24 mai 2015

La Salamandre (1971) de Alain Tanner

La SalamandreA Genève en Suisse, un journaliste doit écrire un scénario sur un petit fait divers. Il fait appel à un ami écrivain et commence à enquêter sur une jeune fille, Rosemonde. Celle-ci, que l’on dit paresseuse, est en réalité une jeune fille à l’esprit libre qui refuse la routine d’une vie bien rangée… La salamandre est le deuxième film du suisse Alain Tanner. Après le succès de son premier film Charles, mort ou vif (1969), le cinéaste confirme l’émergence d’un nouveau cinéma helvétique. Tourné avec très peu de moyens (16mm, son direct), La salamandre nous dresse un certain portrait de la société suisse, un « désert intellectuel » d’où suintent l’ennui et un profond conservatisme qui confine à l’immobilisme. La jeune Rosemonde est comme une tâche de couleurs dans cette grisaille. Le journaliste ne la découvrira que superficiellement, l’écrivain plus profondément et même l’aidera à prendre conscience de sa révolte. Le propos s’inscrit pleinement dans ce cinéma subversif qui fleurit en ce début des années soixante-dix. Alain Tanner manie avec justesse l’ironie ce qui lui permet de s’écarter de toute austérité. On remarquera le petit hommage à Truffaut (Rosemonde trouve un emploi dans un magasin de chaussures). La Salamandre connut un très grand succès à sa sortie, il a grandement contribué à faire connaître cette actrice si attachante qu’est Bulle Ogier.
Elle: 4 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Bulle Ogier, Jean-Luc Bideau, Jacques Denis
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La Salamandre
Bulle Ogier dans La Salamandre de Alain Tanner

La Salamandre
Jacques Denis, Jean-Luc Bideau et Bulle Ogier dans La Salamandre de Alain Tanner

9 mai 2015

Vol au-dessus d’un nid de coucou (1975) de Milos Forman

Titre original : « One Flew Over the Cuckoo’s Nest »

Vol au-dessus d'un nid de coucouDu fait de ses comportements erratiques, le prisonnier récidiviste Randle McMurphy est transféré de la prison à l’hôpital psychiatrique pour examen. Il participe aux thérapies de groupe dirigées par l’infirmière Ratched… Basé sur un roman de Ken Kesey (1)(2), Vol au-dessus d’un nid de coucou fait partie de ces films-évènements qui marquent leur époque (ou en sont la traduction directe, au choix…) Le visionner de nouveau, quarante ans après sa sortie, est intéressant. Il montre une belle longévité et reste aujourd’hui généralement tenu en très haute estime. Si la performance d’acteur paraît toujours aussi exceptionnelle, une spectaculaire opposition entre deux personnes, l’impact du film est nécessairement différent : dans les années soixante-dix, il mettait brutalement les spectateurs face à une réalité qu’ils ignoraient, celle des méthodes coercitives des hôpitaux psychiatriques qui entretiennent les troubles plus qu’ils ne les soignent. Aujourd’hui, où le pilonnage de tout ce qui est institutionnel est le quotidien de millions d’internautes, l’effet coup de poing ne peut être le même ; le film est même dans l’air du temps. Mais cela lui enlève-t-il de ses qualités pour autant ? Au-delà de la dénonciation de méthodes répressives, Vol au-dessus d’un nid de coucou pose d’autres questions : la définition de la « folie » (et quelle attitude adopter face à elle) bien entendu, mais aussi il nous met dans la position du patient, pose des questions sur ses attentes : la scène la plus forte (à mes yeux) est celle où Nicholson découvre que la moitié des membres de son groupe sont des internés volontaires. Toutes ces questions restent toutefois sans réponse, le propos restant sur une simple apologie de l’insoumission et une négation de toute forme d’autorité, ce qui est, il faut bien le reconnaître, assez facile. Cette faiblesse est plus évidente avec le recul (mais faut-il nécessairement apporter une réponse pour dénoncer quelque chose ?) La forme du film de Milos Forman est remarquable : il adopte un style très réaliste, donnant presque au film une atmosphère de documentaire ce qui le rend encore plus percutant ; il a d’ailleurs été tourner dans l’enceinte de l’Oregon State Mental Hospital, plusieurs figurants sont de réels patients, le docteur est un vrai docteur. La mise en scène est sobre, la construction est solide ce qui est admirable puisque tout le déroulement, ou presque, se situe à l’intérieur d’un même lieu (3). Fait avec un budget très modéré, Vol au-dessus d’un nid de coucou fut un immense succès dès sa sortie. Il a conservé aujourd’hui toute sa force.
Elle: 5 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Jack Nicholson, Louise Fletcher, Danny DeVito, Brad Dourif, Will Sampson
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Vol au-dessus d'un nid de coucou
Brad Dourif, Danny DeVito et Jack Nicholson dans Vol au-dessus d’un nid de coucou de Milos Forman.

