15 décembre 2018

Mollenard (1938) de Robert Siodmak

MollenardDunkerque. Justin Mollenard, commandant de navire, suspecté de se livrer à un trafic d’armes en Extrême-Orient, est sur le point d’être suspendu de sa fonction. Sa femme Mathilde ne tient pas à le voir revenir. Mollenard est à Shanghai où il tente de doubler Bonnerot, son intermédiaire qui refuse d’acquérir plus cher les armes que lui propose le commandant…
Après avoir fui l’Allemagne nazi, Robert Siodmak s’est installé en France où il réalisa huit films entre 1933 et 1939 avant de traverser l’Atlantique. Mollenard et Pièges (1939) sont considérés comme les meilleurs d’entre eux. Adapté d’un roman d’Oscar-Paul Gilbert par Charles Spaak et l’auteur, l’histoire est très forte avec une violence des sentiments, des personnages ambigus et amoraux dont on ne sait très bien s’il faut les admirer ou les détester. Le propos fustige aussi la bourgeoisie de province et introduit une petite pointe libertaire. Alexandre Trauner pour les décors, Henri Alekan derrière la caméra, Darius Milhaud pour la musique, l’équipe réunit des grands talents du cinéma français. L’interprétation est aussi de haut niveau avec un Harry Baur parfait pour ce rôle de commandant un peu voyou, tout en contraste avec la sagesse d’Albert Préjean. Gabrielle Dorziat est magistrale dans son rôle de femme tyrannique. Même si l’on peut supposer que Siodmak a quelque atténué la noirceur du récit, il a su en garder l’humanisme et la grandeur.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Harry Baur, Albert Préjean, Gabrielle Dorziat, Marcel Dalio, Jacques Baumer, Pierre Renoir
Voir la fiche du film et la filmographie de Robert Siodmak sur le site IMDB.

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Mollenard
Marcel Dalio et Harry Baur dans Mollenard de Robert Siodmak.

Mollenard
Gabrielle Dorziat et Jacques Baumer dans Mollenard de Robert Siodmak.

28 mars 2018

Cécile est morte! (1944) de Maurice Tourneur

Cécile est morte!Cela fait plusieurs fois que la jeune Cécile demande à voir le commissaire Maigret. C’est même devenu un sujet de plaisanteries au 36 quai des Orfèvres. Elle se plaint de visites nocturnes de son appartement qu’elle occupe avec sa tante, une femme âgée et acariâtre…
Réalisé sous l’Occupation pour la Continental (société de production contrôlée par les allemands), Cécile est morte est l’adaptation d’un roman de Georges Simenon qui a été décidément très adapté durant cette période. Maurice Tourneur en fait une adaptation très fidèle, sans écart aucun. Le film ne figure pas parmi les films les plus personnels de Maurice Tourneur. L’intrigue est joliment alambiquée. Sur le plan de l’interprétation, Albert Préjean campe un Maigret plutôt crédible, doté de personnalité et de présence. A ses côtés, André Gabriello introduit une note d’humour avec son fameux défaut de prononciation. Les seconds rôles sont bien tenus. Sans être un film remarquable, Cécile est morte se regarde sans ennui.
Elle: 2 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Albert Préjean, Santa Relli, Germaine Kerjean, Luce Fabiole, André Gabriello, Jean Brochard, Charles Blavette
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Cécile est morte
Santa Relli et Albert Préjean dans Cécile est morte! de Maurice Tourneur.

Cécile est morte
Jean Brochard et Albert Préjean dans Cécile est morte! de Maurice Tourneur.

8 janvier 2018

Caprices (1942) de Léo Joannon

CapricesLe soir de la Saint-Sylvestre, une troupe de théâtre en manque d’argent demande à Lise, la jeune première, de céder aux avances d’un commanditaire. Elle refuse et alors qu’elle se rend à un bal costumé en tenue de vendeuse de fleurs, tombe sur un mystérieux personnage : il lui propose de transformer la petite vendeuse qu’elle est en belle princesse pour un soir…
Tourné sous l’Occupation, Caprices est une production de la Continental, société de production aux capitaux allemands. Le scénario de Caprices ne tient pas vraiment debout et n’aboutit nulle part : la fin est particulièrement ratée (pour rester indulgent). L’important dans ce projet semble avoir été de créer un divertissement léger en utilisant Danielle Darrieux dont le charme juvénile se montre une fois de plus irrésistible. Son sourire et ses petites moues avaient (et ont toujours) de quoi faire fondre les plus endurcis et, surtout, faire oublier la vie difficile en ces années de guerre. Et, en plus, elle joue toujours à la perfection. La réalisation est très inégale, ambitieuse par moments, conservatiste le plus souvent. La meilleure scène, la plus amusante, est celle du lustre : dans un grand restaurant, Lise prétend que l’énorme lustre risque de tomber ce qui finit par mettre tous les clients en émoi.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Danielle Darrieux, Albert Préjean, Jean Parédès, Bernard Blier
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Remarques :
* Danielle Darrieux raconte dans sa filmographie commentée (éditions Ramsay) qu’elle a été contrainte d’accepter ce rôle, sous la menace d’un chantage d’Alfred Greven, le directeur de la Continental, au sujet de son fiancé d’alors.

