30 août 2015

Apocalypse Now (1979) de Francis Ford Coppola

Apocalypse NowPendant la guerre du Vietnam, le capitaine Willard (Martin Sheen), spécialiste des missions secrètes, a reçu l’ordre d’aller tuer un colonel de sa propre armée (Marlon Brando) devenu incontrôlable et accusé d’assassinat. Pour ce faire, Willard doit remonter un fleuve jusqu’au Cambodge où le colonel s’est retranché entouré d’une centaine de personnes qui le vénèrent comme un dieu… Librement adapté du roman de Joseph Conrad Au coeur des ténèbres, Apocalypse Now est incontestablement le film le plus ambitieux de Francis Ford Coppola et son chef d’oeuvre. Son projet était démesuré sans aucun doute et le tournage au plus profond de la jungle philippine fut interminable et ponctué de catastrophes : typhon, crise cardiaque de Martin Sheen, etc. Mais la vraie démesure est dans ce que Coppola nous fait toucher du doigt, la folie engendrée par la guerre, la folie des hommes. L’avancement de Willard est ponctué de scènes emblématiques où la raison semble absente : l’attaque du village au son de La Chevauchée des Walkyries de Wagner, la séquence hallucinée du striptease de bunnies en pleine jungle, le pont illuminé attaqué dans la nuit noire et le monologue final de Brando dont on ne voit que le visage dans une demi-pénombre. Malgré l’ampleur du projet, le déroulement du scénario reste simple : « It’s a trip » a dit Coppola pour présenter son film à Cannes, jouant sur le double sens de trip (voyage et/ou hallucination sous l’emprise de la drogue). Apocalypse Now fait partie de ces films qui restent à jamais gravés dans nos mémoires.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Marlon Brando, Martin Sheen, Robert Duvall, Frederic Forrest, Laurence Fishburne, Harrison Ford, Dennis Hopper
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Apocalypse Now
Robert Duvall dans Apocalypse Now de Francis Ford Coppola (« Tu la vois, la vague ? »).

Apocalypse Now
Dennis Hopper et Martin Sheen dans Apocalypse Now de Francis Ford Coppola.

Apocalypse Now
Marlon Brando dans Apocalypse Now de Francis Ford Coppola.

Remarques :
* La version commerciale de 1979 dure 2h33. En 2001 est sortie une version plus longue sous le nom Apocalypse Now Redux ; elle dure 3h12. L’ajout le plus important est une longue séquence se déroulant dans une ancienne plantation française (avec Christian Marquand et Aurore Clément).

* Cameo : on ne peut manquer de remarquer Francis Ford Coppola dans la scène où les soldats atterrissent sur la plage. Il joue le rôle d’un cinéaste des armées criant aux soldats de faire comme si la caméra n’était pas là.

3 août 2015

Conversation secrète (1974) de Francis Ford Coppola

Titre original : « The Conversation »

Conversation secrèteHarry Caul est un spécialiste de l’écoute. Il travaille en indépendant pour le compte de riches clients dont il ne connaît généralement pas les motivations. Espionnant un jeune couple dans la rue, il craint ainsi que son travail ait des conséquences néfastes pour eux…
Grâce au succès commercial de son film de commande Le Parrain, Coppola peut imposer l’un de ses plus anciens projets à ses producteurs : il en a en effet écrit le scénario de Conversation secrète avant de tourner Finian’s Rainbow, soit sept ans auparavant. Conversation secrète est à mi-chemin entre le thriller et le film d’auteur : c’est la crise de conscience d’un homme, incapable d’avoir une vie sociale, qui s’interroge sur sa responsabilité morale, hanté par le souvenir d’une mission précédente. Le film questionne également sur l’importance donnée aux phrases entendues, la difficulté d’interprétation le risque de méprise. Conversation secrète a souvent été rapproché de Blow Up d’Antonioni, film pour lequel Coppola n’a pas caché son admiration. Ce que Blow Up est à la photographie, Conversation secrète l’est à l’enregistrement magnétique. En revanche, son héros n’est pas un jeune dandy de la mode mais un homme tourmenté et peu séduisant ; il fallait pour l’interpréter un acteur de la trempe de Gene Hackman qui a ici un jeu assez intériorisé. Malgré la proximité temporelle avec le scandale du Watergate, Coppola n’a pas voulu cultiver ce rapprochement (1) mais les questions de responsabilité morale qu’il soulève ne peuvent que replacer le film dans cette perspective éminemment politique mais aussi sociale.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Gene Hackman, John Cazale, Frederic Forrest, Harrison Ford
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Conversation secrète
Gene Hackman dans Conversation secrète de Francis Ford Coppola