Remarques :
* Le titre « Vol au-dessus d’un nid de coucou » vient d’une comptine pour enfants et du fait, qu’en anglais, le mot « cuckoo » désigne une personne dérangée, cinglée.

* L’infirmière Ratched est le rôle principal de la carrière de Louise Fletcher, les films tournés ensuite par l’actrice paraissent bien mineurs. L’expression « Nurse Ratched » est, quant à elle, passée en partie dans le langage courant pour désigner quelqu’un de froid et tyrannique.

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L’un des rares sourires de l’infirmière Ratched : Louise Fletcher dans Vol au-dessus d’un nid de coucou de Milos Forman.

(1) L’auteur Ken Kesey a lui-même travaillé dans un hôpital. Dans le roman, c’est Chief Bromden (le colosse d’origine indienne) qui raconte les faits. Ken Kesey était très mécontent du film. Il a même attaqué les producteurs en justice. Dans son roman, l’hôpital psychiatrique est une allégorie de la société dans son ensemble et le fait de prendre un personnage principal symbole des minorités opprimées s’inscrivait dans cette optique. Cet aspect contestataire, contre toute forme d’establishment, a été gommé par Forman.

(2) C’est Kirk Douglas qui a découvert le roman en 1961 et en a acheté les droits pour le tourner lui-même. Il l’a porté brièvement sur les planches en 1963. Mais le projet cinématographique ne s’est jamais fait, Kirk Douglas ne réussissant pas à convaincre studios et producteurs. Devenant trop âgé pour le rôle, il a finalement confié le projet à Milos Forman (Kirk Douglas a envoyé le livre à Milos Forman dès 1965 mais celui-ci ne l’a jamais reçu. Il suppose que les douaniers tchécoslovaques ont confisqué le livre en tant que littérature occidentale subversive. Ce n’est que dix ans plus tard que Michael, le fils de Kirk, le proposera de nouveau à Forman qui a entre-temps émigré aux Etats-Unis.)

(3) Hormis la scène de pêche… une scène que Milos Forman était très réticent à inclure dans son film. Il est vrai qu’elle est assez inutile. C’est plus une récréation pour le spectateur qu’autre chose… elle permet de soulager la tension.

