29 novembre 2017

L’Invitée (1969) de Vittorio De Seta

Titre original : « L’invitata »

L'invitéeAnne voit son mari rentrer d’une conférence à l’étranger avec une jeune femme suédoise qu’il dit vouloir héberger quelque temps pour l’aider à s’intégrer en France. Devant l’évidence d’une relation entre eux, Anne s’enfuit avec l’intention d’aller dans le sud de la France où sa famille possède une maison. Comprenant qu’elle est au bord de la dépression, François, son patron architecte, lui propose de l’emmener en voiture… Sur un scénario cosigné par Tonino Guerra (grand scénariste qui a écrit pour Antonioni, Fellini, Rosi, etc.), L’invitée est un film franco-italien qui se présente comme un road-movie : en chemin, Anne, ébranlée, et François, plutôt attentionné, vont apprendre à se connaitre. Ils se découvrent. La narration se déroule paisiblement dans un style qui se situe dans le prolongement de la Nouvelle Vague. Elle privilégie le point de vue de la femme et ses interrogations. Le fond est une réflexion sur la jalousie, la possession, la vulnérabilité. L’épisode du peintre met subtilement en relief certains aspects des relations humaines : sans que rien ne soit dit, l’attirance entre deux êtres est éclatante. L’épilogue est plus discutable et peut être vu, au mieux comme une ode à l’amour libre, au pire comme une célébration de la soumission de la femme… disons qu’il s’inscrit dans l’esprit de son époque.
Elle: 4 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Joanna Shimkus, Michel Piccoli, Paul Barge, Clotilde Joano, Jacques Perrin
Voir la fiche du film et la filmographie de Vittorio De Seta sur le site IMDB.

Remarque :
* Vittorio De Seta (qui est bien moins connu que son presque homonyme Vittorio De Sica) est un réalisateur italien, ancien documentariste, qui n’a que peu tourné pour le cinéma. L’invitée est son troisième long métrage.

L'invitée
Lorna Heilbron, Joanna Shimkus et Jacques Perrin dans L’invitée de Vittorio De Seta.

13 juin 2017

Dangereuse sous tous rapports (1986) de Jonathan Demme

Titre original : « Something Wild »

Dangereuse sous tous rapportsA New York, un jeune cadre de banque suit une jeune brune un peu extravagante qui l’emmène en voiture pour une équipée assez échevelée… Dangereuse sous tous rapports est le film qui a fait connaitre Jonathan Demme récemment décédé. Le futur réalisateur du Silence des agneaux (1990) n’avait alors guère gagné de notoriété avec les films faits sous l’égide de Roger Corman. Ecrite par E. Max Frye, Dangereuse sous tous rapports commence brillamment comme une comédie piquante et déjantée avant de basculer dans un thriller plus conventionnel. C’est donc la première partie qui est la plus réussie, enchaînant avec rythme les situations cocasses les plus inattendues. Melanie Griffith (qui, rappelons-le, est la fille de Tippi Hedren) donne beaucoup de vitalité à l’ensemble avec ses allures de Louise Brooks. Le contraste avec la retenue de Jeff Daniels est amusant. Le film fut un tremplin pour la carrière de ces deux acteurs ainsi que pour celle de Ray Liotta. La musique est remarquable, ce qui n’est guère étonnant puisqu’elle a été assemblée par John Cale et Laurie Anderson. De plus, David Byrne ouvre le film (Jonathan Demme avait réalisé peu auparavant le documentaire Stop Making Sense, concert filmé des Talking Heads).
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Jeff Daniels, Melanie Griffith, Ray Liotta
Voir la fiche du film et la filmographie de Jonathan Demme sur le site IMDB.

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Remarques :
* Les deux dames âgées qui tiennent le magasin de vêtements d’occasion sont les mères de David Byrne et de Jonathan Demme.
* Le nom de Lulu que s’est choisie le personnage interprété par Melanie Griffith fait référence au surnom de Louise Brooks.

Something Wild
Melanie Griffith et Jeff Daniels dans Dangereuse sous tous rapports de Jonathan Demme.

