19 mars 2023

Mouchette (1967) de Robert Bresson

MouchetteMouchette est une adolescente taciturne ; son père est un contrebandier alcoolique et sa mère est gravement malade. Un soir d’orage, alors qu’elle rentre de l’école, elle s’égare dans la forêt et accepte l’hospitalité d’un braconnier, Monsieur Arsène, le premier habitant du village à lui témoigner un peu de compassion…
Mouchette est un film français de Robert Bresson, sorti en 1967, adapté du roman de Georges Bernanos, Nouvelle histoire de Mouchette paru en 1937 (1). L’histoire est transposée à l’époque contemporaine. Le film dresse le portrait d’une adolescente qui, en quête d’un peu d’amour qui lui permettrait d’échapper à une pesante solitude et à la misère, va découvrir les vices des hommes. Comme toujours, Bresson fait jouer des comédiens non professionnels et sa mise en scène est réduite à l’essentiel, assez austère mais donnant au propos une indéniable puissance. Il atteint ainsi un rare niveau de réalisme.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Nadine Nortier, Jean-Claude Guilbert, Marie Cardinal
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(1) Robert Bresson avait déjà adapté un autre roman de Georges Bernanos : Journal d’un curé de campagne, en 1951.

MouchettePaul Hébert et Nadine Nortier dans Mouchette de Robert Bresson.

5 décembre 2022

Un condamné à mort s’est échappé (1956) de Robert Bresson

Sous-titre : « ou Le vent souffle où il veut »

Un condamné à mort s'est échappé ou Le vent souffle où il veutEn 1943, un résistant, Fontaine, est arrêté par les Allemands et emprisonné à la prison Montluc à Lyon. Il met tout en œuvre pour s’évader, imagine un plan, et parvient à force de courage et de travail à s’en procurer les instruments…
Un condamné à mort s’est échappé ou Le vent souffle où il veut est un film français écrit et réalisé par Robert Bresson. Il s’agit de l’adaptation du récit autobiographique d’André Devigny, paru dans la même année chez Gallimard sous le même titre. Ce film est le premier succès commercial de Robert Bresson. Le fil du récit est assez classique mais sa forme donne une force marquée à cette ode au courage et à la volonté. Robert Bresson a en effet enlevé tout le superflu et parvient à un grand dépouillement sans tomber dans l’austérité. Il préfère avoir des acteurs peu aguerris pour éviter le maniérisme du jeu des acteurs connus, utilise un nombre très réduit de lieux, enlève toute scène intermédiaire pour ne garder que celles qui vont vers le but qu’il s’est fixé. Les dialogues sont également très réduits. Il faut noter la remarquable utilisation des bruitages et de la musique du Kyrie de Mozart. L’approche de Robert Bresson donne à son film une puissance et une authenticité rares. Le film connut un grand succès public et critique.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: François Leterrier, Charles Le Clainche
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Remarque :
* François Leterrier ne poursuivra pas sa carrière d’acteur. Il deviendra assistant-réalisateur, puis scénariste et réalisateur. Ses films les plus connus sont certainement les comédies  Je vais craquer et Tranches de vie adaptées des bandes dessinées de Gérard Lauzier.
* Robert Bresson a ajouté le sous-titre, ou Le vent souffle où il veut, phrase tirée de l’Evangile selon Saint Jean : « Le vent souffle où il veut, et tu en entends le bruit ; mais tu ne sais d’où il vient, ni où il va. Il en est ainsi de tout homme qui est né de l’Esprit ». Le vent ne symbolise donc pas ici la liberté mais l’Esprit, au sens biblique du terme.
« Au cœur du cinéma de Bresson, la liberté terrestre et le salut mystique ne font qu’un. » souligne à ce propos Jean-Michel Frodon dans son ouvrage sur Robert Bresson.

Un condamné à mort s'est échappé ou Le vent souffle où il veutFrançois Leterrier et Charles Le Clainche dans Un condamné à mort s’est échappé de Robert Bresson.

