3 décembre 2014

J’accuse (1919) de Abel Gance

J'accuse!(film muet) Poète et amoureux de la vie, Jean Diaz aime Edith qui a été contrainte par son père de se marier avec François Laurin. Quand la guerre est déclarée, tous les hommes de leur petit village de Provence doivent partir au front où les deux hommes vont se retrouver… Alors que la guerre n’est pas encore terminée, Abel Gance reprend le titre du célèbre article de 1898 d’Emile Zola pour la défense de Dreyfus, pour dénoncer les méfaits de la guerre sur les êtres humains. Il se base sur l’histoire d’un poilu devenu pacifiste pour écrire un grand mélodrame où deux hommes sont amoureux de la même femme.

J’accuse est toujours présenté comme un film pacifiste, ce qu’il est indéniablement mais il l’est d’une façon qui peut nous sembler assez inhabituelle, nous qui avons un siècle de recul. S’il dénonce bien le cortège de morts inutiles, la scène finale éclaire de façon étonnante son propos : si les morts se relèvent, c’est pour venir accuser les vivants de s’être mal comportés en leur absence (femmes infidèles, profiteurs), ils veulent que ceux qui leur survivent soient dignes d’eux, et ainsi ils « ne seront pas morts pour rien ». On peut même trouver que certaines scènes ont une connotation patriotique. Mais en fait, son propos est surtout humaniste, il se place du côté de ces poilus et de leurs vies brisées. Il refuse de faire une approche politique.

J’accuse est un film également remarquable d’inventivité dans la forme. Dès les premières minutes, c’est un festival et cela continue pendant les quelque 2h45 du film : un montage très dynamique, étonnamment moderne, de nombreux effets (différents) de superposition, des scènes de bataille d’un réalisme inégalé, utilisation d’images réelles, utilisation du clair-obscur, nombreuses métaphores visuelles, etc. La célèbre (et inoubliable) scène finale voit sa force décuplée par son traitement. Abel Gance, qui a bénéficié de moyens importants, est alors très largement devant tout le monde. On ne voit pas quel réalisateur (américain ou autre) est à ce niveau de modernisme et d’inventivité. Le succès de J’accuse fut important et international, ce qui permit à Abel Gance de mettre sur pied un film encore plus remarquable et abouti, La Roue.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Romuald Joubé, Séverin-Mars, Maryse Dauvray
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Remarques :
* Film en grande partie perdu, J’accuse a été magnifiquement restauré en 2007 à partir de plusieurs morceaux de provenances différentes. Alors qu’un DVD est sorti aux Etats-Unis dès 2008 (chez Flicker Alley, le même éditeur que pour La Roue qui n’est à ce jour seulement disponible aux Etats Unis), il aura fallu attendre 7 années (!) pour que le film soit enfin visible en France.

* Arte a récemment diffusé le film avec une musique composée par Philippe Schoeller (concert  du 8 novembre 2014 Salle Pleyel). Ce style de musique conceptuelle ne convient pas du tout à l’esprit d’Abel Gance et (à mes yeux) dénature son oeuvre : elle en accentue inutilement les aspects les plus noirs et atténue l’humanité du propos. J'accuse!Il s’agit plus d’un concert illustré par un film que d’un film accompagné par une musique.
En revanche, il ne faut pas hésiter à se procurer le DVD qui vient sortir chez Lobster Films qui comporte la nouvelle musique orchestrale composée par le toujours excellent Robert Israel (toutes les musiques qu’il compose pour accompagner les restaurations de films muets sont parfaites). A noter que Serge Bromberg de Lobster Films a été l’un des artisans de la restauration.

* Détail terrifiant : Les figurants interprétant les morts de la scène finale sont des soldats qui revenaient de Verdun et qui devaient retourner au front huit jours plus tard. 80% n’en sont pas revenus.

* Blaise Cendrars a été assistant sur la tournage. L’écrivain, qui avait perdu un bras au combat en 1915, est également l’un des morts de la scène finale.

* Abel Gance a refait son film en 1938, alors qu’une autre guerre s’annonçait, une version sonore qui reprend certaines images de la version de 1919 :
J’accuse d’Abel Gance avec Victor Francen (1938).

Lire aussi : article sur le blog Ann Harding’s Treasures … (dont l’auteure est la traductrice du livre de Kevin Brownlow La Parade est passée, livre qui comporte un chapitre de 60 pages consacré à Abel Gance).

