18 septembre 2014

La femme et le pantin (1935) de Josef von Sternberg

Titre original : « The Devil Is a Woman »

La femme et le pantinEn Espagne, lors du carnaval de Séville, un ex-capitaine de l’armée raconte à l’un de ses amis comment il s’est épris de la belle Concha Perez…
La femme et le pantin est le dernier des sept films que Josef von Sternberg a tourné avec Marlene Dietrich. Cette histoire de femme fatale est adaptée du roman homonyme de Pierre Louÿs qui a été porté de nombreuses fois à l’écran. L’adaptation a beau avoir été écrite par John Dos Passos, ce n’est pas du côté du scénario qu’il faut chercher des qualités à ce film : il est assez répétitif et sans surprise. Ce n’est pas non plus du côté de la musique : les deux chansons que Marlene y chante sont de bien piètre qualité. L’intérêt est plutôt du côté de l’atmosphère, de la beauté des décors, des costumes très travaillés. La femme et le pantinL’entente entre le réalisateur et son actrice n’était hélas plus parfaite, loin de là, et le film en pâtit. Beaucoup voient, dans le personnage du capitaine, Josef von Sternberg lui-même. La femme et le pantin serait ainsi un film d’adieu… Le jeu de Marlene Dietrich est effroyablement outré, elle minaude, appuie tous ses effets, gesticule. En réalité, c’est tout le film qui est empreint d’une exubérance et d’une outrance qui alimentent un exotisme qui peut paraître artificiel. La femme et le pantin est toutefois porté en haute estime par beaucoup. Marlene Dietrich a déclaré qu’il s’agissait de son film préféré.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Marlene Dietrich, Lionel Atwill, Edward Everett Horton, Cesar Romero
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Remarques :
* John Dos Passos aurait été engagé par la Paramount pour écrire l’adaptation car les studios pensaient qu’il était espagnol. Ce sera le seul scénario de fiction écrit par l’auteur de Manhattan Transfer et de la trilogie U.S.A.

* Le film fut assez mal reçu à sa sortie et ne connut aucun succès. Aussi, quand le gouvernement espagnol, furieux de l’image qui était donnée de la police espagnole, menaça de bannir tous les films Paramount du pays si le film n’était pas retiré et détruit dans le monde entier, les studios acceptèrent. Heureusement, Marlene Dietrich parvint à en garder une copie dans ses coffres (l’actrice avait pour habitude de conserver une très grande quantité de souvenirs dans ses coffres mais ce serait le seul film qu’elle ait gardé) et c’est cette copie qui nous permet de le voir aujourd’hui.

* Maria Riva (fille de Marlene, âgée 11 ans à l’époque du tournage ce qui ne l’empêchait de participait à l’élaboration des costumes avec sa mère) rapporte une anecdote de tournage : dans une scène, Marlene est entourée de ballons et elle ne devait pas ciller lorsque l’un d’entre eux éclatait près d’elle. C’est Josef von Sternberg lui-même qui tirait avec une carabine à plomb pour faire éclater le ballon. Perfectionniste, Marlene aurait demandé à refaire la scène plusieurs fois… Cette anecdote est très probablement fausse. Le ballon qui éclate et le visage de Marlene ne sont d’ailleurs pas dans le même plan.

La femme et le pantin (The Devil Is a Woman)Marlene Dietrich et Lionel Atwill dans La femme et le pantin (The Devil Is a Woman) de Josef von Sternberg.

Principales autres adaptations du roman de Pierre Louÿs :
La femme et le pantin de Jacques de Baroncelli (1928)
La femme et le pantin de Julien Duvivier (1959) avec Brigitte Bardot (adaptation bien terne)
Cet obscur objet du désir (1977) ultime réalisation de Luis Buñuel.

17 septembre 2014

Un jour sans fin (1993) de Harold Ramis

Titre original : « Groundhog Day »

Un jour sans finPhil est l’homme de la météo sur une petite chaine de télévision régionale. Il est à la fois égocentrique, grincheux et aigri. Pour la quatrième année consécutive, il doit aller « couvrir » un évènement local qu’il trouve ridicule. Cette journée qu’il exècre, il va la revivre sans cesse…
Un jour sans fin est une comédie romantique qui a le mérite de reposer sur une idée originale : un homme prétentieux et égocentrique doit revivre sans cesse la même journée jusqu’à ce qu’il s’améliore et s’ouvre aux autres. Le scénario est habilement mis en place et déroulé, parvenant à gommer toute répétitivité par des ellipses importantes (et sans se soucier des paradoxes temporels induits). Il y a beaucoup d’humour et même de burlesque, Un jour sans fin est assez réjouissant et le film a connu un très grand succès.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Bill Murray, Andie MacDowell, Chris Elliott
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Un jour sans fin (Groundhog Day)Andie MacDowell et Bill Murray dans Un jour sans fin (Groundhog Day) de Harold Ramis.