(1) Le mot Watergate est entendu dans le poste de télévision de la chambre d’hôtel. C’est le seul lien. Coppola a expliqué qu’il était accidentel : la production avait acheté les droits d’une émission télévisée et ce sont les journaux télévisés qui sont le moins cher. Or, à cette époque, tous les journaux télévisés parlaient du Watergate…

16 juillet 2015

Quelques messieurs trop tranquilles (1973) de Georges Lautner

Quelques messieurs trop tranquillesLa télévision diffuse un reportage sur le petit village de Loubressac dans le Lot qui se dépeuple peu à peu et dont les habitants aimeraient bien y faire venir des touristes. Ils ne prévoyaient pas que ce serait un petit groupe de hippies qui arriverait. Ils s’installent sur les terres du château… Précisons tout de suite que Quelques messieurs trop tranquilles est un Lautner sans Audiard : les dialogues sont de Jean-Marie Poiré et Georges Lautner. Ils n’ont pas hélas la même verve. Le film s’inscrit dans la veine du cinéma populaire des années soixante dix, plutôt bienveillants envers ses personnages : ni les villageois, ni les hippies ne sont caricaturés méchamment, seuls les truands sont ridiculisés. Tout cela est bon enfant, pimenté par quelques poitrines nues (les moeurs libres des hippies, ma bonne dame) mais l’humour n’est pas très relevé. Quand on est gentil, on dit que l’humour a mal vieilli mais, en fait, ce n’était pas très bon à sa sortie et ça ne l’est pas plus, quarante ans plus tard ! Le meilleur est encore dans une belle poursuite de voitures où une DS se voit désossée petit à petit.
Elle:
Lui : 1 étoile

Acteurs: Michel Galabru, Henri Guybet, Jean Lefebvre, Dani, Paul Préboist, Renée Saint-Cyr, Miou-Miou
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Quelques messieurs trop tranquilles
Jean Lefebvre, Paul Préboist, Jean-Jacques Moreau, Michel Galabru, Henri Guybet et Bruno Pradal sont les Quelques messieurs trop tranquilles du film de Georges Lautner

Remarques :
* Le film a été tourné à Loubressac et à Autoire, le château de la Comtesse est le Château de Lacave qui surplombe la Dordogne, les grottes sont celles de Cougnac.
* Miou-Miou est ici dans l’un de ses tous premiers films.

13 juillet 2015

Une bonne planque (1972) de Alberto Lattuada

Titre original : « Bianco, rosso e… »

Une bonne planqueRapatriée de Lybie après le coup d’état de Kadhafi, soeur Germana est nommée supérieure d’un hôpital dans le nord de l’Italie. Elle se retrouve face à un « convalescent chronique » soutenu par le maire communiste ; il occupe une chambre alors qu’il n’est pas malade et semble se mêler de tout… Une bonne planque (titre français particulièrement ridicule) est une histoire assez surprenante, celle d’un amour impossible entre une nonne et un communiste militant. L’idée de base est assez prometteuse et la mise en place se révèle assez intrigante et plutôt bien faite. Sophia Loren est impériale dans ce rôle de mère supérieure qui dirige son hôpital avec fermeté. On remarque au passage que les habits de nonne n’enlèvent rien à sa beauté, elle se révèle être sans conteste la plus séduisante des nonnes… Hélas, le film semble partir ensuite dans plusieurs directions, tirant souvent vers la comédie, des scènes qui semblent plaquées sur le reste. L’ensemble n’est pas exempt de lourdeur et la musique qui veut se donner des airs d’Ennio Morricone n’arrange rien. Le film est plutôt à ranger du côté des curiosités, c’est un peu dommage car l’histoire méritait mieux.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Sophia Loren, Adriano Celentano, Fernando Rey
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Une bonne planque
Sophia Loren dans Une bonne planque de Alberto Lattuada.