16 avril 2015

Frenzy (1972) de Alfred Hitchcock

FrenzyUne jeune femme est retrouvée flottant dans la Tamise, étranglée avec une cravate. Ce n’est pas la première victime du « tueur à la cravate ». Le même jour, Richard Blaney, un ancien de la RAF impulsif et aigri, est renvoyé du pub où il travaillait… Frenzy est l’avant-dernier film d’Alfred Hitchcock. Le cinéaste a choisi de s’écarter d’Universal pour avoir toute liberté de le tourner et l’a fait en Angleterre. Le suspense n’est pas ici sur l’identité du meurtrier, qui nous est dévoilée très rapidement, mais repose plutôt sur le principe de la souricière : comment celui qui y est pris va t-il pouvoir s’en échapper ? Hitchcock s’écarte de toute édulcoration, n’hésite pas à aller dans le domaine du sordide tout en le contrebalançant par un humour assez constant, par petites touches. Cet humour est présent non seulement sur le contenu lui-même (comme cet inspecteur de police dont la femme s’est découvert une passion pour la cuisine française) mais aussi sur le plan cinématographique pur. Hitchcock est facétieux, place sa caméra dans des endroits inhabituels, nous surprend, joue avec le son : au lieu de la scène habituelle d’une personne découvrant un cadavre, il la laisse entrer et reste à la porte, filmant le vide pendant quelques secondes avant de faire retentir un cri perçant. Mais le plan le plus remarquable est incontestablement ce long traveling arrière après avoir vu l’assassin emmener chez lui une jeune femme, par lequel Hitchcock semble dire au spectateur : « oui, il va la tuer, et vous ne pourrez rien faire pour l’en empêcher ! » Le caractère le plus marquant de Frenzy reste toutefois sa crudité, une certaine normalité (banalité ?) dans l’horreur, avec ses personnages « ordinaires » où même les personnages féminins n’ont pas la superbe des héroïnes hitchcockiennes…
Elle: 3 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Jon Finch, Alec McCowen, Barry Foster, Billie Whitelaw, Anna Massey, Barbara Leigh-Hunt, Vivien Merchant
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Frenzy
Hichcock manie le sordide et l’humour noir : Barbara Leigh-Hunt dans Frenzy.

Cameo :
Hitchcock apparaît dans les toutes premières minutes, bien visible au milieu de la petite foule de personnes qui écoutent le discours près de la Tamise. Fait inhabituel, il apparaît une seconde fois quelques secondes plus tard, assez longuement, vu de haut.

9 avril 2015

Mondwest (1973) de Michael Crichton

Titre original : « Westworld »

MondwestDans le futur, deux américains se rendent dans un parc d’attractions qui recrée des mondes du passé : une bourgade du Far-West, un château médiéval ou une demeure de la Rome Antique. Ces mondes sont peuplés de robots humanoïdes ce qui permet aux visiteurs de laisser libre cours à tous leurs penchants… Mondwest est le premier long métrage de Michael Crichton qui en a, bien entendu, écrit le scénario. Depuis Asimov (et même avant), le thème du robot qui se retourne contre son créateur est l’un des thèmes majeurs de la science-fiction et Crichton en propose ici une variation intéressante car il la double d’une réflexion sur la violence. Il met en opposition (ou est-ce un parallèle ?) l’obéissance à des pulsions instinctives de violence du robot au désir civilisé de divertissement des humains où pointe une certaine fascination pour cette même violence. Yul Brynner est assez étonnant dans ce rôle d’androïde. Il utilise le costume qu’il a utilisé pour Les 7 Mercenaires, ce qui donne une dimension particulière à son personnage. Tourné avec un petit budget, Mondwest connut un beau succès alors que le projet avait été refusé par plusieurs studios.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Yul Brynner, Richard Benjamin, James Brolin
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Mondwest
Yul Brynner, l’étonnant androïde de Mondwest par Michael Crichton.

Remarques :
* Michael Crichton aurait eu l’idée du scénario après une visite à Disneyland où il avait vu une reconstitution du monde des pirates des Caraïbes avec des automates animés.

* Mondwest est le premier film à inclure des images retouchées par ordinateur : pour simuler la vision de l’androïde, l’image est pixélisée. Sans scanner couleur (qui n’existait pas encore), il fallut scanner trois films, les couleurs de base étant séparées optiquement au tirage. Lire un article sur le sujet… (en anglais)
L'image pixelisée de Mondwest

* Mondwest est l’une des toutes premières évocations de la possibilité d’apparition de virus informatiques (il s’agit toutefois de virus en génération spontanée alors que les virus, tels que nous les connaissons aujourd’hui, ont toujours une origine humaine et délictuelle).

* Mondwest a eu une suite (moins intéressante et à laquelle Crichton n’a pas participé) :
Les rescapés du futur (Futureworld) de Richard T. Heffron (1976) avec Peter Fonda.
Il faut aussi mentionner Beyond Westworld (1980), cinq épisodes d’une série télévisée utilisant les mêmes robots à la solde d’un créateur qui rêve d’une société entièrement robotisée.

