7 décembre 2014

The Mayor of Hell (1933) de Archie Mayo

Titre français : « Le Bataillon des sans-amour »

Le Bataillon des sans-amourUn groupe de jeunes mineurs délinquants est envoyé dans une maison de redressement dirigée par un directeur sadique et malhonnête. Choqué par les mauvais traitements lors d’une visite, l’ex-gangster Patsy Gargan (James Cagney) se fait nommer à la tête de l’établissement et met en place un tout autre système…
The Mayor of Hell fait partie de ces films de la Warner ancrés dans la réalité de la Grande Dépression du début des années trente. Il s’agit ici d’attirer l’attention sur l’incapacité des méthodes dures pour remettre les jeunes délinquants dans le droit chemin. L’idée est de proposer une variante d’autogestion qui pousse les jeunes à se responsabiliser. Le tableau est un peu idyllique mais si le film n’est pas vraiment convaincant, ce n’est pas tant pour les idées développées que du fait d’un équilibre un peu bancal entre film social et film de gangster : le personnage de James Cagney est mal défini. Une petite note de romance vient embrouiller encore plus les choses avec Madge Evans en infirmière qui ne semble pas tout à fait à sa place. On notera aussi de nombreux stéréotypes, notamment raciaux. Le film a été refait deux fois à la fin des années trente.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: James Cagney, Madge Evans, Frankie Darro
Voir la fiche du film et la filmographie de Archie Mayo sur le site IMDB.

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Remarques :
* Michael Curtiz aurait participé à la réalisation.
* Frankie Darrio, qui joue le jeune Jimmy, avait alors 16 ans et déjà 10 ans d’expérience en tant qu’acteur ! Il a fait ensuite une longue carrière (181 films au compteur). Pour l’anecdote, c’est lui qui était dans le robot de Forbidden Planet (1955).

*Remakes :
L’école du crime (Crime School) de Lewis Seiler (1938) avec Humphrey Bogart et les Dead End Kids
Hell’s Kitchen de E.A. Dupont et Lewis Seiler (1939) avec Ronald Reagan et les Dead End Kids.

The Mayor of Hell
(g. à d.) James Cagney, Frankie Darrio et Madge Evans

6 décembre 2014

Easy Rider (1969) de Dennis Hopper

Easy RiderAvec l’argent d’un petit trafic, Wyatt et Billy partent faire une grande virée à moto à travers les Etats-Unis. Sans contrainte, libres comme l’air, ils partent sans but précis et vont faire des rencontres diverses…
Easy Rider est souvent reconnu comme étant le premier road movie de l’histoire du cinéma (1). Il est assez amusant de regarder presque cinquante ans plus tard ce film emblématique qui a tant marqué les esprits au tournant des années soixante-dix. Le regard est obligatoirement différent. Easy Rider comporte indéniablement des longueurs (le séjour dans la communauté, le trip au LSD entre autres) mais la puissance évocatrice de certaines images paraît intacte. Voir Denis Hopper et Peter Fonda chevaucher leur chopper, cheveux au vent, sur fond de grands espaces désertiques et de la musique des Byrds, reste absolument magique. Le film met en avant, de façon un peu confuse, anticonformisme, drogue et surtout la notion d’une liberté, pas celle dont on parle mais celle que l’on vit. Les deux amis sont très différents : Billy (Denis Hopper) est un jouisseur qui ne se pose pas trop de questions alors Wyatt (Peter Fonda) intellectualise tout et cherche un idéal de vie. Le propos est toutefois finalement assez pessimiste, pas tant du fait de son dénouement fatal (et assez inoubliable), mais plutôt sur ce sentiment d’échec de Wyatt : « We blew it » (on a tout raté) dit-il à Billy sans plus d’explication. Réalisé avec un petit budget, le plus souvent en décors naturels, Easy Rider fut un succès planétaire, toute une génération se reconnaissant dans ces deux fugueurs en quête de liberté. La bande sonore (The Byrds, Steppenwolf, The Band, Jimi Hendrix, Roger McGuinn, Electric Prunes) n’y est également pas étranger. S’il a sans doute été surestimé sur un plan purement cinématographique, Easy Rider marque indéniablement un tournant : son succès inattendu a ouvert en grand les portes au cinéma américain indépendant avec, pour résultat, l’émergence d’un courant majeur des années soixante-dix : le Nouvel Hollywood.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Peter Fonda, Dennis Hopper, Jack Nicholson
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Remarques :
* Caméo : au début du film, l’acheteur qui arrive en Rolls est interprété par Phil Spector en personne (sa seule apparition au cinéma).
* Physiquement, le personnage de Billy (Denis Hopper) est basé sur David Crosby (la ressemblance est vraiment frappante) et celui de Wyatt (Peter Fonda) sur Roger McGuinn (moins évident).
* C’est à Cannes que le film fut en premier remarqué : avant même la sortie américaine, Easy Rider reçut le prix de la première oeuvre (1969).
* Après le succès d’Easy Rider, Dennis Hopper tournera The Last Movie (1971) qui sera un échec. Il s’éloignera alors de la réalisation pour n’y revenir qu’une dizaine d’années plus tard.
* Easy Rider fut un tremplin pour la carrière de Jack Nicholson, sa vraie première occasion de révéler ses talents à un large public.

