17 août 2022

Les Bas-fonds (1936) de Jean Renoir

Les bas-fondsPépel est un voleur qui vit dans un refuge des bas-fonds tenu par un recéleur. Lors d’un cambriolage, Pépel est surpris par le propriétaire des lieux, un baron ruiné chez qui les huissiers doivent saisir, le lendemain, tous les meubles. Les deux hommes sympathisent et le baron vient vivre au refuge quelques jours plus tard…
Les Bas-fonds est un film français réalisé par Jean Renoir, adaptation de la pièce homonyme de Maxime Gorki. Le film est produit par Les Films Albatros, la compagnie de cinéma fondée par des émigrés russes au début des années vingt qui s’est illustrée par ses films d’avant-garde. L’adaptation a été écrite par l’écrivain Ievgueni Zamiatine assisté de Jacques Companéez, les dialogues sont signés par Charles Spaak. Sur l’insistance du producteur Alexandre Kamenka, certains éléments russes sont restés (les roubles, les noms des personnages,… ), ce qui, au lieu de donner un caractère universel au récit, paraît plutôt anachronique, au début du moins car rapidement notre attention est captée par la force d’une  belle galerie de personnages. Chacun personnifie un des travers de l’âme humaine ou, pour les deux personnages positifs, un espoir, un rêve d’idéal. Les éclairages sont travaillés et les mouvements de caméra souvent admirables, tout est parfaitement maitrisé pour doter le film d’une grande force.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Jean Gabin, Suzy Prim, Louis Jouvet, Jany Holt, Vladimir Sokoloff, Robert Le Vigan, René Génin, André Gabriello, Junie Astor
Voir la fiche du film et la filmographie de Jean Renoir sur le site IMDB.

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Les bas-fondsJean Gabin et Jany Holt dans Les Bas-fonds de Jean Renoir.
Les bas-fondsLouis Jouvet et Jean Gabin dans Les Bas-fonds de Jean Renoir.
Les bas-fondsPhoto de plateau : Jean Gabin et Louis Jouvet entre deux prises
sur le tournage de Les Bas-fonds de Jean Renoir.

Remarque :
* Autre adaptation de la pièce de Gorki :
Les Bas-fonds (Donzoko, 1957), film japonais de Akira Kurosawa avec Toshiro Mifune, Kyôko Kagawa et Isuzu Yamada

14 août 2015

Le Quai des brumes (1938) de Marcel Carné

Le Quai des brumesUn soldat déserteur de l’armée coloniale arrive au Havre dans la nuit pour tenter de s’embarquer pour un pays lointain. Dirigé par un vagabond amical vers un bar au milieu d’un terrain vague, il y fait la rencontre du patron qui lui donne à manger, d’un peintre suicidaire et d’une jeune fille triste au regard clair… Avec sa célèbre réplique, Le Quai des brumes fait aujourd’hui partie de ces quelques films qui sont comme statufiés dans l’histoire du cinéma. Il n’en a pas toujours été ainsi : il fut longtemps vilipendé aux deux extrêmes de l’échiquier politique du fait de sa noirceur. Le film est marqué par Prévert qui en a écrit le scénario en se basant sur un roman de Pierre Mac Orlan. Cela ne signifie pas que Carné se soit totalement effacé : on lui doit certainement la symbiose si réussie, ce fameux « réalisme poétique » si spécifique au cinéma français des années trente. Car le réalisme frise ici le fantastique, l’irréel et l’histoire n’est pas le point principal : Le Quai des brumes est un film d’atmosphère qui nous fait basculer dans une poésie noire sans complaisance qui reflète dans une certaine mesure le climat de son époque. Ses personnages sont ou désabusés, à l’image de ce peintre qui peint « les choses qui sont derrière les choses » et bien entendu du soldat Jean, ou des méchants odieux et caricaturaux (la scolopendre Zabel ou la petite frappe Lucien), ou encore des âmes dont la pureté tente de survivre aux souillures de l’environnement (Nelly). L’amour reste aux yeux de Prévert le plus fort, c’est la fleur qui jaillit de cette grisaille. La musique de Maurice Jaubert et la magnifique interprétation contribuent à rendre les personnages inoubliables. C’est pour toutes ces raisons qu’une phrase aussi banale que « T’as de beaux yeux, tu sais » a pu devenir ainsi la réplique la plus célèbre du cinéma français. Le film a été récemment restauré, certains plans ont été réintégrés, ce qui permet de mieux en profiter aujourd’hui. A noter enfin que les décors sont l’oeuvre du grand chef-décorateur Alexandre Trauner.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Jean Gabin, Michel Simon, Michèle Morgan, Pierre Brasseur, Édouard Delmont, Raymond Aimos, Robert Le Vigan
Voir la fiche du film et la filmographie de Marcel Carné sur le site IMDB.

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Lire aussi les informations sur la restauration de Quai des brumes sur le site internet de la Cinémathèque française… (avec également de très intéressantes informations sur la production du film : on y apprend par exemple que le film devait initialement être produit par l’UFA).

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Quai des brumes
Jean Gabin et Michèle Morgan dans Le Quai des brumes de Marcel Carné.

Quai des brumes
Michèle Morgan (alors âgée d’à peine 18 ans) et Michel Simon dans Le Quai des brumes de Marcel Carné. En la voyant ainsi, il est difficile de ne pas penser à Greta Garbo (notamment la Garbo d’Anna Christie).