24 février 2016

Pickpocket (1959) de Robert Bresson

PickpocketUn jeune étudiant désargenté qui se dit écrivain décide de se mettre à voler. Il justifie sa position en affirmant que certains êtres supérieurs ont le droit de s’affranchir des lois. Il travaille sa technique pour avoir le geste parfait et affronte quelques proches qui tentent de le raisonner… Inspiré de Crimes et Châtiments de Dostoïevski, Pickpocket est le premier film entièrement écrit par Bresson lui-même. Il choisit des moyens non conventionnels pour exprimer les tensions internes de ce jeune garçon : « Ce film n’est pas du style policier » nous prévient-il en exergue. Effectivement, il ne cherche pas à créer de suspense (il est toutefois bien présent dans la scène d’ouverture) et nous dévoile le dénouement du film au tout début. Il ne cherche pas non plus à développer un argumentaire : les dialogues sont assez pauvres, les arguments des uns et des autres sont d’une naïveté confondante. En revanche, Bresson cherche (et parvient) à épurer au maximum sa façon de mettre en scène : « Rien de trop, rien qui manque » a-t-il écrit. Cet épurement est manifeste au montage mais aussi sur les mouvements de caméra, le cadrage. Le jeu des acteurs surprend toujours. Bresson ne travaille qu’avec des acteurs non-professionnels auxquels il demande d’être les plus inexpressifs possibles. En écartant tout ce qui est voulu expressif, son but est de faire ainsi émerger l’essence de l’être humain. Y parvient-il ? C’est peut-être à chacun d’y répondre. A mon (humble) avis, pas totalement, mais je comprends aisément que la démarche soit passionnante pour un créateur de cinéma. Pickpocket est ainsi un très beau film sur un plan que l’on peut trivialement qualifier de théorique.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Martin LaSalle, Marika Green, Jean Pélégri
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Remarque :
La scène d’ouverture de Pickpocket évoque celle de Pick Up on South Street (Le Port de la drogue) de Samuel Fuller (1953). Les deux scènes présentent de grandes similitudes, y compris dans la technique (du cinéaste pas du pickpocket) employée.

Pickpocket
Martin LaSalle et Marika Green dans Pickpocket de Robert Bresson.

17 février 2015

Les Anges du péché (1943) de Robert Bresson

Les anges du péchéAnne-Marie quitte sa famille bourgeoise pour rejoindre le couvent des dominicaines de Béthanie qui recueille des jeunes femmes à leur sortie de prison. Anne-Marie se voue à cette nouvelle mission avec une ardeur qui va bouleverser la vie de la congrégation… Ce premier film de Robert Bresson, Les Anges du péché, a longtemps été difficile à voir avant d’être parfaitement restauré. Il a été réalisé pendant l’Occupation et tranche assez nettement avec la production de l’époque, ne serait-ce que par son sujet. Bresson en a écrit le scénario en s’inspirant d’un livre écrit par le père Lelong que lui a conseillé son ami le père Bruckberger, conseiller sur le tournage. Les dialogues sont signés Jean Giraudoux dont la notoriété a joué un grand rôle dans l’aboutissement du projet. Même s’il se déroule presque entièrement dans un couvent, Les Anges du péché n’est pas tant un film sur la religion mais plutôt sur la quête d’absolu. Le chemin que la jeune Anne-Marie emprunte est celui d’une dévotion totale, plus dans la recherche d’un accomplissement personnel que par altruisme. La jeune femme en quête de rédemption qu’elle veut sauver devient même un obstacle à ses yeux, au même titre que les règles pourtant très strictes de la communauté. Bresson ne porte pas de jugement mais a le talent de montrer l’enchainement des mécanismes, les chemins suivis. Il montre beaucoup mais de façon non ostentatoire, dans une mise en scène très limpide.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Renée Faure, Jany Holt, Sylvie, Mila Parély, Marie-Hélène Dasté, Yolande Laffon, Louis Seigner
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Les Anges du péché (1943) de Robert Bresson
(de g. à d.) Renée Faure, Marie-Hélène Dasté & Sylvie dans Les Anges du péché de Robert Bresson.