11 février 2016

Honkytonk Man (1982) de Clint Eastwood

Honkytonk ManPendant la Grande Dépression, le chanteur de country Red Stovall reçoit une lettre l’invitant à auditionner au célèbre Grand Ole Opry à Nashville. Gravement malade, atteint de tuberculose, il convainc la mère de son jeune neveu de le laisser l’accompagner dans ce périple… Honkytonk Man est adapté d’un roman de Clancy Carlile, très librement basé sur le personnage du chanteur de country Jimmie Rodgers (1897-1933). Le film a beaucoup surpris à sa sortie car Clint Eastwood, alors largement considéré comme un acteur/réalisateur plutôt réactionnaire, y montrait une sensibilité inattendue. Son intérêt pour les personnalités marginales prend ici une forme bien plus humaine que dans ses films précédents. Il s’applique en outre à faire une reconstitution précise et la photographie est assez belle. Il partage la vedette avec son fils Kyle (qui a ensuite eut une carrière plutôt de musicien de jazz que d’acteur) et a tenu à interpréter lui-même les chansons, ce qui est certes honorable mais enlève à la crédibilité de l’ensemble car sa voix manque tout de même de présence. Le propos est profondément ancré dans la civilisation américaine, la marginalité chère à Eastwood se nourrit comme toujours de profondes racines, et il parsème son récit d’éléments en ce sens (comme cette évocation nostalgique du Land Run). Bien qu’assez inégal dans son déroulement, même un peu ennuyeux par moments, le film est bien entendu beaucoup mieux considéré aujourd’hui qu’à sa sortie.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Clint Eastwood, Kyle Eastwood, John McIntire
Voir la fiche du film et la filmographie de Clint Eastwood sur le site IMDB.

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Remarques :
* Lors de la courte scène dans le studio de radio à Tulsa (le meilleur passage, musicalement parlant), Bob Wills (le pape du western-swing) est interprété par Johnny Gimble et parmi les musiciens (les Texas Playboy), on reconnaît Merle Travis, Gordon Terry, Tommy Allsup et le chanteur est Ray Price.
Lors de l’audition au Grand Ole Opry, le chanteur qui précède Clint Eastwood est Porter Wagoner, ceux qui suivent sont Shelly West et David Frizzell. Enfin, le guitariste-chanteur qui prend le relais de Clint Eastwood lors de l’enregistrement du disque à la toute fin est Marty Robbins qui devait décéder quelques semaines plus tard, avant même la sortie du film.

* La course évoquée par le grand-père de Whit est le Land Run de 1889 où plus de 8 000 km2 (soit l’équivalent de 1 à 2 départements français) dans le Territoire de l’Oklahoma, ancien Territoire indien, ont été ouverts à la colonisation. Près de 100 000 colons se sont alignés sur la frontière et un clairon de l’armée à donné le signal de départ d’une course folle. Les villes d’Oklahoma City (aujourd’hui 600 00 habitants) et de Norman (100 000) se sont ainsi créées en une seule journée.
(Cet épisode majeur de la Conquête de l’Ouest a souvent été recréé au cinéma : liste sur IMDB… )

Honkytonk Man
Clint Eastwood et Kyle Eastwood dans Honkytonk Man de Clint Eastwood.

30 décembre 2015

Xenia (2014) de Panos H. Koutras

XeniaA la mort de sa mère, le jeune Dany, à peine 16 ans, part de Crète pour aller retrouver son frère à Athènes. Ensemble, ils partent à Thessalonique dans le nord du pays, à la recherche de leur vrai père qu’ils n’ont qu’à peine connu. Albanais par leur mère, ils voudraient que ce père les reconnaisse afin de bénéficier de la nationalité grecque. Passionnés par la chanson, ils y vont également pour participer à un concours de chant… Xenia, quatrième film du réalisateur grec Panos H. Koutras, est un road-movie initiatique à multiples facettes, au point de paraître un peu fourre-tout : chronique d’adolescence, chronique sociale et politique, conte fantastique, film musical, comédie, mélodrame, le film est un peu tout cela. Il aborde de multiples sujets de société, l’homosexualité, les groupuscules fascistes, l’immigration, les difficultés économiques et bien entendu la complicité entre frères et la recherche du père, le tout saupoudré de références cinématographiques. Si tout cela est pavé de bonnes intentions (Xenia signifie d’ailleurs « hospitalité » en grec), on peut trouver que l’ensemble manque d’équilibre avec des scènes qui s’étirent en longueur. Tout le monde n’est pas de mon avis toutefois puisque Xenia a été plutôt assez bien reçu, surtout en France.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Kostas Nikouli, Nikos Gelia
Voir la fiche du film et la filmographie de Panos H. Koutras sur le site IMDB.