Remarques :
* Un spectateur attentif a voulu calculer combien de temps Bill Murray reste coincé dans ce Groundhog Day : son estimation ressort à 3176 jours, soit 8 ans, 8 mois et 16 jours. Harold Ramis (qui avait d’abord avancé le chiffres de 10 années dans une interview) lui a répondu que ce chiffre était sans doute un minimum, le plus plausible serait plutôt de l’ordre de 30 ou 40 ans. Lire (en anglais) …

* Punxsutawney est une petite ville de Pennsylvanie et le jour de la marmotte (2 février) existe vraiment ! La petite ville est maintenant devenue une attraction touristique. Le film fut toutefois tourné à Woodstock, Illinois (qui n’est pas le Woodstock du festival, qui est situé dans l’état de New York).

Un jour sans fin (Groundhog Day)Un jour sans fin (Groundhog Day) de Harold Ramis.

16 septembre 2014

L’Aigle des mers (1940) de Michael Curtiz

Titre original : « The Sea Hawk »

L'aigle des mers1585. Le roi Philippe II d’Espagne projette d’envahir l’Angleterre dont la flotte est affaiblie par le manque de moyens. Seuls des pirates comme Geoffrey Thorpe, secrètement soutenus par la reine Elizabeth, peuvent harceler les navires espagnols. Thorpe attaque et capture le navire transportant l’ambassadeur espagnol et sa nièce Dona Maria…
Cinq ans après le flamboyant Capitaine Blood, Michael Curtiz met à nouveau en scène l’univers des pirates avec la même réussite. L’Aigle des mers permet de retrouver Errol Flynn en pirate au grand coeur mais, cette fois, l’humour et la légèreté laissent la place à une certaine gravité. Il est impossible de ne pas faire le parallèle avec le danger de la menace hitlérienne qui pesait alors sur l’Europe et le discours final vibrant de la reine Elizabeth contre les tyrans prend ainsi une tonalité très actuelle. L’action et l’aventure sont bien entendu très présentes dans cette production au budget généreux, la grande scène d’abordage au début du film reste l’une des plus spectaculaires du genre. Le romantisme est réduit comme pour mieux mettre en valeur le courage individuel. Avec sa belle image en noir et blanc (qui permet à Curtiz de projeter ces grandes ombres qu’il affectionne tant) et la puissante musique d’Erich Wolfgang Korngold, L’Aigle des mers est un spectacle assez enthousiasmant.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Errol Flynn, Brenda Marshall, Claude Rains, Donald Crisp, Flora Robson, Alan Hale, Henry Daniell
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Remarques :
* Le projet initial était d’adapter à nouveau le roman de Rafael Sabatini, The Sea Hawk, en réutilisant largement des extraits de la version muette de 1924. Dans cette optique, le choix du noir et blanc était impératif. Le projet prit de l’ampleur avec l’écriture par Seton I. Miller et Howard Koch d’une histoire qui s’inspire de la vie de Sir Francis Drake et du groupe des Sea Dogs dont les actes de pirateries enrichissaient la couronne d’Angleterre.

* Le personnage du traître, Lord Wolfingham, est une invention des scénaristes. Il semble toutefois basé sur Lord Francis Walsingham, proche conseiller de la reine Elizabeth, qui n’avait pourtant rien d’un traître et qui a, bien au contraire, toujours servi sa reine et son pays avec ardeur.

* Le film utilise des plans de L’Aigle des mers (Frank Lloyd, 1924) pour les scènes dans la jungle de Panama et de David Copperfield (Cukor, 1935) pour le trajet en fiacre de Dona Maria (l’image ayant été assombrie pour masquer le fait que le fiacre est trop moderne pour l’époque). Les costumes de La vie privée d’Elisabeth d’Angleterre (Curtiz, 1939) ont été largement réutilisés.

