette scène où Watson se retrouve à danser avec des danseurs russes au lieu de danseuses !) Les parties coupées semblent hélas être perdues à jamais. On se prend à rêver qu’elles puissent être un jour retrouvées afin de voir, enfin, la version complète de La Vie privée de Sherlock Holmes.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Robert Stephens, Colin Blakely, Geneviève Page, Christopher Lee
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Voir les autres films de Billy Wilder chroniqués sur ce blog…

Remarques :
* La première aventure coupée prenait place dans un bateau qui ramenait Holmes et Watson d’Istanbul où ils avaient enquêté dans un harem. Fatigué, Holmes laissait Watson résoudre le cas de la mort étrange de jeunes mariés à sa place, Watson endossant l’habit de Holmes.
* La seconde aventure coupée concernait le cas étrange d’un chinois retrouvé mort dans une pièce où tous les meubles étaient cloués au plafond. Cette affaire était en réalité montée de toutes pièces par Watson pour tenter d’éloigner son ami de la drogue.
* Une scène coupée importante expliquait pourquoi Holmes était si mal à l’aise avec les femmes. Pendant dans la partie écossaise, un flashback nous montrait comment le jeune étudiant Holmes avait été écoeuré de voir que la fille dont il était secrètement amoureux avait accepté d’être l’enjeu d’une tombola.

(1) Embrasse-moi idiot (Kiss Me Stupid, 1964) et La grande combine (The Fortune Cookie, 1966)

19 septembre 2013

L’Éventail de Lady Windermere (1925) d’Ernst Lubitsch

Titre original : « Lady Windermere’s Fan »

Lady Windermere's Fan(Film muet) Dans la haute société de Londres, Lord et Lady Windermere occupent une place de premier plan. Un matin, Lord Windermere reçoit une étrange lettre : une certaine Mrs Erlynne demande à le rencontrer pour éviter que certaines informations fâcheuses ne soient divulguées. Il se rend à son domicile… La pièce d’Oscar Wilde, L’Éventail de Lady Windermere, a été portée à l’écran (grand et petit) de nombreuses fois mais la version de Lubitsch reste la plus remarquable. La pièce écrite pour le théâtre comporte une grande quantité de textes et l’adapter en film muet est en soi une gageure. Lubitsch y parvient magnifiquement, de surcroit avec très peu d’intertitres : il réussit à tout dire par l’image, jouant beaucoup avec l’espace, les mouvements de caméra, le déplacement des personnages. La démesure des décors est assez notable : nous sommes dans la haute société et les pièces sont tellement hautes qu’il est impossible d’entrevoir le haut des fenêtres ou des portes (1). Lady Windermere's Fan Lubitsch a modifié quelque peu l’histoire originale mais en a gardé l’esprit, une satire des relations sociales bourgeoises, de l’hypocrisie et de la mesquinerie. A l’inverse des personnages, le spectateur est omniscient : Lubitsch nous dit tout et nous mesurons ainsi à quel point les personnages se trompent et tirent des conclusions erronées à partir d’informations partielles. Le drame et la comédie sont en symbiose, les touches d’humour sont constantes, inventives, subtilement entremêlées au drame qui se déroule devant nous. L’Éventail de Lady Windermere est un vrai petit bijou.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Ronald Colman, Irene Rich, May McAvoy, Bert Lytell
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(1) A la vue de ces décors, la fameuse phrase « Doors ! Doors ! Doors ! » de Mary Pickford revient à l’esprit. L’actrice, qui avait joué deux ans plus tôt dans Rosita (1923), le premier film américain de Lubitsch, se plaignait qu’il s’intéresse plus aux portes qu’à elle. Elle l’avait qualifié de « director of doors ».

