19 mars 2014

Le Pèlerin (1923) de Charles Chaplin

Titre original : « The Pilgrim »

Le pélerin(Muet, 40 mn) Un évadé de prison (Charlie Chaplin) réussit à prendre les habits d’un pasteur et à monter dans un train. Sur le trajet, dans une gare du Texas, les habitants d’une petite ville le prennent pour leur nouveau pasteur qui devait arriver ce jour-là. Il doit conduire un office… Le Pèlerin est le dernier court métrage de Chaplin : il ne fera ensuite que des longs métrages. Le Pèlerin même plutôt un moyen métrage car, démarré pour être un « 2 bobines » (env. 20 mn), le projet a enflé pour devenir un « 4 bobines » (40 mn) ce qui permet à Chaplin de ne plus devoir de film à la First National, Le pélerin il est dorénavant libre (1). Le film mélange le comique avec une peinture sociale de la bigote petite bourgeoisie d’une ville moyenne. Cela fera bien entendu grincer quelques dents et Chaplin sera accusé d’avoir voulu ridiculiser un homme d’église ; le film ne sera pas ou peu distribué dans certains comtés. Le Pèlerin est loin d’être un « grand Chaplin », on ne retrouve pas ici le perfectionnisme dont il fait si souvent preuve, on peut même sentir une certaine précipitation ; il comporte néanmoins de bons passages et le portrait de ce prisonnier évadé est empreint d’humanité.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Edna Purviance, Charles Chaplin
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Remarques :
* En 1959, Chaplin a refait légèrement le montage de The Pilgrim et ajouté la chanson «Bound for Texas» qu’il a lui-même écrite dans le style des cowboy songs. Elle est chantée par l’anglais Matt Monroe.  Le film était inclus dans The Chaplin Revue qui comprenait en outre deux autres courts métrages First National : A Dog’s Life et Shoulder Arms. C’est cette version que l’on voit généralement aujourd’hui.

* On peut rapprocher ce film de The Adventurer, le dernier court métrage pour la Mutual, où Chaplin interprétait déjà un prisonnier évadé. Le film était nettement plus orienté slapstick mais comportait déjà un petit aspect social car le prisonnier se retrouvait immergé dans un univers de riches bourgeois. En comparant les deux films, on peut percevoir l’évolution de Chaplin sur cette période.

* L’acteur qui interprète l’ancien compagnon de cellule est le réalisateur et scénariste Charles Reisner. A noter que le sale gosse est joué par son fils, Dean Reisner, qui sera plus tard, lui aussi, scénariste.

(1) Rappelons que Chaplin est, avec Mary Pickford, Douglas Fairbanks et David W. Griffith, l’un des quatre fondateurs d’United Artists qui distribuera bien évidemment ses films suivants.

18 mars 2014

Géant (1956) de George Stevens

Titre original : « Giant »

GéantBick Benedict (Rock Hudson), propriétaire d’un immense ranch texan, se rend au Maryland pour y acheter un cheval. Il revient avec un cheval… et une femme, Leslie, la fille de l’éleveur (Elizabeth Taylor). Arrivée sur place, elle fait la connaissance de la soeur de Bick et de Jett Rink, (James Dean) un jeune employé très réservé… Adapté d’un roman-fleuve d’Edna Ferber, Géant est entré dans l’histoire du cinéma comme étant l’ultime film tourné par James Dean (1). On peut supposer que, sans cela, il serait rapidement tombé dans l’oubli tant cette grande fresque qui veut marcher dans les traces d’Autant en emporte le vent est lourde et sans attrait. GéantL’histoire est statique et linéaire, sans profondeur, un méli-mélo de conservatisme et de bons sentiments ; la réalisation de George Stevens est plate, la musique épouvantable. Rock Hudson est, comme toujours, un monolithe… tout en contraste avec un James Dean au jeu incontrôlable et incontrôlé, qui marmonne ses textes et surjoue son personnage le plus souvent. C’est Elizabeth Taylor, avec son jeu lisse, qui est finalement la plus convaincante. Les 3h20 du film paraissent bien longues… Le film connut un très grand succès, surtout aux Etats-Unis, et le film a gardé une partie de son immense aura jusqu’à aujourd’hui.
Elle:
Lui : 1 étoile

Acteurs: Elizabeth Taylor, Rock Hudson, James Dean, Carroll Baker, Dennis Hopper
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Remarques :
Edward Hopper - House by the railroad, 1925* La grande demeure des Benedict est directement inspirée de la toile d’Edward Hopper La Maison près de la voie ferrée (House by the railroad, 1925). Cette toile inspirera également Hitchcock pour la maison de Psychose (Psycho) et Terrence Malick pour Les Moissons du ciel.
* On peut rapprocher Géant de Ecrit sur du vent de Douglas Sirk (1956) dont l’histoire se déroule dans le même monde (et où l’on trouve… Rock Hudson).
* Détail amusant : Carroll Baker, qui joue la fille d’Elizabeth Taylor, est dans la vraie vie plus âgée qu’elle. A noter que Carroll Baker est, comme James Dean, issue de l’Actors Studio.

