6 janvier 2014

L’Énigme du Chicago Express (1952) de Richard Fleischer

Titre original : « The Narrow Margin »
Autre titre (Belgique) : « Les Tueurs du Pacific-Express »

L'énigme du Chicago ExpressDeux policiers sont chargés d’escorter la jeune veuve d’un gangster en train, de Chicago à Los Angeles où elle doit témoigner dans un important procès. Des tueurs ont été lancés à ses trousses… Sur une histoire écrite par Martin Goldsmith et Jack Leonard, L’Énigme du Chicago Express (The Narrow Margin) a été mis sur pied comme une série B mais le résultat dépasse largement le simple film de genre. Tourné en seulement treize jours avec un budget très serré, le film démontre la virtuosité de Richard Fleisher. La grande majorité des quelque 1h10 se déroulent à bord d’un train et le cinéaste s’est montré particulièrement inventif pour filmer dans un décor si exigu : il utilise une caméra portée, c’est-à-dire tenue à la main par l’opérateur, ce qui en fait l’un des premiers films à utiliser cette façon de filmer. Le décor était fixe et c’est le mouvement de la caméra qui simule les balancements du train. Cette grande mobilité lui permet surtout de suivre les personnages dans les couloirs, les compartiments, le wagon-restaurant, ce qui décuple l’effet du jeu du chat et de la souris. Les Tueurs du Pacific Express Dès les premières minutes, la tension est constante ; il n’y a aucun temps mort. Le suspense nous capte et ne nous lâche plus. En outre, le film de Fleisher nous offre une réflexion sur le rôle du policier dans le cadre de cette lutte contre le crime organisé. Son héros est un policier quelque peu désabusé, qui se pose des questions, en partie déstabilisé par la perspective d’une « mort pour rien ». Ceci apporte non seulement un certain réalisme au film mais aussi une grande noirceur. L’Énigme du Chicago Express connut un grand succès à sa sortie.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Charles McGraw, Marie Windsor, Jacqueline White
Voir la fiche du film et la filmographie de Richard Fleischer sur le site IMDB.

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Remarques :
* Tourné en 1950, L’Énigme du Chicago Express n’est sorti que deux ans plus tard. Entre temps, il aurait « trainé » sur le bureau d’Howard Hughes, l’excentrique patron de la RKO, qui désirait le voir après en avoir entendu parler en bien mais l’aurait oublié. Après l’avoir enfin visionné, il aurait proposé à Richard Fleisher de le refaire avec un budget plus important et des acteurs de premier plan mais le cinéaste était passé à autre chose entre temps et sous d’autres cieux puisque The Narrow Margin est son dernier film pour la RKO.

* Autres films se déroulant entièrement dans un train (avant 1952) :
Une femme disparait (The Lady Vanishes), film anglais d’Alfred Hitchcock (1938)
Le Grand Attentat (The Tall Target) d’Anthony Mann (1951) qui fut tourné après The Narrow Margin mais sortit avant lui.

Remake :
Le Seul Témoin (Narrow Margin) de Peter Hyams (1990) avec Gene Hackman, remake à gros budget mais sans saveur.

20 décembre 2013

Nightfall (1957) de Jacques Tourneur

NightfallJames Vanning entre dans un bar et y fait la rencontre de Marie Gardner mais, à la sortie, deux hommes le recherchent et le conduisent dans un lieu isolé pour le faire parler… Nightfall est adapté d’un roman policier de David Goodis. L’histoire, finalement assez simple, est très bien amenée car elle ne se dévoile que peu à peu. On peut faire le parallèle avec Out of the Past que Tourneur a réalisé presque dix ans plus tôt car le héros est lui aussi victime de son passé et la construction comporte plusieurs flashbacks. Aldo Ray n’est toutefois pas Robert Mitchum mais, si son interprétation est plus simple, elle est aussi plus naturelle et apporte une forte authenticité à l’ensemble. Le film est tourné en noir et blanc et, de manière assez inhabituelle pour un film noir, comporte de nombreuses scènes en extérieurs, dans la neige qui plus est. Certains plans sont assez remarquables, le plus beau étant indéniablement le face à face des deux malfrats par la fenêtre de la cabane, l’un des plus beaux exemples de « cadre dans le cadre » qui soient. Nightfall est un film certes peu spectaculaire mais joliment tourné, sans temps mort, assez prenant. Nightfall n’est jamais sorti dans les salles en France. Il est, assez injustement, l’un des films les moins connus de Jacques Tourneur.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Aldo Ray, Brian Keith, Anne Bancroft, James Gregory, Frank Albertson, Rudy Bond, Jocelyn Brando
Voir la fiche du film et la filmographie de Jacques Tourneur sur le site IMDB.