(1) Il faut toutefois nuancer cette affirmation : Pierrot le Fou de Jean-Luc Godard (1965) mériterait plutôt le titre de « premier road movie ». D’autres films encore avant lui s’en rapprochent (Les Fraises sauvages de Bergman en 1957 ou Le Fanfaron de Dino Risi en 1962, par exemple) mais leurs personnages n’ont pas cette volonté de quitter quelque chose qui caractérise les road movies.

Easy Rider
Peter Fonda et Dennis Hopper dans Easy Rider.

5 décembre 2014

L’ultime razzia (1956) de Stanley Kubrick

Titre original : « The Killing »

L'ultime razziaRécemment sorti de prison, Johnny Clay a mis au point le braquage d’un hippodrome pour mettre la main sur l’argent des paris. Il s’est allié le concours de quelques complices aux motivations très diverses pour mettre en oeuvre son plan très précis. Le jour du braquage arrive… Troisième long métrage de Stanley Kubrick, The Killing est son premier film majeur. Il s’agit d’un film noir. Si le sujet peut être qualifié de classique, un braquage, le traitement ne l’est absolument pas. C’est la construction qui frappe en premier les esprits : au lieu d’un récit chronologique, Kubrick mêle présent et flash-back, fait des retours en arrière pour décrire le parcours de chacun le jour du braquage (1). L'ultime razziaCette construction, un peu déroutante au début, apporte une vraie richesse à une histoire simple qui en ressort magnifiée. Le facteur humain et quelques objets ou détails mineurs sont mis en avant, ile seront les grains de sable. Dénué de tout maniérisme et d’effets inutiles, parfaitement dosé et équilibré, The Killing montre une grande maitrise de la part d’un réalisateur de 28 ans.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Sterling Hayden, Marie Windsor, Elisha Cook Jr., Jay C. Flippen
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Remarque :
* Stanley Kubrick rend hommage à la tradition du film noir en prenant de nombreux acteurs habitués du genre et des séries B dans les rôles secondaires, et comme acteur principal, Sterling Hayden, le héros de Quand la ville dort (Asphalt Jungle) de John Huston (1950).

(1) Quentin Tarantino a mentionné la construction de The Killing comme source d’inspiration pour Reservoir Dogs.