(1) James Dean s’est tué (accident automobile) quelques jours seulement après la fin du tournage (septembre 1955). Le film est sorti un an après sa mort, en octobre 1956.

17 mars 2014

Ma soeur est capricieuse (1942) de Alexander Hall

Titre original : « My Sister Eileen »

Ma soeur est capricieuseRuth et Eileen quitte leur Ohio natal pour aller tenter leurs chances à New York. Ruth a bien la tête sur les épaules et sait ce qu’elle veut : devenir écrivain. Eileen est plus jolie et plus naïve, elle attire les hommes ; elle aspire à devenir actrice. Elles échouent dans un appartement en sous-sol à Greenwich Village… Au départ, Ruth McKenney avait écrit pour un quotidien une série d’histoires semi-autobiographiques qui étaient devenues un livre puis une pièce jouée avec succès à Broadway, My Sister Eileen. Le film est l’adaptation fidèle de la pièce, les deux étant produit par la même personne, Max Gordon. Cette origine explique pourquoi l’essentiel de l’action se déroule dans un seul et même lieu, l’appartement des deux soeurs, ce qui donne une petite impression de manque d’ampleur à cette comédie screwball. On y voit toutefois défiler un nombre impressionnant de personnages hauts en couleur et plus inattendus les uns que les autres. Ce côté loufoque est l’attrait majeur de cette comédie qui se déroule à un rythme assez endiablé. My Sister Eileen sera reprise en comédie musicale quelque dix ans plus tard, d’abord à Broadway puis en film dirigé par Richard Quine qui a ici un petit rôle (l’homme du drugstore).
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Rosalind Russell, Brian Aherne, Janet Blair, George Tobias, Grant Mitchell
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Remarques :
* Dans la vraie vie, Eileen McKenney, la soeur de Ruth McKenney, n’a pas fait une grande carrière en tant qu’actrice mais a fini par épouser Nathanael West, fils d’un riche entrepreneur newyorkais qui a écrit quelques scénarios pour Hollywood (il a également écrit le roman The Day of the Locust qui sera adapté en 1975 par John Schlesinger). Ils se sont tués tous les deux en décembre 1940, quelques mois après leur mariage, dans un accident automobile. Ils devaient assister quatre jours plus tard à la première de My Sister Eileen à Broadway.
* Lorsque le film est sorti sur les écrans, la pièce était toujours jouée à Broadway, ce qui est plutôt inhabituel.
* Lors du gag final, ce sont les Trois Stooges que l’on voit apparaitre, trio comique qui était alors extrêmement populaire.

Remake :
Ma soeur est du tonnerre (My Sister Eileen) de Richard Quine (1955), une comédie musicale avec Janet Leigh et Jack Lemmon.

16 mars 2014

Jour de paye (1922) de Charles Chaplin

Titre original : « Pay Day »

Jour de paye(Muet, 21 mn) Alors que son premier long métrage The Kid est déjà un très grand succès, Chaplin doit encore par contrat trois courts métrages à la First National. Ce seront des courts métrages dans l’esprit de ceux de la Mutual, c’est-à-dire un humour typé slapstick avec tout de même une légère connotation sociale. Ce Jour de paye est l’un des trois. Il est en deux parties. Dans la première, Chaplin est ouvrier d’un petit chantier de construction. Plusieurs scènes sont ici assez remarquables, notamment celles où il joue avec le monte-charge et celle où il montre une étonnante dextérité pour attraper à la volée des briques qui sont lui sont lancées. La seconde partie est plus classique : après avoir dépensé sa paye dans bar, il s’efforce de renter chez lui passablement éméché.  Jour de paye Chaplin reprend ici le personnage de l’homme ivre, personnage qu’il connait bien puisque c’est celui qu’il interprétait sur scène à Londres dix ans auparavant et qu’il a repris de nombreuses fois. Il arrive toutefois toujours à trouver de nouveaux développements de gag. Globalement, on peut déceler un certain désenchantement derrière l’humour : la vie de cet ouvrier est loin d’être attrayante. Il doit beaucoup encaisser… Jour de paye a la réputation d’être le meilleur court métrage de Chaplin (1) ce qui, personnellement, me semble loin d’être le cas mais il reste très plaisant.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Charles Chaplin, Phyllis Allen, Mack Swain, Edna Purviance
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Remarque :
* Notons que lorsque Jour de paye sort sur les écrans, la Prohibition est déjà en place depuis deux ans.