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Xenia
Kostas Nikouli dans Xenia de Panos H. Koutras.

7 mars 2015

Thelma et Louise (1991) de Ridley Scott

Thelma & LouiseThelma et Louise ont décidés de faire une petite escapade ensemble. Elles prennent la voiture pour aller passer un long week-end à la montagne, toutes les deux, libres. Les évènements vont les empêcher d’atteindre leur but… Le scénario de Thelma & Louise a été écrit par Callie Khouri qui serait d’ailleurs partie de l’idée de la scène finale. Le film dresse un portrait assez dur de l’Amérique profonde, primaire et rétrograde, qui accorde si peu de considération aux femmes. Nos deux héroïnes qui, au départ, n’ont qu’un simple désir de liberté, sont entraînées malgré elles dans une fuite en avant. Thelma & Louise est indéniablement un film féministe, il interroge sur la place de la femme dans notre société. Les hommes, violents, primaires et dangereux, ne sont guère montrés à leur avantage. Ridley Scott filme cette histoire de façon assez spectaculaire, il nous gratifie de très beaux plans, avec des grands espaces très photogéniques et des scènes mémorables (voire jubilatoires comme celle du règlement de comptes avec le camionneur). La fin est superbe, indéniablement à classer parmi les plus belles fins de toute l’histoire du cinéma. Elle est d’une grande force évocatrice. La scénariste et Ridley Scott ont du se battre longuement avec les producteurs pour imposer cette fin non hollywoodienne. On peut penser que l’impact d’un film comme Thelma & Louise a dépassé le cadre du cinéma et qu’il fait partie des films qui marquent et peuvent probablement contribuer à l’évolution de notre société.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Susan Sarandon, Geena Davis, Harvey Keitel, Michael Madsen, Stephen Tobolowsky, Brad Pitt
Voir la fiche du film et la filmographie de Ridley Scott sur le site IMDB.

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Thelma & Louise
Susan Sarandon et Geena Davis sont les héroïnes éponymes du film Thelma et Louise de Ridley Scott.

Remarques :
* Ridley Scott a monté une fin alternative plus longue (où la chute se prolonge et qui se termine par un plan symbolique où l’on voit la voiture s’éloigner sur une route poussiéreuse) mais le cinéaste a préféré opter pour la plus courte. La fin alternative est visible sur le DVD (et sur YouTube).

* L’article de Wikipedia sur Thelma & Louise mérite d’être signalé. Son auteur se penche sur les différents aspects du film et, de façon intéressante, sur la façon dont le film a été perçu. Un tel film mérite en effet d’être analysé non pas sur son seul contenu mais, plus encore, sur les réactions qu’il suscite. Par exemple, l’auteur s’interroge sur la perception de la violence : le film a (bizarrement) été considéré comme violent par un grand nombre de personnes, certainement parce que ce sont des femmes qui y tiennent les armes.

Thelma & Louise est le film qui permit à Brad Pitt de sortir vraiment de l’anonymat.

Thelma & Louise
Le selfie le plus célèbre du cinéma.

Thelma & Louise
Note : Intrigué par une petite différence dans les nuages de l’arrière plan, j’ai découvert que l’image ci-dessus qui circule sur le net comme étant une image du film et que j’avais prise pour illustrer ce billet, est en réalité extraite d’une reconstitution minutieuse faite récemment pour une pub (lire ici). Le saut final est effectivement étonnant car vraiment très proche de l’original (avec même l’enjoliveur qui se détache). Pour avoir une telle similitude, ils ne pouvaient pas jeter une voiture dans le vide comme l’avait fait Ridley Scott (le résultat aurait certainement été différent) et donc les ordinateurs sont entrés dans la danse pour incruster la voiture sur un arrière-plan reconstitué à partir de plusieurs centaines de photos (bracketées HDR) prises depuis un hélicoptère…
Je rajoute ci-dessous la vraie image du film :
Thelma et Louise

 

15 février 2015

Les Fraises sauvages (1957) de Ingmar Bergman

Titre original : « Smultronstället »

