12 juin 2022

Le Garçon aux cheveux verts (1948) de Joseph Losey

Titre original : « The Boy with Green Hair »

Le Garçon aux cheveux verts (The Boy with Green Hair)Dans une petite ville américaine, le jeune Peter, orphelin de guerre, est recueilli par vieil artiste de cirque. Un matin, après son bain, Peter se retrouve soudain avec les cheveux verts. Du jour au lendemain, il devient un objet de curiosité, puis une victime de ses camarades et aussi des adultes…
Le Garçon aux cheveux verts est un film américain de Joseph Losey, son premier long métrage. Le film se situe dans la cadre d’une volonté du nouveau directeur de production de la RKO, Dore Schary, de lancer une série de films à petit budget sur des sujets ambitieux à portée sociale, ce qui est à l’époque révolutionnaire (à Hollywood). Le Garçon aux cheveux verts est une parabole sur la tolérance, la rencontre de l’autre et la peur de la différence. C’est aussi un pamphlet contre les guerres, montrant comment les enfants en sont les victimes collatérales. Tout louable qu’il soit, le message peine à passer du fait d’une certaine lourdeur dans la démonstration mais il faut garder à l’esprit qu’il s’agit d’une fable. Tout le film est un flashback, raconté par le jeune garçon, ce qui le rend potentiellement efficace auprès des enfants. Quelques passages sont assez émouvants. Le film a bien entendu été tourné en couleurs. Il n’eut que peu de succès.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Pat O’Brien, Robert Ryan, Barbara Hale, Dean Stockwell
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Le Garçon aux cheveux verts (The Boy with Green Hair)Dean Stockwell dans Le Garçon aux cheveux verts (The Boy with Green Hair) de Joseph Losey.

10 février 2021

La Couleur de la grenade (1969) de Sergei Parajanov

Titre original : « Sayat Nova »

La Couleur de la grenade (Sayat Nova)La vie de Sayat-Nova (= roi des chansons), poète arménien du XVIIIe siècle, en huit chapitres…
Sayat Nova est un film soviétique réalisé par Sergueï Paradjanov. En ouverture du film, le réalisateur précise qu’il n’a pas cherché à raconter la vie de Sayat-Nova mais plutôt de recréer l’univers imagé de sa poésie. Son film prend la forme expérimentale d’une suite de tableaux vivants inspirés de miniatures arméniennes et persanes, remplis de symboles et de métaphores. Hélas, la signification de ces tableaux échappe totalement au spectateur non initié à cette civilisation, spectateur qui ne peut alors que se laisser glisser dans cet univers visuel sans en trouver le sens. Certains tableaux sont très beaux. Paradjanov a adopté une représentation sans profondeur à la façon des miniatures de l’époque. Le film est presque muet. Un film qu’il faut certainement étudier bien plus profondément pour pouvoir l’apprécier vraiment.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Sofiko Chiaureli
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Remarques :
* Dans la démarche et les intentions, le film peut être rapproché de l’Andreï Roublev (1966) de Tarkovski mais la forme est bien plus expérimentale et l’ensemble plus difficile d’accès pour le profane.
* Distribué une première fois en 1969, le film Sayat Nova est rapidement retiré des écrans puis, à nouveau, diffusé dans une version remontée et abrégée par le réalisateur Serguei Youtkevitch, sous le titre La Couleur de la grenade en 1971.

* Les huit chapitres :
I : L’enfance du poète.
II : La jeunesse du poète.
III : Le poète à la cour du prince/Prière avant la chasse.
IV : Le poète se retire au monastère/Le sacrifice/La mort du katholikos.
V : Le songe du poète/Le poète retourne à son enfance et pleure la mort de ses parents.
VI : La vieillesse du poète/Il quitte le monastère.
VII : Rencontre avec l’Ange de la Résurrection/Le poète enterre son amour.
VIII : La mort du poète/Il meurt mais sa poésie est immortelle.

La Couleur de la grenade (Sayat Nova)La Couleur de la grenade (Sayat Nova) de Sergei Parajanov.

8 novembre 2020

Au feu les pompiers! (1967) de Milos Forman

Titre original : « Horí, má panenko »

Au feu les pompiers! (Horí, má panenko)Dans une petite ville de Tchécoslovaquie, le bal annuel du corps des pompiers volontaires se prépare. Ce sera l’occasion de remettre la Hache d’or à l’ancien chef des pompiers, âgé de 86 ans. Le comité a prévu un bal avec une tombola et un concours de beauté pour élire miss Pompiers. Mais rien ne va se passer comme prévu…
Au Feu les pompiers! est le dernier film tchécoslovaque de Miloš Forman et son premier en couleurs. Il est sorti sur les écrans quelques mois avant l’entrée à Prague des chars soviétiques mettant fin au Printemps de Prague, obligeant le réalisateur à émigrer. C’est le type-même du film qu’il faut regarder avec le mode d’emploi car, pris au premier degré, l’humour peut embarrasser quelque peu : il donne nettement l’impression de se moquer de la bêtise des « petites gens », il est même un peu gênant. En réalité, il faut le voir comme une allégorie : « Je voulais juste faire une comédie en sachant que si elle sonne vrai, elle prendra automatiquement un sens allégorique. C’est le problème de tous les gouvernements, de tous les comités, y compris les comités de pompiers : ils nous annoncent avec les meilleures intentions du monde, qu’ils préparent une soirée ou une vie joyeuse pour tous mais les choses prennent toujours un tour catastrophique. Pour moi, c’est une vision de ce qui se passe aujourd’hui dans le monde. » Cette allégorie est visiblement assez puissante puisque le président Antonín Novotný se serait senti personnellement visé. Accessoirement, 40 000 pompiers menacèrent de faire grève obligeant Miloš Forman à sillonner toute la Tchécoslovaquie pour expliquer aux différents corps de pompiers qu’il s’agissait d’une allégorie politique. Même le producteur italien Carlo Ponti s’est retourné contre le cinéaste qui ne dût son salut qu’à l’intervention de Claude Berri et François Truffaut qui rachetèrent les droits internationaux de distribution. En Tchécoslovaquie, le film connut un grand succès et, contrairement à la rumeur, n’y fut jamais interdit.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Jan Vostrcil, Josef Sebánek
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Au feu les pompiers! (Horí, má panenko)Au feu les pompiers! (Horí, má panenko) de Milos Forman.