(1) Cette réputation doit certainement beaucoup au fait que Chaplin ait un jour déclaré que Jour de paye était son court-métrage favori…

15 mars 2014

Péché mortel (1945) de John M. Stahl

Titre original : « Leave Her to Heaven »

Péché mortelUn écrivain fait la rencontre d’une jeune fille de bonne famille dans un train. Elle est fascinée par son visage car l’homme ressemble à son père décédé il y a peu de temps. A leur arrivée, ils s’aperçoivent qu’ils se rendent chez la même personne dans un ranch du Nouveau Mexique. L’attraction réciproque ne fait que grandir et aboutit rapidement à un mariage… Comme le montrent clairement l’affiche et le générique, Leave Her to Heaven est tiré d’un best-seller signé Ben Ames Williams. La Fox en a confié la réalisation à John Stahl, grand spécialiste du mélodrame. Mais, et c’est bien là que réside tout son attrait, Leave Her to Heaven est bien plus qu’un mélodrame puisque, à mesure que l’histoire avance, nous basculons dans le film noir. Très rarement, la symbiose de ces deux genres, mélodrame et film noir, n’a été si réussie. L’histoire est à rapprocher de la vogue des thèmes psychanalytiques à cette époque mais le monumental complexe d’Oedipe non résolu qui en est ici le noeud est toutefois inséré avec une certaine discrétion. L’image, signée Leon Shamroy (1), est absolument superbe avec un Technicolor de toute beauté (des rouges éclatants, une teinte générale brun doré et de belles nuances de bleus, les verts étant judicieusement en retrait). Gene Tierney - Péché mortel Et il y a Gene Tierney… belle et sublime, dont la douceur naturelle rend la noirceur de ses desseins encore plus terrifiante. Elle fait une très belle interprétation de ce personnage complexe sous une façade parfaitement lissée et maitrisée. Face à elle, Cornel Wilde peut paraître un peu fade mais cela correspond à son personnage et la toute jeune (20 ans) Jeanne Crain, alors étoile montante de la Fox, a également un rôle tout en retenue. De nombreuses scènes restent gravées dans nos mémoires : les cendres, la barque et surtout l’escalier… Bien qu’il reste peu connu (pas assez du moins), Leave Her to Heaven est un film vraiment remarquable.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Gene Tierney, Cornel Wilde, Jeanne Crain, Vincent Price, Darryl Hickman
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Remarques :
Péché mortel * La fameuse scène de l’escalier a bien failli être coupée par la Censure mais elle a pu être sauvée in extremis.
* Le titre Leave Her to Heaven est tiré d’une phrase d’Hamlet de Shakespeare : le fantôme du père d’Hamlet lui enjoint de ne rien tenter contre sa mère mais de laisser le Ciel se charger de la punir (ce que les distributeurs français ont exprimé bien maladroitement en traduisant par Péché mortel…)
* Dans son autobiographie, Gene Tierney décrit le tournage comme ayant été assez difficile. Le lieu de tournage au bord du lac (Bass Lake en Californie) était difficilement accessible par la route. Le tournage de la scène de la barque eut lieu en novembre et l’eau était glacée : on lui donnait de petites rasades de whisky entre les prises pour réactiver sa circulation sanguine (d’ailleurs, d’après IMDB, le jeune Darryl Hickman aurait été atteint de pneumonie en tournant la scène).

(1) Le directeur de la photographie Leon Shamroy a été oscarisé pour ce film.