Remarques :
* Le titre original Bianco, rosso e… (« blanc, rouge et… ») fait référence aux drapeaux libyen (celui de la République arabe libyenne de 1969 : blanc, rouge et noir) et italien (blanc, rouge et vert) mais il fait aussi référence à la blancheur de l’habit de nonne et au rouge du communisme…

* Le scénario est signé Jaja Fiastri et Tonino Guerra ; ce dernier est un scénariste italien majeur qui a notamment écrit pour Antonioni, Rosi, Fellini…

4 juillet 2015

Ames perdues (1977) de Dino Risi

Titre original : « Anima persa »

Âmes perduesLe jeune Tino arrive à Venise pour étudier la peinture. Il réside chez sa tante Elisa qui vit dans une grande demeure avec son mari Fabio, un homme rigide qui a une grande emprise sur elle. Rapidement, Tino se rend compte qu’il y a une autre personne dans la maison et il va peu à peu découvrir un étrange secret… A partir du milieu des années soixante dix, le « roi de la comédie italienne » Dino Risi semble chercher un statut plus respectable, notamment avec des adaptations littéraires comme c’est le cas pour cet Ames perdues basé pour le roman homonyme de Giovanni Arpino. Si le réalisateur ne semble pas parfaitement à son aise dans ce genre de drame psychologique (certains critiques parlent même « d’incertitude stylistique »), il sait créer une atmosphère très particulière et insolite. Ses personnages vivent dans un univers hors du temps d’où suinte une certaine angoisse : « Je commence à m’effacer » nous dit une Catherine Deneuve diaphane dans une maison où la plupart des pièces sont inutilisées. Ces grandes demeures de Venise forment un univers à l’abandon, dont les habitants ne se montrent jamais ; un lent processus de décomposition auquel répond la solitude noire et profonde d’un homme qui ne peut communiquer. Son acteur fétiche Vittorio Gassman est idéal pour ce type de rôle particulièrement schizophrénique et Catherine Deneuve (évidemment doublée en italien) est d’une grande beauté fragile. Ames perdues est un film assez noir que l’on peut considérer dans la lignée de Parfum de femme (1974).
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Vittorio Gassman, Catherine Deneuve, Danilo Mattei
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Ames perdues
Danilo Mattei dans Âmes perdues de Dino Risi

Ames perdues
Catherine Deneuve dans Âmes perdues de Dino Risi

Ames perdues
Vittorio Gassman dans Âmes perdues de Dino Risi

 

16 juin 2015

Les Diables (1971) de Ken Russell

Titre original : « The Devils »

Les diablesSous Louis XIII, le cardinal de Richelieu veut soumettre les villes fortifiées pour étendre son pouvoir. Certaines d’entre elles ont leurs propres lois. C’est le cas de la ville de Loudun temporairement dirigée par le prêtre (et grand séducteur) Urbain Grandier qui a décrété l’entente entre les catholiques et les protestants. Richelieu veut le voir disparaître… Les Diables est adapté du livre Les Possédées de Loudun (1952) d’Aldous Huxley qui a fait des recherches poussées sur ce terrifiant fait divers du XVIIe siècle. Ken Russell en a fait un film exubérant, baroque, une spectaculaire dénonciation des basses manoeuvres de Richelieu qui utilise la religion pour accroitre son pouvoir politique. Malgré les apparences, le récit est proche de la réalité historique et c’est là tout l’art de Ken Russell de maitriser ainsi le propos tout en allant très loin dans le domaine de l’hystérie et de l’outrance. Le cinéaste anglais est aussi un provocateur : de ce fait, le film a subi des coupes et nous ne pouvons en voir la version complète que depuis 2011. Les décors sont remarquables : grandioses et épurés, ils donnent un certain côté atemporel au récit. Les Diables de Ken Russell est un film dérangeant, même éprouvant mais c’est une oeuvre dotée d’une grande force.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Vanessa Redgrave, Oliver Reed, Dudley Sutton, Gemma Jones, Michael Gothard
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Les Diables de Ken Russell
La ville de Loudun et ses grands remparts immaculés dans Les diables de Ken Russell

Les Diables de Ken Russell
Vanessa Redgrave dans Les diables de Ken Russell

Remarques :
* Le livre d’Aldous Huxley est disponible en format poche aux Editions Tallandier sous le titre « Les Diables de Loudun ».