* A sa ressortie en 1947, le film fut amputé de 18 minutes et cette version de 108 minutes a été largement diffusée. La version complète de 126 minutes est à nouveau visible aujourd’hui.

Flora Robson et Errol Flynn dans L’Aigle des mers (The Sea Hawk) de Michael Curtiz.

Homonyme :
L’aigle des mers (The Sea Hawk) de Frank Lloyd (1924) avec Wallace Beery et Milton Sills. Adaptation du roman de Rafael Sabatini, l’histoire est différente de la version de Curtiz qui n’est pas basée sur ce roman.

15 septembre 2014

Les Oiseaux (1963) de Alfred Hitchcock

Titre original : « The Birds »

Les oiseauxEnfant gâtée habituée à avoir tout ce qu’elle veut, Melanie Daniels décide de jouer un tour à Mitch Brenner qu’elle a rencontré la veille dans un magasin d’animaux. Elle se rend à Bodega Bay au nord de San Francisco où il passe le week-end en apportant deux lovebirds (1)Les Oiseaux est l’un des films les plus connus et les plus commentés d’Alfred Hitchcock. C’est celui où il a été le plus loin dans la création de la peur. Tout l’art est d’avoir utilisé des créatures très ordinaires, habituellement considérées comme inoffensives, pour créer cette terreur. Et l’absence d’explication finale (2) semble venir nous dire « je vous ai bien fait peur, mais tout cela était pour rire ». Le succès de Psychose a donné à Hitchcock la possibilité d’une production importante. Le cinéaste a ainsi pu être aussi perfectionniste qu’il le souhaitait, utilisant des trucages sophistiqués et allant jusqu’à martyriser sa nouvelle actrice préférée, Tippi Hedren, qui dût subir, plusieurs jours durant, des attaques de mouettes lancées sur elle (pour la scène du grenier). La construction, le déroulement du scénario et la mise en scène de l’attente (car le spectateur sait que les oiseaux vont attaquer) montrent l’expertise du « maître du suspense ». Le montage a été largement étudié depuis, l’une des scènes les plus remarquables sur ce plan est celle des oiseaux qui viennent se poser derrière Tippi Hedren à l’extérieur de l’école. Le côté spectaculaire du film nous ferait presque oublier la trame psychologique avec des rapports mère-fils dominés par la crainte de l’abandon qu’Hitchcock distille habilement pour renforcer encore la tension. Le film connut un très grand succès.
Elle: 5 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Tippi Hedren, Rod Taylor, Suzanne Pleshette, Jessica Tandy
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Remarques :
* L’idée de départ d’utiliser des oiseaux mécaniques a finalement été abandonnée car elle ne donnait pas de bons résultats. Les coûteux automates ont toutefois été utilisés dans quelques plans, notamment dans quelques scènes avec les enfants.

* La bande-annonce est un petit joyau d’humour hitchcockien : le cinéaste nous fait un petit cours d’ornithologie avant de s’asseoir à table devant un poulet rôti :
Voir la bande-annonce complète (anglais non sous-titré), incomplète (anglais sous-titré)…

* Les Oiseaux est basé sur une nouvelle de Daphné du Maurier qu’Hitchcock dit avoir lue… « dans un de ces recueils intitulés Alfred Hitchcock Presents » ! Cette nouvelle se basait sur un fait divers survenu à La Jolla (Californie) : une nuée d’oiseaux était entré dans une maison par la cheminée et avait en partie dévasté l’intérieur de la pièce.

* Caméo d’Alfred Hitchcock : alors que Tippi Hedren entre dans l’animalerie au début du film, il est un client qui sort du magasin avec plusieurs caniches blancs en laisse.

(1) Lovebirds = « inséparables » en français, ce sont de petits perroquets africains qui vivent en couple.

(2) Certaines interprétations ont toutefois été avancées. Pour Jean Douchet, par exemple, Melanie « commet l’irréparable : prendre l’homme comme sujet d’expérience. En portant les love birds chez Mitch Brenner, elle imagine et monte une pure mise en scène. De sa barque, elle guette, toute excitée, la réaction de cet homme qui lui est presque inconnu. Par ce crime occulte, elle déclenche immédiatement le drame : la première attaque d’oiseaux. » (Hitchcock, éditions Cahiers du Cinéma)

Les Oiseaux (The Birds)Les Oiseaux (The Birds) de Alfred Hitchcock.