The Killing de Stanley Kubrick (1956)

3 décembre 2014

J’accuse (1919) de Abel Gance

J'accuse!(film muet) Poète et amoureux de la vie, Jean Diaz aime Edith qui a été contrainte par son père de se marier avec François Laurin. Quand la guerre est déclarée, tous les hommes de leur petit village de Provence doivent partir au front où les deux hommes vont se retrouver… Alors que la guerre n’est pas encore terminée, Abel Gance reprend le titre du célèbre article de 1898 d’Emile Zola pour la défense de Dreyfus, pour dénoncer les méfaits de la guerre sur les êtres humains. Il se base sur l’histoire d’un poilu devenu pacifiste pour écrire un grand mélodrame où deux hommes sont amoureux de la même femme.

J’accuse est toujours présenté comme un film pacifiste, ce qu’il est indéniablement mais il l’est d’une façon qui peut nous sembler assez inhabituelle, nous qui avons un siècle de recul. S’il dénonce bien le cortège de morts inutiles, la scène finale éclaire de façon étonnante son propos : si les morts se relèvent, c’est pour venir accuser les vivants de s’être mal comportés en leur absence (femmes infidèles, profiteurs), ils veulent que ceux qui leur survivent soient dignes d’eux, et ainsi ils « ne seront pas morts pour rien ». On peut même trouver que certaines scènes ont une connotation patriotique. Mais en fait, son propos est surtout humaniste, il se place du côté de ces poilus et de leurs vies brisées. Il refuse de faire une approche politique.

J’accuse est un film également remarquable d’inventivité dans la forme. Dès les premières minutes, c’est un festival et cela continue pendant les quelque 2h45 du film : un montage très dynamique, étonnamment moderne, de nombreux effets (différents) de superposition, des scènes de bataille d’un réalisme inégalé, utilisation d’images réelles, utilisation du clair-obscur, nombreuses métaphores visuelles, etc. La célèbre (et inoubliable) scène finale voit sa force décuplée par son traitement. Abel Gance, qui a bénéficié de moyens importants, est alors très largement devant tout le monde. On ne voit pas quel réalisateur (américain ou autre) est à ce niveau de modernisme et d’inventivité. Le succès de J’accuse fut important et international, ce qui permit à Abel Gance de mettre sur pied un film encore plus remarquable et abouti, La Roue.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Romuald Joubé, Séverin-Mars, Maryse Dauvray
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Remarques :
* Film en grande partie perdu, J’accuse a été magnifiquement restauré en 2007 à partir de plusieurs morceaux de provenances différentes. Alors qu’un DVD est sorti aux Etats-Unis dès 2008 (chez Flicker Alley, le même éditeur que pour La Roue qui n’est à ce jour seulement disponible aux Etats Unis), il aura fallu attendre 7 années (!) pour que le film soit enfin visible en France.

* Arte a récemment diffusé le film avec une musique composée par Philippe Schoeller (concert  du 8 novembre 2014 Salle Pleyel). Ce style de musique conceptuelle ne convient pas du tout à l’esprit d’Abel Gance et (à mes yeux) dénature son oeuvre : elle en accentue inutilement les aspects les plus noirs et atténue l’humanité du propos. J'accuse!Il s’agit plus d’un concert illustré par un film que d’un film accompagné par une musique.
En revanche, il ne faut pas hésiter à se procurer le DVD qui vient sortir chez Lobster Films qui comporte la nouvelle musique orchestrale composée par le toujours excellent Robert Israel (toutes les musiques qu’il compose pour accompagner les restaurations de films muets sont parfaites). A noter que Serge Bromberg de Lobster Films a été l’un des artisans de la restauration.

* Détail terrifiant : Les figurants interprétant les morts de la scène finale sont des soldats qui revenaient de Verdun et qui devaient retourner au front huit jours plus tard. 80% n’en sont pas revenus.

* Blaise Cendrars a été assistant sur la tournage. L’écrivain, qui avait perdu un bras au combat en 1915, est également l’un des morts de la scène finale.

* Abel Gance a refait son film en 1938, alors qu’une autre guerre s’annonçait, une version sonore qui reprend certaines images de la version de 1919 :
J’accuse d’Abel Gance avec Victor Francen (1938).