* Précédent film sur les possédées de Loudun :
Mère Jeanne des anges (Matka Joanna od aniolów) du polonais Jerzy Kawalerowicz (1961)

30 mai 2015

Complot de famille (1976) de Alfred Hitchcock

Titre original : « Family Plot »

Complot de familleBlanche Tyler passe pour avoir des talents de médium auprès de vieilles dames crédules. L’une d’elles, secouée par l’une de ses séances, lui confie la charge de retrouver le fils de sa soeur abandonné par sa faute à sa naissance. Blanche et son ami se mette à sa recherche… Complot de famille est le dernier film d’Alfred Hitchcock qui avait 76 ans au début du tournage et fêtait ses 50 ans de réalisation (son premier film date de 1925). C’est l’adaptation d’un roman de Victor Canning. Il est de bon ton de prendre Complot de famille de haut et d’annoncer que le Maitre du suspense avait perdu la main. Pourtant, c’est un film très réussi. Certes il n’est pas très hitchcockien : c’est une comédie policière où l’atmosphère est plutôt détendue, les scènes de suspense y sont moins intenses qu’à l’accoutumée et l’histoire n’est pas centrée sur un personnage principal mais sur plusieurs. L’intrigue est un peu tortueuse avec deux histoires juxtaposées mais Hitchcock adopte un style très limpide, il prend tout son temps pour nous l’expliquer ce qui rend le film très accessible. La musique de John Williams contribue à rendre Complot de famille particulièrement plaisant. Hitchcock s’amuse et nous aussi. Sa filmographie se clôt ainsi joliment sur une petite note espiègle.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Karen Black, Bruce Dern, Barbara Harris, William Devane, Ed Lauter
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Complot de famille
Barbara Harris et Bruce Dern dans Complot de famille de Alfred Hitchcock

Complot de famille
Karen Black et William Devane dans Complot de famille de Alfred Hitchcock

Remarques :
* Cameo d’Alfred Hitchcock : (très visible) en ombre chinoise, dans la porte du bureau du registre des naissances et des décès.

* Très inhabituel pour le cinéaste : le passage d’une histoire à l’autre à la 12e minute à la façon « cadavres exquis » (ou façon Fantôme de la Liberté ?).

24 mai 2015

La Salamandre (1971) de Alain Tanner

La SalamandreA Genève en Suisse, un journaliste doit écrire un scénario sur un petit fait divers. Il fait appel à un ami écrivain et commence à enquêter sur une jeune fille, Rosemonde. Celle-ci, que l’on dit paresseuse, est en réalité une jeune fille à l’esprit libre qui refuse la routine d’une vie bien rangée… La salamandre est le deuxième film du suisse Alain Tanner. Après le succès de son premier film Charles, mort ou vif (1969), le cinéaste confirme l’émergence d’un nouveau cinéma helvétique. Tourné avec très peu de moyens (16mm, son direct), La salamandre nous dresse un certain portrait de la société suisse, un « désert intellectuel » d’où suintent l’ennui et un profond conservatisme qui confine à l’immobilisme. La jeune Rosemonde est comme une tâche de couleurs dans cette grisaille. Le journaliste ne la découvrira que superficiellement, l’écrivain plus profondément et même l’aidera à prendre conscience de sa révolte. Le propos s’inscrit pleinement dans ce cinéma subversif qui fleurit en ce début des années soixante-dix. Alain Tanner manie avec justesse l’ironie ce qui lui permet de s’écarter de toute austérité. On remarquera le petit hommage à Truffaut (Rosemonde trouve un emploi dans un magasin de chaussures). La Salamandre connut un très grand succès à sa sortie, il a grandement contribué à faire connaître cette actrice si attachante qu’est Bulle Ogier.
Elle: 4 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Bulle Ogier, Jean-Luc Bideau, Jacques Denis
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La Salamandre
Bulle Ogier dans La Salamandre de Alain Tanner