Les fraises sauvagesLe professeur Borg, âgé de 78 ans, doit recevoir un prix couronnant ses cinquante années en tant de docteur. Il se rend en voiture à l’Université de Lund avec sa belle-fille Marianne. Pendant le trajet, il revit certains éléments de son passé… Ecrit et réalisé par Ingmar Bergman, Les Fraises sauvages fait partie des oeuvres les plus profondes du cinéma. Cet homme qui se sent proche de la mort porte un regard sur sa vie, à la fois par introspection et par le regard des autres, ce qui génère en lui une foule de sentiments variés, parfois contradictoires, qui le désorientent. La forme est aussi enthousiasmante que le fond car Bergman fait preuve d’une remarquable limpidité et d’une grande simplicité dans sa mise en scène ; rien n’est appuyé et pourtant tout est fort. En 1957, Bergman avait déjà une vingtaine de films à son actif mais il n’avait pas encore quarante ans : tant de maturité dans son cinéma et dans son propos qui aborde de nombreux aspects fondamentaux de la vie est assez exceptionnel. C’est d’autant plus étonnant que l’on sait qu’il y a souvent, dans ses films, une certaine identification de Bergman avec son personnage principal. Ce n’est pas un film sombre et amer, comme en témoigne la très belle fin ; la lucidité de son propos le place au-delà de cette simple problématique. Ce n’est pas non plus un film sur la mort, c’est bien plus un film sur la vie, sur ce qui la constitue, sur l’essence-même du passé. Comme j’ai pu personnellement le constater, Les Fraises sauvages est un film que l’on peut voir plusieurs fois, à des moments différents de notre vie, et ressentir différemment. Sa profondeur le permet.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Victor Sjöström, Bibi Andersson, Ingrid Thulin, Gunnar Björnstrand, Max von Sydow
Voir la fiche du film et la filmographie de Ingmar Bergman sur le site IMDB.

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Les Fraises sauvages d'Ingmar Bergman
Ingrid Thulin et Victor Sjöström dans Les Fraises sauvages d’Ingmar Bergman

Remarques :
* Victor Sjöström avait exactement l’âge de son personnage. Rappelons que Victor Sjöström est l’un des plus grands cinéastes du cinéma muet et, à ce titre, l’un des maîtres de Bergman. Ses films sont hélas assez difficiles à voir aujourd’hui. D’abord en Suède, puis à Hollywood entre 1924 et 1930 où il réalisa de grands films (notamment avec Lilian Gish) qui n’eurent jamais le succès qu’ils méritaient, ce cinéaste a toujours fait preuve d’un grand lyrisme dans ses réalisations mais aussi d’inventivité (voir sa filmographie sur IMDB). Les Fraises sauvages est son dernier film en tant qu’acteur puisqu’il est décédé deux ans plus tard.
* La première scène de rêve au début du film est un hommage au très beau film de Victor Sjöström La Charrette fantôme (1921).

30 décembre 2014

Sailor et Lula (1990) de David Lynch

Titre original : « Wild at Heart »

Sailor & LulaLa mère de Lula devient folle de voir sa fille partir en cavale avec Sailor lors de sa permission de sortie de prison. Elle finit par engager des tueurs… Sailor et Lula est adapté d’un roman de Barry Gifford que David Lynch enrichit de son univers pour en faire un road-movie très rock’n’roll, doté d’un certain lyrisme, imprégné de fantastique (et de références au Magicien d’Oz). Le cinéaste sait créer des images fortes, parfois cauchemardesques, frôlant la démesure. Si le film a pu nous ravir à sa sortie, il apparaît moins riche avec le recul, l’histoire semblant complexifiée artificiellement, avec les leitmotivs plutôt insistants, un contenu finalement bien plus pauvre que celui des films ultérieurs de David Lynch. Malgré tout, par son style, Sailor et Lula reste un film assez marquant.
Elle: 2 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Nicolas Cage, Laura Dern, Willem Dafoe, Diane Ladd, Isabella Rossellini, Harry Dean Stanton
Voir la fiche du film et la filmographie de David Lynch sur le site IMDB.
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Remarques :
* Palme d’Or à Cannes en 1990
* Connu pour ses imitations d’Elvis Presley dont il est un grand fan (et dont il épousera brièvement la fille quelque douze ans plus tard), Nicolas Cage chante lui-même dans le film.
* La veste en peau de serpent est celle de Nicolas Cage. L’acteur a demandé à David Lynch s’il pouvait la porter en hommage à Marlon Brando dans The Fugitive Kind (L’homme à la peau de serpent) de Sydney Lumet (1960) d’après Tennessee Williams (qui est soit-dit en passant un cousin éloigné de Diane Ladd).
* Diane Ladd est la mère de Laura Dern dans la vraie vie.
* Sailor & Lula a eu une suite : Perdita Durango du mexicain Álex de la Iglesia avec Javier Bardem.