* Léo Joannon aurait volé le scénario à Raymond Bernard en lui disant « si vous refusez de me donner Caprices je ferai arrêter et déporter votre frère et ses deux enfants » (Raymond Bernard était juif). Léo Joannon a ensuite occupé un poste clé dans la production au service de la propagande de Vichy. A la Libération, il sera mis au ban de la profession pour cinq années.

* Pour en savoir plus, deux études sont récemment sorties sur la Continental :
– « Continental films : L’incroyable Hollywood nazie » de Jean-Louis Ivani (Lemieux éditeur 2017)
– « Continental films : Cinéma français sous contrôle allemand » de Christine Leteux (La tour Verte 2017)

Caprices
Albert Préjean et Danielle Darrieux dans Caprices de Léo Joannon.

3 novembre 2015

Volga en flammes (1934) de Viktor Tourjansky

Volga en flammesDans la Russie tzariste du XIXe siècle, le jeune lieutenant Orloff est nommé dans une lointaine garnison sur les bords de la Volga. En route, il sauve la vie d’un homme lors d’une tempête de neige. Arrivé à destination, il tombe instantanément amoureux de la fille du colonel, ce qui lui vaut l’inimitié durable du lieutenant Schalin, son ancien prétendant. Mais une menace bien plus importante pèse sur la garnison… Avec la vogue de l’exotisme dans le cinéma des années trente, il était logique que Victor Tourjansky, l’un des pionniers du cinéma russe venu se réfugier en France à la Révolution, réalise quelques films nous plongeant au coeur de la Russie. Il a effectivement tous les atouts pour bien en restituer toute l’atmosphère. Il adapte en premier la célèbre nouvelle de Pouchkine, La Fille du Capitaine, assez fidèlement même si le déroulement du scénario paraît quelque peu perfectible. De belles scènes d’extérieurs dans la neige, les chants mélancoliques donnent effectivement une belle atmosphère très russe (du moins à nos yeux d’occidentaux). Les acteurs principaux français sont nettement moins crédibles mais font une adéquate prestation. Danielle Darrieux (à 17 ans, déjà dans son septième film) est encore assez insignifiante ; elle n’a pas cette présence à l’écran qu’elle saura développer ensuite. Volga en flammes était un film assez rare mais a été récemment brillamment restauré.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Albert Préjean, Valéry Inkijinoff, Danielle Darrieux, Raymond Rouleau, Henri Marchand
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Volga en flammes
La scène d’ouverture de Volga en flammes de Viktor Tourjansky.

Volga en flammes
Danielle Darrieux et Albert Préjean dans Volga en flammes de Viktor Tourjansky.

26 janvier 2014

Jenny (1936) de Marcel Carné

JennyA la suite d’une déception sentimentale, la jeune Danielle retrouve à Paris sa mère qu’elle n’a vue depuis six ans. Elle finit par découvrir qu’elle est tenancière d’une boite de nuit et entremetteuse sous le nom de Madame Jenny…
Après avoir été assistant-réalisateur pendant plusieurs années, Marcel Carné tourne son premier long métrage, Jenny, grâce à la promesse de Françoise Rosay de jouer gratuitement (1). Le film marque aussi le début de sa belle collaboration avec Jacques Prévert qui a écrit les dialogues. L’histoire, tirée d’un roman de Louis Ribaud (et non de Pierre Rocher comme l’indique le générique), est assez conventionnelle et même sans grand intérêt mais c’est le traitement qui est ici le plus remarquable. Le film marque une étape majeure dans ce style nommé « réalisme poétique » (2) avec des seconds rôles très particuliers et définis avec soin, le meilleur exemple étant ce bossu surnommé Dromadaire tenu par Jean-Louis Barrault. L’ensemble est agrémenté d’une petite note d’humour assez permanente qui contribue au climat si particulier du film. Pendant les dix années qui suivent la sortie de Jenny, le tandem Carné / Prévert donnera au cinéma français une petite dizaine de ses plus grands films (3).
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Françoise Rosay, Albert Préjean, Lisette Lanvin, Charles Vanel, Roland Toutain, Jean-Louis Barrault, Robert Le Vigan
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Remarque :
Le chanteur des rues au début du film est Marcel Mouloudji et le joueur d’harmonium n’est autre que Joseph Kosma, le compositeur (qui a d’ailleurs composé la musique de Jenny) ; il est ici au tout début de sa longue carrière dans le cinéma (129 films selon IMDB).

