11 septembre 2018

Le Disciple (2016) de Kirill Serebrennikov

Titre original : « Muchenik »

Le DiscipleUn adolescent devient fanatique de religion au grand désarroi de sa mère et de ses professeurs qui ne savent quelle attitude adopter…
Le Disciple est l’adaptation de la pièce Martyr du dramaturge allemand Marius von Mayenburg, écrite en 2012. Le film ne décrit pas tant par quels mécanismes le jeune homme devient un illuminé de la Foi, mais s’attache plutôt à montrer l’impuissance des institutions civiles et religieuses face à cette forme d’absolu. Et c’est même pire que cela puisque l’adolescent parvient à faire passer son fondamentalisme comme norme et la seule professeure qui, du fait de ses idées progressistes, tente de comprendre le phénomène pour mieux le contrer voit sa démarche se transformer en obsession destructrice. Certes, on frôle souvent l’outrance mais la démonstration est assez terrifiante. L’auteur montre également comment on peut sélectionner des écrits pour justifier son attitude fanatique : chrétien orthodoxe, l’adolescent cite constamment la Bible et le réalisateur indique en surimpression discrète les références pour bien montrer qu’il n’y a là aucune exagération. Kirill Serebrennikov filme cela en longs plans-séquences qui donnent une indéniable puissance à l’ensemble. Cette poussée d’obscurantisme a de quoi nous donner des frayeurs.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Pyotr Skvortsov, Viktoriya Isakova, Yuliya Aug
Voir la fiche du film et la filmographie de Kirill Serebrennikov sur le site IMDB.

Remarque :
* Kirill Serebrennikov a placé l’action à Kaliningrad (anciennement Königsberg, patrie de Kant), aujourd’hui une enclave russe au bord de la Baltique, entre la Pologne et la Lituanie.

Le Disciple
Pyotr Skvortsov et Aleksandra Revenko dans Le Disciple de Kirill Serebrennikov.

20 septembre 2014

Voyage au bout de l’enfer (1978) de Michael Cimino

Titre original : « The Deer Hunter »

Voyage au bout de l'enferDans une petite ville industrielle de Pennsylvanie, trois jeunes ouvriers sidérurgistes se préparent à partir au Vietnam. L’un d’entre eux se marie alors que les deux autres partent à la chasse…
Si le film a été diversement accueilli par la critique française à sa sortie (1), Voyage au bout de l’enfer apparaît avec le recul comme un film majeur. Tout comme Apocalypse Now deux ans plus tard, le film présente un autre regard sur la guerre du Vietnam, une vision plus directe, plus dure. Le propos de Michael Cimino est de montrer l’impact de la guerre sur les hommes et comment ce passage en enfer va perturber et modifier profondément leur vie. Il a structuré sa longue fresque en trois parties d’une heure environ : l’avant, le pendant et l’après. Le prologue avant leur départ peut paraître un peu long, notamment la scène du mariage, mais la suite est particulièrement puissante et intense. L’approche de Michael Cimino est tout sauf conventionnelle ; il s’écarte de la dramaturgie traditionnelle et construit son film sur un ensemble d’éléments qui forment un tout finalement très cohérent.   Voyage au bout de l’enfer fait partie de ces films qui nous marquent durablement.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Robert De Niro, Christopher Walken, John Savage, Meryl Streep, John Cazale
Voir la fiche du film et la filmographie de Michael Cimino sur le site IMDB.
Voir les autres films de Michael Cimino chroniqués sur ce blog…

Voir les livres sur Michael Cimino

Remarques :
* Au milieu des années soixante-dix, le thème du Vietnam restait un sujet tabou. Ce n’est donc pas étonnant que les producteurs de ce film furent anglais.
* La roulette russe a été interprétée par certains critiques comme une métaphore sur le suicide d’une nation. Michael Cimino a précisé dans ses interviews que son intention était surtout de « dramatiser l’élément de hasard qui existe dans toute guerre. Il n’y a pas de raison qu’un homme meure plutôt qu’un autre. »

(1) Les réticences de certains critiques étaient alimentées par cette scène finale où la petite bande entonne un timide God Bless America. Cimino a défendu cette scène en précisant qu’il ne fallait pas y voir un ancrage patriotique mais plutôt une sorte de bouée de sauvetage, le groupe se raccrochant à une chose connue et profonde pour continuer à vivre. On pourrait même ajouter que c’est un mécanisme de défense : cela leur permet de justifier le fait que leur vie soit fichue en l’air… On ne peut pas vraiment affirmer que Cimino fasse l’apologie de ce patriotisme, ni celle de la violence d’ailleurs (comme cela lui a également été reproché à l’époque). Voyage au bout de l’enfer n’est pas un film idéologique, ses personnages n’ont pas (apparemment) de conscience politique, ils ne sont ni pour ni contre la guerre.

Voyage au bout de l'enfer (The Deer Hunter)Robert De Niro dans Voyage au bout de l’enfer (The Deer Hunter) de Michael Cimino.

Voyage au bout de l'enfer (The Deer Hunter)Christopher Walken dans Voyage au bout de l’enfer (The Deer Hunter) de Michael Cimino.