Lire aussi : article sur le blog Ann Harding’s Treasures … (dont l’auteure est la traductrice du livre de Kevin Brownlow La Parade est passée, livre qui comporte un chapitre de 60 pages consacré à Abel Gance).

J'accuse d'Abel Gance
Plan très court mais qui se remarque : des soldats alignés pour former le mot « J’accuse ».

Abel Gance salué par David W. Griffith
Abel Gance (à g.) félicité par David W. Griffith peu après la première américaine de J’accuse.

2 décembre 2014

Le Temps de l’innocence (1993) de Martin Scorsese

Titre original : « The Age of Innocence »

Le temps de l'innocenceDans la haute société new-yorkaise de 1870, Newland Archer est fiancé à une jeune fille de bonne famille dont la cousine, qui vit séparée de son mari, un comte polonais, est l’objet de réprobations du fait de son anticonformisme et de son indépendance… Le Temps de l’innocence est un film qui peut surprendre dans la filmographie de Martin Scorsese. Le réalisateur a été fasciné par l’extrême complexité et la rigidité des codes sociaux de cette haute bourgeoisie et s’est appliqué à recréer son univers avec toute l’opulence des décors et des objets. Il fait de nombreux gros plans courts sur des détails pour bien nous en montrer toute la richesse. Son film n’est pas sans nous faire penser à Visconti, que Scorsese admire tout particulièrement. Hélas, ses personnages semblent bien vides et ne présentent guère d’intérêt. Dès lors, il est bien difficile de partager les tourments de ce dandy écartelé entre deux femmes symbolisant deux mondes différents, l’un auquel il appartient et l’autre auquel il aspire. Finalement, nous observons tout cela avec détachement, avec un regard presque ethnologique…
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Daniel Day-Lewis, Michelle Pfeiffer, Winona Ryder, Geraldine Chaplin, Stuart Wilson
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le Temps de l'innocence de Martin Scorsese (1993)
Huit repas jalonnent le film…

1 décembre 2014

La Chasse à l’homme (1964) de Edouard Molinaro

La chasse à l'hommeAntoine Monteil doit se rendre à son mariage au grand dam de son ami qui essaie de l’en dissuader… « Le mariage est un piège », tel semble être le leitmotiv de cette comédie à sketches d’Edouard Molinaro. Ici, les jeunes filles en fleurs n’ont qu’une idée en tête : mettre le grappin sur un homme. Cette attaque gentiment subversive (du moins pour l’époque) contre l’institution du mariage se fait sans misogynie excessive, l’histoire de base a d’ailleurs été écrite par une femme, France Roche. Les dialogues sont de Michel Audiard. Le premier sketch avec Jean-Paul Belmondo en voyou rangé mis au pas par Marie Dubois n’est que moyennement réussi. Le second en revanche (avec Micheline Presle, Catherine Deneuve, Bernard Blier) l’est beaucoup plus et les dialogues d’Audiard y sont riches en répliques brillantes. Le meilleur du film est là. La suite est plaisante avec Françoise Dorléac qui joue la fofolle, façon L’Homme de Rio avec toutefois un peu moins de réussite. Comme beaucoup de films à sketches, La chasse à l’homme est un peu inégal mais reste divertissant.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Jean-Claude Brialy, Françoise Dorléac, Claude Rich, Jean-Paul Belmondo, Marie Laforêt, Catherine Deneuve, Marie Dubois, Micheline Presle, Francis Blanche, Bernard Blier
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La Chasse à l'homme d'Edouard Molinaro
Françoise Dorléac et Jean-Claude Brialy

Homonyme :
Chasse à l’homme (Man Hunt) de Fritz Lang (1941)

30 novembre 2014

Sommaire de novembre 2014

Opening NightLa ChassePas question le samediLucky LucianoLes Hors-la-loiLivre : John Ford, l'homme et ses filmsThe Color WheelUne nuit à Casablanca