Les Oiseaux (The Birds)Rod Taylor et Tippi Hedren dans Les Oiseaux (The Birds) de Alfred Hitchcock.

7 septembre 2014

Les Anges sauvages (1966) de Roger Corman

Titre original : « The Wild Angels »

Les anges sauvagesA Los Angeles, Heavenly Blues (Peter Fonda) est le chef d’un gang de motards qui se nomment les Wild Angels. Ils partent en virée pour retrouver une de leurs motos volées. Une poursuite s’engage avec la police et un des leurs est gravement blessé…
Maitre de la série B, Roger Corman aborde ici le thème des mauvais garçons et des bandes à motos de style Hells Angels. Il nous les montre de façon brute, sans les caricaturer ni les juger, avec leur colifichets nazis et leurs aspirations confuses. Ils recherchent essentiellement une sensation de liberté et refusent toutes les règles ce qui leur permet de donner libre cours à une violence assez sauvage. Roger Corman réussit bien la première moitié de son film mais sombre ensuite dans de longues scènes de beuveries sans intérêt. On remarque la présence de Nancy Sinatra, juste à l’époque de la sortie du futur tube planétaire These Boots Are Made for Walkin’. Mais c’est bien entendu l’image de Peter Fonda sur sa Harley Davidson qui est la plus frappante, trois ans avant Easy Rider où il réincarnera de nouveau cette soif de liberté, dans un esprit fort différent toutefois.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Peter Fonda, Nancy Sinatra, Bruce Dern
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Les Anges sauvages (The Wild Angels)Peter Fonda, Nancy Sinatra, Buck Taylor, Gayle Hunnicutt, Marc Cavell et Bruce Dern (casque blanc)
dans Les Anges sauvages (The Wild Angels) de Roger Corman.

Les Anges sauvages (The Wild Angels)Roger Corman, Peter Fonda et Peter Bogdanovich (assistant-réalisateur non crédité)
sur le tournage de Les Anges sauvages (The Wild Angels) de Roger Corman.

6 septembre 2014

Le Temps de la colère (1956) de Richard Fleischer

Titre original : « Between Heaven and Hell »

Le temps de la colèreFils d’un riche planteur de coton du sud des Etats-Unis, le jeune Sam Gifford se retrouve en 1945 sur une île du Pacifique en proie à d’incessants combats contre les soldats japonais. Pour avoir frappé un officier lors d’une mission, il a été rétrogradé et envoyé dans un poste avancé dirigé par l’étrange capitaine Waco…
Between Heaven and Hell, titre bizarrement traduit Le Temps de la colère (1), est un film de guerre assez riche par les sujets qu’il aborde. Le thème principal est celui de l’inadaptabilité de l’homme à l’univers de la guerre ce qui en fait par essence un film antimilitariste. L’environnement de la guerre accentue les névroses. Le capitaine Waco (à noter que wacky ou wacko signifie en anglais argotique « cinglé ») est un véritable psychopathe qui peut donner libre cours à ses fantaisies. Toutefois, Richard Fleischer contrebalance cela avec un autre aspect, plus bénéfique celui-là, sur le comportement humain : la guerre abolit les différences de classe sociale, le jeune héritier qui traitait fort mal ses métayers mesure ici leur vraie valeur humaine et, pour la première fois de sa vie, il se fait des amis. Richard Fleischer étudie comment la guerre peut modifier ou révéler la nature humaine. La construction utilise habilement de grands flashbacks.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Robert Wagner, Terry Moore, Broderick Crawford, Buddy Ebsen
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(1) Une fois de plus, il est manifeste que la personne qui a choisi Le Temps de la colère comme titre français n’avait pas vu le film auparavant ; il n’avait probablement lu que les deux premières lignes du synopsis…

Le Temps de la colère (Between Heaven and Hell)Robert Wagner et Terry Moore dans Le Temps de la colère (Between Heaven and Hell) de Richard Fleischer.

Le Temps de la colère (Between Heaven and Hell) Le Temps de la colère (Between Heaven and Hell) de Richard Fleischer.