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Voir l’analyse du film par François-Olivier Lefèvre sur le site DVD Classik

Remarques :
* Avant de tourner Pulp Fiction, Quentin Tarantino a montré Nightfall à Bruce Willis en lui recommandant de s’inspirer d’Aldo Ray pour interpréter son personnage.
* Les scènes dans la neige peuvent nous faire penser à Fargo. Les Frères Coen ont certainement vu Nightfall avant de tourner leur film.
* Jocelyn Brando (qui interprète la femme de l’enquêteur) est la sœur aînée de Marlon Bando.

11 décembre 2013

Les Misérables (1934) de Raymond Bernard

Partie 1 : « Une tempête sous un crâne » (1h50)
Partie 2 : « Les Thénardier » (1h25)
Partie 3 : « Liberté, liberté chérie… » (1h26)

Les misérablesAprès 19 ans de bagne pour avoir volé une miche de pain, le forçat Jean Valjean est libéré et part de Toulon pour rejoindre Pontarlier. Arrivé dans la ville de Digne, toutes les portes se referment devant lui et seul Monseigneur Myriel accepte de l’héberger pour la nuit… Le grand roman humaniste de Victor Hugo a été porté de multiples fois à l’écran mais les adaptations vraiment remarquables se comptent sur les doigts d’une main. L’ampleur du roman et le nombre de personnages rend en effet l’entreprise délicate. Les Misérables de François Bernard est assez souvent considérée comme étant la meilleure. Avec celle d’Henri Frescourt (muet, 1925), c’est aussi la plus complète et la plus fidèle. Elle a bénéficié d’un budget très important ce qui témoigne de la vitalité du cinéma français des années trente. Raymond Bernard a su trouver le ton juste, évitant de se laisser emporter par le souffle de l’oeuvre. Il ne tombe jamais dans l’excès ou dans la grandiloquence. Il a su aussi parfaitement choisir ses comédiens et les faire jouer avec mesure. Harry Baur est monumental dans le rôle de Jean Valjean mais sans éclipser les autres personnages ; tous les rôles sont remarquablement tenus. Les décors sont nombreux et soignés, la photographie est assez belle, très contrastée mais, sur le plan de la forme, ce qui surprend le plus est l’utilisation fréquente des cadrages obliques.Les misérablesLes misérables On peut certainement y voir là une certaine influence des expressionnistes allemands mais cela dénote aussi d’une belle inventivité et même d’une certaine audace. Dans le même ordre d’idées, les scènes de barricades en « caméra à l’épaule » (1) sont assez étonnantes. Les Misérables de Raymond Bernard est une très belle adaptation qui sait restituer l’ampleur et la force du roman de Victor Hugo.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Harry Baur, Charles Vanel, Charles Dullin, Émile Genevois, Orane Demazis, Florelle, Josseline Gaël, Marguerite Moreno
Voir la fiche du film et la filmographie de Raymond Bernard sur le site IMDB.