23 avril 2014

La Bandera (1935) de Julien Duvivier

La banderaAprès avoir tué un homme, Pierre Gilieth s’enfuit à Barcelone où on lui vole tout son argent et ses papiers. Il s’engage dans la Légion espagnole, là où on ne lui posera aucune question sur son passé… La bandera est adapté d’un roman de Pierre Mac Orlan. Le sujet peut paraître assez conventionnel mais il est admirablement traité par Duvivier qui dirige là deux de ses acteurs fétiches : Jean Gabin et Robert Le Vigan. Son film a un petit aspect documentaire, nous montrant la vie des légionnaires envoyés en Afrique du Nord. On pourra reprocher au film son côté colonialiste, sentiment qui était assez courant à cette époque et n’a donc pas entravé la popularité du film (1). Le succès doit beaucoup à la remarquable mise en scène de Duvivier et la formidable présence de Jean Gabin qui interprète une fois de plus et avec panache un homme qui a fait de mauvais choix et en voit sa vie marquée à jamais. Le jeu des acteurs donne au film une indéniable force.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Annabella, Jean Gabin, Robert Le Vigan, Raymond Aimos, Pierre Renoir
Voir la fiche du film et la filmographie de Julien Duvivier sur le site IMDB.

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Remarque :
Le film a été tourné dans l’ex-zone espagnole du Maroc et également en studio. Des figurants ont été prêtés par l’armée espagnole, c’est-à-dire par … le Général Franco. A sa sortie, le film comportait même une dédicace au Général Franco, dédicace qui fut retirée au moment de la Guerre Civile espagnole qui éclata peu après.

(1) En revanche, lorsque La Bandera est ressorti à la fin des années cinquante, le film fut vivement critiqué pour la mise en avant d’un certain colonialisme.

26 janvier 2014

Jenny (1936) de Marcel Carné

JennyA la suite d’une déception sentimentale, la jeune Danielle retrouve à Paris sa mère qu’elle n’a vue depuis six ans. Elle finit par découvrir qu’elle est tenancière d’une boite de nuit et entremetteuse sous le nom de Madame Jenny…
Après avoir été assistant-réalisateur pendant plusieurs années, Marcel Carné tourne son premier long métrage, Jenny, grâce à la promesse de Françoise Rosay de jouer gratuitement (1). Le film marque aussi le début de sa belle collaboration avec Jacques Prévert qui a écrit les dialogues. L’histoire, tirée d’un roman de Louis Ribaud (et non de Pierre Rocher comme l’indique le générique), est assez conventionnelle et même sans grand intérêt mais c’est le traitement qui est ici le plus remarquable. Le film marque une étape majeure dans ce style nommé « réalisme poétique » (2) avec des seconds rôles très particuliers et définis avec soin, le meilleur exemple étant ce bossu surnommé Dromadaire tenu par Jean-Louis Barrault. L’ensemble est agrémenté d’une petite note d’humour assez permanente qui contribue au climat si particulier du film. Pendant les dix années qui suivent la sortie de Jenny, le tandem Carné / Prévert donnera au cinéma français une petite dizaine de ses plus grands films (3).
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Françoise Rosay, Albert Préjean, Lisette Lanvin, Charles Vanel, Roland Toutain, Jean-Louis Barrault, Robert Le Vigan
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Remarque :
Le chanteur des rues au début du film est Marcel Mouloudji et le joueur d’harmonium n’est autre que Joseph Kosma, le compositeur (qui a d’ailleurs composé la musique de Jenny) ; il est ici au tout début de sa longue carrière dans le cinéma (129 films selon IMDB).

(1) Françoise Rosay était l’épouse de Jacques Feyder dont Marcel Carné avait été l’assistant pour Le Grand Jeu (1934), Pension Mimosas (1935) et La Kermesse héroïque (1935).
(2) Marcel Carné préférait le terme de « fantastique social », terme qui est en effet plus explicite.
(3) Drôle de drame (1937), Le Quai des Brumes (1938), Le jour se lève (1939), Les Visiteurs du soir (1942), Les Enfants du Paradis (1945), Les Portes de la nuit (1946).

10 juin 2013

Goupi Mains rouges (1943) de Jacques Becker

Goupi mains rougesAppelé par sa famille, un parisien rejoint la ferme familiale du clan des Goupi. Le jour même de son arrivée, Goupi Tisane, une vieille fille autoritaire qui régentait la famille, est retrouvée assassinée… Tourné pendant l’Occupation, Goupi Mains rouges est l’adaptation d’un roman de Pierre Very. Contrairement à la propagande pétainiste de l’époque qui glorifiait le monde paysan nourricier, ce portrait d’une famille rurale qui forme un clan opaque et règle elle-même ses affaires n’est nullement édulcoré : la cupidité est ici le principal moteur des comportements et méfiance et médisance sont omniprésentes. Goupi Mains rouges est le deuxième film de Jacques Becker qui montre ici beaucoup de maitrise dans la mise en scène, il insuffle beaucoup de vie dans cette histoire au point que l’intrigue policière passe un peu au second plan. Fernand Ledoux est parfait, comme bien souvent, mais le personnage le plus remarquablement interprété est celui de Goupi Tonkin par Robert Le Vigan. Le film eut beaucoup de succès à l’époque grâce à sa qualité bien entendu mais aussi parce qu’il permettait à une population urbaine, lassée de voir certains paysans sembler s’enrichir au marché noir, de prendre en quelque sorte une revanche. Goupi Mains rouges fait partie des films les plus remarquables tournés sous l’Occupation.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Fernand Ledoux, Georges Rollin, Robert Le Vigan
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