La Salamandre
Jacques Denis, Jean-Luc Bideau et Bulle Ogier dans La Salamandre de Alain Tanner

9 mai 2015

Vol au-dessus d’un nid de coucou (1975) de Milos Forman

Titre original : « One Flew Over the Cuckoo’s Nest »

Vol au-dessus d'un nid de coucouDu fait de ses comportements erratiques, le prisonnier récidiviste Randle McMurphy est transféré de la prison à l’hôpital psychiatrique pour examen. Il participe aux thérapies de groupe dirigées par l’infirmière Ratched… Basé sur un roman de Ken Kesey (1)(2), Vol au-dessus d’un nid de coucou fait partie de ces films-évènements qui marquent leur époque (ou en sont la traduction directe, au choix…) Le visionner de nouveau, quarante ans après sa sortie, est intéressant. Il montre une belle longévité et reste aujourd’hui généralement tenu en très haute estime. Si la performance d’acteur paraît toujours aussi exceptionnelle, une spectaculaire opposition entre deux personnes, l’impact du film est nécessairement différent : dans les années soixante-dix, il mettait brutalement les spectateurs face à une réalité qu’ils ignoraient, celle des méthodes coercitives des hôpitaux psychiatriques qui entretiennent les troubles plus qu’ils ne les soignent. Aujourd’hui, où le pilonnage de tout ce qui est institutionnel est le quotidien de millions d’internautes, l’effet coup de poing ne peut être le même ; le film est même dans l’air du temps. Mais cela lui enlève-t-il de ses qualités pour autant ? Au-delà de la dénonciation de méthodes répressives, Vol au-dessus d’un nid de coucou pose d’autres questions : la définition de la « folie » (et quelle attitude adopter face à elle) bien entendu, mais aussi il nous met dans la position du patient, pose des questions sur ses attentes : la scène la plus forte (à mes yeux) est celle où Nicholson découvre que la moitié des membres de son groupe sont des internés volontaires. Toutes ces questions restent toutefois sans réponse, le propos restant sur une simple apologie de l’insoumission et une négation de toute forme d’autorité, ce qui est, il faut bien le reconnaître, assez facile. Cette faiblesse est plus évidente avec le recul (mais faut-il nécessairement apporter une réponse pour dénoncer quelque chose ?) La forme du film de Milos Forman est remarquable : il adopte un style très réaliste, donnant presque au film une atmosphère de documentaire ce qui le rend encore plus percutant ; il a d’ailleurs été tourner dans l’enceinte de l’Oregon State Mental Hospital, plusieurs figurants sont de réels patients, le docteur est un vrai docteur. La mise en scène est sobre, la construction est solide ce qui est admirable puisque tout le déroulement, ou presque, se situe à l’intérieur d’un même lieu (3). Fait avec un budget très modéré, Vol au-dessus d’un nid de coucou fut un immense succès dès sa sortie. Il a conservé aujourd’hui toute sa force.
Elle: 5 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Jack Nicholson, Louise Fletcher, Danny DeVito, Brad Dourif, Will Sampson
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Vol au-dessus d'un nid de coucou
Brad Dourif, Danny DeVito et Jack Nicholson dans Vol au-dessus d’un nid de coucou de Milos Forman.

Remarques :
* Le titre « Vol au-dessus d’un nid de coucou » vient d’une comptine pour enfants et du fait, qu’en anglais, le mot « cuckoo » désigne une personne dérangée, cinglée.

* L’infirmière Ratched est le rôle principal de la carrière de Louise Fletcher, les films tournés ensuite par l’actrice paraissent bien mineurs. L’expression « Nurse Ratched » est, quant à elle, passée en partie dans le langage courant pour désigner quelqu’un de froid et tyrannique.

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L’un des rares sourires de l’infirmière Ratched : Louise Fletcher dans Vol au-dessus d’un nid de coucou de Milos Forman.