30 août 2014

Une femme douce (1969) de Robert Bresson

Une femme douceUne jeune femme se jette par la fenêtre et se tue. Fac à elle sur son lit de mort, son mari se souvient de sa première rencontre, de sa vie avec elle…
Adaptation assez fidèle de La Douce, une nouvelle de Dostoïevski, Une femme douce de Robert Bresson n’est pas un film facile à aborder. L’histoire en elle-même est d’une tristesse infinie : une jeune femme se suicide pour échapper à la vie étriquée dans laquelle son mari, un prêteur sur gages surtout intéressé par l’argent, l’a enfermée. De manière assez audacieuse (certains comme Jean-Michel Frodon parlent de « film-essai »), Robert Bresson appuie par sa mise en scène l’austérité du monde dans lequel la jeune femme est enfermée : très peu de dialogues mis à part la voix-off du mari qui raconte (1), silences entrecoupés de bruitages insignifiants, peu d’extériorisation de sentiments, distanciation marquée, et même un long extrait du final d’Hamlet épouvantablement joué sur une scène de théâtre (2). Le problème de cette démarche est que nous ne savons plus très bien si l’austérité vient de l’univers étriqué du mari ou de la mise en scène de Bresson. L’appétit de vie de la jeune femme n’est pas très décelable pour le spectateur, il ne se manifeste que très peu (par son intérêt pour la musique, le cinéma, l’art). Robert Bresson a tenu à prendre des acteurs débutants : si ce sera le seul film de Guy Frangin, Une femme douce ne sera que le premier film d’une longue carrière pour la jeune et talentueuse Dominique Sanda (alors âgée de 20 ans).
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Dominique Sanda, Guy Frangin
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Remarques :
* Dominique Sanda s’est mariée à l’âge de 16 ans pour divorcer peu après. On peut donc supposer que ce rôle a pu réveiller des échos de sa propre vie.
* Le film que le couple va voir au cinéma est Benjamin ou Les mémoires d’un puceau de Michel Deville (1968).

(1) A noter que le narrateur n’est pas introduit par Bresson : dans la nouvelle de Dostoïevski, c’est également le mari qui raconte. Le fait que les personnages n’aient pas de nom est également dans la nouvelle.

(2) Le but de ce pensum de 10 minutes semble être uniquement de montrer que la jeune femme, alors qu’elle s’ouvre au monde extérieur en s’intéressant à la musique, au cinéma ou à l’art moderne (art cinétique plus précisément), rejette le théâtre pour son aspect artificiel et forcé. Dans la scène qui suit, elle reproche au metteur en scène de la pièce de théâtre d’avoir omis le « conseil aux comédiens » (acte III scène 2) en le citant : « Dites, je vous prie, cette tirade comme je l’ai prononcée devant vous, d’une voix naturelle ; mais si vous la braillez, comme font beaucoup de nos acteurs, j’aimerais autant faire dire mes vers par le crieur de la ville. Ne sciez pas trop l’air ainsi, avec votre bras, mais usez de tout sobrement. (…) »

Une femme douceGuy Frangin et Dominique Sanda dans Une femme douce de Robert Bresson.

18 décembre 2013

Journal d’un curé de campagne (1951) de Robert Bresson

Journal d'un curé de campagneUn jeune prêtre vient d’être nommé vient dans un petit village du nord de la France. Il tient un journal où il consigne ses sentiments. La population l’accueille assez mal. A peine sorti de l’enfance dont il gardé un certain idéalisme intransigeant et handicapé par une mauvaise santé, il ne parvient pas à s’imposer… Journal d’un curé de campagne est adapté très fidèlement du roman de Georges Bernanos. Selon André Bazin, Robert Bresson a ouvert, avec ce film, un nouveau stade de l’adaptation littéraire au cinéma. Le déroulement du récit repose sur ce journal dont son auteur nous récite les phrases au fur et à mesure qu’il les écrit. Avec cette trame linéaire, Bresson apporte un caractère éminemment littéraire à son film accentué par le dépouillement du récit, épuré, spiritualisé. Son jeune héros tente de comprendre le comportement des humains sans parvenir à s’extirper de son tragique destin spirituel. Intransigeant dans son ascétisme mais avide de vie, il reste pour nous en partie un mystère.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Claude Laydu, Nicole Maurey
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