Opening Night

(1977) de John Cassavetes

La Chasse

(1966) de Carlos Saura

Pas question le samedi

(1965) de Alex Joffé

Lucky Luciano

(1973) de Francesco Rosi

Les Hors-la-loi

(1935) de William Keighley

John Ford, l’homme et ses films

(2014) livre de Tag Gallagher

The Color Wheel

(2011) de Alex Ross Perry

Une nuit à Casablanca

(1946) de Archie Mayo

Les conquérantsOmbres et brouillardDas BootLes 3 jours du condorLe TombeurPicture SnatcherSmart MoneyLes Passagers de la nuit

Les conquérants

(1939) de Michael Curtiz

Ombres et brouillard

(1991) de Woody Allen

Das Boot

(1981) de Wolfgang Petersen

Les 3 jours du condor

(1975) de Sydney Pollack

Le Tombeur

(1933) de Roy Del Ruth

Picture Snatcher

(1933) de Lloyd Bacon

Smart Money

(1931) de Alfred E. Green

Les Passagers de la nuit

(1947) de Delmer Daves

Livre : Dictionnaire SpielbergCrimes et délitsLes Russes arrivent, les Russes arriventLa Dame du lacNew York StoriesBrother OrchidUne autre femmeThe American Way

Dictionnaire Spielberg

(2014) livre de Clément Safra

Crimes et délits

(1989) de Woody Allen

Les Russes arrivent, les Russes arrivent

(1966) de Norman Jewison

La Dame du lac

(1947) de Robert Montgomery

New York Stories

(1989) de Woody Allen, Martin Scorsese et Francis Ford Coppola

Brother Orchid

(1940) de Lloyd Bacon

Une autre femme

(1988) de Woody Allen

The American Way

(1986) de Maurice Phillips

Le CheikLa Blonde et moiBardelys le magnifique

Le Cheik

(1921) de George Melford

La Blonde et moi

(1956) de Frank Tashlin

Bardelys le magnifique

(1926) de King Vidor

Nombre de billets : 27

29 novembre 2014

Opening Night (1977) de John Cassavetes

Opening NightActrice renommée de théâtre, Myrtle Gordon répète et rode une pièce dans la Connecticut en vue de la première à New York. Son personnage est celui d’une femme perturbée par son âge. La mort accidentelle d’une de ses très jeunes admiratrices va enclencher un fort processus d’identification de l’actrice à son personnage… Ecrit, réalisé et joué par John Cassavetes, Opening Night est un film sur le thème de l’acteur et du double, et surtout sur l’angoisse de l’âge, de la perte de la jeunesse. Mais plus que le fond, c’est surtout la forme qui rend le film remarquable : Cassavetes parvient à mêler scènes réelles et scènes jouées à un point tel que nous ne savons plus très bien où nous sommes : la vie et le théâtre se fondent. Il nous place très près de ses personnages qui semblent pénétrer en nous. Gena Rowlands est une fois de plus absolument magistrale dans un personnage complexe (et plutôt antipathique). Seule la fin est un peu décevante, presque facile et plutôt étonnante de la part de Cassavetes : louer ainsi l’improvisation est surprenant de sa part d’un réalisateur qui écrit entièrement tous ses textes (1)(2).
Elle: 5 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Gena Rowlands, John Cassavetes, Ben Gazzara, Joan Blondell, Paul Stewart
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Remarques :
* Cameo : Dans l’ultime scène du film, Peter Falk, Seymour Cassel et Peter Bogdanovich font une brève apparition.
* Joan Blondell, qui interprète l’auteure de la pièce jouée, fut la reine des comédies musicales de la Warner. Elle a débuté sa carrière au cinéma en 1930. Ici, elle est âgée de 71 ans (son personnage dit en avoir 65…) L’actrice décédera deux ans plus tard. Le site IMDB la crédite de 91 longs métrages (+ 63 films et séries TV).