J'accuse d'Abel Gance
Plan très court mais qui se remarque : des soldats alignés pour former le mot « J’accuse ».

Abel Gance salué par David W. Griffith
Abel Gance (à g.) félicité par David W. Griffith peu après la première américaine de J’accuse.

1 décembre 2014

La Chasse à l’homme (1964) de Edouard Molinaro

La chasse à l'hommeAntoine Monteil doit se rendre à son mariage au grand dam de son ami qui essaie de l’en dissuader… « Le mariage est un piège », tel semble être le leitmotiv de cette comédie à sketches d’Edouard Molinaro. Ici, les jeunes filles en fleurs n’ont qu’une idée en tête : mettre le grappin sur un homme. Cette attaque gentiment subversive (du moins pour l’époque) contre l’institution du mariage se fait sans misogynie excessive, l’histoire de base a d’ailleurs été écrite par une femme, France Roche. Les dialogues sont de Michel Audiard. Le premier sketch avec Jean-Paul Belmondo en voyou rangé mis au pas par Marie Dubois n’est que moyennement réussi. Le second en revanche (avec Micheline Presle, Catherine Deneuve, Bernard Blier) l’est beaucoup plus et les dialogues d’Audiard y sont riches en répliques brillantes. Le meilleur du film est là. La suite est plaisante avec Françoise Dorléac qui joue la fofolle, façon L’Homme de Rio avec toutefois un peu moins de réussite. Comme beaucoup de films à sketches, La chasse à l’homme est un peu inégal mais reste divertissant.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Jean-Claude Brialy, Françoise Dorléac, Claude Rich, Jean-Paul Belmondo, Marie Laforêt, Catherine Deneuve, Marie Dubois, Micheline Presle, Francis Blanche, Bernard Blier
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La Chasse à l'homme d'Edouard Molinaro
Françoise Dorléac et Jean-Claude Brialy

Homonyme :
Chasse à l’homme (Man Hunt) de Fritz Lang (1941)

27 novembre 2014

Pas question le samedi (1965) de Alex Joffé

Pas question le samediUn chef d’orchestre renommé est venu finir ses jours en Israël, sa terre natale. Juste avant de mourir, son père lui apparaît sous la forme d’un envoyé céleste et lui annonce qu’il doit réparer ses graves péchés. Au cours de ses tournées, il a en effet eu de nombreux enfants illégitimes dont il ne s’est pas occupé. Il modifie donc son testament : si, dans un délai de trente jours, cinq de ses fils s’établissent en Israël et s’y marient, ils pourront alors hériter de sa fortune… Pas question le samedi est un film franco-israélien qui reprend le principe de faire jouer de multiples rôles à un seul acteur. Comme avant lui Alec Guiness, Fernandel, Jerry Lewis ou Peter Sellers (1), Robert Hirsch se livre à ce difficile exercice d’interpréter pas moins de 13 personnages différents et il y réussit parfaitement. L’humour est omniprésent, un « humour juif » qui se moque gentiment des coutumes juives et des impératifs religieux. Il faut noter que le film a été tourné peu avant la Guerre des Six Jours ce qui explique le climat d’insouciance et de légèreté qui y règne. Le film reste très peu connu.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Robert Hirsch, Teddy Bilis
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Remarque :
Pas question le samedi est sorti en France à peu près en même temps que Le Corniaud dont le succès a éclipsé les autres films comiques.

(1) Alec Guiness : Noblesse oblige de Robert Hamer (1949)
Fernandel : Le Mouton à cinq pattes d’Henri Verneuil (1954)
Jerry Lewis : Dr Jerry et Mister Love de Jerry Lewis (1963)
Peter Sellers : Dr Folamour de Stanley Kubrick (1964)
Jerry Lewis : Les Tontons farceurs de Jerry Lewis (1965)
(ce dernier film étant toutefois sorti après le film d’Alex Joffé).