14 mars 2014

Cheval de guerre (2011) de Steven Spielberg

Titre original : « War Horse »

Cheval de guerreA la veille de la Première Guerre mondiale, un fermier sans le sou achète un superbe cheval à la grande joie de son fils. Il doit d’abord être éduqué pour labourer une parcelle qui doit les sauver de la ruine. Mais le destin de ce superbe cheval ne va pas s’arrêter là… Cheval de guerre est adapté d’un roman pour la jeunesse de l’anglais Michael Morpurgo. Steven Spielberg en fait un beau film à grand spectacle. Il faut toutefois être patient car les quarante premières minutes sont d’une grande platitude, d’un lyrisme fabriqué de toutes pièces avec la musique de John Williams en renfort. Les violons et les cuivres ne chôment pas. Le film prend une autre dimension au moment où l’histoire bascule dans la guerre, Spielberg créant alors des scènes assez magistrales, d’une grande perfection de mise en scène. Il parvient à créer de la magie dans l’environnement le plus terrible qui soit, faisant l’impasse sur les côtés les plus noirs sans pour autant sacrifier le réalisme de ses scènes. Cheval de guerre conserve son parfum de conte pour enfants. Ses recettes, très hollywoodiennes, peuvent rebuter mais lorsqu’elles sont appliquées avec une telle maestria, il est difficile de ne pas se laisser faire.
Elle: 3 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Jeremy Irvine, Peter Mullan, Emily Watson, Niels Arestrup
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13 mars 2014

La blonde explosive (1957) de Frank Tashlin

Titre original : « Will Success Spoil Rock Hunter? »

La blonde explosiveRockwell Hunter écrit des publicités pour une agence. Insatisfait de sa position, il ambitionne de monter dans l’échelle sociale. Cette possibilité va s’offrir à lui : un hasard va lui permettre de convaincre une grande star hollywoodienne de faire la publicité d’un rouge à lèvres… Après le succès de La Blonde et moi (The Girl Can’t Help it), Frank Tashlin récidive avec un peu moins de bonheur. La blonde explosive est bien une comédie totalement farfelue mais elle paraît sur tous les plans plutôt en deçà du film qui l’a précédée. Le plus intéressant chez Tashlin est son côté débridé, il sait laisser partir les situations un peu dans tous les sens pour mettre en avant le burlesque, n’hésitant pas à se moquer de tout, comme en témoigne le générique (où Tony Randall doit lui-même faire la musique du logo de la Fox). La jeune et plantureuse Jayne Mansfield joue avec son physique et se livre à une satire de Marilyn Monroe ; hélas pour elle, son excellente composition dans ce film la cantonnera définitivement aux rôles de blondes idiotes (1). Tony Randall fait également une belle prestation même si les variations dans son jeu sont parfois un peu marquées. Les seconds rôles sont plus fades, Henry Jones étant particulièrement exaspérant et Betsy Drake inexistante ; le meilleur vient finalement des « vétérans » : Joan Blondell et John Williams. Sur le fond, le film nous fait une (gentille) satire du monde de la publicité et critique l’ambition pour mieux faire l’apologie de la classe moyenne un peu appuyée. On pourra remarquer les attaques contre la télévision qui était à cette époque la bête noire d’Hollywood. Sans être vraiment enthousiasmante, La blonde explosive est une amusante comédie.
Elle: 2 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Tony Randall, Jayne Mansfield, Betsy Drake, Joan Blondell, John Williams, Henry Jones
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Pour un avis plus enthousisaste, lire la présentation de Frédéric Mercier sur DVDClassik

Remarques :
* Groucho Marx fait une apparition surprise (rappelons que Frank Tashlin a travaillé sur le scénario de Une nuit à Casablanca en 1946).
* Le film est l’adaptation d’une pièce de Broadway signée George Axelrod dans laquelle jouait Jayne Mansfield (avec Orson Bean et Walter Mathau).
* Le nom du personnage jouée par Jayne Mansfield est Rita Marlowe, une contraction de Rita Hayworth, Jean Harlow et Marilyn Monroe.

(1) Dans la vraie vie, Jayne Mansfield était loin d’être une idiote : elle a fait des études universitaires, disait avoir un Q.I. de 163, parlait cinq langues et jouait du violon et du piano classique.

12 mars 2014

L’ivresse de l’argent (2012) de Im Sang-soo

Titre original : « Do-nui mat »

L'ivresse de l'argentLe jeune Joo Young-Jak est le secrétaire particulier de la famille la plus riche et la plus puissante de Séoul. Il est ainsi mêlé aux affaires privées de ses membres… Avec L’ivresse de l’argent, Im Sang-soo se livre à une peinture qui se veut mordante de la caste des ultrariches coréens. De leurs affaires, on ne sait que peu de choses si ce n’est qu’ils franchissent allègrement les limites de la légalité. Ce qui intéresse plus le réalisateur ce sont les rapports de pouvoir qui se sont immiscés à l’intérieur même de cette famille. Il avait le dessein d’en faire une tragédie shakespearienne et il n’y parvient que partiellement. Le plus remarquable de L’ivresse de l’argent reste la mise en scène très stylée, l’utilisation des décors glacés de l’immense demeure et de son mobilier, le sens du détail. Revers de la médaille : l’image est tellement policée qu’elle en perd toute authenticité et l’ensemble devient quelque peu artificiel. L’ivresse de l’argent reste plaisant à regarder mais Im Sang-soo aspirait certainement à plus que cela…
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Kim Kang-woo, Yun-shik Baek, Yun Yeo-jeong, Hyo-jin Kim
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11 mars 2014