Autres adaptations :
Lady Windermere’s Fan de Fred Paul (1916)
Lady Windermeres Fächer de l’allemand Heinz Hilpert (1935) avec Lil Dagover
Historia de una mala mujer de l’argentin Luis Saslavsky (1948) avec Dolores del Rio
L’Éventail de Lady Windermere (The Fan) d’Otto Preminger (1949) avec Jeanne Crain, Madeleine Carroll et George Sanders
La séductrice (A Good Woman) de Mike Barker (2004) avec Helen Hunt et Scarlett Johansson

18 septembre 2013

Le Témoin (1978) de Jean-Pierre Mocky

Le témoinRobert Maurisson, un notable de Reims, fait venir son ami Antonio d’Italie pour restaurer les peintures d’une chapelle. Ce dernier va être, bien malgré lui, le témoin d’une affaire plutôt sordide… Adapté d’un roman d’Harrisson Jude, Le Témoin met en scène la grande bourgeoisie de province dans une histoire criminelle. L’esprit peut ainsi évoquer les films de Chabrol mais le style est ici plus brut. Mocky caricature légèrement, mais pour une fois sans excès, leurs moeurs dépravées et leur esprit de corps. La progression de l’histoire est bien contrôlée : si le ton est plutôt léger en début de film, la tension monte peu à peu et le malaise s’installe. Le film de Mocky est également un plaidoyer contre la peine de mort dont les conséquences brutales sont ici montrées assez sèchement. Noiret et Sordi sont tous deux remarquables, chacun étant, il est vrai, dans un rôle qui lui va comme un gant. En regardant Le Témoin aujourd’hui, on se demande bien pourquoi le film a été quelque peu éreinté par la critique à sa sortie. Il est maintenant considéré plus généralement (et à juste titre) comme faisant partie des meilleurs films de Jean-Pierre Mocky.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Alberto Sordi, Philippe Noiret, Roland Dubillard, Paul Crauchet
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Remarque :
Initialement, c’est Jean Gabin qui devait jouer le rôle du témoin. Le décès de l’acteur a rendu ce projet impossible. Le film aurait certainement été très différent car, si Alberto Sordi sait donner l’impression d’être sous l’emprise de Noiret, on imagine difficilement ce type de relation avec Gabin.

Homonyme :
Le Témoin (Il testimone) de Pietro Germi (1946)

17 septembre 2013

Mes chers amis (1975) de Mario Monicelli

Titre original : « Amici miei »

Mes chers amisA Florence, cinq quinquagénaires se retrouvent régulièrement pour faire des virées au cours desquelles ils se livrent à des mystifications ou des plaisanteries diverses… L’idée de départ de Mes chers amis avait été développée par Pietro Germi qui demanda, peu avant sa mort, à son ami Mario Monicelli de le tourner à sa place. C’est une comédie teintée d’une certaine tristesse : si leurs blagues de potaches sont amusantes, ces cinq farceurs sont des êtres désespérés, cherchant à combler le vide de leur existence, à oublier le fait qu’ils aient totalement raté leur vie. A ce sujet, il est assez étonnant que le film ait été accusé de misogynie car c’est plutôt l’inverse. Ces cinq quinquagénaires enfouissent leurs frustrations, leur sentiment d’incapacité au bonheur sous une conception légère de la vie, prétextant qu’elle ne doit pas être prise au sérieux. Le film est ainsi un bel exemple de cette capacité de la comédie italienne à apporter une certaine profondeur dans le propos, à provoquer une réflexion chez les spectateurs. Mes chers amis a été un énorme succès en Italie.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Ugo Tognazzi, Gastone Moschin, Philippe Noiret, Duilio Del Prete, Adolfo Celi, Bernard Blier
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Remarques :
* Le gag le plus remarquable du film est incontestablement celui du quai de la gare, ces gifles appliquées aux voyageurs qui se penchent par la fenêtre au démarrage du train pour dire au revoir. Du fait du succès du film, beaucoup les copièrent et de nombreux voyageurs italiens se sont plaints d’avoir été ainsi giflés.
* Mes chers amis évoque Les Vitelloni de Fellini, tourné quelque 20 ans plus tôt en 1953. Ce pourrait être les mêmes personnages d’ailleurs puisqu’ils ont 20 ans de plus.
* Philippe Noiret est bien entendu doublé en italien (par Renzo Montagnani), tout comme Bernard Blier (par Antonio Guidi). C’est avec ce film que Philippe Noiret a été adopté par le public italien.
* La postsynchronisation des voix de la version originale est assez épouvantable.