18 août 2014

El Dorado (1966) de Howard Hawks

El DoradoExpert dans le maniement des armes, Cole Thorntorn (John Wayne) refuse le travail que lui propose le propriétaire Bart Jason à El Dorado car cela l’amènerait à se battre contre son vieil ami, le shérif Harrah (Robert Mitchum). Il reviendra toutefois quelques mois plus tard lorsqu’il apprendra qu’un autre expert de la gâchette a été engagé pour se débarrasser du shérif qui a entre-temps sombré dans l’alcool pour un chagrin d’amour… Huit ans après Rio Bravo, Howard Hawks donne une nouvelle variation du même thème. El Dorado est parfois mal considéré car jugé comme un remake et donc comparé à son prédécesseur. Si on retrouve effectivement des personnages similaires dans une situation proche, ils sont plus âgés et donc avec des motivations différentes. Hawks a intégré de nombreux éléments de comédie, assumant pleinement le statut de divertissement. Le résultat est très réussi. El Dorado reçut un bon accueil du public à une époque où le western avait déjà entamé une profonde mutation. C’est l’un des derniers grands westerns hollywoodiens classiques et l’avant-dernier film d’Howard Hawks.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: John Wayne, Robert Mitchum, James Caan, Charlene Holt, Arthur Hunnicutt
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Remarques :
* La scène de la baignoire serait pour beaucoup l’oeuvre de Robert Mitchum.
* Hawks avait demandé à Mitchum de mettre sa béquille à gauche ou à droite selon ce qui rendait le mieux à l’écran. Hawks se permet de faire un clin d’oeil à ce défaut de continuité quand il fait dire à John Wayne « La béquille, tu t’en es servi aussi bien à gauche qu’à droite ! »
* Les peintures du générique sont l’oeuvre d’Olaf Wieghorst qui fait une brève apparition dans le film (l’armurier qui vend l’arme à Mississippi).
* Le poème El Dorado récité par Mississippi est un poème d’Edgar Allan Poe.

Homonymes  :
El Dorado de Marcel L’Herbier (1921)
El Dorado de Carlos Saura (1988)
Eldorado de Bouli Lanners (2008)
(ces trois films n’ont que le nom en commun avec le film de Hawks, ce ne sont d’ailleurs pas des westerns)

16 août 2014

Une femme sous influence (1974) de John Cassavetes

Titre original : « A Woman Under the Influence »

Une femme sous influenceNick (Peter Falk) et Mabel (Gena Rowlands) sont mariés, ils ont trois enfants. Mabel a quelquefois des réactions inattendues qui surprennent son entourage. Pour beaucoup, elle est un peu folle… Avec Une femme sous influence, Nick Cassavetes soulève la question de la place de la femme dans la société des années 70. Comme nous l’indique le titre (1), Mabel n’est pas tout à fait elle-même car elle est sous plusieurs influences qui la tirent dans plusieurs sens. Elle essaye pourtant de tout bien faire, d’être une bonne mère, une bonne épouse, être d’agréable compagnie, mais toutes ces tensions finissent par la perturber car elle est constamment sous la crainte de finir par faire quelque chose de mal. Son comportement étrange est alors une forme d’échappatoire. Elle a de plus la vague conviction que son couple se délite lentement et en ressent une forte culpabilité. De son entourage, Mabel ne reçoit que condescendance, ou pire, hostilité mais pas vraiment d’aide, même de la part de son mari (pourtant aimant, mais qui a parfois tendance à se défiler). On peut aussi dire que Cassavetes soulève également la question de la définition de la normalité mais, personnellement, je ne pense pas que ce soit son principal propos ici. John Cassavetes filme tout cela en longs plans-séquences, caméra à l’épaule, nous immergeant ainsi totalement, faisant tomber toutes les barrières entre le spectateur et cette famille « ordinaire », très moyenne a-t-on envie de dire. L’ensemble est sans doute un peu long (2h30) mais plusieurs scènes sont ainsi rendues très fortes.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Peter Falk, Gena Rowlands
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(1) En anglais, l’expression « under the influence » est souvent employé à propos de l’alcool : « To drive under the influence » signifie conduire sous l’emprise de l’alcool, on peut être aussi « under the influence of drugs » ou de quelque chose d’autre qui altère notre comportement. Dans le même ordre d’idée, Mabel a ici un comportement altéré (non pas par l’alcool, bien qu’il semble qu’elle ait l’habitude de boire parfois abondamment mais rien dans son attitude n’en montre les effets, mais plutôt par les tensions qui s’exercent sur elle).