30 octobre 2014

La Voie lactée (1969) de Luis Buñuel

La voie lactéeA l’époque actuelle, deux pèlerins se rendent à pied de Paris à Saint-Jacques-de-Compostelle (1). En chemin, ils font de nombreuses rencontres inattendues… Ecrit par Luis Buñuel et Jean-Claude Carrière, La Voie lactée est un film d’une grande audace : comment faire un film plutôt amusant, et en même temps profond, sur un sujet aussi rébarbatif que l’hérésie et les querelles dogmatiques dans la religion catholique tout au long de son histoire ? Par sa forme, il surprend le spectateur car Buñuel et Carrière s’affranchissent des contraintes de temps et d’espace : on peut, au détour d’un chemin, rencontrer un personnage d’une autre époque, même le Christ lui-même.

Sur le fond, qualifier le film d’anticlérical est très réducteur, d’ailleurs il ne l’est pas vraiment. Le propos de Buñuel va beaucoup plus loin que cela : ses questionnements portent sur la notion de dogme. Sur sa formation d’abord : lorsque l’on formalise une croyance en dogme, le réel et le rationnel s’échappent, les « mystères » apparaissent et, avec eux, les interprétations différentes et donc les querelles, celles qui poussent au fanatisme. Et ensuite, sur la façon dont une doctrine peut se nourrir de ses déviations : elle en sort souvent renforcée. Au delà de la religion, catholique en l’occurrence, Buñuel parle de tous les dogmes : dans une courte scène, on voit un groupe de partisans anarcho-marxistes (ils ont un drapeau bicolore, rouge et noir) venir de façon froide et décidée fusiller le pape… Il semble ainsi nous dire : « Attention, je vous parle de religion mais tout ce que je dis s’applique tout aussi bien à une idéologie politique » (2).

Le propos de Buñuel n’est pas destructeur, il questionne. Il n’apporte pas de réponses, il laisse la place au doute comme en témoigne la scène finale de la « guérison » des aveugles. Sont-ils guéris ou pas ? On ne le saura pas. Faut-il y voir là un certain respect du mystère (sur lequel se construisent les croyances et les doctrines) ou encore un refus de la rationalisation ? Peut-être… Comme on le voit, il y a là beaucoup de matière à réflexion. La Voie lactée est certainement l’un des films les plus profondément philosophiques de Luis Buñuel.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Paul Frankeur, Laurent Terzieff, Alain Cuny, Edith Scob, François Maistre, Michel Piccoli, Pierre Clémenti
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(1) La Voie lactée était autrefois utilisée comme point de repère par les pèlerins se dirigeant vers Saint-Jacques de Compostelle, à tel point qu’elle était désignée dans plusieurs pays d’Europe sous le nom de Chemin de saint Jacques. Quand elle est haute dans le ciel, la Voie lactée suit en effet un axe allant du nord-est au sud-ouest. Autrefois, elle était en outre bien plus visible qu’aujourd’hui car il n’y avait pas tous les éclairages publics actuels.

(2) Dans son autobiographie, Buñuel cite également l’idéologie artistique… Cela peut surprendre mais il faut se souvenir que Buñuel a été l’une des grandes figures des surréalistes qui, il faut bien le reconnaitre, donnaient souvent dans l’intransigeance. Dans le cinéma, on pourrait également citer l’exemple des « jeunes turcs » des Cahiers du Cinéma qui déclaraient certains réalisateurs comme « hérétiques »…
Pour revenir à ce parallèle religion / idéologie marxiste, rappelons que nous sommes en pleine époque Mai 68 : l’écriture a été faite juste avant Mai 68 mais le tournage s’est déroulé pendant et juste après.

Homonyme :
The Milky Way (Soupe au lait, titre fr DVD = La Voie lactée) de Leo McCarey (1936) avec Harold LLoyd.

La Voie lactée (1969) de Luis Buñuel
Laurent Terzieff et Paul Frankeur dans La Voie lactée de Luis Buñuel (1969)