Suites :
Amici miei – Atto II° (Mes chers amis 2) de Mario Monicelli (1982)
Amici miei – Atto III° de Nanni Loy (1985)
Amici miei – Come tutto ebbe inizio de Neri Parenti (2011)

16 septembre 2013

Lucia et les gouapes (1974) de Pasquale Squitieri

Titre original : « I guappi »

Lucia et les gouapesDans le Naples de la fin du XIXe siècle, le jeune Nicola Bellizzi revient dans son quartier après un séjour en prison. Il a la ferme intention de changer de vie et d’étudier pour devenir avocat. Rapidement, il se heurte au chef mafieux du quartier avec lequel il va devenir ami… La Camorra est le sujet de prédilection de Pasquale Squitieri qui lui a consacré plusieurs films. La Mafia aurait eu un oeil sur la production de Lucia et les gouapes et, si c’est effectivement le cas, elle avait tout lieu d’être satisfaite du résultat car le portrait est plutôt flatteur : le scénario met l’accent sur le code d’honneur, les chefs mafieux font peu de choses répréhensibles, en revanche la violence des policiers est extrême (scènes de torture). Le fond du propos est d’affirmer que la Camorra n’existe que parce que l’état est défaillant, laissant les gens dans la misère. Le scénario est assez répétitif et prévisible, les personnages mal définis ; la réalisation n’a rien de remarquable, sombrant souvent dans l’excès de lyrisme avec une musique grandiloquente. Claudia Cardinale ne semble pas très présente mais son charme naturel opère pleinement lors de ses trop rares apparitions.
Elle:
Lui : 1 étoile

Acteurs: Claudia Cardinale, Franco Nero, Fabio Testi, Raymond Pellegrin
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Remarques :
* Gouape = voyou
* Après le divorce de l’actrice en 1975, Claudia Cardinale et Pasquale Squitieri vivront ensemble. C’est encore le cas aujourd’hui.

14 septembre 2013

Édouard et Caroline (1951) de Jacques Becker

Édouard et CarolineDans leur petit appartement, un jeune couple s’apprête à se rendre à une soirée mondaine. Edouard, pianiste doué mais inconnu, doit montrer ses talents chez l’oncle de sa femme, Caroline. Ils sont tous deux très tendus et une dispute ne tarde pas à éclater… Le scénario de Edouard et Caroline est particulièrement simple mais il est remarquablement écrit. Son principal auteur est une jeune femme de 21 ans, Annette Wademant qui dit s’être inspirée de sa relation avec Jacques Becker. Il est aussi parfaitement dosé, avec une satire de la société qui ne tombe jamais dans la caricature. Cet équilibre et cette efficacité dans la simplicité fait penser aux meilleures comédies américaines. Il a en plus une grande fraîcheur. L’interprétation par Daniel Gélin et Anne Vernon est parfaite et les seconds rôles sont très bien tenus. Jacques Becker a su composer avec un budget faible, sa mise en scène, elle aussi simple, sait restituer toute la passion et la candeur de ses personnages. Seuls deux lieux sont utilisés et le film se déroule presque en temps réel. Injustement méconnu, Edouard et Caroline est incontestablement à ranger parmi les grandes réussites du cinéma français de comédie. C’est un petit bijou.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Daniel Gélin, Anne Vernon, Elina Labourdette, Jacques François, Jean Galland
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Edouard et Caroline

Remarque :
Avec la même équipe, Jacques Becker a tourné deux ans plus tard Rue de l’Estrapade, toujours sur un scénario d’Annette Wademant.