Remarques :
* Comme le dit très justement Jacques Lourcelles : « L’adaptation des Misérables de Raymond Bernard est un film d’honnête homme et d’humaniste. Il ne vise jamais plus haut que ce qu’il peut atteindre et atteint dès lors presque toujours son but. »
* A lire sur le site de la Cinémathèque, le compte-rendu de la première au Marignan par Max Mate dans le numéro de février 1934 de Ciné-Magazine (c’est à la page 14, soit la page 9 du PDF). Pathé-Natan avait organisé un dîner de presse de 1000 couverts avec trois orchestres!
Les misérables* Le film fut très longtemps exploité en deux parties ( 1 « Jean Valjean » et 2 « Cosette ») pour une durée totale de 3h20 au lieu des 4h40 initiales.
* La révolte populaire décrite par Victor Hugo est l’insurrection républicaine de 1832, tentative de renversement de la Monarchie de Juillet. Les obsèques sont celles du Général Lamarque, grande figure du parti républicain. Le roi Louis-Philippe n’abdiquera que 16 ans plus tard lors de la Révolution de 1848.
* Le personnage de Marius est, selon les propres dires de l’écrivain, inspiré de la vie de Victor Hugo lui-même.
* Principaux passages du livre absents de cette adaptation :
1. La bataille de Waterloo.
2. Les années où Jean Valjean et Cosette vivent au couvent du Petit Picpus.
3. L’évasion de prison de Thénardier et ses nouvelles tentatives d’assassinat et autres fourberies.

Les grandes adaptations du roman de Victor Hugo :
Les Misérables d’Albert Capellani (1912), en 2 films pour une durée totale de 2h20
Les Misérables d’Henri Frescourt (1925) en quatre parties (muet, 8h30)
Les Misérables de Raymond Bernard (1934) en trois parties (4h40)
Les Misérables (I Miserabili) de Riccardo Freda (Italie, 1948) en deux parties (3h10), sorti en France en version raccourcie en 1952 sous le titre L’évadé du bagne (1h50).

Autres adaptations (liste incomplète) :
Les Misérables de Richard Boleslawski (USA, 1935) avec Fredric March
Les Misérables (La Vie de Jean Valjean) de Lewis Milestone (USA, 1952) avec Michael Rennie
Les Misérables de Jean-Paul Le Chanois (1958) avec Jean Gabin et Bernard Blier
Les Misérables de Glenn Jordan (UK TV, 1978) avec Richard Jordan et Anthony Perkins
Les Misérables de Robert Hossein (1982) avec Lino Ventura et Michel Bouquet
Les Misérables de Claude Lelouch (1995) avec Jean-Paul Belmondo
Les Misérables de Bille August (USA, 1998) avec Liam Neeson et Uma Thurman
Les Misérables de Tom Hooper (USA, 2012) avec Hugh Jackman et Rusell Crowe

(1) Vu le poids des caméras, il était bien entendu impossible de mettre une caméra sur son épaule à cette époque…

7 décembre 2013

Monsieur Personne (1936) de Christian-Jaque

Monsieur PersonneUne série de cambriolages de haut vol met la police sur les dents. Le coupable reste insaisissable, à tel point qu’on le surnomme Monsieur Personne. Lorsque Josette Verneau, une jeune femme du monde, admet à ses invités qu’elle trouve que l’homme a du panache, elle ignore qu’il va se glisser parmi ses invités… Monsieur Personne est adapté d’un roman de Marcel Allain, écrivain français qui a créé avec Pierre Souvestre le personnage de Fantômas. Il n’est donc pas étonnant que les méthodes adoptées par ce gentleman cambrioleur pour commettre ses méfaits soient assez élaborées. Elles sont aussi raffinées et, en outre, sa galanterie envers les femmes rappelle Arsène Lupin, le film pouvant être considéré comme un pastiche doté de beaucoup d’humour. Jules Berry s’en donne à coeur joie pour interpréter ce personnage brillant et charmeur. Sans être un grand film, Monsieur Personne se regarde avec plaisir.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Jules Berry, Josseline Gaël, Henri Marchand, Georges Tourreil, André Berley
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Remarques :
* A cette époque, Christian-Jaque tournait environ cinq à six films par an (souvent des vaudevilles). Monsieur Personne est l’un des plus importants de ses débuts.
* Christian-Jaque ayant débuté sa carrière comme décorateur, les décors sont bien évidemment soignés, même s’ils sont peu nombreux.