29 octobre 2014

Le Fantôme de la liberté (1974) de Luis Buñuel

Le fantôme de la libertéDes condamnés à mort qui crient « Vive les chaînes » au moment d’être fusillés (1)… dès la scène du générique, le ton est donné : la logique et les conventions vont être bien malmenées dans Le Fantôme de la liberté et Luis Buñuel et Jean-Claude Carrière sont ici allés encore plus loin que dans Le Charme discret de la bourgeoisie. La structure est inhabituelle : selon le principe des « cadavres exquis » des surréalistes, chacune des petites histoires qui composent le film est reliée à la suivante par un personnage ou une situation qui nous emmènent sur un thème totalement différent. Buñuel nous surprend sans arrêt, il retourne les usages, prend des directions inattendues. Il chamboule nos certitudes, nous faisant prendre parfois un énorme recul sur ce que nous voyons. On peut ainsi dire que le film a une dimension philosophique dans le sens où il nous fait voir de façon nouvelle des évènements ou des comportements les plus anodins, il bouscule ce que nous tenons pour acquis. L’humour, quant à lui, est toujours présent. Aujourd’hui comme il y a quarante ans, Le Fantôme de la liberté est un petit bijou.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Monica Vitti, Jean-Claude Brialy, Paul Frankeur, Michael Lonsdale, François Maistre, Michel Piccoli, Claude Piéplu, Jean Rochefort, Julien Bertheau, Marie-France Pisier, Adolfo Celi
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Remarques :
* La Voie lactée, Le Charme discret de la bourgeoisie et  Le fantôme de la liberté forment une trilogie surréaliste. Buñuel préfère le terme de triptyque, « comme au Moyen Âge » ajoute t-il. « Les même thèmes, quelquefois même les mêmes phrases se retrouvent dans les trois films. Ils parlent de la recherche de la vérité, qu’il faut fuir dès que l’on croit l’avoir trouvée, du rituel social implacable. Ils parlent de la recherche indispensable, du hasard, de la morale personnelle, du mystère qu’il faut respecter. » (Extrait de l’autobiographie de Luis Buñuel « Mon dernier soupir »)

* Cameo : Au tout début du film, Luis Buñuel est l’un des quatre fusillés : le moine portant une barbe. A sa gauche, l’homme avec un bandeau sur le front est son producteur Serge Silberman.

(1) Luis Buñuel précise dans son autobiographie que cette scène est authentique : par haine des idées libérales introduites par Napoléon, le peuple espagnol criait « Vive les chaînes » au retour des Bourbons.
A noter que ces exécutions sont le sujet du tableau de Goya Tres de Mayo dont une reproduction ouvre le film.

Le Fantôme de la liberté (1974) de Luis Buñuel
La maitresse de maison (Alix Mahieux) place les invités à table…
Les rituels de notre société sont malmenés : ici, on défèque tout en discutant et on s’absente discrètement quelques minutes pour aller manger dans la cuisine.
(avec Marie-France Pisier, Jean Rougerie, …)

17 octobre 2014

Le bonheur est pour demain (1961) de Henri Fabiani

Le bonheur est pour demainJeune homme de 18 ans, Alain a quitté ses parents et erre sur les quais de Saint-Nazaire. Il va y rencontrer l’amitié et aussi l’amour… Le bonheur est pour demain est l’unique long métrage d’Henri Fabiani, réalisateur de nombreux courts métrages documentaires. C’est un film assez attachant qui nous permet de découvrir un tout jeune Jacques Higelin, fraîchement sorti du cours d’art dramatique, en garçon qui tâtonne, s’interroge, cherche sa place à la fois sentimentalement et socialement. Ces questionnements sur la recherche du bonheur et sur le rapport au travail donnent au film un étonnant caractère précurseur de Mai 68. L’ami protecteur est interprété par le musicien de jazz Henri Crolla, guitariste virtuose, qui se savait alors condamné (il est mort peu après la fin du tournage à l’âge de 40 ans). Il n’est sans doute pas un grand acteur mais montre beaucoup de chaleur humaine et respire la générosité. La scène où Higelin et lui jouent un morceau de guitare à quatre mains est un moment unique. Henri Crolla et Jacques Higelin L’histoire se déroule dans le milieu des ouvriers du chantier naval de Saint-Nazaire, dont Henri Fabiani a inséré des images réelles ; certains plans, notamment les plans de foule à l’entrée ou à la sortie, sont saisissants. La musique est signée Henri Crolla et Georges Delerue. Au final, Le bonheur est pour demain est vraiment une belle découverte.
Elle: 3 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Jacques Higelin, Irène Chabrier, Henri Crolla, Jean Martinelli
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Remarques :
* En 1953, Henri Fabiani fut, avec Alain Resnais, Georges Franju, Chris Marker, Jean Mitry, Alexandre Astruc (etc.), l’un des membres fondateurs du Groupe des Trente, une association de réalisateurs créée pour défendre le court métrage français et lui donner une meilleure place dans les cinémas.