(1) L’auteur Ken Kesey a lui-même travaillé dans un hôpital. Dans le roman, c’est Chief Bromden (le colosse d’origine indienne) qui raconte les faits. Ken Kesey était très mécontent du film. Il a même attaqué les producteurs en justice. Dans son roman, l’hôpital psychiatrique est une allégorie de la société dans son ensemble et le fait de prendre un personnage principal symbole des minorités opprimées s’inscrivait dans cette optique. Cet aspect contestataire, contre toute forme d’establishment, a été gommé par Forman.

(2) C’est Kirk Douglas qui a découvert le roman en 1961 et en a acheté les droits pour le tourner lui-même. Il l’a porté brièvement sur les planches en 1963. Mais le projet cinématographique ne s’est jamais fait, Kirk Douglas ne réussissant pas à convaincre studios et producteurs. Devenant trop âgé pour le rôle, il a finalement confié le projet à Milos Forman (Kirk Douglas a envoyé le livre à Milos Forman dès 1965 mais celui-ci ne l’a jamais reçu. Il suppose que les douaniers tchécoslovaques ont confisqué le livre en tant que littérature occidentale subversive. Ce n’est que dix ans plus tard que Michael, le fils de Kirk, le proposera de nouveau à Forman qui a entre-temps émigré aux Etats-Unis.)

(3) Hormis la scène de pêche… une scène que Milos Forman était très réticent à inclure dans son film. Il est vrai qu’elle est assez inutile. C’est plus une récréation pour le spectateur qu’autre chose… elle permet de soulager la tension.

16 avril 2015

Frenzy (1972) de Alfred Hitchcock

FrenzyUne jeune femme est retrouvée flottant dans la Tamise, étranglée avec une cravate. Ce n’est pas la première victime du « tueur à la cravate ». Le même jour, Richard Blaney, un ancien de la RAF impulsif et aigri, est renvoyé du pub où il travaillait… Frenzy est l’avant-dernier film d’Alfred Hitchcock. Le cinéaste a choisi de s’écarter d’Universal pour avoir toute liberté de le tourner et l’a fait en Angleterre. Le suspense n’est pas ici sur l’identité du meurtrier, qui nous est dévoilée très rapidement, mais repose plutôt sur le principe de la souricière : comment celui qui y est pris va t-il pouvoir s’en échapper ? Hitchcock s’écarte de toute édulcoration, n’hésite pas à aller dans le domaine du sordide tout en le contrebalançant par un humour assez constant, par petites touches. Cet humour est présent non seulement sur le contenu lui-même (comme cet inspecteur de police dont la femme s’est découvert une passion pour la cuisine française) mais aussi sur le plan cinématographique pur. Hitchcock est facétieux, place sa caméra dans des endroits inhabituels, nous surprend, joue avec le son : au lieu de la scène habituelle d’une personne découvrant un cadavre, il la laisse entrer et reste à la porte, filmant le vide pendant quelques secondes avant de faire retentir un cri perçant. Mais le plan le plus remarquable est incontestablement ce long traveling arrière après avoir vu l’assassin emmener chez lui une jeune femme, par lequel Hitchcock semble dire au spectateur : « oui, il va la tuer, et vous ne pourrez rien faire pour l’en empêcher ! » Le caractère le plus marquant de Frenzy reste toutefois sa crudité, une certaine normalité (banalité ?) dans l’horreur, avec ses personnages « ordinaires » où même les personnages féminins n’ont pas la superbe des héroïnes hitchcockiennes…
Elle: 3 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Jon Finch, Alec McCowen, Barry Foster, Billie Whitelaw, Anna Massey, Barbara Leigh-Hunt, Vivien Merchant
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Frenzy
Hichcock manie le sordide et l’humour noir : Barbara Leigh-Hunt dans Frenzy.

Cameo :
Hitchcock apparaît dans les toutes premières minutes, bien visible au milieu de la petite foule de personnes qui écoutent le discours près de la Tamise. Fait inhabituel, il apparaît une seconde fois quelques secondes plus tard, assez longuement, vu de haut.