8 novembre 2013

L.627 (1992) de Bertrand Tavernier

L.627Lucien est enquêteur de police, un policier de terrain qui fait son métier avec passion. Muté à la suite d’une insubordination, il est affecté à une petite brigade chargé d’arrêter les dealers de drogue en flagrant délit… L.627 est un film étonnant, à la fois très proche du documentaire mais également solidement écrit, joué et interprété. Bertrand Tavernier en a écrit le scénario avec Michel Alexandre, lui-même ancien policier. Le film dresse ainsi un portrait très réaliste des conditions de travail vraiment précaires dans lesquelles les policiers doivent travailler, les astuces dont ils doivent faire preuve, leurs rapports avec les indics. S’il montre essentiellement les scènes vues du côté des policiers, L.627 laisse entrevoir l’environnement social des petits trafiquants. L’interprétation de Didier Bezace est très solide dans son jeu, bien soutenu par les seconds rôles, Philippe Torreton en tête. Tavernier a volontairement écarté tous les clichés du film policier, tant sur le fond que sur la forme, et trouvé ainsi un style nouveau qui est propre au film, empreint de réalisme, tout en énergie.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Didier Bezace, Philippe Torreton, Jean-Paul Comart, Charlotte Kady, Jean-Roger Milo
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Remarques :
* L.627 désigne un article du Code de la Santé publique français qui prévoit les sanctions pénales liées à la drogue.
* Si L.627 a été son premier scénario, Michel Alexandre a ensuite continué dans ce domaine pour faire une belle carrière de scénariste, réalisateur et maintenant producteur.

4 novembre 2013

Qui a tué Vicky Lynn? (1941) de H. Bruce Humberstone

Titre original : « I Wake Up Screaming »
Autre titre (UK) : « Hot Spot »

Qui a tué Vicky Lynn?Une jeune femme qui posait pour des magazines vient d’être assassinée. La police interroge de façon serrée l’homme qui l’avait découverte comme serveuse dans un restaurant et qui était devenu son agent. Le fait que la jeune modèle fut sur le point de quitter New York pour tenter sa chance à Hollywood laisse devenir le mobile… I Wake Up Screaming est un film remarquable (digne d’être remarqué) à plus d’un titre : tout d’abord, c’est un film noir de 1941 donc l’un des tous premiers dans cette décennie qui fut royale pour le genre. Ensuite, la structure du récit en plusieurs flashbacks non chronologiques et les brusques changements de ton préfigurent de façon étonnante ce que sera un film comme Laura quelques années plus tard. La photographie est elle aussi remarquable, l’utilisation de la lumière, les cadrages, les mouvements de caméra sont assez innovants ; on pourrait voir là l’influence de Citizen Kane mais le film de Welles n’est sorti que quelques mois auparavant. Enfin, le jeu des acteurs est solide avec un Victor Mature charmeur, une Betty Grable Qui a tué Vicky Lynn? (qui n’était pas encore devenue la pinup préférée des GI) dans un environnement assez inhabituel pour elle et surtout l’imposant et impressionnant Laird Cregar, sorte de Sydney Greenstreet dix fois plus inquiétant, acteur dont la carrière sera hélas très courte (1). Pour couronner le tout, l’histoire est assez originale, assez inattendue. I Wake Up Screaming est bel et bien un film remarquable.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Betty Grable, Victor Mature, Carole Landis, Laird Cregar, William Gargan, Alan Mowbray, Elisha Cook Jr.
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Remarques :
* La bande sonore utilise de façon étonnante la musique de Somewhere over the rainbow (du Magicien d’Oz) à plusieurs reprises, de façon sans doute un peu insistante. On remarquera aussi l’utilisation de la musique du générique pour entrer dans les flashbacks.
* Le scénario de I Wake Up Screaming est basé sur le roman Vicky de Steve Fisher, un auteur connu pour ses pulp stories. L’adaptation est signée Dwight Taylor.
* Le titre prévu était Hot Spot. Il fut changé au dernier moment pour I Wake up screaming. Le titre original est toutefois resté pour la version diffusée en Grande Bretagne.

(1) Laird Cregar décédera d’une crise cardiaque à la fin de 1944. Il avait alors 31 ans. Il a figuré dans seulement 16 films, entre 1940 et 1944.