* De façon étonnante, les acteurs ont prolongé leurs personnages dans la vraie vie : Jacques Higelin est devenu très ami avec Henri Crolla, il a vécu plusieurs mois chez lui et c’est sous son influence qu’il a développé un attrait pour la musique et la chanson. De plus, Jacques Higelin et Irène Chabrier sont tombés amoureux l’un de l’autre.

Le bonheur est pour demain* Jacques Higelin est parti faire son service militaire (en Allemagne et en Algérie) peu après le tournage. Sa correspondance avec Irène Chabrier sera publiée en 1987 sous le titre « Lettres d’amour d’un soldat de vingt ans ». Il a ensuite tourné dans plusieurs films dont Bébert et l’Omnibus d’Yves Robert (1963).

* Le film vient d’être restauré et réédité en DVD par Les Documents cinématographiques. Parmi les suppléments, j’ai trouvé l’interview d’Henri Fabiani passionnante. C’est un plaisir de l’écouter.

Homonyme :
Le bonheur est pour demain (And Now Tomorrow) d’Irving Pichel (1944) avec Alan Ladd et Loretta Young

15 octobre 2014

Le Charme discret de la bourgeoisie (1972) de Luis Buñuel

Le charme discret de la bourgeoisieLes Thévenot arrivent pour dîner chez les Sénéchal mais il y a eu méprise : ils n’étaient attendus que le lendemain. Le maitre de maison est même absent. Avec sa femme, ils décident alors d’aller dîner dans un restaurant proche mais, alors qu’ils s’apprêtent à commander, ils réalisent que la pièce voisine est une chambre funéraire où repose le propriétaire décédé… Pour écrire Le Charme discret de la bourgeoisie, Luis Buñuel et Jean-Claude Carrière sont partis du thème de la répétition (un repas impossible) pour broder une série de variations surréalistes. C’est un emboitement de mini-récits où l’inattendu est roi, où les positions sociales ne sont pas tenues, où la réalité et le rêve s’entremêlent. C’est un festival de créativité qui bouscule toutes les conventions et où la vraisemblance n’est pas considérée comme nécessaire. On peut, bien entendu, y voir une satire de la bourgeoisie mais ce ne semble pas être l’essentiel du propos (1). En revanche, on ne peut que remarquer que le film est profondément imprégné de son époque, c’est un reflet de cette période post-68. Empreint d’un humour constant, Le Charme discret de la bourgeoisie est un divertissement vraiment plaisant.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Fernando Rey, Paul Frankeur, Delphine Seyrig, Bulle Ogier, Stéphane Audran, Jean-Pierre Cassel, Claude Piéplu
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(1) A ce sujet, Luis Buñuel raconte dans ses mémoires (Mon dernier soupir) comment Jean-Claude Carrière et lui-même ont écrit le scénario sans trop penser au thème de la bourgeoisie, le titre n’étant venu qu’à la toute fin du processus d’écriture qui fut assez long. Effectivement, on pourra noter que, si on retrouve bien bourgeois, membres du clergé et militaires dans ce film, ils ne sont pas franchement égratignés.

Le Charme discret de la bourgeoisie de Luis Buñuel
Fernando Rey, Delphine Seyrig, Bulle Ogier et Paul Frankeur dans Le Charme discret de la bourgeoisie de Luis Buñuel.

12 octobre 2014

Gueule d’amour (1937) de Jean Grémillon

Gueule d'amourUn beau militaire du régiment des spahis (1) d’Orange collectionne les aventures féminines ce qui lui vaut le surnom de Gueule d’amour. Venu à Cannes en permission, il tombe sous le charme d’une femme mondaine… Adaptation d’un roman d’André Beucler, Gueule d’amour de Jean Grémillon permet de retrouver le couple formé par Jean Gabin et Mireille Balin qui avait tant séduit les spectateurs de Pépé le Moko de Julien Duvivier, sorti quelques mois auparavant. Le fond est assez similaire, une histoire d’amour rendu impossible par les différences de classe, à ceci près que la femme est ici une courtisane, incapable de sentiments, irrémédiablement pourrie par l’argent. Mireille Balin en femme fatale est assez convaincante. Elle et Jean Gabin forment un vrai couple de cinéma, d’une forte présence à l’écran. Le scénario peut certainement paraître trop prédictible, surtout à nos yeux actuels, mais il y a de très belles scènes, notamment dans la première partie du film, lorsque l’alchimie entre les deux acteurs est vraiment manifeste à l’écran.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Jean Gabin, Mireille Balin, René Lefèvre, Jean Aymé
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Remarques :
* Le surnom de Gueule d’amour restera attaché à Jean Gabin l’acteur, surnom dont il n’arrivera à se débarrasser que dans les années cinquante.
* Avec son image de vamp, Mireille Balin aurait pu faire une belle carrière mais, hélas, elle n’aura vraiment connu le succès qu’avec Pépé le Moko et Gueule d’amour.