13 septembre 2013

Le Lys brisé (1919) de David W. Griffith

Titre original : « Broken Blossoms or The Yellow Man and the Girl »

Le lys briséUn jeune chinois quitte son pays pour aller convertir les européens au bouddhisme. Il échoue dans le quartier populaire de Limehouse à Londres où, totalement désillusionné, il tient une petite boutique. Non loin de son échoppe, une jeune fille vit très pauvrement avec son père, un boxeur coléreux qui la terrorise et la bat. Il va tenter de lui venir en aide… Loin de ses grandes productions précédentes, Griffith tourne Le lys brisé au lendemain de la guerre avec un tout petit budget, en seulement 18 jours et 18 nuits (1). Adapté d’une histoire écrite par Thomas Burke, il s’agit d’un grand mélodrame qui oppose le bien et mal, la beauté et le sordide, la cruauté et l’innocence. Sur le fond, il faut en outre noter que le film est sorti aux Etats-Unis à une époque où sévissait un fort sentiment antichinois, la crainte du « péril jaune » ; il faut donc certainement voir dans le propos de Griffith un message de tolérance. Sur la forme, le réalisateur s’est plus attaché à l’atmosphère qu’à la richesse des décors qui sont peu nombreux mais dotés d’une belle force évocatrice. Si le jeu de Donald Crisp est certainement un peu trop marqué, ses expressions étant parfois proches de la grimace, celui de Lillian Gish est assez phénoménal. L’actrice montre d’étonnantes qualités de pantomime et ces scènes où elle utilise ses doigts pour forcer son sourire sont restées célèbres. De son côté, Richard Barthelmess est particulièrement crédible en chinois, le film sera un tremplin pour sa carrière. Le lys brisé culmine d’intensité dans son dénouement avec la scène du placard où Lillian Gish est absolument terrifiée (2) ; une scène très angoissante. Tourné rapidement et simplement, Le lys brisé n’en est pas moins l’un des films les plus remarquables de Griffith. Le misérabilisme appuyé et le jeu marqué des acteurs peuvent le faire apparaître vieilli à nos yeux modernes mais il faut se laisser gagner par son atmosphère et sa puissance évocatrice pour l’apprécier. (Film muet)
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Lillian Gish, Richard Barthelmess, Donald Crisp
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Remarques :
Le lys brisé* Au moment du tournage, Lillian Gish était très affaiblie par la maladie. L’actrice avait été touchée par l’épidémie de grippe espagnole qui, à cette époque, fit de très nombreuses victimes. Sa performance n’en est que plus admirable.
* Le film fut produit par D.W. Griffith pour être distribué par Adolph Zukor. Ce dernier fut mécontent du film une fois fini et le refusa. Griffith le racheta alors à Zukor le double du prix du tournage pour le distribuer avec sa toute nouvelle compagnie United Artists. Ce fut financièrement très judicieux car le film connut un très grand succès.
* D’après Lilian Gish, le film était si bien planifié et répété que le montage fut réduit à couper le début et la fin de chaque scène avant de les mettre bout à bout. On peut toutefois s’étonner de cette affirmation quand on voit le montage alterné de certaines scènes et les flashbacks.
* Broken Blossoms est tombé dans le domaine public et, de ce fait, les copies disponibles sont très variables en qualité et en durée. Le film fait initialement 90 minutes, certaines scènes sont teintées : bleu, rose/rouge ou couleur or.

Remake :
Le lys brisé (Broken Blossoms) de l’anglais John Brahm (1936) avec Dolly Haas et Arthur Margetson.

(1) Les scènes avec Donald Crisp étaient généralement tournées de nuit car il dirigeait lui-même un autre film pendant la journée (dans toute sa carrière, Donal Crisp a joué dans 173 films et en a dirigé 72).

(2) On raconte que les cris de Lillian Gish lors du tournage de la scène du placard auraient attiré des passants qui cherchèrent à entrer dans le studio pour venir la secourir.