Sailor & Lula de David Lynch
Laura Dern et Nicolas Cage dans Sailor et Lula de David Lynch.

7 octobre 2014

Flesh and Bone (1993) de Steve Kloves

Flesh and BoneJeune garçon, Arliss est témoin du meurtre par son père d’une famille entière dans une ferme isolée du Texas. Trente ans plus tard, alors qu’il parcourt les routes pour réalimenter les distributeurs placés dans les stations service et les bars, il fait la rencontre Kay, une jeune femme un peu paumée…
Ecrit et réalisé par Steve Kloves, Flesh and Bone nous immerge dans les grands espaces du sud profond des Etats-Unis. Le film est à la fois un road-movie, un thriller ou encore un film intimiste. C’est surtout un film d’atmosphère qui fait indéniablement montre d’un certain style. A l’errance des personnages répondent la simplicité et l’immensité des décors. Dennis Quaid et Meg Ryan sont des acteurs que l’on est habitué à voir dans des rôles plus légers et pourtant, ici, ils parviennent bien à restituer l’épaisseur de leur personnage. Le résultat est ainsi un mélange assez subtil d’intensité dramatique et de charme. Au regard de ses qualités, Flesh and Bone est trop peu connu.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Dennis Quaid, Meg Ryan, James Caan, Gwyneth Paltrow
Voir la fiche du film et la filmographie de Steve Kloves sur le site IMDB.

Remarques :
* Steve Kloves n’a réalisé que deux films. Le premier est Susie et les Baker Boys (1989) avec Michelle Pfeiffer et Jeff Bridges et le second est ce Flesh and Bone quatre ans plus tard. Par la suite, Steve Kloves, qui a débuté comme scénariste, écrira l’adaptation des premiers Harry Potter.
* Meg Ryan et Dennis Quaid étaient alors mari et femme. C’est leur troisième film ensemble.

Flesh and BoneMeg Ryan et Dennis Quaid dans Flesh and Bone de Steve Kloves.

22 février 2012

Le dernier voyage de Tanya (2010) de Aleksei Fedorchenko

Titre original : « Ovsyanki »

Le dernier voyage de TanyaDans un village au bord de la Volga en Russie, Aist est photographe dans une usine de papier. Il est aussi mémorialiste d’un peuple oublié d’origine finnoise dont il fait partie : les Mériens. Son patron lui demande de l’accompagner pour aller incinérer sa femme qui vient de mourir. Il désire l’emmener sur les lieux de leur lune de miel… Le dernier voyage de Tanya est un film à nul autre pareil. Il est étrange tout d’abord par son sujet, ces Mériens dont certainement bien peu de gens connaissaient l’existence : bien qu’ils se soient totalement intégrés dans la société slave, ils ont gardé certaines croyances, certaines coutumes dont beaucoup sont liées à l’eau qui est l’aboutissement ultime, le lieu de la mort, le passage vers un autre monde (1). L’eau est aussi un lieu de passage pour les vivants : les ponts ont une certaine présence dans le film depuis ce pont ondulant posé sur des boudins flottants au début de film jusqu’au pont ultime de la fin (belle métaphore aussi avec cette magnifique vue de nuit sur le pont de la grande ville, gorgé de véhicules alors qu’ils viennent de rencontrer des deux prostituées). Nos deux personnages parlent peu mais agissent avec sureté. Ils font le voyage avec deux petits oiseaux en cage qui les symbolisent, ce sont leur double en quelque sorte.