Easy Living (1949) de Jacques Tourneur

Easy LivingPete Wilson est le meilleur joueur de football de son équipe, au sommet de la gloire pour le grand plaisir de sa femme Liza qui voit en lui un moyen d’atteindre la réussite sociale. Une grande partie de l’argent qu’il gagne est englouti dans la société de décoration intérieure qu’elle tente de monter… Adapté d’une histoire écrite par Irwin Shaw, Easy Living n’a pas très bonne réputation. Les déclarations de Jacques Tourneur lui-même, exprimant son aversion pour le film, y ont certainement contribué (1). Pourtant, il ne manque pas de qualités. Cette parabole sur le monde du sport est aussi une vision de la société américaine où l’homme n’est qu’un pion sans réel pouvoir sur sa propre vie. Cette vision paraît encore plus désenchantée si l’on considère ce personnage du pseudo-mécène, homme d’une caste supérieure qui s’amuse à regarder se débattre ses congénères. Si le film comporte quelques faiblesses notamment sur le plan du déroulement (sautes brutales) et sur le plan de l’interprétation (Lizabeth Scott n’est pas dans la bonne tonalité), Easy Living n’en reste pas moins fort bien mis en scène et photographié, avec une noirceur élégamment distillée. Il a aussi pour lui d’être assez original comme en témoigne sa fin, un peu expédiée, peut-être, mais surprenante, sans aucun doute.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Victor Mature, Lucille Ball, Lizabeth Scott, Sonny Tufts, Lloyd Nolan
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Remarques :
* Cet Easy Living de Jacques Tourneur (RKO) n’a absolument aucun lien avec le Easy Living de Mitchell Leisen (1937), par ailleurs une excellente comédie de la Paramount.
* La nouvelle d’Irwin Shaw s’intitule An Education of the Heart. L’adaptation a été écrite par Charles Schnee, scénariste qui a travaillé pour Hawks, Wellman, Ray et Minnelli.

(1) Jacques Tourneur avait du accepter le sujet car il devait un dernier film à la RKO. Il a déclaré n’avoir jamais vu un match de football avant de réaliser ce film et qu’il n’avait aucun intérêt envers ce sport.

10 mars 2014

À l’est d’Eden (1955) de Elia Kazan

Titre original : « East of Eden »

À l'est d'EdenDans la Californie de 1917, à la veille de l’entrée en guerre des Etats Unis, un fermier rigoriste vit avec ses deux fils. Cal ne se sent pas aimé comme peut l’être son frère, il pense qu’il incarne le mal. Il a récemment découvert que sa mère n’est pas morte, comme son père a toujours affirmé, et qu’elle vit dans une ville voisine… Cette adaptation du roman de John Steinbeck À l’est d’Eden ne porte que sur une petite partie du livre. Elia Kazan ne fait pas particulièrement preuve de légèreté en en faisant une variation biblique de l’histoire de Caïn et Abel, aux effets mélodramatiques appuyés. Avec le recul, cette lourdeur semble apparaître d’autant plus. Le film doit en partie sa réputation au fait d’être le premier des trois grands films de James Dean, alors un jeune acteur peu connu de théâtre et de télévision. Très marqué Actors Studio, son jeu est assez puissant (d’autant plus puissant que le personnage de Cal avait quelque écho avec sa propre vie) À l'est d'Eden mais a le défaut d’être en décalage total avec les autres acteurs. Elia Kazan ne parvient pas à atteindre la fusion, à tel point que l’on a parfois l’impression qu’il y a deux films : celui où joue James Dean et celui où jouent les autres acteurs. Quoiqu’il en soit, À l’est d’Eden marquera les esprits pour ce portrait de James Dean en adolescent tourmenté et en rupture, désespérément en quête d’amour et dont les aspirations se heurtent au puritanisme du père.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Julie Harris, James Dean, Raymond Massey, Burl Ives, Richard Davalos, Jo Van Fleet
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Remarque :
* À l’est d’Eden est le seul des 3 films de James Dean à être sorti avant sa mort (l’accident qui lui coûta la vie eut lieu le 30 septembre 1955).