28 septembre 2013

Adieu, ma belle (1944) de Edward Dmytryk

Titre original : « Murder, My Sweet »
Autre titre : « Farewell, My Lovely » (UK)
Autre titre français : « Adieu ma jolie »
Autre titre français : « Le crime vient à la fin »

Adieu, ma belleLe détective Philip Marlowe est interrogé par la police. Blessé, il porte un bandage sur les yeux. Il raconte que tout a commencé lorsqu’un homme récemment sorti de prison lui a demandé de retrouver une femme… Adieu, ma belle est l’adaptation du deuxième roman policier de Raymond Chandler qui avait déjà servi de base à The Falcon Takes Over, deux ans auparavant. Cette fois, l’idée est de rester très proche du roman et de son univers. Edward Dmytryk y parvient merveilleusement. Tout d’abord, il prend soin à créer une atmosphère en soignant ses éclairages (1) et surtout il restitue ce sentiment de faire corps avec le détective : en plaçant tout le film dans un flashback et en faisant parler Marlowe en voix-off, il est ainsi très proche de l’esprit du roman qui est écrit à la première personne. Adieu, ma belle De plus, Dick Powell rend le détective très humain : il est notamment beaucoup plus fragile que ne le sera Bogart. L’histoire est bien entendu assez alambiquée, et si elle présente de petits points communs avec The Big Sleep et même The High Window (ses 1er et 3e romans), ce sont les thèmes récurrents des romans de Chandler. On remarquera les scènes hallucinogènes, fort bien rendues. Adieu, ma belle est aujourd’hui un peu dans l’ombre du Grand Sommeil de Hawks mais le film n’en est pas moins une superbe adaptation et mérite bien d’être classé parmi les meilleurs films noirs.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Dick Powell, Claire Trevor, Anne Shirley, Otto Kruger, Mike Mazurki
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Remarques :
* Raymond Chandler a déclaré que Murder, My Sweet était la meilleure adaptation cinématographique d’un de ses romans et que Dick Powell était l’incarnation la plus fidèle de son détective Philip Marlowe.
* Le titre du roman de Chandler, Farewell, My Lovely, n’a pas été conservé par la RKO pour le film : le public américain pouvait penser avoir affaire à une comédie musicale, genre dans lequel Dick Powell s’était déjà illustré.
* Connu pour ses comédies, Dick Powell désirait changer de registre : RKO l’avait mis sous contrat pour qu’il tourne des comédies musicales et Dick Powell n’avait accepté que s’il avait la possibilité de d’avoir un rôle dramatique dans au moins un film.
* Murder, My Sweet est le premier film où apparaît le personnage Philip Marlowe (le personnage principal de la précédente adaptation du roman était The Falcon, justicier/enquêteur d’une série de films de la RKO).

Adaptation précédente :
The Falcon Takes Over d’Irving Reis (1942) avec Georges Sanders
Adaptation suivante :
Adieu, ma jolie (Farewell, My Lovely) de Dick Richards (1975) avec Robert Mitchum et Charlotte Rampling

(1) En matière d’éclairage, la scène où Marlowe voit son visiteur en reflet sur sa fenêtre est assez remarquable (à noter qu’Edward Dmytryk a obtenu l’effet en plaçant une vitre entre la caméra et la fenêtre afin d’avoir une tête suffisamment grande pour faire son effet). Tout aussi remarquable à mes yeux est cette scène où Claire Trevor éteint la lumière après avoir passé une robe de chambre : elle se retrouve alors plus éclairée qu’avant et pourtant cela paraît naturel (l’éclairage est alors très focalisé sur elle).