14 août 2014

À l’ouest rien de nouveau (1930) de Lewis Milestone

Titre original : « All Quiet on the Western Front »

À l'ouest rien de nouveauEn août 1914, alors que défilent au dehors des soldats, un professeur exhorte ses jeunes élèves de 17 ans à s’engager. Leur exaltation va vite être refroidie lors de l’entraînement et surtout quand ils seront placés sur le front. Ils vont vivre alors l’enfer des tranchées… Ce grand film antimilitariste adapté d’un roman d’Erich Maria Remarque est enfin visible dans une version non censurée proche de celle de sa sortie en 1930. Avec un budget de 1,25 millions de dollars et plus de 2000 figurants, À l’ouest rien de nouveau est une superproduction du producteur Carl Lemmle (fondateur d’Universal Pictures) qui a voulu donner un grand réalisme au récit. Le but est largement atteint, l’horreur de la guerre est montrée sans fard, avec une violence rare pour l’époque (1). Le propos anti-guerre est sans équivoque : « la guerre n’apporte pas la gloire, elle n’apporte que l’enfer ». Les défauts du film, notamment dans ses dialogues pas toujours très convaincants, sont balayés par plusieurs grandes scènes qui marquent les esprits. Vu aujourd’hui, le film conserve toute sa puissance et il délivre toujours son message pacifique et humaniste avec force.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Louis Wolheim, Lew Ayres, John Wray
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À l'ouest rien de nouveauRemarques :
* Techniquement parlant, le plus étonnant est certainement cette belle utilisation d’une grue sur dollie pour faire un long travelling surplombant les tranchées. Le réalisme des scènes de bombardement et de combats est très poussé, dépassant le film de King Vidor de 1925 La Grande Parade qui était déjà très impressionnant sur ce point.

* Les nazis ont tout fait pour perturber les projections du film en Allemagne et empêcher les spectateurs de le voir. Ils réussiront rapidement à faire interdire le film.

* Le film a connu une carrière mouvementée : rapidement des coupes furent faites pour ne pas froisser les allemands (notamment toute la scène où Paul revient en permission et tente de dire la vérité à des écoliers de 15 ans qui le traitent de lâche). Le film fut ensuite interdit dans plusieurs pays dont la France (jusqu’en 1963). Avant sa mort en 1980, Lewis Milestone avait demandé à Universal de restaurer le film le film dans sa version d’origine. Ce ne sera fait que 20 ans plus tard.

* Le producteur officiel du film est Carl Lemmle Jr., le fils de Carl Lemmle. Il avait alors 22 ans (son jeune âge ne l’empêchait d’être, en outre, président d’Universal).

(1) Quatre années plus tard, après l’implantation généralisée du Code Hays en 1934, le film n’aurait certainement pu sortir, du moins sans de sérieuses coupures.

12 août 2014

Soeurs de sang (1973) de Brian De Palma

Titre original : « Sisters »

Soeurs de sangDans l’appartement newyorkais d’une jeune femme mannequin, un meurtre est commis. Grace, journaliste débutante passionnée, a tout vu depuis sa fenêtre de l’autre côté de la rue. Elle prévient la police qui ne croit guère son histoire car toute trace du crime a disparu. Grace décide alors de mener l’enquête elle-même, loin d’imaginer ce qu’elle va découvrir… Sisters, Soeurs de sang, est considéré comme le premier grand film de Brian De Palma. On y trouve en effet deux grands thèmes que l’on retrouvera dans bon nombre de ses films ultérieurs : le thème du double, sous toutes ses formes, et le thème du voyeurisme. On peut y ajouter bien entendu l’hommage appuyé à Hitchcock, les références au maître du suspense sont ici très nombreuses (1). Le film fut d’ailleurs assez mal reçu par la critique française de l’époque (2) qui accusait De Palma de trop se calquer sur son modèle. Sisters n’est pas non plus sans faire penser au Rosemary’s Baby de Polanski. L’histoire est à la limite du fantastique voire de l’horreur, tout en gardant une bonne crédibilité. Brian De Palma s’amuse à nous donner une fin incomplète, un peu énigmatique donc, nous laissant imaginer le dénouement.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Margot Kidder, Jennifer Salt, Charles Durning, William Finley
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Remake :
Sisters de Douglas Buck (2006) avec Chloë Sevigny et Lou Doillon (non vu mais généralement jugé comme très mauvais).

(1) A noter que la musique a été composée par Bernard Hermann, l’un des musiciens préférés de Hitchcock.
(2) Le film n’est sorti en France qu’en 1977, après le succès de The Phantom of the Paradise (1974).