(1) Hormis Shadows, son tout premier film qui était entièrement improvisé, John Cassavetes a écrit entièrement tous ses films.
(2) Le sentiment de déception de cette fin est fort bien décrit par Coursodon et Tavernier : « Rien n’a été résolu, au sens dramatique du terme mais aussi au sens courant, toutes les questions posées restent en suspens et l’auteur nous donne l’impression désagréable (et inhabituelle) de se dérober (en particulier lorsqu’il laisse entendre qu’une improvisation peut se substituer avec succès à un texte, lui qui, ironiquement, s’est fait le champion du texte camouflé en improvisation). » (dans 50 ans de Cinéma américain, Nathan, 1991, p.342)

Gena Rowlands dans Opening Night
Même l’appartement de l’actrice ressemble à une scène de théâtre…

28 novembre 2014

La Chasse (1966) de Carlos Saura

Titre original : « La Caza »

La chasseTrois amis quinquagénaires, accompagnés d’un jeune homme d’une vingtaine d’années, se retrouvent dans la propriété de l’un d’entre eux pour une partie de chasse au lapin. La chaleur torride de cette journée et le paysage désertique exacerbent les tensions…
La Chasse fait partie des tous premiers films de l’espagnol Carlos Saura. Tournée sous Franco, donc sous le régime de censure, cette histoire est à lire comme une allégorie. Les trois amis représentent la société bourgeoise issue de la dictature qui a pris une part active dans la guerre civile (la chasse au lapin) contre les Républicains. Le jeune homme symbolise la jeune génération qui semble tout ignorer de ce passé. Ils sont tous quatre dénués d’idéal, vides, durs et secs. Mais là où le film se révèle être particulièrement puissant, c’est dans l’après, où Saura nous montre que l’homme est un loup pour l’homme. Son film a une très grande force. Saura montre une utilisation étonnante du gros plan pour créer le malaise.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Ismael Merlo, Alfredo Mayo, José María Prada, Emilio Gutiérrez Caba
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La Chasse de Carlos Saura

27 novembre 2014

Pas question le samedi (1965) de Alex Joffé

Pas question le samediUn chef d’orchestre renommé est venu finir ses jours en Israël, sa terre natale. Juste avant de mourir, son père lui apparaît sous la forme d’un envoyé céleste et lui annonce qu’il doit réparer ses graves péchés. Au cours de ses tournées, il a en effet eu de nombreux enfants illégitimes dont il ne s’est pas occupé. Il modifie donc son testament : si, dans un délai de trente jours, cinq de ses fils s’établissent en Israël et s’y marient, ils pourront alors hériter de sa fortune… Pas question le samedi est un film franco-israélien qui reprend le principe de faire jouer de multiples rôles à un seul acteur. Comme avant lui Alec Guiness, Fernandel, Jerry Lewis ou Peter Sellers (1), Robert Hirsch se livre à ce difficile exercice d’interpréter pas moins de 13 personnages différents et il y réussit parfaitement. L’humour est omniprésent, un « humour juif » qui se moque gentiment des coutumes juives et des impératifs religieux. Il faut noter que le film a été tourné peu avant la Guerre des Six Jours ce qui explique le climat d’insouciance et de légèreté qui y règne. Le film reste très peu connu.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Robert Hirsch, Teddy Bilis
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Remarque :
Pas question le samedi est sorti en France à peu près en même temps que Le Corniaud dont le succès a éclipsé les autres films comiques.

(1) Alec Guiness : Noblesse oblige de Robert Hamer (1949)
Fernandel : Le Mouton à cinq pattes d’Henri Verneuil (1954)
Jerry Lewis : Dr Jerry et Mister Love de Jerry Lewis (1963)
Peter Sellers : Dr Folamour de Stanley Kubrick (1964)
Jerry Lewis : Les Tontons farceurs de Jerry Lewis (1965)
(ce dernier film étant toutefois sorti après le film d’Alex Joffé).