3 février 2015

Anna et les loups (1972) de Carlos Saura

Titre original : « Ana y los lobos »

Ana y los lobosAnna, une jeune institutrice étrangère, trouve un emploi de gouvernante dans une riche famille espagnole. Elle doit composer avec les trois frères qui régissent la maison… Pour tous ses films, Carlos Saura a été en prise avec la censure franquiste et doit user d’allégories pour parler des forces qui paralysent l’Espagne. Dans Anna et les loups, cette allégorie est plus immédiate que dans ses films précédents et c’est peut-être pour cette raison qu’il a du attendre un an pour que son scénario soit accepté et avoir l’autorisation de tourner. Les trois frères frustrés sont les loups, ils représentent l’armée, la religion et le sexe, les trois grandes forces oppressives du pays ; la grand-mère à demi-paralysée symbolise l’Espagne franquiste et la jeune Anna la nouvelle génération. Cette dernière tente de jouer un rôle sans comprendre tous les rouages ; on ne sait très bien qui complote avec qui. Les tabous sont forts, sclérosants. Carlos Saura trouve un équilibre parfait entre un certain mal à l’aise et un humour insolite, le cinéaste montrant là une certaine filiation avec Buñuel. La fin est-elle réelle ou un cauchemar éveillé ? Les acteurs ont tous le ton juste ; Geraldine Chaplin trouve là l’un de ses plus beaux rôles. Anna et les Loups apparaît comme l’un des films les plus aboutis de Carlos Saura.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Geraldine Chaplin, Fernando Fernán Gómez, José María Prada, José Vivó, Rafaela Aparicio
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Anna et les loups (1972) de Carlos Saura
Geraldine Chaplin et José María Prada dans Anna et les loups de Carlos Saura.

28 novembre 2014

La Chasse (1966) de Carlos Saura

Titre original : « La Caza »

La chasseTrois amis quinquagénaires, accompagnés d’un jeune homme d’une vingtaine d’années, se retrouvent dans la propriété de l’un d’entre eux pour une partie de chasse au lapin. La chaleur torride de cette journée et le paysage désertique exacerbent les tensions…
La Chasse fait partie des tous premiers films de l’espagnol Carlos Saura. Tournée sous Franco, donc sous le régime de censure, cette histoire est à lire comme une allégorie. Les trois amis représentent la société bourgeoise issue de la dictature qui a pris une part active dans la guerre civile (la chasse au lapin) contre les Républicains. Le jeune homme symbolise la jeune génération qui semble tout ignorer de ce passé. Ils sont tous quatre dénués d’idéal, vides, durs et secs. Mais là où le film se révèle être particulièrement puissant, c’est dans l’après, où Saura nous montre que l’homme est un loup pour l’homme. Son film a une très grande force. Saura montre une utilisation étonnante du gros plan pour créer le malaise.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Ismael Merlo, Alfredo Mayo, José María Prada, Emilio Gutiérrez Caba
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La Chasse de Carlos Saura

10 juillet 2014

Derrière la colline (2012) de Emin Alper

Titre original : « Tepenin ardi »

Derrière la collineAu pied de collines rocheuses, Faik mène une vie de fermier solitaire avec son métayer et sa femme. A son fils et ses petits-enfants venus en visite, il parle du danger des nomades qui traversent la région et font paitre leur troupeau de chèvres sur ses terres. La menace est là, invisible… Derrière la colline est le premier film écrit et réalisé par le cinéaste turc Emin Alper. Le film est avant tout une allégorie de la Turquie d’aujourd’hui (1), allégorie qui prend une belle ampleur par ses décors immenses où la nature semble former un cirque naturel. Ce que l’on craint, l’ennemi, est au delà des collines, hors du champ visuel. Son importance est exagérée, les craintes se s’autoalimentent par des conflits internes tus, des maladresses, voire des hallucinations. L’issue de cette escalade est inévitable. Avec une belle lenteur, Emin Alper sait créer une atmosphère, un climat basé sur la suggestion, un peu oppressant parfois, une sorte de huis clos en plein air. Derrière la colline est un film assez atypique. La beauté et la force de cette allégorie le rendent assez enthousiasmant.
Elle: 3 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Tamer Levent, Reha Özcan, Mehmet Ozgur, Berk Hakman
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(1) La Turquie d’aujourd’hui est « empoisonné par la paranoïa et la suspicion », déplore le metteur en scène. « Ici, je parle de la Turquie dont le climat politique est basé sur ce même besoin de se créer un ennemi. Que ce soit les Kurdes ou un soi-disant complot international sans compter d’innombrables conflits internes. Chez nous, les débats ne peuvent jamais être raisonnables. Car les théories du complot sabrent les fondations de tout débat politique », ajoute le réalisateur.