(1) Françoise Rosay était l’épouse de Jacques Feyder dont Marcel Carné avait été l’assistant pour Le Grand Jeu (1934), Pension Mimosas (1935) et La Kermesse héroïque (1935).
(2) Marcel Carné préférait le terme de « fantastique social », terme qui est en effet plus explicite.
(3) Drôle de drame (1937), Le Quai des Brumes (1938), Le jour se lève (1939), Les Visiteurs du soir (1942), Les Enfants du Paradis (1945), Les Portes de la nuit (1946).

7 octobre 2013

Sous les toits de Paris (1930) de René Clair

Sous les toits de ParisDans les quartiers populaires de Paris, un chanteur des rues rencontre et tombe amoureux d’une jeune femme roumaine. Hélas, celle-ci fréquente un petit truand qui va tout faire pour l’écarter… Sous les toits de Paris est le premier film parlant de René Clair. Pour éviter de régresser vers une forme de théâtre filmé, René Clair choisit de ne pas donner une grande place aux dialogues : il préfère donner la première place à la musique et de nombreux dialogues sont en réalité muets (avec diverses astuces pour que cela paraisse naturel, comme de filmer derrière une vitrine). Le film a ainsi un côté expérimental, apparaissant comme un entre-deux, muet et parlant à la fois. Cet aspect est le seul intérêt du film car l’histoire est très pauvre, molle et mièvre. On a souvent loué la poésie populiste des premiers films parlants de René Clair (ce fameux « réalisme poétique »), de façon plutôt exagérée en ce qui concerne Sous les toits de Paris qui paraît aujourd’hui comme ayant terriblement vieilli. A l’époque, c’est à l’étranger que le film eut le plus de succès, notamment en Allemagne et au Japon, renforçant ainsi l’image séduisante d’un Paris populaire et artistique.
Elle:
Lui : 1 étoile

Acteurs: Albert Préjean, Pola Illéry, Edmond T. Gréville, Bill Bocket
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18 avril 2013

Les caves du Majestic (1945) de Richard Pottier

Les caves du MajesticAu grand hôtel Majestic, le corps d’une riche cliente suédoise est retrouvé dans le vestiaire d’un membre du personnel travaillant au sous-sol dans les cuisines. Le commissaire Maigret et son adjoint Lucas enquêtent sur cette affaire bien mystérieuse… Durant l’Occupation, les adaptations des romans de Simenon furent assez nombreuses ; elles avaient l’avantage d’être bien tolérées et même encouragées par les forces d’occupation car assez neutres. Dans Les Caves du Majestic, c’est Albert Préjean qui incarne Maigret. C’est la troisième fois qu’il tient ce rôle (1). Bien qu’un peu jeune et élancé pour le personnage, il y est assez crédible, montrant une certaine personnalité et une bonne présence. L’intrigue, bien ficelée comme toujours avec Simenon, est servie par de bons dialogues et même une dose d’humour. Le dénouement peut sembler un peu précipité. La grande originalité de ces  Caves du Majestic est dans la présence d’un petit volet social : en plus de trouver le meurtrier, Maigret se met en tête de choisir qui sera le meilleur père pour un petit garçon. Le film étant tourné sous l’Occupation, mise en scène et réalisations restent assez simples.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Albert Préjean, Suzy Prim, Jacques Baumer, Denise Grey, Jean Marchat, Fernand Charpin
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Remarques :
* Les Caves du Majestic est  le dernier film produit par la Continental, société de production contrôlée par les allemands. Il ne sortira qu’en août 1945, donc après la Libération, distribué par la toute nouvelle Union Générale Cinématographique (U.G.C.)
* On remarquera l’importance de la nourriture dans le film. Pour la comprendre, il faut replacer le film dans son époque de rationnement : la nourriture était alors une préoccupation majeure. De plus, le scénariste Charles Spaak a écrit l’adaptation alors qu’il était emprisonné par les allemands.
* Le trajet de Charles Spaak et le tournage de Les Caves du Majestic sont racontés et mis en images dans l’excellent film de Bertrand Tavernier Laissez-passer (2002).

(1) Albert Préjean était déjà Maigret dans Picpus (1943) du même Richard Pottier et dans Cécile est morte (1944) de Maurice Tourneur. Les caves du Majestic est la troisième (et ultime) fois où il interprète le célèbre commissaire.