30 mars 2015

Peau d’âne (1970) de Jacques Demy

Peau d'âneMourante, une reine se fait promettre par le roi de ne prendre pour nouvelle épouse qu’une femme plus belle qu’elle. Mais la seule personne capable de rivaliser avec sa beauté n’est autre que sa propre fille, et le roi la demande en mariage. Pour échapper à cette union incestueuse et sur les conseils de sa marraine la Fée des Lilas, la princesse demande à son père des robes irréalisables, mais il parvient toujours à les lui offrir. Elle lui demande alors de sacrifier son âne qui produit des écus d’or et le roi s’exécute. La princesse s’enfuit alors dans la forêt, revêtue de la peau de l’âne et se fait passer pour une fille de ferme, une souillon… Dans sa version de Charles Perrault, le conte populaire Peau d’âne serait le premier conte de fées français jamais écrit. L’adaptation au cinéma qu’en a fait Jacques Demy est une féérie visuelle : les décors sont splendides, les costumes somptueux. Demy place quelques anachronismes savoureux dans cette histoire où tout est possible. Même pour une personne (comme moi) qui n’est pas un grand amateur des musiques de Michel Legrand, les chansons ne sont pas envahissantes et apportent de belles respirations. Peau d’âne forme un ensemble très réussi qui est loin de n’être qu’un film pour enfants. Le film a été restauré ce que permet de profiter pleinement de sa belle palette de couleurs.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Catherine Deneuve, Jean Marais, Jacques Perrin, Micheline Presle, Delphine Seyrig, Fernand Ledoux
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Voir les livres sur Jacques Demy… et le (très récent) livre sur Peau d’âne

Voir le mini-site dédiée à Peau d’âne sur le site de la Cinémathèque
(nombreux documents)

Peau d'âne
Catherine Deneuve dans Peau d’âne de Jacques Demy

Remarques :
* Peau d’âne a été tourné au château de Chambord (le château rouge) et au château du Plessis-Bourré au nord d’Angers (le château bleu). Les scènes de ferme et de forêt ont été tournées au château de Neuville dans les Yvelines et la scène finale au château de Pierrefonds dans l’Oise.

11 mars 2015

Le Retour de l’abominable Dr. Phibes (1972) de Robert Fuest

Titre original : « Dr. Phibes Rises Again »

Le retour de l'abominable Dr. PhibesTrois ans après sa « disparition » à la fin de L’abominable Dr. Phibes, le docteur revient à la vie grâce à un mécanisme prévu pour se déclencher à un moment précis. Il doit maintenant se rendre en Egypte pour faire revenir à la vie sa douce Victoria. Hélas, il découvre que le vieux parchemin qui devait le guider lui a été volé… Comme la plupart des suites, Le Retour de l’abominable Dr. Phibes est plutôt moins réussi que son prédécesseur. D’une part, l’effet de surprise n’est plus là et le scénario semble moins cohérent : certes, le fait de situer une grande partie de l’action en Egypte permet d’introduire toutes sortes de mécanismes aussi élaborés que mortels mais les meurtres manquent d’un plan d’ensemble (comme de suivre les plaies d’Egypte dans le précédent volet). Le Retour de l’abominable Dr. Phibes reste plaisant à regarder grâce à son côté totalement loufoque. Rien n’est sérieux ici et l’humour y est dans un sens plus marqué que dans le premier (l’affiche est plus terrifiante que le film). Le troisième volet qui était prévu ne verra jamais le jour.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Vincent Price, Robert Quarry, Peter Cushing, Peter Jeffrey, Hugh Griffith
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Le Retour de l'abominable Dr. Phibes (1972) de Robert Fuest

10 mars 2015

L’abominable Dr. Phibes (1971) de Robert Fuest

Titre original : « The Abominable Dr. Phibes »