26 septembre 2013

Mains armées (2012) de Pierre Jolivet

Mains arméesPour remonter un trafic d’armes volées par un gang serbe, un policier marseillais monte à Paris avec son équipe. Il profite de cette occasion pour essayer de revoir sa fille qui est à la brigade des stups parisienne… Ecrit par Pierre Jolivet et Simon Michaël, lui-même ancien policier, Mains armées tente de mêler intrigue policière et drame familial mais, hélas, sans parvenir à trouver un bon équilibre. La partie policière est assez confuse dans son déroulement et c’est donc le volet drame intimiste entre le père et la fille qui semble le plus réussi bien qu’il occupe moins de place. Solidement interprété par Roschdy Zem, le policier a un caractère bourru et renfermé très appuyé, de façon sans doute un peu excessive. Leïla Bekhti fait une belle interprétation tout comme Marc Lavoine, ici à contre emploi dans un rôle de personnage assez détestable. Malgré le rendu très réaliste de la partie policière, Mains armées ne parvient pas à convaincre pleinement.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Roschdy Zem, Leïla Bekhti, Marc Lavoine, Nicolas Marié, Marilyne Canto, Cyril Guei, Clémentine Poidatz
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18 septembre 2013

Le Témoin (1978) de Jean-Pierre Mocky

Le témoinRobert Maurisson, un notable de Reims, fait venir son ami Antonio d’Italie pour restaurer les peintures d’une chapelle. Ce dernier va être, bien malgré lui, le témoin d’une affaire plutôt sordide… Adapté d’un roman d’Harrisson Jude, Le Témoin met en scène la grande bourgeoisie de province dans une histoire criminelle. L’esprit peut ainsi évoquer les films de Chabrol mais le style est ici plus brut. Mocky caricature légèrement, mais pour une fois sans excès, leurs moeurs dépravées et leur esprit de corps. La progression de l’histoire est bien contrôlée : si le ton est plutôt léger en début de film, la tension monte peu à peu et le malaise s’installe. Le film de Mocky est également un plaidoyer contre la peine de mort dont les conséquences brutales sont ici montrées assez sèchement. Noiret et Sordi sont tous deux remarquables, chacun étant, il est vrai, dans un rôle qui lui va comme un gant. En regardant Le Témoin aujourd’hui, on se demande bien pourquoi le film a été quelque peu éreinté par la critique à sa sortie. Il est maintenant considéré plus généralement (et à juste titre) comme faisant partie des meilleurs films de Jean-Pierre Mocky.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Alberto Sordi, Philippe Noiret, Roland Dubillard, Paul Crauchet
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Remarque :
Initialement, c’est Jean Gabin qui devait jouer le rôle du témoin. Le décès de l’acteur a rendu ce projet impossible. Le film aurait certainement été très différent car, si Alberto Sordi sait donner l’impression d’être sous l’emprise de Noiret, on imagine difficilement ce type de relation avec Gabin.

Homonyme :
Le Témoin (Il testimone) de Pietro Germi (1946)

25 mai 2013

Le baiser du tueur (1955) de Stanley Kubrick

Titre original : « Killer’s Kiss »

Le baiser du tueurEn attendant de prendre le train qui va l’emmener loin de New York, un homme se remémore les évènements des trois derniers jours, comment il s’est mis « dans un sacré pétrin »… Alors âgé de 27 ans, Stanley Kubrick a tourné Le baiser du tueur avec un budget extrêmement réduit, filmant de façon quasiment clandestine dans les rues, tout en décors naturels dans un esprit proche de la Nouvelle Vague. Il en a écrit lui-même le scénario en s’inspirant du climat des livres policiers de Mickey Spillane. Le film n’est pas sans défaut : l’histoire est tout de même assez faible, la direction d’acteurs reste rudimentaire et la postsynchronisation enlève beaucoup de naturel. Toutefois, le film porte en lui beaucoup d’inventivité dans les plans et de soin à leur mise en place, préfigurant ainsi les films futurs du cinéaste. Certaines scènes sont remarquables : le combat de boxe est vraiment étonnant par les multiples angles de caméra et la scène de bagarre dans l’entrepôt de mannequins est une belle trouvaille.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Frank Silvera, Jamie Smith, Irene Kane
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Remarques :
* Ayant utilisé un magnétophone non professionnel, Kubrick a été forcé de postsynchroniser bruitages et dialogues. L’actrice Irene Kane n’étant alors plus disponible, c’est la voix d’une autre actrice, Peggy Lobin, que l’on entend.
* La ballerine est interprétée par Ruth Sobotka qui est la soeur d’Irene Kane également dans la vie réelle. A noter que cette scène constitue un second niveau de flashback, procédé plutôt rare alors.