(1) Les spahis étaient des unités de cavalerie appartenant à l’Armée d’Afrique du Nord, branche de l’armée de terre française.

Gueule d'amourMireille Balin et Jean Gabin dans Gueule d’amour de Jean Grémillon.

9 octobre 2014

La Vieille Dame indigne (1965) de René Allio

La vieille dame indigneA la mort de son mari, une octogénaire découvre les plaisirs simples de la vie au grand dam de ses enfants pour qui tout cela n’est que gaspillage…
La Vieille Dame indigne est adaptée d’une nouvelle de Bertold Brecht dont l’esprit est bien respecté. Cette vieille dame aura eu deux vies : une première longue et laborieuse, empreinte d’abnégation, et une seconde bien plus courte où elle a découvert avec émerveillement le monde qui l’entoure, l’amitié et les petits plaisirs. Le propos s’inscrit parfaitement en son temps, nous sommes là quelques années avant Mai 68, où flotte cette aspiration à mieux profiter de la vie et à l’émancipation des femmes. Le film doit une partie de son succès à son actrice principale. L’analogie entre le parcours de cette vieille dame et la carrière de l’actrice Sylvie n’a échappé à personne : à 82 ans, l’actrice accède enfin à un premier rôle après toute une vie à jouer des seconds rôles. Elle avait joué pour les plus grands, le plus souvent brillamment mais toujours dans l’ombre. Ce film la propulsera au rang de véritable star. La Vieille Dame indigne séduit par sa fraicheur et sa légèreté.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Sylvie, Victor Lanoux, Malka Ribowska, François Maistre, Etienne Bierry, Jean Bouise
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Remarques :
La Vieille Dame indigne est le premier grand film de Victor Lanoux.
* L’actrice Malka Ribowska, qui interprète la serveuse, nouvelle amie de la vieille dame, était alors l’épouse de René Allio.

La Vieille Dame indigneMalka Ribowska et Sylvie dans La Vieille Dame indigne de René Allio.

6 octobre 2014

Les adieux à la reine (2012) de Benoît Jacquot

Les adieux à la reineArrivée depuis peu à la cour, une jeune liseuse est au service de la reine Marie-Antoinette qu’elle approche de très près et qu’elle admire profondément. Au lendemain de la prise de la Bastille, toute la cour est en émoi et s’interroge sur les intentions du roi et de la reine… Adapté d’un roman de Chantal Thomas, Les adieux à la reine nous fait vivre les trois jours qui suivirent le 14 juillet 1789 à travers les yeux d’une jeune servante pleine de dévotion envers sa reine. Ces trois jours ne sont remplies que d’attentes, d’interrogations, d’hésitations, il n’y a donc pas de grands évènements dans cette histoire dont l’objet est avant tout de dresser le portrait de cette jeune fille, mélange de naïveté et de détermination. Benoit Jacquot filme avec délicatesse et surtout sait trouver le ton juste. Nous sommes ici loin des reconstitutions démonstratives, aux décors flamboyants : l’univers des adieux à la reine est plus celui des antichambres, des couloirs, des chambres minuscules, des communs encombrés, des éclairages à la bougie (et des mauvaises dentitions …) Léa Seydoux donne une interprétation parfaite de son personnage. Les seconds rôles sont très bien définis ce qui donne une certaine ampleur à ce film empreint d’une grande sensibilité.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Léa Seydoux, Diane Kruger, Virginie Ledoyen, Noémie Lvovsky, Michel Robin
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Les adieux à la reine (2012) de Benoît JacquotDiane Kruger et Léa Seydoux dans Les adieux à la reine de Benoît Jacquot.