L'abominable Dr. PhibesDans les années 1920, un mystérieux personnage, vêtu d’une grande cape noire, assassine des médecins avec une mise en scène qui intrigue Scotland Yard… L’abominable Dr. Phibes est un film très étonnant. Il faut sans doute le classer dans les films d’horreur du fait des meurtres perpétrés, mais l’inventivité et l’humour déployé le mettent indéniablement à part. L’inventivité est évidente dans les mises en scène pour donner la mort, se calquant sur les dix plaies d’Egypte de la Bible, mais cette inventivité est aussi présente dans l’intérieur de la demeure du Docteur Phibes, ses automates et son propre personnage (il a une façon de boire le champagne qui n’est pas banale…) L’humour est tout aussi omniprésent, dans l’excès de raffinement des mises en scène macabres et surtout chez les policiers enquêteurs. Vincent Price est bien entendu l’acteur idéal pour le rôle du docteur maléfique. Il a un jeu démonstratif malgré son visage figé. L’ensemble n’est pas à prendre au sérieux, L’abominable Dr. Phibes est avant tout un divertissement.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Vincent Price, Joseph Cotten, Hugh Griffith, Virginia North, Peter Jeffrey
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Remarque :
* Robert Fuest, qui aurait presque totalement réécrit le scénario, a débuté comme Art Director de la série Chapeau melon et Bottes de cuir dont il a également réalisé quelques épisodes. Il a effectivement une certaine similitude avec cette série dans les mises en scène excessivement élaborées.
* On peut supposer que le film (avec ses références bibliques) a été l’une des sources d’inspiration de David Fincher pour Seven.

L'abominable Dr. Phibes de Robert Fuest

22 février 2015

Le convoi de la peur (1977) de William Friedkin

Titre original : « Sorcerer »
Autre titre (Europe) : « The Wages of Fear »

Le convoi de la peurUn tueur à gages, un terroriste arabe, un banquier parisien fraudeur et un truand new-yorkais qui a eu la mauvaise idée de voler la pègre, ces quatre personnes qui ont de bonnes raisons pour chercher à se faire oublier ont échoué dans une bourgade perdue au beau milieu de la jungle d’Amérique du Sud et ne peuvent plus en repartir. On leur propose une dangereuse mission : transporter quelques caisses de nitroglycérine à travers la jungle… Après les deux énormes succès commerciaux que sont French Connection et L’Exorciste, William Friedkin se lance dans le remake du Salaire de la Peur de H.-G. Clouzot. Le budget est bien évidemment confortable. Friedkin adopte un déroulement proche de l’original puisque l’on retrouve un long prologue et le même nombre d’obstacles sur le chemin. La tension n’est toutefois pas la même et tout semble tomber à plat. L’erreur principale est certainement d’avoir choisi quatre personnages principaux assez abjects pour lesquels il est bien difficile d’éprouver la moindre empathie. Friedkin ne le cherchait visiblement pas d’ailleurs puisque les paroles prononcées par chacun pourraient tenir sur une seule feuille de scénario. Le moment de bravoure du film est la traversée d’un pont branlant, scène particulièrement impressionnante.
Elle: 2 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Roy Scheider, Bruno Cremer, Francisco Rabal, Amidou
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le Convoi de la peur

Remarques :
* La musique est de Tangerine Dream.
* Le titre original (Sorcerer = sorcier ou magicien) paraît bien étrange… William Friedkin a déclaré qu’il faisait référence au pouvoir maléfique du destin. On peut sans doute aussi le rapprocher de la brève incursion dans le fantastique vers la fin du périple.
* La scène du pont a été très délicate. Tout d’abord, le pont avec tous ses mécanismes a coûté 1 million de dollars à construire en République Dominicaine et, une fois fini, la rivière s’est soudainement asséchée pour la première fois de son histoire. Il a fallu le démonter et le reconstruire ailleurs (= 1 autre million dépensé) sur une rivière au Mexique dont le débit s’est mis, lui aussi, à diminuer dangereusement ! Il a fallu rajouter de l’eau et surtout du vent. Malgré toutes les mesures de sécurité prises, le camion s’est retrouvé dans la rivière à cinq reprises. La scène a nécessité trois mois de tournage et a absorbé à elle seule un sixième du budget du film.