Le dernier voyage de Tanya est aussi particulier par son traitement. Pour mieux nous faire pénétrer cette Russie imprégnée de la mémoire des peuples qui la composent, le réalisateur filme des plans empreints de mélancolie, de vastes étendues qui font écho au silence des personnages. Aleksei Fedorchenko utilise merveilleusement les profondeurs de champ courtes, créant le flou soit par la focale elle-même, soit par une légère brume naturelle. Certains plans sont très graphiques (ah, ce plan sur le lac où passe sur la rive un interminable train qui crée une bordure mouvante en haut de l’image !) La musique, souvent discrète, participe à la mélancolie qui se dégage du film. Le dernier voyage de Tanya est autant un film beau et poétique qu’une réflexion sur notre acceptation de la mort.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Igor Sergeev, Yuriy Tsurilo, Yuliya Aug
Voir la fiche du film et la filmographie de Aleksei Fedorchenko sur le site IMDB.

Remarques :
* Le titre original du film Ovsyanki, signifie en russe « bruant », un petit passereau très répandu en Russie.
* Le dernier voyage de Tanya est le troisième film d’Aleksei Fedorchenko (44 ans) mais le premier distribué en France.
* La région où se déroule film est aux environs de Nizhny Novgorod, ville située à 300 kms à l’est de Moscou, au bord de la Volga : voir sur Google Maps (la zone où les Mériens sont implantés suit la Volga vers le nord-ouest jusque Yaroslav et le grand lac 300 kms au nord de Moscou).

(1) Etonnante scène où nous voyons dans un flash-back le père de Aist, poète qui ayant décidé de ne plus écrire, se débarrasse de sa machine à écrire, non pas en la jetant simplement, mais en allant sur au milieu de la Volga gelée, y faire avec grande difficulté un trou dans la glace pour y jeter sa machine au fond de l’eau.

5 janvier 2012

Macadam à deux voies (1971) de Monte Hellman

Titre original : « Two-Lane Blacktop »

Macadam à deux voiesAu volant d’une vieille Chevrolet au moteur surgonflé, un conducteur et son ami mécanicien traversent les Etats-Unis. Peu loquaces, ils sont passionnés par leur machine et participent à des courses sauvages pour gagner un peu d’argent. Ils font la rencontre d’un quarantenaire affabulateur au volant d’une Pontiac GTO neuve et décident que le premier arrivé à Washington DC gagnera la voiture de l’autre… Macadam à deux voies est un film hors-normes. Ce n’est pas franchement un film sur une course à travers les Etats-Unis, même si les voitures y tiennent une grande place. C’est plutôt un road-movie, étrangement taciturne, curieux mais finalement attirant. Les deux acteurs principaux ne sont pas des acteurs : le conducteur est interprété par le chanteur James Taylor et son mécanicien par Dennis Wilson, le batteur des Beach Boys. Ils n’ont (heureusement) que peu de textes mais il se dégage de leurs personnages quelque chose d’assez indéfinissable qui les rend attachants. Ces quatre personnages (une jeune fille s’invite de la partie) sont sans attache, engagés avec détermination dans une fuite en avant sans but, comme hors du temps, hors du monde. Tourné avec un bon budget, Two-Lane Blacktop fut un fiasco à l’époque, déroutant public et critiques. Il n’est ressorti que récemment et avec le recul, il apparaît comme un certain reflet de la société du début des années soixante-dix, soulignant un certain manque de but après avoir acquis une nouvelle liberté. En tous cas, la fin du film est à classer parmi les plus étranges de l’Histoire du cinéma…
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: James Taylor, Warren Oates, Laurie Bird, Dennis Wilson
Voir la fiche du film et la filmographie de Monte Hellman sur le site IMDB.

Remarques :
* Macadam à deux voies est le seul long métrage tourné par James Taylor et par Dennis Wilson.
* Après Macadam à deux voies, Laurie Bird n’a tourné que deux longs métrages, dont Annie Hall de Woody Allen où elle joue la petite amie du personnage joué par Paul Simon (Tony Lacey). Elle était alors dans la vraie vie la petite amie d’Art Garfunkel. Elle s’est suicidée deux ans plus tard à l’âge de 25 ans. Art Garfunkel lui a dédicacé son album Scissors Cut.
* On remarquera la présence d’Harry Dean Stanton dans un petit rôle d’auto-stoppeur entreprenant.
* La ressortie du film en DVD aurait été bloquée pendant un certain temps à cause d’un problème de droits sur une musique des Doors qui passe en arrière-plan.