18 février 2015

Themroc (1973) de Claude Faraldo

ThemrocA la suite d’un incident avec son patron, un ouvrier qui mène une vie monotone se révolte et rentre chez lui en rugissant comme un animal. Il casse les murs pour transformer sa chambre en tanière sous l’oeil surpris des voisins… Tout comme L’An 01, sorti presque simultanément, Themroc est à replacer dans le courant contestataire post-68, section « on arrête tout ! » Claude Faraldo va ici beaucoup plus loin que dans son film précédent Bof Anatomie d’un livreur puisque, pour combattre l’aliénation de l’homme par la société, il propose une régression, un retour aux pulsions élémentaires et animales que l’homme, débarrassé de toutes les entraves dressées par les normes sociales, va pouvoir assouvir librement. On peut ainsi voir Themroc comme un conte philosophique, même si la réflexion n’est pas poussée très loin car le propos est plutôt dominé par le plaisir jubilatoire de pouvoir tout casser. Passé les premières minutes bien longues (destinées à nous montrer à quel point sa vie d’ouvrier est monotone…), Themroc est une farce joyeuse, surprenante et unique en son genre. Il n’y aucun texte compréhensible, même les « gens normaux » s’expriment dans un charabia impénétrable comme pour nous placer, nous spectateurs, hors de cette société très policée. Michel Piccoli, acteur emblématique en ce début des années soixante dix, nous montre une fois de plus qu’il peut tout jouer. Claude Faraldo l’a entouré de Béatrice Romand et de toute l’équipe du Café de la Gare, donnant à chacun plusieurs rôles, parfois dans la même scène ! Inceste et cannibalisme, ajoutés au propos passablement anarchisant, lui valurent une interdiction aux moins de 18 ans.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Michel Piccoli, Béatrice Romand, Romain Bouteille, Coluche, Patrick Dewaere, Francesca Romana Coluzzi, Miou-Miou
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Remarque :
Themroc a été primé au Festival international du film fantastique d’Avoriaz 1973 : prix spécial du jury pour le film et prix d’interprétation masculine pour Michel Piccoli.

Themroc de Claude Faraldo
Themroc de Claude faraldoBéatrice Romand, Claude Piccoli et Marilù Tolo dans Themroc de Claude Faraldo.

4 février 2015

Amator (1979) de Krzysztof Kieslowski

AmatorUn employé achète une caméra pour filmer sa fille qui vient de naître. Quand son patron apprend cela, il lui demande de filmer un évènement de son entreprise. C’est le début d’une passion… L’Amateur (parfois titré Le Profane) fait partie des premiers longs métrages du polonais Krzysztof Kieslowski qui livre un peu de lui-même dans ce récit. Comme il a pu l’être lui-même, son héros est gagné par une passion dévorante du cinéma qui phagocyte peu à peu sa vie personnelle et lui donne un regard nouveau sur le monde qui l’entoure. Il apprivoise son langage, le cadrage, le montage. Il va aussi découvrir son pouvoir, sa fonction au sein d’une société, la force du documentaire, sa portée politique, avec comme inévitable corollaire (du moins en pays communiste comme l’était la Pologne), la censure. L’Amateur est ainsi une belle réflexion sur le rôle du cinéma, sur l’implication de l’artiste dans son art et ses interrogations, tout cela presque sans en avoir l’air car Kieslowski reste très près de son personnage.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Jerzy Stuhr, Malgorzata Zabkowska, Stefan Czyzewski
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Remarque :
* Le réalisateur Krzysztof Zanussi (l’un des grands représentants de la Nouvelle Vague polonaise et par ailleurs ami dans la vraie vie de Kieslowski) interprète lui-même son propre rôle.

Amator de Krzysztof Kieslowski
Jerzy Stuhr est le cinéaste amateur dans le film L’Amateur de Kieslowski. Il utilise ici une caméra 8mm Quartz 2 de fabrication russe. Derrière lui se tient Malgorzata Zabkowska.

Amator de Krzysztof Kieslowski
Vers la fin du film, la seconde caméra qu’il utilise est la légendaire Krasnogorsk K3, caméra 16mm à visée reflex de fabrication russe avec zoom Meteor (une caméra que Kieslowski a lui-même utilisée à ses débuts… mais pas pour L’Amateur qui est tourné en 35mm).
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